Les Wayampi sont des Amérindiens qui vivent dans une région située au nord du fleuve Amazone, non loin des Monts Tumucumaque. Les villages wayampi se répartissent le long de cours d’eau qui sillonnent la forêt tropicale humide. Ils sont regroupés sur deux zones géographiques bien distinctes: une au sud-est de la Guyane française, sur le haut court du fleuve Oyapock (communautés de Camopi et de Trois Sauts), et une au Brésil (État d’Amapá), entre le Rio Jarí (affluent du fleuve Amazone) et le Rio Amaparí (affluent du fleuve Araguarí). Actuellement, on estime la population totale des Wayampi à environ 2000 individus (1200 en Guyane française et 800 au Brésil).
La communauté wayampi de Camopi est en contact permanent avec des Émérillons, des Français non amérindiens (personnel médical, instituteurs, gendarmes et légionnaires) et des Brésiliens . Celle de Trois Sauts, située à 120 km au sud de Camopi, est beaucoup plus isolée. On y trouve toutefois quelques Français non amérindiens (personnel médical et instituteurs). Quant aux Wayampi du Brésil, d’après le peu d’informations dont nous disposons, ils sont regroupés au sein de la Terra Indígena Wajãpi, un territoire indigène d’environ 600 000 hectares qui a été délimité par la Fundação do Índio (FUNAI).
Les Wayampi de Trois Sauts , dont le parler a fait l’objet de notre étude, pratiquent encore leurs activités de subsistance traditionnelles (chasse, pêche, cueillette et agriculture sur brûlis) et une partie de leur artisanat. Ils semblent également avoir relativement bien conservé leur organisation sociopolitique. Malgré une désaffection pour leur musique et leurs danses ils organisent encore très régulièrement des réunions au cours desquelles ils consomment le cachiri, la bière traditionnelle faite à partir du manioc.
Le wayampi est une langue qui appartient à la branche tupi-guarani de la famille linguistique tupi. Dans la classification des langues tupi-guarani proposée par Rodrigues & Cabral (2002), le wayampi est rattaché au même sous-groupe que l’émérillon (teko), le jo’é (poturú), l’urubúka’apor, l’anambé, le guajá, l’awré et le takoapé.
Le wayampi est pratiqué comme langue maternelle par tous les Wayampi, mais il connaît des variations dialectales plus ou moins importantes d’une communauté à l’autre. On peut identifier deux dialectes principaux: le wayampi dit « guyanais » (communautés de Camopi et de Trois Sauts) et le wayampi dit « brésilien » (communautés de la Terra Indígena Wayãpi).
Les différences dialectales, qui affectent surtout la phonologie, la morphologie et le lexique, ne semblent pas gêner l’intercompréhension. Néanmoins, la conscience des différences locales est grande. À Trois Sauts, la langue wayampi est pratiquée quotidiennement par tous les Wayampi, quel que soit leur âge, et elle est transmise à tous les enfants. Certains Wayampi ne connaissent d’ailleurs que cette langue. La plupart maîtrise toutefois à des degrés divers de compétence une ou plusieurs autres langues (français, portugais du Brésil, créole guyanais).
Les travaux linguistiques qui traitent du wayampi sont peu nombreux. Pour le wayampi parlé en Guyane française, on dispose pour l’essentiel d’une courte description grammaticale (Grenand, 1980) et d’un dictionnaire wayampi-français (Grenand, 1989) qui contient pour l’essentiel du vocabulaire de la faune et de la flore. Le wayampi parlé au Brésil a fait l’objet de plusieurs travaux, pour la plupart inaccessibles, de la part d’ethnolinguistes membres du Summer Institute of Linguistics . Les seuls auxquels nous avons pu avoir accès sont l’étude diachronique de Jensen (1989) et les articles d’Olson (1978), de Jensen (1978, 1983) et de Jensen (1994).
L’enquête s’est déroulée au cours de trois séjours à Zidoc (« capitale » historique de la communauté wayampi de Trois Sauts) en février-avril 2007, juin-août 2008 et juillet août 2011. Deux séjours d’un week-end à Bordeaux en 2009, chez Étienne SISIWA, ont permis de vérifier quelques points de détail en attendant de repartir effectuée une enquête en 2011. Deux informateurs âgés d’une vingtaine d’années et originaires de Zidoc ont fourni la plupart des données présentées dans ce travail: Jean-Marc ZIDOC et Prévôt ZIDOC. D’autres informateurs ont participé plus sporadiquement à l’enquête: Martin ZIDOC, Aline YAPOC, Maryline WALAKOU, Dominique LASSOUKA, Gabin NATHALIE, Martine WALAKOU et Alfred OULAPILÉ.
Le corpus étudié se compose d’un lexique d’environ 3600 entrées, de plus de 5000 énoncés obtenus par sollicitation à partir du français ou notés en situation d’énonciation, ainsi que d’une quarantaine de textes cumulant une durée totale d’environ deux heures et dont, pour la plupart, nous n’avons pas été en mesure d’obtenir une traduction. Ces textes (une trentaine de récits d’une moyenne de cinq minutes chacun et une quinzaine de textes très courts) ont été recueillis pour la plupart auprès de personnes âgées du village de Zidoc (Paul ZIDOC, Gertrude KALA, Raymond YAPOK dit Akoulou, Paul LASSOUKA dit Papi, Raymond LASSOUKA, Hubert WALAKOU, † Antoine TOUKOUPI dit Le capitaine). Quelques uns ont également été recueillis auprès de jeunes hommes (Claude YAPOC, Alain OULAPILÉ) et de jeunes femmes (Sylviane LASSOUKA, Jeannette LASSOUKA, Lucia YAPOC) du même village.
La langue utilisée pour le travail d’enquête était le français. À Trois Sauts, le français est parlé de manière très variable selon les personnes. La compétence de nos deux informateurs principaux dans cette langue était relativement bonne. Les problèmes de communication que nous avons rencontrés avec certains informateurs ont toutefois considérablement compliqué et ralenti le travail d’enquête.
On appelle ici nominal tout mot qui peut occuper directement la position de noyau lexical d’un SN (§ 4.1.2.1). Le wayampi connaît trois types majeurs de nominaux : les noms, les nominalisés et les pronoms libres. Un nom est un mot qui actualise un lexème nominal, c’està-dire un type particulier d’unité lexicale. Un nominalisé est un mot qui a la même distribution syntaxique qu’un nom mais qui, contrairement à ce dernier, n’est pas une unité lexicale mais une unité construite à partir d’un verbal (§ 4.5.1.1) ou d’un adverbial (§ 4.5.1.2) par le procédé grammatical de translation dit de nominalisation. Enfin, un pronom libre est un mot qui actualise un lexème grammatical nominal. Les pronoms libres sont vus dans ce travail comme des types sémantiques particuliers de noms.
Un nominal peut également être partiellement défini par sa morphologie flexionnelle, c’est-àdire par les morphèmes réguliers et obligatoires qui ne sont attestés que dans un mot nominal. Dans le parler qui est décrit dans ce travail, il n’existe apparemment que deux types de morphèmes flexionnels exclusivement nominaux: le morphème de pluriel nominal {-ke} (§ 2.2.1.1) et les morphèmes casuels (§ 2.2.2). Néanmoins, comme {-ke} n’est admis en réalité que par les nominaux dénombrables et comme de nombreux nominaux n’apparaissent que très rarement en position de noyau lexical d’un SN ces morphèmes ne permettent pas de définir à eux seuls l’ensemble de la classe syntaxique du nominal.
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Table des matières
INTRODUCTION
0.1. LE PEUPLE WAYAMPI
0.2. LA LANGUE
0.3. LA PRÉSENTE RECHERCHE
1. CLASSES DE MOTS
1.1. NOMINAUX
1.1.1. Critères syntaxiques
1.1.2. Indicateurs morphosyntaxiques secondaires
1.1.2.1. Syntaxe
1.1.2.2. Morphologie flexionnelle
1.1.2.3. Morphologie constructionnelle
1.1.2.3.1. Affixation dérivationnelle
1.1.2.3.1.1. Morphèmes dérivationnels productifs
1.1.2.3.1.2. Morphèmes dérivationnels non productifs
1.1.2.3.2. Composition
1.1.2.3.2.1. Nominaux composés de structure [NN]N
1.1.2.3.2.2. Nominaux de structure [NV]N
1.1.3. Sous-classes morphosyntaxiques
1.1.3.1. Les nominaux monovalents
1.1.3.1.1. Les nominaux relationnels
1.1.3.1.2. Les nominaux autonomes
1.1.3.2. Les nominaux avalents
1.1.4. Pronoms libres
1.1.4.1. Les pronoms personnels indépendants
1.1.4.2. Les pronoms démonstratifs
1.1.4.2.1. Les pronoms démonstratifs déictiques
1.1.4.2.2. Les pronoms démonstratifs cotextuels
1.1.4.3. Pronoms indéfinis
1.1.4.4. Les pseudo-pronoms indéfinis
1.1.4.5. Le pronom interrogatif MOMA’E ‘quoi’
1.2. VERBAUX
1.2.1. Critères syntaxiques
1.2.2. Indicateurs morphosyntaxiques secondaires
1.2.2.1. Syntaxe
1.2.2.2. Morphologie flexionnelle
1.2.2.3. Morphologie constructionnelle
1.2.2.3.1. Affixation dérivationnelle
1.2.2.3.2. Composition
1.2.2.3.2.1. Verbaux composés de structure [NV]V
1.2.2.3.2.2. Verbaux composés de structure [VN]V
1.2.3. Sous-classes morphosyntaxiques
1.2.3.1. Les verbaux divalents
1.2.3.2. Les verbaux monovalents
1.2.3.2.1. Les verbaux dynamiques
1.2.3.2.2. Les verbes statifs
1.3. ADVERBIAUX
1.3.1. Critères syntaxiques
1.3.2. Indicateurs morphosyntaxiques secondaires
1.3.2.1. Syntaxe
1.3.2.2. Morphologie flexionnelle
1.3.2.3. Morphologie constructionnelle
1.3.3. Sous-classes morphosyntaxiques
1.3.3.1. Les adverbiaux monovalents
1.3.3.1.1. Les postpositions
1.3.3.1.1.1. Postpositions simples
1.3.3.1.1.2. Postpositions composées
1.3.3.1.1.3. Locutions postpositionnelles
1.3.3.1.2. Les numéraux cardinaux
1.3.3.1.3. Les adverbialisés déverbaux
1.3.3.2. Les adverbiaux avalents
1.3.3.2.1. Les adverbes
1.3.3.2.2. Les adverbes prédicatifs
1.3.4. Classification sémantique des adverbes
1.3.4.1. Les adverbes spatiaux
1.3.4.1.1. Adverbes spatiaux déictiques
1.3.4.1.2. Adverbes spatiaux non déictiques
1.3.4.2. Les adverbes temporels
1.3.4.2.1. Adverbes temporels déictiques
1.3.4.2.2. Adverbes temporels non déictiques
1.3.4.2.2.1. Adverbes temporels cycliques
1.3.4.2.2.2. Adverbes temporels de fréquence
1.3.4.3. Les adverbes de manière
1.3.4.4. Les adverbes d’aspect et de taille
1.3.4.5. Les adverbes de cause
1.3.4.6. L’adverbe de totalité globalisante
1.3.4.7. Les adverbes de degré
1.4. PARTICULES
1.4.1. Les particules postpositives
1.4.1.1. Les particules focalisatrices
1.4.1.2. Les particules modales
1.4.1.3. La particule interrogative
1.4.1.4. Les particules post-prédicatives
1.4.1.5. La particule coordinative
1.4.2. Particules finales
1.4.2.1. Particules pré-finales
1.4.2.2. Particules finales strictes
2. LE SYNTAGME NOMINAL
2.1. ORGANISATION INTERNE: NOYAU ET DÉPENDANTS
2.1.1. Le noyau
2.1.2. Les dépendants
2.1.2.1. Les déterminants
2.1.2.1.1. Les déterminants pronominaux
2.1.2.1.2. Le déterminant indéfini
2.1.2.2. Les modificateurs
2.1.2.2.1. Le complément adnominal
2.1.2.2.2. Le complément épithétique
2.1.2.2.3. Le modificateur apposé
2.2. CATÉGORIES FLEXIONNELLES DU NOMINAL
2.2.1. Le pluriel
2.2.1.1. Le pluriel discret
2.2.1.2. Le pluriel distributif
2.2.2. Le cas
2.2.2.1. L’attributif {-lamũ}
2.2.2.2. Le temporel {-lemẽ}
2.2.2.3. Le locatif {-pe}
2.2.2.4. L’ablatif {-pewyi}
CONCLUSION
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