Goûts musicaux des futurs professeurs et projection d’enseignement de la discipline

Le traitement des données — Un classement taxonomique créé sur mesure pour cette étude, mis en parallèle avec la « tablature des goûts musicaux » de Glevarec & Pinet

Afin d’éclaircir la problématique précédemment posée, les données récoltées dans le cadre du questionnaire seront dans un premier temps analysées pour ce qu’elles sont, où les goûts musicaux déclarés par les enquêtés seront regroupés par un classement taxonomique, en genres et sous-genres, sur mesure à l’enquête. Puis, ces tableaux seront mis en parallèle à la « tablature des goûts musicaux » de Glevarec et Pinet afin de voir si les goûts musicaux des futurs professeurs des écoles peuvent être analysés par le biais de ce classement restreint à 3 catégories : « contemporain-populaire », « classique » et « autres genres de musiques ».

Un classement taxonomique des goûts musicaux des enquêtés déclarés dans l’enquête —les particularités du tri en musique

Comme cela a été brièvement abordé dans la première partie de cet écrit, lors de la présentation théorique, un classement taxonomique (emprunté à la biologie) a été créé sur mesure pour cette enquête : où à un taxon (regroupement qui porte un nom) correspond un étiquetage/label (nom que l’on donne au groupe).
Le terme d’étiquetage est employé lorsque le nom du taxon est défini par l’enquêté, qui écoute par exemple de « la musique des années 80 », et le terme label est employé lorsque le nom du taxon résulte d’une création marchande, correspondant à la marque de fabrique. À travers cette enquête, nous allons voir que les taxons seront des étiquetages et des labels. Les enquêtés ayant répondus par leur propre classement, par un étiquetage et/ ou par des classements qu’ils ont entendus et intériorisés, les labels marchands, pour les réemployer lorsqu’ils qualifient leur musique écoutée.
Ainsi, tout ce qui est révélé par les déclarations des enquêtés sur leurs goûts musicaux dépend du critère de variabilité choisi, du classement taxonomique subjectif établi.
Il est nécessaire de préciser que les genres déclarés sont apportés par les enquêtés qui étaient libres de citer les musiques par leur genre, l’artiste ou par leur titre. C’est un parti pris de faire cela ainsi afin de ne pas biaiser les déclarations en évitant le plus possible d’orienter les réponses. C’est d’ailleurs ce que précisent différents auteurs dans la présentation d’une de leur recherche en affirmant « alors que, dans la plupart des enquêtes, l’identification des musiques s’effectue par des genres construits en amont par le chercheur, nous avons cherché à nous situer au plus près des indications de goûts données par les enquêtés eux-mêmes […] vis[ant] à permettre le repérage d’univers de goûts musicaux dont la structuration et les contours dépendraient le moins possible d’une construction en amont par les chercheurs. » (Azam, M., Grossetti, M., Laffont, L. & Tudoux, B., 2018).
Le regroupement du type taxonomique des déclarations des enquêtés a été fait sous forme de tableaux (consultables ci-dessous). Soit, les dires des enquêtés ont été regroupés selon leur genre puis leur sous-genre auxquels ils pouvaient appartenir. Ce sont des regroupements créés sur mesure pour cette analyse ; effectivement, les tableaux ne regroupent que des genres et sous-genres déclarés par les interrogés, de ce fait, il n’est pas exhaustif, car tous les genres musicaux au niveau mondial n’ont évidemment pas été exprimés à travers les déclarations des enquêtés. Précisons que les déclarations faites par les répondants sont indiquées entre guillemets, suivies par un numéro entre crochets, chaque numéro représente un enquêté, cela permet de rendre compte de la multiplicité de déclarations faites par un enquêté à une question.
De plus, aux genres et sous-genres sélectionnés, des choix ont été faits pour classer les déclarations des enquêtés ; ces choix nécessitent d’être précisés.
Ainsi, lorsque les enquêtés déclaraient écouter de la musique « des années 80 », le choix a été fait de ranger cette réponse dans la catégorie « variété française », non sans omettre l’idée que les répondants auraient pu penser au genre « Disco » dans leur déclaration, dans lequel cas, un autre genre serait apparu dans l’enquête.
Ensuite, lorsque les enquêtés ont affirmé écouter de la « variété » seule sans adjectif, cela a également été classé dans le genre « Variété française/francophone » (où figurent G. Brassens, A. Souchon, J-J. Goldman) et non dans « Variété internationale ». À l’inverse, lorsqu’ils ont affirmé écouter de la « Pop » seule, sans adjectif, le choix a été fait de catégoriser cela dans le genre « Variété internationale » (où ce sont des artistes comme Adèle et Mika qui y sont classés).
Enfin, pour lire les données du tableau, lorsque dans la 1re colonne intitulée « genre » est écrit le genre suivi de l’adjectif « simple » c’est parce que celui-ci n’a pas été détaillé en sous-genres, car les données de l’enquête n’en ont pas révélé l’existence, c’est par exemple le cas pour le « Jazz » ou le « Latino ».
En statistiques, les fréquences relatives sont toujours arrondies au centième (ici exprimées en valeur réelle, sous forme de fractions) et les pourcentages sont toujours arrondis au dixième après la virgule.

Analyse des données

Remarquons qu’à la lecture des données du tableau 2, le « Rock » (81,3 %) et la « Variété française/francophone » (37,5 %) restent les deux genres déclarés les plus écoutés, constat lié au fait qu’ils sont encore 21,4 % à déclarer partager leur écoute musicale avec les membres de leur foyer d’adolescent, une baisse de 41,8 points de pourcentages pour la même déclaration basée sur leur enfance. Cette préférence pour ces deux genres reste commune avec ce qu’ils écoutaient enfants, chez eux. Cependant, les artistes déclarés se sont renouvelés, ils ne sont plus exactement les mêmes. Par exemple, des parents écoutaient « Bruce Springsteen » ou encore « les Beatles » pour le taxon « Rock » mais à l’adolescence, les enquêtés ne déclarent plus les écouter bien qu’écoutant toujours du « Rock ». Ils préfèrent des artistes comme « BBBrunes », « Sum41 », « Muse »… Persiste cependant l’écoute du groupe « Queen » entre l’enfance et l’adolescence, l’étiquetage a perduré. C’est le même schéma pour le taxon « Variété française/francophone ».
Ces enquêtés ont conservé une base de goûts avec leurs parents, mais s’en émancipent également en diversifiant leurs écoutes. En effet, ils sont désormais 39,9 % à déclarer que leur écoute musicale est « en rupture avec leurs parents »alors qu’ils n’étaient que 5,3 % à le déclarer pour leurs écoutes enfantines. Ainsi, c’est à l’adolescence que l’on voit apparaître des déclarations d’écoutes pour les genres et sous-genres « Métal » et 2 (bis) : Adolescence – Entre 11 et 18 ans, vous diriez que votre écoute de musique était ? « Punk », « Rap », « Électro » et « House » et enfin « Reggae » et « Dub » ; des musiques que n’écoutaient pas, de souvenirs, leurs parents.
De plus, au fait qu’ils partagent leurs goûts avec leurs parents tout en les diversifiant, ils partagent désormais ces derniers avec leurs pairs. Ils sont 39,9 % à déclarer partager leur écoute de la musique « avec des amis ».
Tout cela peut s’expliquer par l’âge des enquêtés, en effet, le deuxième graphique circulaire fait apparaître une sensible émancipation des goûts musicaux des enquêtés que l’on peut relier à leur changement d’âge, leur passage de l’enfance à l’adolescence.
Effectivement, l’adolescence est une période où les individus s’émancipent progressivement. Ainsi, ils peuvent davantage affirmer leurs choix et leurs goûts, ils peuvent par exemple plus facilement avoir accès à internet et aux plateformes d’écoute et de téléchargement. Également, il est fréquent que les groupes de pairs se forment à partir des goûts où est partagée une culture de groupe.

Entre habitus (perpétuation d’écoutes) et éclectisme culturel

Présentation des données

Dans ce tableau, les enquêtés pouvaient exprimer autant d’artistes, de genres ou de titres de chansons qu’ils voulaient. De ce fait, les fréquences en pourcentages totalisent à 100 pour chaque genre et non pour l’ensemble des genres.

Analyse des données

À ce jour, les préférences musicales des enquêtés sont principalement orientées vers le « Rock » (56,3 %) et la « Variété française/francophone » (56,3 %), soit, des goûts corrélés à ceux de leurs parents lorsqu’ils étaient enfants bien que les artistes déclarés Bandes originales « OST de films » [16] 1 1/16 6,3 % TOTAL (genre/sous-genre) 1 1/16 6,3 % Divers/autres « De la musique actuelle, version acoustique, années 80, années 2000 » [15] 1 1/16 6,3 % TOTAL (genre/sous-genre) 1 1/16 6,3 % Grille comparative des goûts déclarés selon les genres Genre de musique – les taxons 3 périodes de vie des enquêtés.
Parents Adolescence Aujourd’hui soient différents entre les trois périodes de vie. La « grille comparative des goûts déclarés » permet de s’en rendre compte. Cela illustre le concept d’habitus au cœur de la sociologie de Bourdieu. À savoir que c’est l’ensemble des goûts et aptitudes qu’un individu acquiert tout au long de sa vie (ce sont des préférences à l’origine de comportements adoptés par les individus). Cet habitussemble naturel, or il est le produit de toutes les expériences sociales vécues par chaque individu, ce que l’on croit naturel est en fait une construction sociale (fondement de la sociologie), valable dans une culture donnée (ex. culture occidentale ou orientale). Généralement, aucun genre déclaré par les enquêtés n’a disparu au cours de leur vie, il n’y a eu que des ajouts de préférences de genres musicaux.
Pour nuancer, l’héritage culturel se perpétue par le genre déclaré (le taxon) : les adultes d’aujourd’hui que sont les futurs professeurs des écoles enquêtés ont conservé des préférences musicales pour les genres de leur enfance ou de leur adolescence. Cependant, l’héritage culturel ne se constate pas si l’on regarde uniquement les artistes mentionnés, car ils ne sont majoritairement plus les mêmes au cours de la vie des interrogés. On peut néanmoins affirmer que les goûts (au sens des préférences) sont conservés pour les genres musicaux. Cela laisse supposer que les enquêtés s’émancipent progressivement dans leur appréciation des genres musicaux dans le sens où ils conservent l’appétence pour un genre, mais changent les artistes qu’ils écoutent.
Ensuite, on remarque que les écoutes actuelles des enquêtés sont plus éclatées statistiquement que dans leurs écoutes d’adolescents. Effectivement, aujourd’hui jeunes adultes, les interrogés ont des goûts plus éclectiques. Aucun genre déclaré écouté au cours de leur vie n’a disparu à l’âge adulte, à l’inverse, 2 genres sont apparus à l’âge adulte : « Alternatif » et « Bandes originales ». Pour résumer, si on a aimé une musique à un moment de sa vie, on en conserve le goût, soit, on cumule les genres appréciés.
La question qui aurait pu se poser aurait été de savoir si l’enrichissement constaté (l’éclectisme des goûts) est réel ou s’il est dû à un oubli des genres écoutés dans le passé. Le constat précédemment fait valide la thèse de l’éclectisme, de l’aspect cumulatif des préférences, car aucun genre n’est abandonné au cours de la vie des interrogés, à l’inverse,ceux-ci ont enrichi en genre et sous-genre la nomenclature taxonomique.

Analyse des données

Comme première analyse, pour les interrogés, ce sont principalement les genres « Rock » (37,5 %), et « Variété française/francophone » (31,3 %) et « Variété internationale » (31,3 %) qui ont marqué leur vie au cours des 3 périodes que sont l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
On suppose ici que ce sont les musiques marquantes d’une vie, ancrées dans les individus, qui sont les plus susceptibles d’être transmises. Cela fonctionnerait comme les normes et valeurs que des parents souhaitent transmettre à leurs enfants ou à toute personne dont il a la charge, c’est la socialisation primaire. Les individus de notre enquête étant des futurs professeurs des écoles, on peut transposer cette idée en se disant que ce sont les musiques qui « ont marqué leur vie » qui seraient les plus susceptibles d’être enseignées à leurs élèves. On le sait, l’école transmet des normes et valeurs aux élèves, c’est la socialisation secondaire, donc, l’école transmettrait une partie des goûts musicaux de ses enseignants aux élèves lors de l’éducation musicale.
On entend « une partie des goûts musicaux » car pour exercer des métiers de l’enseignement il est essentiel de considérer l’autre et ses goûts, de faire preuve d’altérité. Il serait difficile pour un professeur d’enseigner seulement la musique qu’il aime et considère. Il se doit d’enseigner une diversité à ses élèves, la Charte pour l’Éducation artistique et culturelle (EAC) précise à ce propos que « L’éducation artistique et culturelle vise l’acquisition d’une culture partagée, riche et diversifiée dans ses formes patrimoniales et contemporaines, populaires et savantes, et sans ses dimensions nationales et Variété française/francophone – variété francophone « simple » Jeunesse, s. d.)
Par la lecture des données, on observe, encore plus qu’à la lecture des précédentes nomenclatures taxonomiques, que les enquêtes déclarent principalement des artistes comme ce qui a marqué leur vie, plutôt qu’un taxon entier. Ils déclarent des artistes marquants comme « Nina Simone », « Diam’s et Orelsan », « Manu Chao », « David Guetta, Daft Punk, Petit Biscuit », « Renaud, Cabrel, Brel », « Lady Gaga »… Sans doute que le questionnaire manque d’une question plus directe comme « Que compteriez-vous enseigner comme musique à vos futurs élèves ? (Artistes, genres, titres de chansons…) » qui aurait permis de faire un croisement des données déclarées entre ce qui a marqué leur vie et ce qu’ils souhaiteraient enseigner.

Proposition d’un tableau récapitulatif 

Quelles évolutions des goûts musicaux entre les 3 périodes de vie ? Sur le podium d’écoutes : Rock, Variétés française/francophone et internationale.

Présentation des données

Dans ce tableau, c’est l’ensemble des genres musicaux déclarés écoutés par les enquêtés depuis leur enfance qui ont été répertoriés. Ainsi, la lecture des fréquences en pourcentage totalise à 100 pour l’ensemble des genres et non par genre comme les tableaux précédents le proposaient.

Analyse des données

Si l’on croise les résultats obtenus à la question « Quels artistes/genres/titres musicaux… marquent votre vie ? (depuis votre plus jeune âge à aujourd’hui) » et les totaux des genres déclarés au cours de l’enquête, on se rend compte que les genres déclarés les plus écoutés sont également ceux qui ont marqué la vie des répondants, soit, le « Rock » et les variétés « francophone » et « internationale ».
Lorsque l’on fait un classement des genres musicaux déclarés écoutés par les enquêtés depuis leur enfance, selon le pourcentage le plus élevé, la « Variété française/ francophone » arrive en tête avec 20,6 %, suivie de près par le « Rock » avec 20 % et la « Variété internationale » avec 15,6 %. Ensuite, entre 10 % et 5 % on a le « HipHop » (8,8 %), suivi de près par « l’Électro » (8,1 %), puis la « Soul » (6,9 %) et le « Jazz » (5 %). Enfin 5 genres ont des fréquences d’écoutes inférieures à 5 %, toutes périodes confondues : le « Reggae », le « Latino » et « Divers/autres » représentent chacun 3,1 %, suit « L’Alternatif » avec 1,3 % et enfin, le moins écouté est le genre « Bandes originales » qui ne représente que 0,6 %. Toutes périodes de vie confondues, ce sont 11 genres et sous-genres musicaux sur 29 déclarés qui ont perduré et suivi les enquêtés aux 3 périodes de leur vie (enfance, adolescence, aujourd’hui/âge adulte) : la « Variété française/francophone “simple” » qui représente 20,6 % des déclarations d’écoutes toutes périodes confondues, la « Variété internationale/pop » qui représente 15,6 %, le « Rock “simple” » qui représente 14,4 %, le « Pop Rock » qui représente 5,6 %, le « Jazz “simple” » qui représente 5 %, le « Latino “simple” » qui représente 3,1 %, la « Soul “simple” » qui représentent 2,5 %, la « Musique du monde “simple” » qui représente 1,9 %, et enfin, le « Rock alternatif » le « R & B » et le « Divers/autres » qui représente chacun 0,6 % des déclarations d’écoutes toutes périodes confondues.
Toutes périodes confondues, 4 genres et sous-genres musicaux n’ont été écoutés que par les parents : le « Hard-Rock » qui représente 1,3 % des déclarations d’écoutes toutes périodes confondues, le « Rockabilly », le « Funk » et le « New-Age » qui ne représentent chacun que 0,6 %. Ce sont des genres qui n’ont pas perduré à l’adolescence ni ne sont réapparus à l’âge adulte. Cela peut s’expliquer par l’effet de mode. La musique est mouvante, il y a sans cesse de nouveaux titres, de nouveaux genres musicaux apparaissent… Il y a des « âges d’or » pour certains genres tombés en désuétudes à d’autres époques. À ceci s’ajoute le fait que l’on pourrait apprécier un label mais notre méconnaissance fait qu’on ne déclare pas l’apprécier. Par évidence, on ne peut apprécier ce que l’on ne connaît pas ! Peut-être que les parents des enquêtés auraient écouté du « Rap » pendant l’enfance des enquêtés si ce genre avait été autant développé qu’à notre époque, en 2020…
À l’inverse, le « Punk » et la « House » sont les deux seuls sous-genres déclarés dans l’enquête à avoir été écoutés uniquement à l’adolescence et qui représentent 1,3 % des déclarations d’écoutes. Un seul sous-genre s’est arrêté d’être écouté entre l’adolescence et l’âge adulte, la « Folk », 1,3 % des déclarations d’écoutes. Cependant, 5 genres et sousgenres sont apparus à l’adolescence pour perdurer aujourd’hui à l’âge adulte des interrogés : le « Rap » et « l’Électro “simple” » qui représentent chacun 6,9 % des déclarations d’écoutes toutes périodes confondues, le « Reggae “simple” » qui représente 3,1 %, le « Métal » qui représente 1,3 % et la « Dub » qui représente2,5 %.
Enfin, seulement 2 genres et sous-genres sont apparus à l’âge adulte, déclarés écoutés « aujourd’hui » (au moment de l’enquête), soit, « l’Alternatif » qui représente 1,3 % des réponses toutes périodes confondues et « les Bandes originales » qui ne représentent que 0,6 %.
Pour conclure cette deuxième partie d’analyse, pendant l’enfance, le degré d’autonomie et d’accès à une musique « à soi » est limité, car l’enfant n’est pas indépendant dans ses choix. Ainsi, les goûts des parents sont imposés aux enfants, qui les partagent indirectement.
Cependant, à l’adolescence, les artistes déclarés par les enquêtés se sont renouvelés, ils ne sont plus exactement les mêmes. Il y a un effet taxon : les enquêtés ont conservé une base de goûts pour les taxons (genres) avec leurs parents sans conserver les mêmes préférences d’artistes. De plus, ils ne se satisfont pas de cette base conservée, car ils diversifient leur écoute, ce qui leur a permis, à l’âge adolescent, de s’émanciper et d’affirmer des goûts pour d’autres musiques que celles du foyer familial pour les partager entre pairs.
Aujourd’hui, par les goûts déclarés à l’âge adulte des enquêtés, on peut affirmer de manière globale qu’aucun genre déclaré n’a disparu au cours de leur vie. Il n’y a eu que des ajouts de préférences de genres musicaux. L’héritage culturel se perpétue par le genre déclaré (le taxon)et non par les artistes. Les enquêtés continuent de s’émanciper de leursécoutes enfantines et adolescentes en changent les artistes qu’ils écoutent.
D’un point de vue professionnel, on sait que l’École transmet des normes et valeurs aux élèves, c’est la socialisation secondaire. Donc, l’École transmettrait une partie des goûts musicaux de ses enseignants aux élèves lors de l’éducation musicale. Les goûts des 16 futurs enseignants jouent une importance majeure dans leur projection d’enseignement.

Retour au cadre théorique — Adaptation du classement taxonomique au classement de Glevarec & Pinet — apparition de grandes conclusions

Cette partie vise à mettre en parallèle les résultats (tableaux) obtenus grâce au questionnaire distribué aux futurs PE, avec les trois catégories de genres de la « tablature des goûts musicaux » de Glevarec et Pinet pour permettre d’affirmer ou d’infirmer les deux hypothèses de départ.

Parallèle entre classement taxonomique et classement de Glevarec & Pinet

Dans la partie qui s’attardait à présenter les résultats et à les analyser, des tableaux ont été réalisés pour répertorier tous les genres musicaux déclarés par les interrogés au cours de l’enquête, ceux-ci précisés en sous-genre si cela avait été mentionné. Glevarec et Pinet affirment que désormais les jeunes générations sont exclusives, dont univores, dans leur goût pour le « contemporain-populaire ». Annick Prieur et Mike Savage valident cette théorie en affirmant que « les jeunes générations s’attachent, pour leur part, de plus en plus exclusivement à la culture populaire — de sorte que, par l’effet du changement de génération, l’omnivorité perd du terrain au profit de la seule culture “basse”. » (Prieur, A., Savage, M., 2013).

Création d’un nouveau classement des goûts des enquêtés selon le modèle de classement de « la tablature des goûts musicaux »

Afin d’adapter la nomenclature taxonomique des goûts musicaux, déclarés par lesfuturs PE interrogés, au classement de Glevarec et Pinet dégageant 3 grandes catégories de genres, nous allons nous intéresser seulement aux genres déclarés par les enquêtés et non au détail des sous-genres. Ainsi, il faut associer les genres « Rock », « Soul », « Hip-Hop », « Électro », « Alternatif », « Reggae », « Jazz », « Latino », « Musiques du monde/ traditionnelles », « Variété française/francophone », « Variété internationale », « Bande originales » et « Divers/autres » aux catégories de genres « Contemporain-populaire », « Classique » et « Autres genres de musique et aucun genre en particulier ». Ainsi, apparaît dans le tableau ci-dessous le croisement des deux regroupements de genres, celui taxonomique élaboré grâce à l’enquête sujette de ce mémoire, et celui des deux chercheurs Glevarec et Pinet. Le tableau prend appui sur celui des deux chercheurs, deux colonnes répertorient le tableau original (en bleu et jaune) et le tableau taxinomique (en rose).

Discussion

Premier fait discutable : le statut du “Jazz”

Par la considération du “Jazz” comme un fait classique, car ayant pris le statut social de la musique “classique-opéra”, il est correct de constater un omnivorisme des futurs professeurs des écoles, car ils écoutent aussi bien de la musique “contemporainepopulaire”, de la musique “classique” avec le “Jazz” exclusivement, ainsi que d’“autres genres de musiques”. Mais, si l’on considère le “Jazz” comme une musique non classique, on n’aurait pas pu affirmer un omminvorisme des futurs enseignants dans la mesure où ils n’auraient pas déclaré écouter de la musique classique puisque le “Jazz” ne ferait plus partie de cette catégorie.
Pour conclure, on voit là que le statut considéré du “Jazz” influe sur l’analyse des résultats selon les cadres théoriques d’“omnivorisme” (Peterson et Coulangeon) ou d’“exclusivisme” (Glevarec et Pinet). Pour rappel, le parti pris de ce mémoire est de  considérer le “Jazz” comme un fait classique qui a pris le statut social de la musique “classique-opéra” et ainsi, on constate un “omnivorisme” musical des futurs enseignants, pour l’année 2020, ce qui a abouti à une certaine analyse qui n’aurait pas été celle d’une personne considérant le “Jazz” comme n’appartenant pas à la catégorie des musiques “Classiques”.

Second fait discutable : les critères de tri musicaux

Le tri de la musique est sensible et compliqué. En effet, le critère discriminant du tri des taxons musicaux est problématique. L’étiquette va-t-elle sur l’artiste ou sur l’œuvre ?
L’inscription dans le temps est importante en musique. Les taxons sont mobiles et changent, la musique est faite de métissage… Il arrive qu’une musique des années 1960 soit remastérisée dans les années 2020 mais au fond l’œuvre ne change pas. Il se peut également qu’un titre d’œuvre appartienne à un taxon en 1980 et soit remixé en 2010 par un autre artiste ce qui le fait changer de taxon… Ou bien encore, l’époque même peut changer la perception que l’on a d’un taxon, de ce que l’on y classe. Par exemple, déclarer aimer un artiste rangé dans la catégorie “Variété française/francophone” dans les années 1950 n’est pas la même chose que déclarer un artiste appartenant au même genre dans les années 2020 ! On retrouve ici l’effet artiste au détriment de l’effet taxon/genre.
Le classement taxinomique réalisé pour cette enquête est subjectif, les taxons choisis l’ont été pour correspondre aux déclarations faites par les enquêtés. Par exemple, est-ce que les enquêtés seraient d’accord pour classer les artistes qu’ils ont déclarés dans “Variété française/francophone” ou encore dans “Variété internationale ? La question reste ouverte et ne peut trouver de réponse, il faut garder à l’esprit que cela peut remettre encause toute l’enquête jusque là développée.

Et dans 10 ans ?

Il serait intéressant de suivre ces mêmes enquêtés dans quelques années afin de constater si leurs projections se sont affirmées ou infirmées, si leurs goûts musicaux ont continué d’évoluer, s’ils continuent d’avoir un impact ou non sur leur enseignement.
Aussi, avec des moyens en temps plus importants, il serait intéressant d’interroger les goûts musicaux des élèves pour les mettre en parallèle de ceux des professeurs et d’en profiter pour les interroger sur leur perception de la prise en compte ou non de leurs goûts musicaux à eux : s’ils se sentent écoutés ou non, s’ils se sentent proches ou non de ce qu’il leur est proposé en éducation musicale comme œuvres/artistes de références…

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Table des matières
Introduction
Développement
Partie 1 — Théorique
I. Le traitement scientifique de la question — Où en est la sociologie des goûts ?
I. 1. L’analyse des goûts par la thèse d’une distinction appuyée sur la distinction sociale (stratification de la société)
I. 2. L’analyse des goûts à travers la thèse d’une distinction appuyée sur la pluralité des genres(pour les classes supérieures)
I. 3. L’analyse des goûts à travers la thèse d’un exclusivisme pour les goûts populaires (pour les jeunes générations diplômées de l’enseignement supérieur)
II. Les difficultés à transposer le cadre théorique existant au cadre théorique de l’enquête sur les futurs professeurs des écoles — Des précisions à apporter pour comprendre la démarche faite
II. 1. Les difficultés du tri et de la classification en musique
II. 2. Le statut du Jazz
III. Les goûts musicaux des futurs enseignants — Que faire de ses goûts musicaux à l’heure de construire son enseignement, sa séquence et ses séances ?
III. 1. Un métier fait de choix
1. a. Projection générale d’un enseignement en éducation musicale
1. b. Projection personnelle et professionnelle d’un enseignement en éducation musicale
Partie 2 — Analyse
I. Élaboration et construction de l’enquête ; premières données sur les enquêtés futurs professeurs des écoles
I. 1. Les hypothèses
I. 2. Caractéristiques de l’enquête :méthodologie établie
I. 3. Le profil des enquêtés — Qui sont-ils ?
II. Le traitement des données — Un classement taxinomique créé sur mesure pour cette étude, mis en parallèle avec la « tablature des goûts musicaux » de Glevarec & Pinet
II. 1. Un classement taxonomique des goûts musicaux des enquêtés déclarés dans l’enquête — les particularités du tri en musique
II. 2. Les goûts musicaux des enquêtés — Qu’aiment-ils ?
2. a. Des parents aux goûts marqués pour le « Rock » et la « Variété française/francophone »
2. b. Paradoxe : entre attachement et rupture aux goûts parentaux— témoin de l’apparition d’un éclectisme culturel
2. c. Entre habitus (perpétuation d’écoutes) et éclectisme culturel
2. d. Artistes, genres, titres musicaux qui marquent des vies…
2. e. Proposition d’un tableau récapitulatif — Quelles évolutions des goûts musicaux entre les 3 périodes de vie ? Sur le podium d’écoutes : Rock, Variétés française/francophone et internationale
II. 3. Comment se positionner par rapport à ses goûts musicaux et à ceux de ses élèves pour construire une séquence d’enseignement d’éducation musicale ?
Prendre en compte les goûts musicaux de ses élèves : oui ou non ?
III. Retour au cadre théorique — Adaptation du classement taxonomique au classement de Glevarec & Pinet — apparition de grandes conclusions
III. 1. Parallèle entre classement taxonomique et classement de Glevarec et Pinet
1. a. Création d’un nouveau classement des goûts des enquêtés selon le modèle de classement de « la tablature des goûts musicaux »
III. 2. Que faire de cet éclectisme à l’heure d’enseigner ? S’émanciper de ses goûts musicaux pour enseigner une diversité culturelle musicale. Oui ou non ?
Discussion
I. Premier fait discutable : le statut du “Jazz”
II. Second fait discutable : les critères de tri musicaux
III. Et dans 10 ans ?
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Annexes
• Questionnaire diffusé en ligne aux enquêtés
• Tableaux univ ar iés r éper t or iant t out es les données
• Charte pour l’EAC

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