Gorée et les puissances européennes

Gorée et les puissances européennes

       Gorée fit l’objet d’une convoitise et d’un acharnement de la part des puissances européennes d’alors. Elle fut un enjeu stratégique pour ces puissances maritimes qui ne cessèrent au cours des siècles de se battre pour son contrôle. Cette obstination à contrôler Gorée résidait dans l’exception qu’elle était dans toute la côte où le débarquement des chaloupes et même des canots était difficile voir périlleux. En effet, couverte par la pointe du cap Vert et à une petite distance de la terre ferme, Gorée offre un mouillage tranquille et excellent pour les gros navires et procure des facilités pou faire de l’eau et du bois. Le golf de Ben situé à quelques encablures de l’île de Gorée, offre aux bâtiments un asile assuré en tout temps.

Ainsi, la « plus forte place » de toute la cote de la concession du Sénégal par sa sécurité était un refuge pour les négriers et une prison pour leurs victimes. Bien fortifiée par la nature, Gorée constitue une sorte d’arsenal en miniature facile à défendre. Eu égard à ces nombreux avantages que présentait le site de l’île, les puissances européennes se sont succédées à l’occuper au gré des nombreuses expéditions, de conquêtes et de récupération. Après la découverte de l’île par les Portugais, les Hollandais seront les premiers à s’y installer de façon permanente à partir de 1617. Ils lui donnèrent le nom de Gorée qui signifie dans leur langue « bonne rade » (Goede reede).

Ils jouirent paisiblement de leur conquête jusqu’en 1663, époque à laquelle les Anglais s’en emparèrent. Mais la France en conquête de comptoirs fit son apparition. Ainsi, le premier novembre 1677, Jean Comte d’Estrées, vice amiral de ponant, s’empare de Gorée, mettant un terme à cinquante années d’occupation de l’île par la compagnie hollandaise des Indes occidentales. Depuis, il s’en est suivi un chassé croisé entre les Français et leurs rivaux anglais. En 1758, Gorée fut prise par les Anglais qui la remirent aux français en 1763 par le traité de Versailles. Depuis cette époque, les Français sont restés maîtres de l’île à l’exception de quelques périodes d’incursion anglaises (1779-1783 ; 1800-1817). Par ailleurs, on ne peut parler de l’histoire de cette île sans évoquer la traite négrière. Bien avant la conquête coloniale et la colonisation de l’Afrique, Gorée sera auparavant la plaque tournante d’une honteuse traite qui a sévi dans les cotes et à l’intérieur de l’Afrique pendant prés de quatre siècles.

Douze millions de noirs furent capturés, embarqués et déportés en Amérique comme esclaves dont une bonne partie a transité par Gorée dont le rôle moteur dans le commerce transatlantique est incontestablement établi. En 1815, l’abolition de la traite des nègres, prévue par le traité de vienne, fut brusquement réalisée par Napoléon. A partir de cette date, fut installée la colonie du Sénégal qui devint une dépendance effective de la France. Ainsi, le premier gouverneur de la colonie fut le commandant SCHMALTZ. La venue des femmes européennes à Gorée étant interdite, les Européens se mariaient avec des Africaines et plus tard avec des métisses nées de ce premier mariage. On les nomma « signare » du mot portugais « senhora » (dame).

Elles étaient de religion Chrétienne par leur religion de leurs pères. Au plan économique, Gorée fut à l’origine de formes de commerces qui succédaient à la traite négrière : dés 1820, des commerçants français construisirent leurs magasins et leurs maisons autour de la plage (Pionniers des maisons Laffitte, Maurel et Prom, et autres, Buhanteissere). Mais en 1870, le commandant supérieur de l’île, le commandant Canard, transporte à Dakar tous ses services. En 1882, la future capitale du Sénégal devient le centre d’un cercle dont dépend désormais Gorée qui perd aussi, au profit de Saint Louis, le contrôle des établissements français du golf de Guinée. En 1887, Dakar est érigé en commune indépendante. L’hôpital de Gorée y est transféré en 1892. Le chemin de fer Saint-Louis – Dakar, en exploitation à partir de 1885, draine le commerce le long de la grande cote et accélère la décadence de l’île. A partir de 1875 jusqu’en 1895, c’est le commencement du déclin de Gorée et des Goréens abandonnent l’île ainsi que des maisons de commerce.

Les activités économiques et la répartition socioprofessionnelle

      De dimension et de renommée internationales, la pluriséculaire Gorée est aujourd’hui un bourg charmant et paisible, fleuron touristique fréquenté par des visiteurs de diverses origines (personnalités du monde entier, chercheurs, touristes, étudiants, écoliers, artistes, etc.). Jadis convoitée, disputée et adulée, Gorée, témoin de l’Afrique meurtrie, spoliée et dévastée, est aujourd’hui un creusé de culture, un foyer d’aspiration à la liberté, au développement et d’affirmation de la négritude. Ainsi, le tourisme y est le principal secteur générateur de revenus.

• Le tourisme : Le tourisme est l’une des activités de prédilection de l’île de Gorée du fait des péripéties qu’elle a traversées et des stigmates et vestiges qu’elle présente toujours. En effet on compte dans l’île de nombreux bâtiments, monuments et sites historiques de mémoire du passé. Cette prédisposition fait de Gorée une destination touristique de choix où affluent des milliers de visiteurs des coins du monde. Parmi ces derniers, figure un nombre important d’afro-américain en quête de leur identité originelle. Mais les visiteurs viennent aussi d’Afrique, d’Europe et d’Asie. D’après une enquête43 menée sur l’île, le métier d’hôtellerie est pratiqué par environ 8,1% de la population. D’après les mêmes enquêtes, 25,9% des répondants affirment que le tourisme a influencé leur mode de vie. Approximativement, 95% des goréens estiment que le tourisme influe d’une manière ou d’une autre sur leurs activités. Par ailleurs 14,9% des Goréens déclarent que le tourisme constitue l’avantage majeur d’habiter l’île.

• L’art et l’artisanat : Gorée est un foyer très prisé par les artistes et les artisans. En effet nombre d’artiste de renommée mondiale ont élu domicile à Gorée ou y ont séjourné sans doute en quête d’inspiration et de ressourcement culturel et intellectuel. Ainsi, peintres, plasticiens, sculpteurs s’établissent à Gorée le temps d’achever une œuvre ou une collection d’œuvres, s’ils ne décident tout simplement d’habiter l’île définitivement. L’île de Gorée est le point de convergence des dakarois qui viennent assister les festivals et spectacles musicaux et théâtraux organisés tout au long de l’année. L’artisanat est aussi présent dans l’île avec notamment la bijouterie, la joaillerie et la fabrication de colliers en perles et coquillages. Ces objets artisanaux sont presque exclusivement aux touristes qui les achètent en guise de souvenir de l’île.

• Le transport : Du fait de son insularité et sa petitesse, Gorée ne dispose d’aucune infrastructure transportuaire et aucun véhicule n’y circule. La traversée entre Dakar et l’île qui dure une vingtaine de minute est assurée de l’aube à la fin de soirée par les chaloupes. Le trafic maritime Dakar- Gorée est géré par la société du port autonome de Dakar qui verse des taxes à la municipalité. D’après les enquêtes menées sur l’île44, 66,6% des répondants mettent en avant la chaloupe comme contrainte majeur d’habiter l’île

• La profession : La principale profession exercée par les jeunes est la vente de tissus imprimés et d’objet d’art et le commerce de détail (33,1%). Les services domestiques représentent 21,4% de l’activité exercée par les ménages. Il s’agit de bonnes, boys, cuisiniers, chauffeurs de voitures particulières et toute autre personne travaillant pour le service du ménage. L’hôtellerie est exercée par 8,9% et on rencontre 5,6% dans l’administration publique. L’essentiel des activités se concentre dans le secteur commercial et touristique. L’activité salariale représente 57,3% et ceux qui sont à leur compte représentent 31,4%. Les aides familiaux et les apprentis 8,2%. On note très peu d’employeurs (1,3%).

Le phénomène du mouvement associatif à Gorée

       « Le besoin de vie associative est aussi vieux que l’humanité. Les hommes se retrouvent démunis quand ils sont seuls à faire face aux caprices de la nature ou à confronter d’autres individus, surtout quand ceux-ci sont puissants. Pour survivre en face de cette opposition immense, les humains doivent se battre. Leurs chances de succès sont grandes si le combat est effectué en collaboration avec d’autres hommes ». Si le phénomène est aussi vieux que l’émergence des sociétés organisées, il convient tout de même de reconnaître que le mouvement associatif tel que nous le voyons se déployer actuellement à Gorée est d’une certaine particularité. En effet, Gorée est l’une des localités qui ont les plus fortes densités d’associations.

Avec une superficie de 27 ha et une population de 1715 habitants, Gorée compte plus de 25 associations. Qu’est-ce qui serait à l’origine de cette prolifération des structures associatives ? Le phénomène associatif à Gorée semble entretenir des rapports très étroits avec le processus de démocratisation et de décentralisation au Sénégal. Selon Mamadou Elbachir Kanouté47, le transfert de compétences de l’Etat central vers les échelons locaux enclenche une pleine recomposition de l’architecture institutionnelle en favorisant l’émergence et l’affirmation de la société civile et en particulier des organisations populaires comme acteurs à part entière du processus de développement local.

Autrement dit, le processus de décentralisation, en cherchant à établir de nouveaux équilibres et à promouvoir le développement des communautés locales (création d’ONG locales), dessine des espaces de pouvoir à occuper par de nouveaux acteurs et de nouvelles actrices à savoir les organisations de base. Cependant, pour bien étudier la maîtrise des enjeux de la décentralisation à Gorée à travers le phénomène du mouvement associatif, il est nécessaire de donner la parole aux acteurs sociaux afin de saisir les raisons qui ont présidé à la constitution des associations et l’interprétation qu’ils font eux-même de leur propre action. Les raisons qui poussent les habitants de Gorée à se constituer en associations sont nombreuses et variées. Selon A. Faye (A1) : « Deux principales raisons ont présidé à la création de notre association.

La première c’est de pouvoir rassembler toutes les femmes de l’île afin que dans ce contexte de décentralisation, elles puissent parler d’une seule voix, défendre dignement leurs intérêts et participer aux processus de prise de décision et au développement de l’île. La seconde est purement économique. Les temps sont durs et personne ne peut s’en sortir seul maintenant. Le fait de se constituer en association nous permet d’envisager des projets économiques et de pouvoir bénéficier du soutien de l’Institut Gorée et de la mairie ». M. Guèye (A1) : « Le mouvement associatif c’est notre seule force. Prenez les femmes individuellement ; quel peut être véritablement leur poids surtout dans cette société où elles sont toujours reléguées au second plan ? Avec la décentralisation, nous voulons occuper notre place et être au devant de la scène. Le développement de Gorée ne peut pas se réaliser sans les femmes. Il nous appartient de nous engager pour prendre notre destinée en main.

En outre, le fait de se constituer en association facilite l’accès au crédit et nous permet de développer l’initiative privée ». A. Diongue (A3) : « Notre association est constituée de marchands et d’artisans. Nos activités sont liées au tourisme qui favorise le développement de l’informel. Gorée vit essentiellement du tourisme. L’absence d’une véritable réglementation du secteur ici fait que personne n’en profite comme il se doit. L’AMAG est un outil au service de la réorganisation de notre secteur d’activité. La décentralisation nous met en présence de nos responsabilités et nous ne pouvons plus attendre que les gens viennent de l’extérieur pour nous organiser et nous imposer leur dictat. L’AMAG nous permet de cordonner nos actions et de faire des propositions à la mairie en vue d’un assainissement du secteur qui sera profitable à tous ». A. Thiam (A6) : « Nous avons créé notre association parce que nous en avions assez d’être marginalisé. Les autorités locales nous considéraient juste comme des squatters et ne faisaient rien dans le sens d’une réhabilitation du Castel qui est pourtant l’un des plus importants patrimoines de l’île.

Il faut donc voir en notre association l’expression de la prise de conscience des habitants du Castel de leur situation et leur volonté de s’engager dans la défense et la sauvegarde de ce patrimoine historique et de leurs intérêts personnels ». A. Diène (A9) : « Nous sommes des victimes de la SIAS, une société de collecte et traitement des ordures ménagères qui a fermé ses portes depuis quelques années. Nous avons créé notre GIE pour pouvoir travailler avec la mairie dans le domaine de l’environnement. Il constitue donc une source de revenus et un moyen de contribuer au développement local ».

En somme, il faut dire que c’est en raison de la pression des exigences du milieu, de la dégradation persistante de la situation économique, de l’emploi et des conditions de vie et de la volonté agissante des populations de s’auto prendre en charge, que Gorée est devenu le théâtre d’une multitude d’initiatives locales menées par des organisations communautaires, des groupements de femmes ou de jeunes, d’associations diverses, pour améliorer l’environnement et les conditions de vie dans l’île. Les associations à Gorée se donnent donc à voir comme la planche de salut pour se faire reconnaître et avoir des appuis pour la création de nouvelles activités, et pour la satisfaction de revendications. Leur constitution et leur développement s’appuient tout à la fois sur l’avantage particulier que les populations peuvent y trouver en y adhérant et sur leur capacité à intégrer chaque individu à un groupe sur la base d’une volonté réciproque.

Par ailleurs, ces initiatives populaires qui s’exercent dans des domaines très variés (collecte et traitement des ordures ménagères, assainissement du milieu, construction et gestion d’équipements communautaires, prestation de services, promotion de petites activités économiques et de l’emploi non salarié) traduisent une certaine maîtrise des enjeux de la décentralisation au niveau local. En effet, face aux carences de l’administration locale dans la prise en charge des préoccupations quotidiennes des populations et plus généralement du développement de l’île, les acteurs sociaux ont fait preuve d’une grande créativité organisationnelle pour se mettre en valeur. Ils sont conscients d’être les seuls véritables maîtres de leur destin et par conséquent de la nécessité de s’impliquer.

C’est pourquoi ils se sont constitués en associations en fonction de leur situation professionnelle (Association des Marchands et Artisans, Association des Restaurateurs, Hôteliers et Aubergistes, etc.) ou de leur situation sociale (Association des Habitants du Castel, Association Jeunesse Action de Gorée, etc.). En outre, quel que soit le but (lucratif ou non lucratif) de ces associations, elles s’investissent toujours dans des activités relevant de plusieurs domaines (social, économique, culturel, environnemental, etc.) dans l’optique de participer activement au développement de l’île. Le tableau suivant nous illustre bien cela.

Les apports de Gorée Institute

     L’Institut Gorée est une ONG Panafricaine à but non lucratif basée sur l’île depuis 1992. Il entend s’engager dans le développement de Gorée en identifiant toutes les opportunités que peut offrir l’environnement socio-économique et en mettant en œuvre des stratégies pour améliorer les conditions de vie des populations. C’est dans ce cadre qu’il a mis en place un programme de développement communautaire (PDC). Gorée Institut a une démarche qui est en phase avec l’idée et les idéaux de la décentralisation.

Il a une vision centrée sur les populations et voit en chaque acteur de base un centre créateur d’innovations et catalyseur de changement. Selon F. Sow, coordinateur du PDC de Gorée Institute : « La décentralisation est venue est venue à son heure. Il est temps que les populations prennent leur destin en main et s’engagent pour leur propre développement : on ne peut pas développer quelqu’un qui ne veut pas se développer ou qui ne sent pas la nécessité de se développer. En outre, ce retour  aux acteurs de base est d’autant plus positif qu’il place l’Etat dans une meilleure position qui lui permet de venir en appoint, de conseiller, d’aider à l’acquisition de moyens suffisants… ». Le Manager Exécutif de L’Institut (D. Dia) abonde dans le même sens : « La décentralisation est plus qu’une nécessité.

On ne peut pas envisager le développement sans un retour aux acteurs de base. Cela veut dire aussi que la décentralisation n’est pas seulement une affaire d’élections locales. C’est plutôt l’implication des populations locales dans les processus de prise de décisions et dans la gestion des affaires. Mieux, c’est la promotion des initiatives locales, qui doivent être le berceau de tout projet de construction collective ». Si l’on en croit aux responsables de l’Institut Gorée, leur ambition est de libérer la créativité qui dort en chaque personne et chaque groupe, de permettre aux populations locales de prendre leurs distances vis-à-vis des idées reçues et des modèles hérités ou imposés, afin de pouvoir décider de leurs objectifs et priorités et contrôler leurs ressources vitales.

Il s’agit donc de replacer les acteurs de base au cœur du processus de développement et de les aider à prendre conscience de leur rôle primordial dans ce contexte de décentralisation et à s’engager de façon effective dans la prise en charge de leurs problèmes. Pour ce faire, le PDC adopté une certaine démarche qui peut être schématisée de la façon suivante : La démarche du PDC comporte donc quatre étapes : chercher à connaître le milieu dans lequel on doit intervenir, sensibiliser les acteurs locaux et les aider à mieux s’organiser, contribuer au renforcement des capacités par le biais de la formation et enfin, donner les moyens, appuyer, aider à la réalisation des projets conçus par les populations.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL ET APPROCHE METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : Cadre général
CHAPITRE II : Approche méthodologique
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE
CHAPITRE III : Présentation de l’île de Gorée
CHAPITRE IV : Présentation des données
TROISIEME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
CHAPITRE V : La maîtrise des enjeux de la décentralisation à Gorée
CHAPITRE VI : La démocratie participative à Gorée
CHAPITRE VII : Le développement local à l’épreuve de la décentralisation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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