La notion d’action organisée
Dans le champ de sciences de gestion, la notion de l’action organisée est intimement liée aux notions d’efficacité et de l’efficience, sans lesquelles il serait difficile de parler du but de toute organisation. C’est ce que l’on retient du développement fait par Chester Barnard mettant l’accent sur la fonction de direction de l’organisation (publique ou privée) associée à la gouverne et donc à l’action planifiée, sans égard à la fonction de production, parce que cette dernière devait la suivre en tout état de cause. En d’autres termes, le but de toute organisation est l’efficacité et l’efficience de l’action organisée. Par l’efficacité se pose la question de la mise en œuvre du projet de création de la valeur (économique/politique/ commerciale). Ainsi l’efficacité se comprend qu’en termes de rapport entre le résultat obtenu et l’objectif poursuivi dans une optique fondée sur l’output ; et l’efficience pose aussi la question du statut de la relation commerciale/politique dans l’action organisée eu égard aux acteurs/participants concernés. De cette manière, il est possible de considérer un modèle d’organisation comme un système (Jebbour, 2004) artificiel au sens de Barnard (formel et informel) d’abord et puis ensuite au sens d’Herbert Simon (système de traitement de l’information). En ce sens que la structure de vérification des théorèmes du système se confond aux propositions valides des modèles proposés.
Toute organisation a donc besoin d’un système de traitement d’information. Paul Valéry (1920) avait déjà définit l’organisation en suivant trois étapes : la première, «l’organisation, la chose organisée», la deuxième «le produit de cette organisation» et la troisième et que l’organisation est inséparable des deux premières étapes . Edgar Morin (la méthode 1), quant à lui, définit l’organisation en lien avec le système : «propriété d’un système capable à la fois de maintenir et de se maintenir, et de relier et de se relier, et de produire et de se produire.
Définition fonctionnelle et systémique, qui permet d’échapper aux descriptions de la « structure » présumée invariante et quasi indépendante de l’activité du système, que privilégiaient les définitions analytiques ou anatomiques classiques».
Vue ainsi, l’action organisée exprime donc la dynamique organisationnelle à travers l’efficacité et l’efficience, et met en scène «les conditions et les mécanismes de régulation de l’action d’un ensemble d’acteurs interdépendants, mais relativement autonomes» précise Erhard Friedberg . On ne raisonne plus au niveau de l’organisation vue comme un état où la direction, incarnant une gouverne, vise à maitriser délibérément le système de coopération auquel adhèrent des individus qui n’ont pas les mêmes objectifs, ni les mêmes impulsions et les mêmes possibilités que la direction puisse leur offrir. Elle intègre en son sein «le contexte de l’action, de négociation et d’échange politique, et surtout celle d’ordre local, par lequel est introduit un minimum de régularité et de stabilité dans les négociations et les échanges politiques entre les intéressés». C’est le caractère contingent et spécifique des ces «ordres locaux» par la règle qui vise à discipliner et stabiliser les relations et le pouvoir qui, à son tours, conduit au changement de ces règles, que Erhard Friedberg inscrive la dynamique de l’action organisée, de façon à tenir compte des relations intra et inter-organisationnelles entre acteurs autonomes. Parfois, cette action organisé s’apparente à la gouverne et incarne une gouvernance comme ce fut le cas de l’analyse de Chester Bernard dans le contexte Américain d’avant crise de 1929. L’action organisée saurait donc mettre en scène des modes de gouvernement tant dans la sphère publique que privée. C’est pourquoi la référence au concept de gouvernementalité du philosophe Michel Foucault (2004) est intéressante à cet égard.
L’action organisée par la gouvernementalité
Si la notion d’action organisée opère un déplacement dans des ordres locaux à travers le pouvoir et la règle, il n’en demeure pas moins que La notion politique de gouvernementalité forgée par Michel Foucault y participe, de la même manière dans le champ politique. Parce qu’elle défait la souveraineté en opérant un déplacement de l’état au gouvernement, sans vouloir rentrer en détail pour l’instant , nous pouvons avancer par avant-goût que la pratique gouvernementale chez Foucault (ibid.) serait vue comme étant le glissement de l’économie politique dans l’état pris dans l’acception souveraine. Il ne s’agit pas là d’opérer seulement une limitation de la raison d’Etat par le droit dans la perspective de la souveraineté (interne), mais aussi cette autre limitation par le savoir en l’occurrence l’économie politique, a su imposer à la sphère politique désormais nostalgique de l’Agora. Le concept de gouvernementalité opère alors ce glissement dans l’histoire, et rappelons-le, de la raison d’état à la raison gouvernementale. Il fait la part belle au trait d’union de ces raisons pour pouvoir en discuter l’intelligence (Donzelot, 2005). Cette intelligence pragmatique de la gouvernementalité est une manière de ‘ne pas trop gouverner’, et de ‘ne pas trop peu gouverner’ que l’économie politique offre par sa naturalité à l’action gouvernementale en la rendant autolimitative par ses pratiques, qui désormais prennent le caractère transactionnel (du fait du marché).
Le pragmatisme sous-jacent au concept de gouvernementalité fait de ce dernier un concept proprement organisationnel et s’apparente à une action organisée interrogeant dans une perspective à la fois historique et anthropologique la gouvernance politique dans sa version souverainiste sur fond du droit pour limiter la raison d’Etat, et utilitariste (la règle comme effet de transaction) que permet l’intrusion l’économie politique dans la pratique gouvernementale. Ainsi, la gouvernementalité n’a de sens que par rapport à l’activité du gouvernement. Elle participe au déplacement de l’Etat au gouvernement, faisant de ce dernier qu’il soit à la fois une institution et un processus (Crowley, 2003). C’est dans ce déplacement que Michel Foucault fixe son analyse politique du pouvoir loin de la fiction étatique où «l’édiction unilatérale de normes obligatoires, universelles et générales» (ibid.) est de mise.
Le gouvernement avec «son épaisseur administratif et bureaucratique» est toujours partiale et partielle et a «comme objet privilégié de l’analyse politique, l’inflexion des conduites, c’est-àdire le gouvernement comme processus ». Ces propriétés, dites formelles, s’opposent au droit et «émergent comme tension ou comme point d’équilibre entre des forces en interactions sans jamais être en équilibre ; leur éventuel caractère obligatoire n’est qu’accidentel ; loin d’être universel et général, il est nécessairement local et particulier» ; mais ce gouvernement des conduites endosse des formes différentes qui s’articulent entre elles, notamment par les liens et la continuité entre d’une part, les sphères publiques centrales et locales (collectivité ou région) et d’autres part, la sphère publique (centrale/locale) et la sphère privée (notamment les entreprises, associations, etc.), «à toutes les échelles du social, et dont le système articulé forme, précisément, la «gouvernementalité»».
la gouvernance dans sa signification politique, économique et gestionnaire
Si étymologiquement, le terme gouvernance trouve ses origines dans la langue française dès le 13 ème siècle, celui-ci a vu sa signification évoluer aux grès des transformations de sociétés qui l’adopteront, notamment anglo-saxonnes. En France, dès son origine médiévale, les termes gouvernance, gouverne et gouvernement renvoient à la même signification qui est celle de l’action de piloter ou guider quelque chose , ou encore l’art et la manière de gouverner et ce en rapport avec la métaphore du gouvernail d’un navire. La similarité sémantique entre termes de gouvernance et de gouvernement était présente dans le contexte de la société médiévale anglaise, mais renvoyait à l’action du partage du pouvoir entre les corps constitutifs de la société.
Dès l’âge classique où le concept de l’Etat-moderne émerge à partir du 16 ème siècle, le terme gouvernance commence à prendre distance en s’autonomisant vis-à-vis de la notion de gouvernement. Celui-ci indique dans le contexte naissant que le pouvoir reste l’apanage de l’état qui en est le centre et dans l’exercice, se ferait sur une population qui serait circonscrite dans un territoire donné. Aussi pour reprendre le cas Français de l’époque, le terme gouvernement prenait implicitement place au niveau des collectivités locales par la délégation de l’autorité de l’état. La preuve en est que ces dernières intervinssent dans leur territoire en s’associant aux compagnies privées de l’électricité ou du chemin de fer sous forme de concessions, vues comme un type de partenariat public-privé tel que nous le comprenions aujourd’hui. Au Etats-Unis, les termes gouvernance et gouvernement étaient utilisés d’une façon équivalente depuis la création de l’état-fédéral. C’est bien l’idéologie libérale des fondateurs de ce pays qui justifia l’équivalence de ces deux termes. On remarque aussi cette équivalence en Angleterre ou traditionnellement les collectivités locales conservent une certaine indépendance politique vis-à-vis du gouvernement central. L’état conserve son rôle de gendarme (régalien) tout en participant, avec les autres pans de la société, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques publiques.
La dynamique de la gouvernementalité par l’action organisée : la régularité, la régulation et les mécanismes
La dynamique de l’action organisée ici serait celle de la dynamique de technologies de pouvoir et de règles inhérentes aux régularités d’ordre locaux. Se sont donc une pluralité d’instruments aux logiques différentes y compris ceux de la régulation (méta-instrumentation gouvernemental) qui sont tributaire de la gouvernementalité, laquelle participe de la dynamique paradoxale de l’action organisée. Cette dynamique devait en toute logique mettre la lumière sur une pluralité de mécanismes, y compris le mécanisme d’auto-organisation, et «révéler à la fois les possibilités et les limites des interventions planificatrices » (ibid.). Ainsi, Les phénomènes émergents qui sont au cœur de la gouvernementalité, en tant qu’action organisée et donc une action collective, font appel à la notion de mécanismes. «Les mécanismes, indique Gilles paquet et al (2001), contiennent un ensemble de tendances et de propensions qui n’ont pas force de lois, mais injectent une certaine rigidité». Pour sa part, Jon Elster définit les mécanismes comme un répertoire qui sert à éclairer les phénomènes observés en montrant la façon dans ils se produisent. Cette façon n’est pas automatique, mais changeante : la formule si A alors B est nuancée par celle : si A alors parfois B. Les mécanismes qui doivent nous éclairer autant sur la dynamique organisationnelle que sur la gouvernance vs gouvernementalité peuvent s’exercer en même temps et se révéler contradictoires compte tenu des études empiriques dans le domaine de gouvernance (Gilles paquet et al, 2001 ; Charreaux et al, 1997). Nous montrerons, tout à l’heure, d’une manière implicite la validité de cette hypothèse par l’étude de mécanismes constitutifs des systèmes de gouvernance. Les études de Gérard Charreaux sont d’utilité pour montrer d’entrée de jeu pourquoi Gilles paquet et al (2001) concluent-ils à l’impossibilité «de tirer de ces situations des conclusions claires et nettes» et que d’autres notions doivent être mobilisées notamment à partir des apports du concept de gouvernementalité, à savoir l’importance des acteurs, le réseau auquel ils appartiennent et le contexte de leur action collective dans une perspective d’échange politique (Friedberg, 1999) pour compléter la chosification qu’amène tout raisonnement prônant «l’objectivation des situations», eu égard aux instrument/mécanismes de coordination.
Un modèle hypothétique de gouvernance des organisations est-il-possible ?
L’idée maitresse de cette partie
Pour comprendre comment se gouvernent les modes d’organisation au sein d’une institution (entreprise, administration, etc.), il faut prendre en considération le rôle du réseau d’institutions, les conventions et les activités concrètes qui donnent sens à sa gouvernabilité.
Cette entreprise conduit par hypothèse au paradoxe du système de gouvernance lorsque l’efficacité ne conduit pas forcément à l’efficience de l’action organisée, laissant alors une marge discrétionnaire d’action aux participants, aux échanges ou aux relations «d’effort» au sein d’une organisation. Une interrogation sur la critique récursive de l’idéologie de l’organisation rationnelle et de l’utopie gestionnaire permettrait de comprendre ce paradoxe pour que la gouvernabilité des organisations prenne en charge la circularité herméneutique des gouvernances et des modes d’organisations. Le propre de cette partie est de proposer un modèle hypothétique de gouvernance basé sur les trois pôles attracteurs de sens par une conceptualisation faisant appel à la littérature académique et au raisonnement scientifique étayé par des études empiriques faites aussi bien par des chercheurs cités que par notre propre investigation empirique distanciée ou quasi-participante. Celle-ci sera vue tout au long de cet ouvrage. Pour ce faire, dans un premier chapitre, nous traiterons d’une méthodologie à base de l’herméneutique circulaire et de la critique de l’idéologie (Chapitre 1) afin de mettre en évidence les notions guides, qui seront susceptibles de constituer le système hypothétique de gouvernance proposé (Chapitre 2). Mais c’est bien la gouvernabilité des organisations qui saurait mettre à l’épreuve le modèle proposé dans la perspective de l’efficacité et de l’efficience de l’action organisée. Ensuite, nous tenterons de montrer la place de la transaction en tant qu’unité d’analyse des modes d’organisations au sein des institutions (2-1) pour ensuite mettre à l’épreuve la gouverne des modes d’organisation en leurs seins (2-2). Enfin, dans le chapitre 3, nous introduirons le paradoxe du modèle hypothétique de gouvernance, paradoxe qui serait révélé par la prise en compte du concept de la gouvernementalité de Michel Foucault par lequel l’action organisée embrasse un large domaine allant du privé au public. Cette introduction assoit l’importance du concept quant à la gouverne des affaires publiques notamment de santé et de l’éducation que de l’organisation d’une filière agricole et de la technologie de l’information de la communication (TIC) action organisée, gouvernance et gouvernabilité des organisations entre idéologie et utopie.
Nous allons explorer dans ce chapitre les champs de rattachement de chacune des deux notions organisationnelles et leur implication dans les postulats qui figurent le système hypothétique de gouvernance proposé par rapport à la question de sens de leur accouplement.
Dès lors, le recoupement de ces deux notions en chaque station modélisatrice permettra d’assoir l’assise méthodologique par laquelle la notion de mode d’organisation sera vue avec autant de signification que la gouverne dans le cadre de la circularité herméneutique et de la critique de l’idéologie. C’est à travers elles qu’il est possible de générer les pôles d’attractions de sens qui seraient susceptibles de matérialiser un système de gouvernance dont la complexité est au moins autant équivalente que l’organisation vu comme un système organisé (formel et informel) ou un système de traitement de l’information, conformément à la théorie de la variété requise de William Ross Ashby.
De la circularité herméneutique à la critique de l’idéologie
Pour introduire le sens de la gouvernance des organisations, l’examen linguistique mérite un éclairage aux confins de son équivalent extralinguistique, c’est ce que certains ont déjà fait par le détour de la théorie de l’énoncé (Jebbour, 2007) que nous aborderons dans la partie méthodologique de cette thèse. Mais le sens circulaire de ces deux notions ne peut donner gage au défrichissage du terrain scientifique sans la prise en compte de la critique de l’idéologie vs utopie (Ricœur, 1986, 1997 ; Pesqueux, 2004a) dans la perspective de conjoindre les deux dimensions historiques et anthropologiques de la gouverne et de l’action organisée.
Le sens de la gouvernance des organisations
La question de sens de la gouvernance des organisations sous-entend à première vue que le sens de l’expression linguistique : «gouvernance de l’organisation en réseau» serait être subordonné à une signification intelligible de chacun des deux termes qui la compose, mais aussi à la signification que chacun des deux termes peut accorder à l’autre en termes théoriques et/ou en termes empiriques. On peut penser à la configuration faisant la part belle à la combinaison des propositions contenant à la fois des termes théoriques et des termes empiriques, pour pouvoir donner une signification cognitive dans la perspective d’une théorie de la gouvernance des organisations en réseau à base de critère de «l’interprétation partielle». Ainsi, les termes théoriques qui seraient à priori peu interprétables «reçoivent indirectement une signification empiriques, avec ceux qui sont directement interprétables » (Hampel in Ladrière ). Se pose alors la question suivante : dans quelle mesure le terme de l’organisation en réseau accorde-t-il une signification empirique au terme de gouvernance ? De même, dans quelle mesure le terme d’organisation en réseau reçoit-il une signification empirique à partir de la gouvernance ? En suivant ce critère «d’interprétation partielle», il n’est guère possible de jouer sur cette circularité herméneutique constitutive de ces deux questionnements. Il y a alors possibilité de postuler que l’un des deux termes soit théorique et que l’autre soit empirique. Comment faire pour y remédier si nous voulons traiter la question de sens d’une manière intelligible ? C’est bien le critère fonctionnel de Carnap (in Ladrière) qui permettra dans le cadre de la circularité herméneutique de remédier au critère «d’interprétation partielle» : «l’idée de base est qu’un terme théorique peut être considéré comme ayant une signification empirique s’il joue un rôle indispensable dans la prédiction d’un événement observable». Mais, le principe de sens de notre question de recherche se pose aussi en termes de critères qui déterminent les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’elle soit une proposition douée de sens, c’est-à-dire répondant aux conditions de sa véracité ou de sa fausseté. Ainsi pose-t-on aux termes théoriques des questions liées aux conditions de leur véracité et de leur fausseté quant à la prédiction des événements observables, et d’autre part aux termes empiriques leur signification cognitive par l’étude des procédures de mise à l’épreuve qui justifieraient la problématique de leur validité. D’emblée, le postulat de départ est que les termes de gouvernance et de l’organisation en réseau peuvent endosser à la fois les qualificatifs de termes théoriques et empiriques, et qu’ils composent les propositions qui traduisent le questionnement de sens de l’expression de la gouvernance de l’organisation en réseau. Leur sens est alors tout autant plausible que le sens des propositions qui les abritent dans le cadre de la circularité herméneutique. D’où la nécessité d’une méthodologie à base de la théorie de l’énoncé dont il sera dit un mot dans la partie méthodologique de cette thèse.
La conception paradoxale de l’échange dans la gouvernementalité
Si la notion de gouvernementalité conçoit la volonté d’échange en termes subtiles d’accommodation des acteurs concernés, par la transaction, à «la conduite des conduites» par le «ne pas trop gouverner» et «ne pas trop peu gouverner» de la rationalité gouvernementale néolibérale, c’est parce qu’elle met l’accent plus sur le gouvernement à distance que sur le gouvernement direct par l’Etat à travers les technologies de pouvoir ou les instrumentations.
Leur apparition est donc tributaire à «la désétatisation du gouvernement». Certains auteurs exégètes de l’œuvre de Michel Foucault utilisent le vocable de «technologies sociales» pour désigner les interfaces qui contiennent l’ensemble des procédures par lesquelles s’établissent «le jeu de renvoi de la responsabilité individuelle vers des entités autonomes : entreprises, communautés, organisations professionnelles, individus eux-mêmes » . Ces technologies sociales permettent alors à l’individu d’acquérir, le «pouvoir sur soi grâce au pouvoir que le collectifauquel il appartient réussit à produire», et qui lui sert ainsi de support. Elles s’inscrivent de fait dans la posture économique néolibérale basée sur le jeu de la confrontation locale entre le «besoin de l’autonomie et l’exigence de responsabilité» des individus, désormais acteurs, et ce, dans l’hypothèse où les diverses «localités» évoquées forment une société ; mieux encore, elles s’inscrivent dans l’art du gouvernement qui serait celui de «la liberté qui est elle-même une non liberté» (p :90), ce qui augure le paradoxe de la posture néolibérale de la gouvernementalité, et invite à prendre en son sein des contre-analyses. Ainsi, deux notions permettent d’en faire écho, à savoir d’une part, la notion de capital social ou relationnel, développée initialement dans le champ de la sociologie (Coleman, 1988 ; Bourdieu, 1980 ; Dubet, 2009), puis dans le champ politique (Putnam, 1995); et la notion de réseau comme mode d’organisation développé récemment dans la discipline des sciences de l’organisation et de gestion (Pesqueux et Ferrary, 2004), dans la discipline de la sociologie économique (Granvetter, 1973) ou dans la discipline du comportement organisationnel (Burt, 2000). Le concept de capital social s’impose ainsi pour contrer la posture idéologique du néolibéralisme de la gouvernementalité afin d’en ériger une orientation pragmatique des technologies sociales, par laquelle la liberté des individus, ou des groupes, serait une nonliberté parce qu’elle est une nécessité pratique. Le capital social serait alors l’entre-deux réseaux évoqué supra.
Le capital social : à mi-chemin de la logique stratégique et la rationalité des acteurs
Le propre de cette section est de tester l’hypothèse du paradoxe de la gouvernementalité par le capital social et sa déclinaison en termes de logiques d’actions, de la capacité et de la rationalité des acteurs concernés par l’échange.
La gouvernementalité comme action organisée
A la différence de Max weber (1971), et dans une perspective historique, Michel Foucault (2004) développe une analyse originale du pouvoir de l’état par sa pratique, à travers la technique, les procédures et la rationalité gouvernementale qui sous-tendent les idéologies.
Son concept de gouvernementalité permet en effet de discuter cette nouvelle rationalité gouvernementale néolibérale qui s’écarte du droit pour embrasser l’économie politique, et qui repose sur un ensemble d’appareils de gouvernement et sur le savoir, si bien que le pouvoir soit d’autant fort qu’il a des effets positifs au niveau du savoir. Ce qui recommande alors, par le positif, de structurer les activités créatrices de la richesse pour la population dans la perspective de l’accroissement des nouveau savoirs. Deux notions ont été inventées par l’auteur «la technologie gouvernementale» et «l’instrumentation» comme la planification et les statistiques dont on veut scruter les effets indépendamment des intentions et les rapports qu’ils induisent sur les acteurs pertinents de la société. Ainsi son analyse du pouvoir par la rencontre des techniques de dominations repose sur trois niveaux «les relations stratégiques, les techniques de gouvernement et les états de domination».
La gouvernementalité ainsi mobilisée précédemment permettrait une analyse pertinente du pouvoir ou d’un système de pouvoir par lequel la rencontre entre techniques de dominations serait structurée par l’activité du gouvernement ou plus largement par l’action publique. Dans un premier temps (3-1), nous interrogerons le concept de gouvernementalité en termes d’échanges transactionnels pour le penser par la suite sous forme d’une contre-analyse, et ce, en termes de capital social, de réseau social ou/et en termes d’échange transactionnel. Ce qui augure (3-2) le paradoxe de la gouvernementalité en tant qu’outil intellectuel permettant de donner sens à la gouvernabilité des modes d’organisations y compris le réseau à mi-chemin de la logique stratégique et la rationalité des acteurs. Ce paradoxe créateurs de sens est mis en examen à l’aune du concept de la raison pratique (3-3), et donc de l’option pragmatique de la gouvernementalité (3-4), laquelle option peut être lue suivant deux traditions disciplinaires (3-5).
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Table des matières
Remerciement
Abstract
Table des matières
Introduction générale
Partie 1
Section 1: notions d’organisation et d’action organisée
Section 2: généalogie de la gouvernance
Section 3: gouvernementalité comme action organisée
Partie 2: modèle hypothétique de gouvernance
Chapitre 1: le modèle à mi-chemin de l’idéologie et de l’utopie
Chapitre 2: la dimension institutionnelle et conventionnelle
Conclusion intermédiaire
Chapitre 3: la gouvernementalité comme action organisée
Chapitre 4: gouvernementalité et gouvernance: TIC/organisation d’une filière agricole
Section 1: Gouvernementalité, gouvernance et les TIC
Section 2: Pathologie de la gouvernance : secteur laitier
Partie 3 : Etude empirique de la gouvernance du PPP
Chapitre 1: introduction de l’étude chez Vinci
Section 1: méthodologie et protocole de recherche
Section 2: groupe Vinci, stratégie, organisation et modèle
Chapitre 2: Dispositifs de gestion et gouvernance
Chapitre 3: Les dimensions institutionnelles et conventionnelles
Chapitre 4: L’activité comme gouverne de PPP
Chapitre 5 : codification et abstraction comme traducteurs
Chapitre 6 : Vers la gouvernance opérationnelle synthétique
Section 1: gouvernance PPP: concession/consentement
Section 2: Gouvernance de la société de projet
Partie 4 Conclusion générale : recul philosphique et épistémologique
Chapitre 1: théorie de l’énoncé
Chapitre 2: synthèse du sens de la gouvernance
Conclusion finale : énoncé de la thèse
Bibliographie des trois premieres parties
Bibliographie de la partie 4 : philosophie et sciences sociales
Sites internet professionnels
Annexe 1: tables des figures
Résumé