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Grands principes de l’antibioprophylaxie
L’ABP s’appuie de nos jours sur quelques grands principes(6) :
– La molécule à administrer doit être choisie en tenant compte du site opératoire, des allergies ou comorbidités du patient ainsi que d’une éventuelle colonisation préalable ou d’une antibiothérapie récente. En effet, il est essentiel de choisir une molécule dont le spectre contiendra les principales bactéries retrouvées dans la zone opératoire, et dont les propriétés pharmacocinétiques permettent une bonne diffusion dans les organes et tissus cibles et ce dès l’incision(7). Il est important que le protocole d’antibioprophylaxie soit fixé dès la consultation pré-anesthésie tant que possible.
– L’ABP s’applique uniquement pour les chirurgies classe I (chirurgie propre) et II (chirurgie propre contaminée) d’Altemeier. Les classes III (chirurgie contaminée) et IV (chirurgie sale) relèvent d’une antibiothérapie curative.
– L’ABP doit être administrée au moins 30 minutes avant l’incision chirurgicale, de nombreuses études ont été publiées sur ce sujet afin de déterminer quel serait le timing idéal avant incision. Nombre d’entre elles s’accordent sur le fait qu’une antibioprophylaxie préopératoire précoce diminue l’incidence des ISO (8)(9). Une étude récente de grand effectif retrouve une relation non linéaire entre de délai de l’ABP et le risque d’ISO(10), des résultats similaires étaient retrouvés dans une étude antérieure(11). Weber et al. (Lancet 2017) ne retrouve pas de réduction significative du risque d’ISO en cas d’administration précoce contre administration tardive(12). Une publication souligne les difficultés d’interprétation des données lorsque le délai avant incision est retenu comme critère de jugement principal et propose une approche d’analyse systématique(13). En France, il est actuellement recommandé une administration 30 à 60 minutes avant incision(1).
– La durée de prescription de l’ABP doit dans la grande majorité des cas être de moins de 24h et ne doit jamais dépasser les 48h, au-delà il s’agit d’une antibiothérapie curative et les modalités sont donc différentes.
– La dose initiale dite de charge est généralement le double de la dose usuelle. Dans le cadre de la chirurgie bariatrique où les patients ont des indices de masse corporelle élevés, la dose de charge devra encore être doublée(1).
– Des réinjections per-opératoire peuvent être nécessaires en fonction de la durée du geste chirurgical. Le délai avant réinjection sera fonction de la demi-vie de la molécule antibiotique concernée (deux demi-vies).
– La pratique de l’ABP doit être guidée par des protocoles locaux, écrits et validés de manière collégiale entre médecins anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens, infectiologues, microbiologistes et pharmaciens hospitaliers. Ils doivent faire l’objet d’actualisations régulières en fonction des avancées scientifiques ou de la modification de l’écologie microbiologique locale. Enfin, une attention sera portée à l’aspect économique en choisissant les molécules antibiotiques les moins couteuses pour un même spectre d’activité.
Les ISO et leur impact en santé publique
Les infections du site opératoire sont définies par une adaptation française des critères établis par les Centers for Disease Control and Prevention en 1992 aux États-Unis(14). Sont considérées comme ISO les infections survenant dans les 30 jours suivant la chirurgie, ou, s’il y a mise en place de matériel comme d’une prothèse ou d’un implant, dans l’année suivant l’intervention.
Trois types d’ISO sont décrites en fonction de la profondeur de l’infection : les infections de plaies superficielles, les infections de plaies profondes et les infections d’organe ou de cavité.
Les critères diagnostiques incluent des critères cliniques tels que la présence de pus ou des signes d’inflammation locale et une éventuelle documentation microbiologique. Cependant le diagnostic peut aussi être porté à la seule appréciation du chirurgien.
Concernant la physiopathologie des ISO, les germes sont dans la plupart du temps inoculés au cours du geste opératoire et peuvent provenir de la peau ou des muqueuses de la zone concernée par la chirurgie (système digestif, voies urogénitales…) ou encore d’un foyer infectieux à distance. Une contamination d’origine exogène est aussi possible avec comme source le personnel médico-chirurgical, les instruments ou encore l’environnement du bloc opératoire. Ce type de contamination reste cependant beaucoup moins fréquent.
Enfin, par voie hématogène, une infection de matériel étranger peut se produire n’importe quand tant que ce dernier est en place dans le corps du patient avec comme manifestation clinique locale une inflammation ou une suppuration de la cicatrice.
Des facteurs de risque d’infection du site opératoire ont été identifiés et ont permis l’élaboration d’un score, le NNIS (National Nosocomial Infection Surveillance) risk index. Ce score prend en compte différents facteurs propres au patient ou à la chirurgie elle-même et stratifie le risque en quatre niveaux (de 0 à 3 points, cf. figure ci-dessous).
Recueil des données
Nous avons mené une étude observationnelle puis interventionnelle, rétrospective, mono-centrique au bloc central de l’hôpital de la Conception à Marseille.
Le recueil a été effectué en deux temps, une première période entre Janvier 2021 et Avril 2021 puis une deuxième en Septembre 2021.
A chaque période, 60 patients étaient inclus en fonction de la présence sur site de l’investigateur principal. Les 60 patients étaient répartis par secteur d’activité et 20 patients étaient inclus pour chacun d’entre eux.
1. Chirurgie urologique : 20 patients par période.
2. Chirurgie endocrinienne, bariatrique et chirurgie plastique : 20 patients par période.
3. Chirurgie oto-rhino-laryngologique et maxillo-faciale : 20 patients par période.
Étaient inclus de manière aléatoire en fonction de la présence de l’investigateur principal sur site tous les patients opérés pour un geste chirurgical nécessitant une antibioprophylaxie d’après les recommandations SFAR(1), de manière programmée.
Les données recueillies étaient pour chaque patient :
– A partir du dossier patient informatisé (DPI) sur Axigate® : le numéro de séjour, l’âge, le sexe, les comorbidités et allergies, les informations de la consultation d’anesthésie, la notion d’une infection récente ou d’une colonisation (rapport écrit dans le DPI ou prélèvement bactériologique positif)
– A partir de la feuille d’anesthésie per-opératoire (format papier prise en photo et sauvegardée sur un disque dur externe personnel) : l’heure d’incision, l’heure d’administration de l’antibioprophylaxie, la molécule administrée et sa posologie et les éventuelles réinjections avec leur posologie et leur horaire.
– A partir du logiciel de prescription Pharma® : l’administration ou non d’un antibiotique en pré-opératoire avec la molécule, la posologie et l’heure d’administration le cas échéant, la durée de prescription d’antibiotique en post-opératoire.
Un cahier d’inclusion nominatif papier a été tenu par l’investigateur principal dans lequel étaient reportés le nom, le numéro de séjour et l’intitulé de l’acte chirurgical afin de permettre le recueil des données informatiques. Chaque patient se voyait attribué un numéro d’identification afin de permettre l’anonymisation des données par la suite saisies dans un fichier Excel®. Le cahier et les photos prises furent détruits une fois la saisie des données terminée.
Déroulement de l’audit :
1. Janvier-Avril 2021 : Inclusion de 60 patients.
2. 28 Juin 2021 : réunion de présentation et d’analyse des résultats, propositions d’axes d’amélioration.
3. Septembre 2021 : Inclusion de 60 nouveaux patients.
4. Octobre 2021 : réunion pour rapport définitif, analyse des résultats avant/après.
Critères d’évaluation
Les critères évalués sont tirés du référentiel des pratiques professionnelles de l’antibioprophylaxie peropératoire de 2005(18).
Ils sont au nombre de onze :
Critères portant sur la structure :
Critère 1 : L’équipe d’anesthésie dispose de protocoles d’antibioprophylaxie écrits, validés et adaptés à son secteur d’activité́.
Critère 2 : Les protocoles d’antibioprophylaxie sont régulièrement actualisés.
Critères concernant le dossier des patients :
Critère 3 : L’antibioprophylaxie doit être programmée en consultation d’anesthésie. Le nom de l’antibiotique et la posologie à utiliser doivent être mentionnés sur le document de la consultation d’anesthésie.
Critère 4 : Les particularités liées au terrain du patient (patient allergique aux antibiotiques, patients porteurs de bactéries multirésistantes, patients nécessitant une prophylaxie de l’endocardite, reprise, etc.) susceptibles de modifier le protocole d’antibioprophylaxie, sont renseignées dans le dossier d’anesthésie.
Critère 5 : L’heure de l’incision chirurgicale est mentionnée sur la feuille d’anesthésie.
Critère 6 : L’heure de l’injection de l’antibioprophylaxie correspondant aux 30 à 60 minutes avant l’incision chirurgicale est mentionnée sur la feuille d’anesthésie.
Critère 7 : La dose unitaire de l’antibiotique administré en préopératoire est notée sur la feuille d’anesthésie.
Critère 8 : La durée de la prescription de l’antibioprophylaxie est strictement inferieure à 48 heures.
Critère 9 : La molécule utilisée pour l’antibioprophylaxie est conforme au protocole de service et/ou d’établissement pour le type de chirurgie et le terrain.
Critère 10 : La dose unitaire de l’antibiotique utilisé est conforme au protocole de service et/ou d’établissement pour le type de chirurgie et le terrain.
Critère 11 : Le nombre de réinjections de l’antibiotique est conforme au protocole de service et/ou d’établissement pour le type de chirurgie et le terrain.
Axes d’amélioration proposés lors de la réunion de présentation des résultats le 28 Juin 2021
Après analyse des résultats présentés ci-dessus, différents axes d’amélioration ont été proposés afin d’optimiser nos pratiques en termes d’antibioprophylaxie :
– Rappel sur la nécessité de proposition d’un protocole d’antibioprophylaxie dès la consultation d’anesthésie. Affichage des protocoles adaptés dans les salles de consultation.
– Affichage de protocoles actualisés dans chaque salle opératoire.
– Rappel sur la nécessité d’administration de l’ABP 30 à 60 minutes avant l’incision chirurgicale. Proposition de perfuser les patients en salle de réveil pour débuter la dose d’ABP dès l’entrée en salle opératoire.
– Prévoir un emplacement dédié à l’antibioprophylaxie sur la feuille d’anesthésie papier afin de permettre une meilleure visibilité de la molécule, de la posologie et surtout de l’heure d’administration (le report sur les feuilles actuelles n’étant que très peu précis).
– S’assurer après discussion avec les équipes chirurgicales la durée de prescription de l’antibioprophylaxie ne dépasse pas 48 heures.
À la suite de cette réunion, un courriel récapitulatif a été envoyé aux praticiens avec un rappel des propositions, le fichier PowerPoint® de présentation y était joint.
Les protocoles ont bien été imprimés et affichés dans chaque salle ainsi qu’en salles de consultation.
Une démarche pour modification a été débutée pour modifier la fiche d’anesthésie, malheureusement le projet n’a pu aboutir avant le début de la deuxième vague d’inclusion.
Résultats de la deuxième période d’inclusion de Septembre 2021 et analyse comparatives entre les deux périodes
Données générales descriptives
A nouveau, 60 dossiers de patients ont été analysés.
– 20 en urologie : 1 toxine botulique de vessie, 1 cystoprostatectomie Bricker, 1 drainage d’hématome sous cutané de fosse iliaque gauche à J5 de transplantation rénale, 1 sonde JJ gauche (avec échec), 1 litho-hydrodistention + biopsie de vessie, 3 ponctions biopsies de prostate , 1 pose boitier de neuromodulation sacrée, 1 pose fiduciaire, 4 résections endoscopiques de vessie, 1 réserction trans-utétéral de prostate, 1 transplantation rénale avec donneur vivant , 1 urétéroscopie rigide gauche, 2 urétérosocopies souples, 1 urétéroscopie souple + sonde JJ droite.
– 16 interventions de chirurgie plastique : 1 Ablation prothèse mammaire + capsulectomie + lipofilling, 4 changement prothèses mammaires, 1, lambeau de DIEP, 3 prothèses mammaires bilatérales, 1 symétrisation de sein droit, 1 excision autogreffe genou gauche, 1 fistule vestibulo-nasale gauche + frein langue, 1 reprise autogreffe main droite, 2 rhinoplastie, 1 suture en Z de brulure.
– 11 interventions d’ORL : 1 carcinome joue gauche + curage, 1 endoscopie + exérèse carcinome joue droite + boule de Bichat, 1 endoscopie sinus et cavum, 1 exérèse laryngocèle gauche par voie externe + endoscopie, 1 laryngectomie totale + lambeau grand pectoral, 1 maxillectomie médiale, 5 rhinoseptoplasties et septoplasties.
– 9 interventions de chirurgie maxillo-faciale : 1 avancée mandibulaire, 1 Avulsions 18 + 28 incluses et curetage kyste 47, 3 ablations des dents de sagesses, 1 greffe maxillaire, 2 ostéotomies d’avancée maxillo-mandibulaire ou de recentrage, 1 septoplastie.
– 4 interventions de chirurgie bariatrique : 3 interventions de chirurgie bariatrique sous robot (2 sleeve gastrectomie et 1 résection de diverticule de sleeve gastrectomie) et 1 cure d’éventration avec pose de plaque.
Résultats par critères liés au dossier patient
Critère 3 : Prescription de l’ABP en consultation d’anesthésie
Consignes Critère 3 : L’antibioprophylaxie doit être programmée en consultation d’anesthésie. Le nom de l’antibiotique et la posologie à utiliser doivent être mentionnés sur le document de la consultation d’anesthésie.
Répondre OUI si le nom de l’antibiotique prévu ainsi que sa posologie sont renseignés sur la feuille de consultation d’anesthésie.
Les résultats sont hétérogènes entre spécialités et évoluent entre la première et la deuxième évaluation. La conformité tous secteurs confondus évolue de 42% à 58% (différence non significative p = 0,068). On note une augmentation de la conformité dans les secteurs d’urologie et de chirurgie plastique, cependant la préconisation de l’antibioprophylaxie en consultation d’ORL et de chirurgie maxillo-faciale reste très faible. Lors de la 2ème évaluation les non-conformités portaient :
– En bariatrie : 1 dossier de consultation sur 4 ne mentionnait pas de proposition d’ABP.
– En chirurgie maxillo-faciale ou ORL : la ligne du formulaire de consultation d’Axigate® correspondant à l’antibioprophylaxie peut avoir été supprimée (7 cas), non renseignée (6 cas), porter la mention « SFAR » ou proposer une molécule antibiotique sans posologie.
– En plastie : 2 non-conformité avec molécule mentionnée sans posologie.
– En urologie : les 6 non-conformités concernaient soit l’absence de proposition d’antibioprophylaxie soit la mention de la molécule uniquement.
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Table des matières
1. Introduction
A. Contexte
B. Un peu d’histoire
C. Grands principes de l’antibioprophylaxie
D. Les ISO et leur impact en santé publique
2. Objectif
3. Matériel et méthode
A. Recueil des données
B. Critères d’évaluation
C. Analyse des données
4. Résultats
A. Résultats de la première période d’inclusion de Janvier à Avril 2021
B. Axes d’amélioration proposés lors de la réunion de présentation des résultats le 28 Juin 2021
C. Résultats de la deuxième période d’inclusion de Septembre 2021 et analyse comparatives entre les deux périodes
5. Discussion
6. Conclusion
Bibliographie
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