«29 Mars 1947»: une date charnière?
«Dans la nuit du 29 Mars au 30 Mars 1947, vers zéro heure, Moramanga fut le second foyer d’un sanglant évènement» qui s’est produit en vue de renverser le régime colonial français afin de reconquérir l’indépendance de Madagascar et de restaurer la souveraineté nationale. Ainsi, le gouvernement de Sabotsy-Anjiro formait le noyau du groupe de cet évènement.
Cet évènement tragique fit son apparition au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Une période marquée par la perte de rang des pays colonialistes, c’est-à-dire les pays européens et la montée sur scène de deux super puissances anticolonialistes, en l’occurrence les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique (URSS), qui vont diviser le monde en deux blocs: Est-Ouest. Le nationalisme avait tiré de cette situation un surcroît de force, justifié par l’émergence de différents mouvements d’émancipation nationalistes dans les colonies européennes, en particulier dans l’Empire colonial français, y compris Madagascar. Ainsi s’internationalise le phénomène de «DECOLONISATION».
C’est dans ce contexte que l’insurrection du «29 Mars 1947» s’est déclenchée à Madagascar. Deux «centres moteurs» ont été enregistrés au cours de cette même nuit: Manakara et Moramanga. Ce mouvement s’étendait à partir de ces deux «foyers» , et «avait touché essentiellement la frange orientale de l’Ile» . «Il avait de ce fait duré vingt et un mois». C’est au niveau de l’un de ces «centres-moteurs», Moramanga, que nous avons mené notre étude. Mais elle ne prétend pas englober tout le District. Elle s’est limitée au gouvernement de Sabotsy-Anjiro.
Par définition, un «gouvernement» est une «institution de RADAMA I, repris et adapté aux circonstances par Galliéni pour organiser l’administration indigène. Cette institution avait connu plusieurs réformes» . Constitué par deux ou trois cantons, le gouvernement était placé sous l’autorité d’un gouverneur, nommé par le chef de District et situé en 1947 au sommet de la hiérarchie administrative malgache.
L’historiographie Officielle
Elle est répartie en deux périodes bien distinctes: la période sombre et la période de floraison.
La période sombre
L’histoire de la lutte de libération Nationale malgache de 1947 a été longtemps influencée par « le fait colonial» . Ce qui va l’orienter vers une analyse subjective. Son caractère de lutte légale n’a jamais été de ce fait accepté comme tel. Elle reste perçue comme une «rébellion» à l’époque. Un autre malaise est aussi à note: la persistance de «la machination soit par l’administration coloniale soit par le MDRM» et qui se reflètent souvent dans les ouvrages de l’époque. Des ouvrages émanant des Malgaches: fondateurs ou dirigeants du MDRM comme R. W et J. RABEMANANJARA, RAKOTO-RATSIMAMANGA ou des Français, défenseurs de la cause des nationalistes malgaches comme BOITEAU, BOUDRY, BOUSSENOT, CASSEVILLE, Me DECOUZON, HOTARD, Colonel PENARD, STIBBE … ont vu le jour à l’époque malgré ces limites. Des «zones d’ombre» demeurent donc et n’ont pas été mises en lumières que dans une autre circonstance: la période de floraison.
La période de floraison
Cette période commence avec la première commémoration du «29 Mars 1947» en 1967 avec cette «timide» commémoration s’émergent les témoignages de valeur, par exemple de DAMA Robert (un Chef de guérilla en 1967), RAJERISON M. (un insurgé en 1976), RAKOTOMALALA RATSIMBAZAFY, RAZAFINDRAKOTO, RAKOTONIRAINY (anciens membres du MDRM et des sociétés secrètes) et qui vont contre balancer le fait colonial.
La vérité semble ainsi apparue au grand jour mais taillée de leur propre version et quelquefois de pures inventions. Cette période voit aussi l’émergence des travaux de recherche universitaire car «avant les évènements étaient jugés trop proches et trop brûlants encore».
Cette histoire fait l’objet d’étude générale, classée par ANDRIANASOLO Maurice comme une étude par le «haut» et menée surtout au niveau national. Elle a été recueillie par des étrangers, par exemple J. FREMIGACCI, J. TRONCHON, F.R. JOURDE, ou par des Malgaches comme L. RABEARIMANANA, RAMANANTSOA RAMARCEL B., J.R. ANDRIAMARO, RANDRIANJA…
Perçue comme une histoire politique, elle a particulièrement tendance à être trop «politisée» et pourtant elle doit être appréciée à sa juste valeur, c’est-à-dire au niveau du peuple. C’est la raison pour laquelle certains chercheurs essaient de l’orienter en tenant compte des facteurs importants déterminants cette histoire.
Des approches régionales viennent à cet effet étoffer ces recherches. C’est le cas de RANDRIANANTOANDRO (Manjakandriana), WING KONG L. (Vavatenina), RAMAROKOTO (Beforona), MAHAMOUDOU (Lakato), RODERA (Fénérive Est), ANDRIANASOLO M. (Vatomandry) …
En fait, la nouvelle optique apportée par J. TRONCHON est un tournant décisif de l’histoire de l’insurrection malgache de 1947 même «sous un angle général». Elle a changé radicalement l’interprétation de cette histoire: «provocation du MDRM ou de l’Administration coloniale» en «une lutte juste d’un peuple opprimé contre l’oppresseur attaché à ses vieilles principes et refusent toutes idées de progrès». Elle reste actuellement perçue comme telle.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY ANJIRO, DISTRICT DE MORMANGA AVANT LE 29 MARS 1947
I – UN MILIEU NATUREL COMPLEXE CONJUGUE A UNE HISTOIREMOUVEMENTEE
A – PRESENTATION GEOGRAPHIQUE DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO, DISTRICT DE MORAMANGA
1 – Localisation du gouvernement de Sabotsy – Anjiro
2 – Un milieu naturel complexe
a) Un relief contrasté et accidenté mais très couvert
b) Un climat pas «malsain» avec de nombreux cours d’ea
B – HISTOIRE MOUVEMENTEE
1 –Le peuplement du gouvernement de Sabotsy -Anjiro
2- La population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro
3 – Un passé mouvementé
II – ABUS COLONIAUX ET OPPRESSION COLONIALE : PREMIER ELEMENT DU REVEIL NATIONALISTE
A – APPLICATION DU SYSTEME COLONIAL
1 – Par l’administration coloniale
2 – Par les colons
B – SITUATION SOCIO – ECONOMIQUE AGGRAVEE PAR LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE
1 – La phase de «l’effort de guerre»
a) Les réquisitions de personnes
b) Les erreurs de l’OFFICE DE RIZ
2 – La phase de réformes socio – économiques
III – LE MDRM : STIMULANT DU MOUVEMENT NATIONALISTE
A – ORGANISATION ET RESEAUX DU MDRM DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO
B – LE MDRM : « UN FER DE LANCE » DU PATRIOTISME DU MONDE RURAL
C – LA DUALITE MDRM – SOCIETES SECRETES DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO
IV – LES ANCIENS COMBATTANTS : 3ème FORCE DU MOUVEMENT NATIONALISTE
A – LEURS MOTIVATIONS
B – ANCIENS COMBATTANTS : « CHEFS FUTURS DE L’ARMEE DE L’INDEPENDANCE »
DEUXIEME PARTIE : LE « 29 mars 1947 » ET LES PRINCIPALES ETAPES DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO
I – LA PREPARATION DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO
A – PHASE « PREPARATIFS » DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO
1 – Les instigateurs du « 29 mars 1947 » dans le gouvernement de Sabotsy –Anjiro
2 – Quand le « 29 mars 1947 » a été exactement fomenté dans le gouvernement de SabotsyAnjiro ?
B – PHASE DE MOBILISATION DES INDIGENES DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO GUERRE
II- LES ACTIONS DE GUERRE
A – L’ATTAQUE DU « 29 mars 1947 » CONTRE MORAMANGA
B – « L’AFFAIRE LESPORT » A MANDIALAZA
C – LA DEUXIEME ATTAQUE DE MORAMANGA
D – L’EVENEMENT A MAHADERA
III – LES MOYENS MIS EN OEUVRE PAR LES MILITANTS
A – DES ELEMENTS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT D’UNE METHODE INDIRECTE
1 Les militants
2. Le rôle des sorciers – guérisseurs
3. La nature
4. La méthode indirecte
B – UNE ORGANISATION STRICTE
1. Organisation du commandement et des troupes de forces nationalistes dans le gouvernement de Sabotsy –Anjiro
2. Le tribunal insurrectionnel
TROSIEME PARTIE: LIMITES ET ISUES DE L’INSURRECTION
I – LIMITES INTERNES DU MOUVEMENT NATIONALISTE
A – LA DECONNEXION ENTRE LES DIRIGEANTS ET LES DIRIGES
B – LA TRAHISON
C- LA DESORGANISATION DU COMMANDEMENT ET DES TROUPES NATIONALISTES
D – LE DESEQUILIBRE DE FORCES ENTRE LES DEUXCAMPS
II – LIMITES EXTERNES DE L’INSURRECTION
A – L’ISOLEMENT DE L’INSURECTION SUR LE PLAN NATIONAL
B – LE MYTHE DE L’AIDE ETRANGERE
III – REPRESSION MILITAIRE
A – UNE REPRESSION VIOLENTE AVEC UN HOMME INHUMAIN : LE COMMANDANT JOUBERT
B – LA PACIFICATION DIRIGEE PAR LE COMMANDANT AUTRAND
IV – LA REPRESSION JUDICIAIRE
V- BILAN DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO
A – POPULATION
B – PRODUCTION
C- CIRCULATION DES INDIVIDUS ET DES BIENS
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
PHOTOS
ANNEXES