Grands défis pour l’agriculture familiale dans un municipe vert
La démarché ComMod : principés ét objéctifs
Dans de nombreux domaines la recherche se caractérise de moins en moins comme un monde séparé de spécialistes éloignés du terrain. La mise en place et la conduite de projets de recherche mettant en avant la participation des acteurs obligent à repenser les rapports descendant de transferts de connaissances du chercheur vers le praticien. L’évolution des ancrages théoriques et méthodologiques de la recherche ont vu apparaitre l’émergence des recherches dites participatives. Une telle orientation engendre la mise en place de méthodologies cherchant à valoriser un processus de production de connaissances réalisé en collaboration avec les acteurs concernés. Elle envisage le sujet de la recherche dans son contexte et tente de comprendre la signification et les implications du problème étudié (Anadon, 2007). Ce type de recherche vise « à la fois la production de connaissance nouvelles, la résolution d’un problème identifié par les acteurs et le renforcement des capacités de ces acteurs pour une plus grande autonomie» (Faure, 2010). Cette évolution des courants de pensée a significativement influencé la recherche dans les secteurs du développement durable, de l’environnement et de l’agriculture. Ce sont des domaines qui mettent en interaction une grande variété d’acteurs locaux ou institutionnels au sein de territoires aux dynamiques complexes et ils sont donc particulièrement adaptés à ce type de démarche.
La modélisation participative, historiquement développée autour des questions de gestion de ressources naturelles (Schneider-Guérin, 2010), s’inscrit dans le mouvement de la recherche participative. Il s’agit d’«une méthode qui favorise l’implication d’un groupe d’individus dans le développement d’un modèle dans le seul but d’améliorer la compréhension du groupe à propos d’un système particulier, de ses problèmes et de ses solutions possibles afin de conduire à de meilleurs décisions de gestion» (Schneider-Guérin et al, 2010). La démarche ComMod est une forme particulière de modélisation participative nommée « modélisation d’accompagnement » (Collectif ComMod, 2005). Les premiers éléments de cette approche ont été proposés dans les années 1990 par des membres de l’unité GREEN du CIRAD sur la base d’expériences pionnières d’utilisation de modèles pour la mise en place d’une gestion locale durable des ressources environnementales (Etienne, 2010). Une multitude d’expériences menées par des chercheurs affiliés à différents organismes, dans divers endroits du monde sont venues enrichir la démarche (Cirad, 2015). Ce processus de co-construction a abouti à la conception d’une « Charte du ComModien » qui pose un cadre éthique d’utilisation de la démarche ComMod en explicitant la posture adoptée par les chercheurs qui s’investissent dans cette approche et les principes fondamentaux de celle-ci (Etienne, 2010).
La modélisation d’accompagnement est basée sur la représentation simplifiée du système étudié qui servira de modèle de représentation de la réalité. Il s’agit de représenter d’une manière simplifiée les composantes d’un système, les interactions entre ces composantes, et les dynamiques de ce système (Daré et al., 2009). C’est une démarche participative puisqu’elle a pour objectif de construire et de mettre en discussion ce modèle avec les acteurs impliqués dans le système représenté. Le modèle constitue un objet de médiation et sa projection dans le temps permet de construire des scénarios de prospective adaptés aux réalités locales, tout en intégrant les normes imposées au territoire. Afin de mieux comprendre le système étudié le chercheur se considère comme un acteur du système, au même titre que les autres acteurs en présence, et s’intègre dans la réflexion qui mène aux prises de décision. La démarche ComMod reconnait l’existence de points de vue variés, tous considérés légitimes et méritant d’être pris en compte (Collectif ComMod, 2005). Le chercheur a d’un côté des objectifs de recherche et d’un autre des objectifs de modification du système (faire évoluer les perceptions, les interactions ou les actions des acteurs sur le terrain) (Barnaud, 2008). « Un des enjeux de notre action de recherche est alors de les [multiples points de vue] prendre en compte au cours d’un processus itératif favorisant l’échange, la compréhension et l’analyse de ces différentes positions, par et avec l’ensemble des parties prenantes du système social et écologique considéré » (Etienne, 2010)
Législations environnementales concernant l’agriculture familiale
Au Brésil, le code forestier est la principale législation régissant la gestion des forêts dans les propriétés privées. Le premier code forestier brésilien a été mis en place en 1934. Il a ensuite été réécris en 1965, obligeant les agriculteurs brésiliens à garder 50% de couvert forestier sur leurs propriétés2. En 1998, une nouvelle modification fit monter cette limite à 80%. En 2008, suite à des mouvements de pression à l’échelle de l’état fédéral, les contrôles ont fortement augmenté entrainant des mouvements de contestation de la part des grands propriétaires terriens. La législation a donc été de nouveau modifiée. L’application de la nouvelle législation s’appuie sur la base de la surface en forêt de la propriété en juillet 2008. Elle se décline différemment pour les gros et les petits agriculteurs3. Pour les gros agriculteurs, si en juillet 2008 ils sont entre 50% et 80% de forêt, ils ne peuvent plus deforester, mais ils ne sont pas obligé de recomposer jusqu’à 80%. S’ils sont en dessous de 50% ils doivent recomposer jusqu’à 50% de couvert forestier.
Pour les petit agriculteurs, la législation est presque la même sauf qu’ils ne sont pas obligés de recomposer s’ils ont moins de 50% de forêt sur leur propriété. Les agriculteurs doivent aussi respecter les législations concernant les « Aires de Protection Permanentes » qui sont des zones qui ne peuvent pas être déboisées. Elles concernent principalement les bords de rivière et les sommets des collines et sont destinées à limiter l’assèchement des cours d’eau ou les phénomènes d’érosion. Les lois relatives aux APP s’appliquent de la même façon pour les agriculteurs familiaux et les gros propriétaires. Une législation stricte encadre aussi les pratiques liées à l’abattis-brulis. Les feux sont autorisés pour nettoyer des zones déforestées ou ouvrir des pâturages mais il faut en amont demander l’autorisation aux autorités environnementales. Le non-respect de ces règles expose l’agriculteur au risque de payer une amende ou d’avoir une peine de prison. Un problème se pose pour les agriculteurs pratiquant l’abattis brulis. Le délai de rotation permettant de maintenir la fertilité des sols au cours d’un cycle d’abattis brulis est environ de huit ans. Or dans la législation environnementale, une friche est de nouveau considérée comme de la forêt au bout de cinq ans, il est alors interdis de la deforester.
Contexte général
L’assentamento* du Paragonorte, situé à 80 km du centre urbain de Paragominas, est dominé par des paysages dégradés et des pâturages. Cette colonie de réforme agraire fut créée par l’INCRA* à la fin des années 90 sur des grandes propriétés (fazenda) abandonnées après le déclin des activités d’exploitation du bois et d’élevage. L’installation des assentados* sur ce territoire a été réalisée suite à de longues négociations avec l’INCRA concernant la taille et le nombre de parcelles (lots) à distribuer. L’assentamento est situé à la frontière entre les états du Pará et du Maranhão. Entre ces deux états un grand territoire de forêt primaire constitue une zone protégée réservée aux peuples indigènes. Par conséquent, la principale voie d’accès est la route qui mène à la ville de Paragominas (Bonté, 2012). La zone du Paragonorte figure parmi les plus grandes colonies d’Amérique latine avec plus de 1000 familles et 1205 lots de 25 ha dont environ 1000 sont occupés. La colonie est divisée en quatre communautés où l’INCRA a assuré la construction d’une maison par famille ainsi qu’un accès à l’électricité et à l’eau courante. Les habitats sont groupés et les lots se situent à l’extérieur des communautés. La communauté centrale, appelée la Caip, abrite environ 500 familles, c’est la plus « urbanisée » avec une vingtaine de commerces (supérette, coiffeur, garagistes, bar, magasin de vêtements…).
Bacaba, la deuxième communauté la plus peuplée avec environ 250 familles, se trouve à 10 km de la communauté centrale. Vila Nova, quant à elle, compte un peu moins de 200 familles et est située à 20 km de la Caip. Escadinha est la plus petite communauté de l’assentamento, avec seulement 35 familles. C’est aussi la plus isolée car elle se situe à 25 km de la communauté centrale et la route pour y accéder est très mal entretenue et souvent inondée. De plus, bus quotidien pour la ville de Paragominas n’y passe pas (Bonté, 2012). Il n’y a qu’un bus par jour qui fait le trajet entre la zone du Paragonorte et Paragominas, et les habitants possédant des voitures sont très peu nombreux. La route n’est pas goudronnée et il faut en moyenne compter au moins 3 h pour faire les 80km qui séparent la Caip de Paragominas.
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Table des matières
INTRODUCTION
Problématique
La démarche ComMod : principes et objectifs
La recherche participative
Modélisation participative et Modélisation d’Accompagnement
Le projet Ecotera
Contexte du projet
Paragominas
Grands défis pour l’agriculture familiale dans un municipe vert
La zone agricole du Paragonorte
Question de recherche et hypothèses
Méthodologie
1ere session de jeu
Préparation du jeu
Principe du jeu
Mobilisation et déroulement du jeu
Enquêtes individuelles
2e session de jeu
Construction des fiches techniques
Préparation du jeu
Session de jeu à Escadinha
Session de jeu à Bacaba
Construction des typologies
Construction de la typologie des systèmes productifs réels
Construction de la typologie des stratégies mises en place lors du jeu.
Construction de la comparaison entre les données récoltées en entretien et les stratégies réalisées dans le jeu
Résultats
Typologies des agriculteurs établie avec les données obtenues en entretiens
Type n°1 : Agriculteurs pour lesquels la plus haute recette est issue des cultures de roça et de la production de farine de manioc
Type n°2 : Agriculteurs pour lesquels la plus haute recette est issue de l’élevage bovin
Type n°3 : Agriculteurs pour lesquels la plus haute recette est issue des cultures maraichères
Type n°4 : Agriculteurs pour lesquels la plus haute recette est issue de la production d’açaï et/ou de la fruticulture
Autres résultats des entretiens
Typologie des réalisations dans le jeu
1ere catégorie, stratégies des éleveurs
2e catégorie, stratégies des agriculteurs non éleveurs
Les simulations d’appui technique lors des sessions de jeu
Exemple de deux réalisations au cours du jeu
Comparaison entretien/jeu
Stratégies concernant les productions
Stratégies concernant le crédit
Stratégies concernant la mécanisation
Allocation des surfaces
Débriefing post-jeu
Commentaires sur la structure du jeu et les améliorations envisageables
Commentaires sur les stratégies suivies dans le jeu
Apprentissages et bénéfices pour les agriculteurs
Discussion
Discussion des hypothèses et réponses à la question de recherche
Réflexions sur la méthode adoptée
Entretiens individuels
Jeux de rôle
Perspectives d’amélioration
CONCLUSION
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