Google Books de la numérisation de masse le droit d’auteur en bibliothèques

Google Books

De la numérisation de masse

En 2004, Google s’associe à cinq grandes bibliothèques anglo-saxonnes pour numériser leur fonds en masse, que les documents soient ou non soumis au droit d’auteur. Le projet de Google, nommé « Google Print » dans un premier temps, puis « Google Books », est de mettre en ligne ces documents, dans leur intégralité pour les ouvrages du domaine public, ou par aperçu d’extraits pour les documents relevant du droit d’auteur. Pour les bibliothèques, l’intérêt de la simple numérisation est évident : il s’agit de pérenniser la conservation des documents. L’idée d’une copie de sauvegarde n’est pas récente : dès les années 1980, des services d’archives, des musées et des bibliothèques effectuaient des copies de leurs documents sur des vidéodisques, des microfilms, cédéroms. En 1989, la BnF commence à numériser ses fonds.

Le 28 novembre 2008 la District Court de New-York a condamné la première version du Google Books Settlement. Cet accord, prévoyait que Google numérise les livres des différentes bibliothèques et soit autorisé à vendre des exemplaires numériques de ces livres ou des abonnements qui donneraient un libre accès à tous les ouvrages scannés. Le 13 octobre 2009, une nouvelle version 2.0 du Google Book Settlement a été élaborée

Or, la législation du droit d’auteur, qu’elle soit américaine ou française, impose d’obtenir l’autorisation des auteurs avant d’entamer une numérisation de leurs œuvres, puisque la numérisation est une expression du droit patrimonial de reproduction. Aussi, tous les projets de numérisation d’œuvres, y compris ceux d’institutions respectables telles que la BnF, ne sont pas ou n’ont pas toujours été en totale adéquation avec la loi.

La révolution de l’imprimerie

En ce qui concerne les oeuvres littéraires, les manuscrits médiévaux ne posent pas de problème à leurs auteurs, si ceux-là sont encore vivants : le lent processus de copie limite de toute façon une reproduction d’envergure de l’ouvrage. L’offre est toujours inférieure à la demande. Le droit d’auteur n’existe pas et le travail de copie est considéré comme une reconnaissance du talent de l’auteur (là où aujourd’hui, il serait considéré comme de la contrefaçon).

Avec l’invention de la presse à caractères mobiles, vers le milieu du XVème siècle par Gutenberg, à Mayence, la reproduction d’un même livre en quantité importante devient possible. Le livre peut alors être diffusé plus facilement, plus loin, et à un prix plus avantageux pour l’acheteur. Le modèle économique repose entièrement sur les imprimeurs / éditeurs / libraires4.

Permissions et privilèges 5 Dans toute l’Europe, les auteurs sont complètement dépendants des imprimeurs, et ces derniers s’arrogent tous les droits sur les textes. Même si au départ, l’auteur possède, en même temps que son texte, une permission pour l’imprimer (sous réserve qu’il en ait fait la demande auprès d’un censeur, pour ce qui est du cas français), il doit aussitôt s’en défaire pour confier et le livre et la permission à l’imprimeur qui aura accepté de le publier. Ce système fondé sur les permissions permet avant tout un contrôle des écrits, une censure royale. Il n’a pas pour but de protéger les droits des auteurs, ou bien éventuellement celui des imprimeurs (lorsque la permission est transformée en privilège, c’est-à-dire en permission monopolistique). Aussi, lorsqu’un auteur souhaite faire publier un texte, il le vend à un éditeur, en même temps que la permission qui y est associée. La vente est forfaitaire : l’auteur ne touchera pas ultérieurement de pourcentage sur les ventes des exemplaires de son livre. La question de la propriété du texte est surtout posée lors de conflits entre auteurs et éditeurs, suite à une modification du texte par l’éditeur, sans le consentement de l’auteur.

Le « Statut d’Anne », premier texte de loi relatif aux droits des auteurs, en Europe6 Le premier texte de loi relatif à un droit d’auteur apparait en avril 1709 (pour une mise en application l’année suivante), en Grande-Bretagne, avec le « Statut d’Anne » (Statute of Anne). Le Royaume de Grande-Bretagne est tout jeune : l’union de l’Angleterre et de l’Écosse date de 1707. Cette loi prévoit la reconnaissance d’un « copyright » aux auteurs pour une durée de quatorze ans, renouvelable si l’auteur est toujours en vie et propriétaire de son texte. Quant aux livres publiés avant la promulgation de la loi, ils sont protégés pour une durée supplémentaire de vingt-et-un ans non renouvelables. Ce premier copyright consiste, comme son nom l’indique, à accorder l’exclusivité du droit de reproduction du livre, à son auteur ou à son « propriétaire ». Autrement dit, personne n’a le droit d’imprimer un livre sans l’autorisation de ses ayants-droits. Cette loi est valable uniformément dans tout le royaume. Il existait déjà une loi relevant du droit coutumier (common law) protégeant les livres, sans limite de temps, en Angleterre, et les libraires anglais se plaignaient justement de la réutilisation des livres dont ils avaient la permission d’imprimer , par des confrères écossais.

Le Statut d’Anne possède deux composantes ; il veut lutter contre deux dérives. La première est la concurrence sauvage et illégale de libraires récupérant des ouvrages dont le monopole appartient à un autre imprimeur. Ce droit de copie existait déjà auparavant ; il est désormais attribué à l’auteur, mais dans les faits, ce dernier n’a d’autre choix que de le céder à un imprimeur ; l’auteur ne peut pas imprimer son livre seul. La deuxième dérive est la perpétuité de ce monopole. Le Parlement britannique souhaite avec cette loi supprimer cette notion d’exclusivité illimitée dans le temps : les libraires ont désormais le droit d’exploiter les livres dont ils achètent les droits (les copyrights) pour 28 ans maximum, à la suite de quoi le livre en question pourra être imprimé et vendu librement par un autre éditeur, sans qu’une permission ne soit nécessaire.

On pourrait croire que le Statut d’Anne créé aussi le domaine public. C’est effectivement le cas, en théorie, mais pourtant, dans la pratique, celui-ci n’apparait que bien plus tard, en 1774. En effet, le Statut d’Anne, pourtant clair pour des observateurs modernes, est sujet à plusieurs interprétations pour ses contemporains, notamment chez les éditeurs. Ces derniers considèrent que le Statut d’Anne vient renforcer la common law déjà existante (qui elle, leur conférait des droits perpétuels sur les livres dont ils détenaient les droits), mais qu’en aucun cas elle ne la remplace. Aussi, selon eux, ces derniers ont tout à fait le droit de s’opposer à la publication par un tiers d’un livre qui leur appart ient, et cela même si le Statut d’Anne a expiré. Cette différence d’interprétation donne lieu à plusieurs procès entre des éditeurs, tout au long du XVIIIème siècle. L’affrontement principal est celui d’Alexander Donaldson, éditeur écossais, contre les libraires londoniens. Donaldson, s’appuyant sur le Statut d’Anne, entreprend d’imprimer un recueil de poèmes d’auteurs contemporains dont les copyrights ont expiré. Il insiste dans son affront à ses concurrents anglais en ouvrant une boutique à Londres pour y vendre des rééditions d’ouvrages populaires jusqu’à 50 % moins cher que dans les autres librairies londoniennes.

L’imprimeur anglais Thomas Beckett poursuit Donaldson en justice. L’affaire est portée devant la Chambre des Lords et retient l’attention de tout le royaume. Beckett pense obtenir gain de cause puisqu’un de ses confrères a remporté une affaire semblable, en 1729. L’instance suprême examine attentivement la question et donne raison à Donaldson, en 1774, arguant que les oeuvres qu’il a publiées font partie du domaine public, en vertu du Statut d’Anne. La législation britannique fait des émules. Les États-Unis s’en inspirent pour formuler leur propre « copyright act » (en 1790), qui garantit « aux auteurs […] pour une période limitée […] le droit exclusif d’exploiter leurs écrits ». Dans le même temps, la France adopte une loi similaire.

Émergence du droit moral

L’autre évolution majeure dans le droit français est l’apparition du droit moral. Les lois révolutionnaires sont clairement établies dans une volonté d’imiter le Statut d’Anne britannique : ce sont des lois d’ordre économique, ayant trait aux bénéfices sur les oeuvres littéraires et artistiques. Au cours du siècle qui suit, la jurisprudence française reconnait des droits d’un type nouveau aux auteurs. Voici quelques exemples qui marquent cette évolution8. Dès avril 1804 (le 28 floréal de l’an XII), la Cour de cassation considère comme relevant de la contrefaçon une édition du Dictionnaire de l’Académie augmentée et modifiée sans le consentement de l’auteur. Le 17 août 1814, le tribunal civil de la Seine reconnait à un auteur un « droit à l’intégrité de son oeuvre ». Le 6 avril 1842, le tribunal de la Seine condamne un éditeur qui a effectué des modifications mineures sur un livre sans l’autorisation de son auteur.

Ce droit d’intégrité de l’oeuvre souvent confirmé par la jurisprudence est résumé par Jean Bousquet, dans le Nouveau dictionnaire de droit, à l’article « auteur » : « La vente des ouvrages de l’esprit diffère, sous bien des rapports, de la vente de toutes autres choses qui sont dans le commerce : l’éditeur qui achète l’ouvrage n’en a pas la propriété absolue, puisqu’il ne peut rien y changer sans le consentement de l’auteur, et de l’autre côté, celui-ci conserve le droit de faire des changements, des corrections à son oeuvre, dont la substance appartient à celui qui l’a créée, tant que l’éditeur n’en a que l’usage ou la partie utile. »9. On voit bien ici la distinction entre droit moral et droits patrimoniaux : le droit moral est le respect de l’intégrité de l’oeuvre, tandis que les droits patrimoniaux sont les revenus pécuniaires liés à l’exploitation de l’oeuvre.

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Table des matières

INTRODUCTION
Définition du droit d’auteur
Droit patrimonial et droit moral : deux types de droits en France
Rôle des bibliothèques
Une législation qui garantit l’existence des bibliothèques
Des bibliothèques limitées ?
HISTOIRE DU DROIT D’AUTEUR EN FRANCE ET DANS LE MONDE
1.Le droit d’auteur, des origines au développement du numérique
1.1. Aux origines du droit d’auteur : le droit des éditeurs
1.1.1. Une absence de droit
a) La révolution de l’imprimerie
b) Permissions et privilèges
1.1.2. Le « Statut d’Anne », premier texte de loi relatif aux droits des auteurs, en Europe
1.2. La naissance de l’exception culturelle française ?
1.2.1. Lois révolutionnaires
1.2.2. Émergence du droit moral
1.3. Vers une législation internationale
1.3.1. La Convention de Berne
1.3.2. Pas d’uniformisation mondiale
1.4. Une protection de plus en plus longue
1.4.1. Droits patrimoniaux et succession
1.4.2. Les prorogations de guerre
1.4.3. Un exemple étranger: le « Mickey Mouse Protection Act »
1.4.4. Le droit moral : un droit patrimonial déguisé ?
2.Numérique et évolution de la législation
2.1. Le numérique bouleverse les échanges culturels
2.1.1. Les lois de 1957, 1976 et 1985
2.1.2. Nouvelles technologies et démocratisation du numérique
a) L’internet et la remise en cause du droit d’auteur
Sur le droit moral
Droits de paternité et de divulgation
Droit de repentir
Droit à l’intégrité de l’oeuvre
Sur le droit patrimonial
Une remise en cause légitime ou interdite ?
b) Le développement d’une culture gratuite… et souvent illégale
L’aventure Napster
L’essor du téléchargement
Le P2P
Le DDL
Le streaming
2.1.3. Nouvelles technologies, bibliothèques et droit d’auteur
a) Le droit de reproduction
b) Le droit de prêt
Pour les livres
Les autres supports
Les documents sonores
Les documents audiovisuels
c) Le droit de représentation
Les expositions
Les lectures publiques
Les concerts, diffusions et projections audiovisuelles
La diffusion de musique enregistrée au sein de la médiathèque
Les spectacles et concerts
Les séances cinématographiques
Diffusion sur le site internet de la bibliothèque
Cas des vidéos intégrées
L’accès à l’internet dans les bibliothèques
2.2. Des réponses aux « dangers » de la société de l’information
2.2.1. Une évolution à contre-courant : mise en garde du public, apparition des DRM et poursuites judiciaires
2.2.2. La loi DADVSI
2.2.3. La loi HADOPI (ou loi « Création et Internet »)
a) Les faiblesses légales de la loi
b) Les conséquences sur l’accès à l’internet en bibliothèques
c) Une nouvelle exception pour les bibliothèques
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
1.Bibliographie
1.1. Ressources générales
1.2. Ressources particulières
1.2.1. Sur la définition et l’histoire du droit d’auteur
1.2.2. Sur le numérique et ses conséquences sur le droit d’auteur
2.Sources
2.1. Sources administratives
2.1.1. Administrations internationales
2.1.2. Administrations nationales
a) Documents administratifs dont l’auteur est une personne morale
b) Documents administratifs dont l’auteur est une personne physique
2.2. Articles issus de sites d’information
2.2.1. Sur les affaires Google
2.2.2. Sur les expérimentations numériques européennes
2.2.3. Sur la réforme européenne du droit d’auteur
2.2.4. Constats et propositions imaginée en France
2.3. Articles écrits par des professionnels de la culture ou des élus liés à la culture
2.3.1. Articles écrits par des artistes
2.3.2. Articles écrits par des bibliothécaires
2.3.3. Documents produits par des associations culturelles
2.3.4. Articles écrits par des personnalités politiques
2.4. Codes et règlements privés
PROPOSITIONS ET TENTATIVES D’ÉVOLUTION : CAS GÉNÉRAUX, EUROPÉEN ET FRANÇAIS
1.Google : le géant du net face aux États
1.1. Google, « vecteur » de la culture
1.1.1. Google Books
a) De la numérisation de masse
b) La notion d’ « affichage d’extraits » selon Google
Le droit de citation français comme argument
Le fair use américain comme argument
c) Réaction judiciaire américaine
d) Actions en justice en France
1.1.2. YouTube : le remix ou l’appropriation de la culture
a) L’auteur de la vidéo n’est pas forcément son auteur
Le streaming, outil privilégié des pirates
Des plateformes plus ou moins respectables
Le remix, élément fondamental des vidéos YouTube
b) Rémunération des créateurs et respect du droit d’auteur
Rémunération des YouTubers
YouTube et les majors devancent la loi
YouTube et les licences Creative Commons
1.1.3. Les affaires Google News
a) Remise en question de la légalité des agrégateurs de liens
b) En France : des accords à l’amiable
c) À l’étranger : des modifications dans le service
Allemagne
Belgique
Irlande
Brésil
Espagne
1.2. Réponses européennes
1.2.1. De nouvelles bibliothèques numériques
a) Gallica
b) Europeana
1.2.2. De nouvelles règles qui contredisent le sens commun
a) Le cas délicat des oeuvres orphelines et des livres indisponibles
Les oeuvres orphelines
Les livres indisponibles
b) Exploitations commerciales exclusives
1.La réforme européenne du droit d’auteur
2.1. La consultation populaire
2.1.1. Fond et forme de la consultatio
a) L’objet de la consultation
b) La forme de la consultation
2.1.2. Critiques de la consultation
2.1.3. Les réponses au questionnaire
2.2. Le rapport Reda
2.2.1. Le contenu du rapport
a) Harmonisation des droits
b) Un domaine public agrandi et protégé
c) Les exceptions au droit d’auteur
d) Garantir des libertés essentielles
Les hyperliens
La liberté de panorama
Les DRM
e) Garantir la possibilité de nouvelles pratiques : le text et data mining
2.2.2. Soutiens et résistances
a) Les résistances
b) Les soutiens
2.2.3. Les amendements proposés
3.Évolutions tentées et imaginées en France
3.1. Tentatives d’évolution et vision passéiste du droit d’auteur en France
3.1.1. Le rapport Lescure
a) Les propositions concomitantes à la loi Hadopi
La neutralité du net menacée
Censure privée par les acteurs du net
b) Les propositions pour sanctuariser le domaine public
Un changement de définition
Un droit d’auteur auquel l’auteur pourrait renoncer
« Valoriser » le domaine public
3.1.2. La proposition de loi d’Isabelle Attard
a) Une définition positive du domaine public
b) Un domaine public sacralisé et ouvert
3.1.3. Propositions d’amendements au cours de la séance parlementaire du 20 novembre 2014
a) Abroger les prorogations de guerre
b) Favoriser l’accessibilité des oeuvres orphelines
3.2. Les conséquences positives sociales et commerciales du copiage
3.2.1. La valeur de l’original est augmentée
3.2.2. Dépendance et exposition augmentées
3.2.3. Marchés bifaces : un autre type d’accès à la culture
L’hypocrisie de Sony
3.3. Propositions alternatives
3.3.1. Les licences non-propriétaires, nouveaux modèles de diffusion et d’appropriation des oeuvres par le public
a) Les licences libres (ou open source)
Les licences permissives
Les licences copyleft
b) Les licences de libre diffusion (ou licences ouvertes)
c) Les licences ouvertes en application
Une mauvaise interprétation des licences ouvertes
Licences ouvertes et rémunération des auteurs
3.3.2. Licence légale et licence globale
3.3.3. Une réforme équilibrée du droit d’auteur
a) Maintenir le cadre actuel de protection des oeuvres
En modifiant les durées légales de protection
En le rendant facultatif
b) Permettre à tous d’être créateurs : le revenu de base
c) Améliorer les exceptions
L’exception pédagogique
L’exception pour les bibliothèques, les services d’archives et les musées
L’exception pour les usages transformatifs
d) La question du partage non-marchand
CONCLUSION

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