Gonflement et dissolution des fibres de cellulose
Les propriétés chimiques de la cellulose (Figure 1), sont déterminées par la réactivité des groupements primaires et secondaires des unités d’anhydroglucose (AGU). Afin d’effectuer des réactions chimiques de modification de la cellulose, un paramètre important qui doit être considéré est l’accessibilité, c’est-à-dire la disponibilité des groupements hydroxyles à interagir avec des différents agents chimiques [Klemm et al. 1998]. Comme nous l’avons vu plus haut, les organisations naturelles sont complexes et surtout sont associées à des réseaux denses de liaisons hydrogène qui ne permettent pas facilement à un réactif chimique de pénétrer autour de toutes les chaînes.
Afin d’effectuer des modifications chimiques avec un rendement élevé (forte substitution des groupements OH) de nombreuses procédures de traitement ont été développées afin de décroître la cristallinité et la densité des liaisons hydrogène inter-fibrillaires dans les structures de cellulose natives. La procédure la plus utilisée est évidemment le gonflement et/ou la dissolution de la cellulose avant d’effectuer des modifications chimiques.
Généralement, le gonflement d’un solide se traduit par une augmentation du volume après le contact avec un liquide tout en maintenant son homogénéité. Ces phénomènes peuvent être observés si deux substances (solide ou liquide) ont une certaine affinité l’une pour l’autre. Ce phénomène est observé pour la cellulose en contact avec tout type de liquide polaire, dû à la présence des groupements hydroxyles.
La cellulose est caractérisée par deux types de gonflement, inter-cristallin et intra cristallin. Le gonflement inter-cristallin correspond à la pénétration de l’agent gonflant uniquement dans les zones les moins ordonnées de la chaîne de cellulose (les zones amorphes). Ces zones, étant plus faciles à l’accès de l’agent gonflant, gonflent plus facilement. Le gonflement intracristallin consiste dans la pénétration de l’agent gonflant dans les zones ordonnées de la cellulose (les zones cristallines), avec comme conséquence d’en modifier la nature, comme lors de la mercerisation.
Afin d’effectuer une modification contrôlée de la cellulose (fonctionnalisation) il est essentiel de passer par une étape de dissolution ou au moins un gonflement considérable de la cellulose. Si ce type de gonflement n’a pas lieu, la réaction n’est possible qu’uniquement à la surface des fibres. Après un gonflement limité, la structure initiale de la cellulose est maintenue sous forme de particule ou de fibres ou sous forme de films malgré une augmentation du volume due à l’absorption de l’agent gonflant et des modifications importantes dans les propriétés physiques. Dans le cas de la dissolution, une transition d’un système à deux phases vers un système à une phase a lieu et la structure supramoléculaire de la cellulose est détruite.
Principaux systèmes solvants de la cellulose
Il existe un nombre restreint de solvants de la cellulose, qui sont pour la plupart des produits difficiles à manipuler du fait de leur toxicité ou de leur fort impact environnemental. Selon [Klemm et al. 1998], les solvants de la cellulose peuvent être classés suivant deux critères: solvant dérivatisants et non-dérivatisant. Le terme « solvant non dérivatisant » est utilisé pour les systèmes qui dissolvent les polymères uniquement par des réactions intermoléculaires. Le terme « solvants dérivatisants » défini le système ou la dissolution de la cellulose a lieu en combinaison avec une dérivatisation covalente et induit la formation d’un éther non-stable, d’un ester ou d’un acétal.
Nous allons ci-dessous décrire les principaux solvants de la cellulose et notamment ceux utilisés dans notre étude.
Systèmes à base de SO2 ou NH3
La combinaison de composés inorganiques (comme SO2 ou NH3) et d’un sel d’ammonium approprié est à l’origine de deux groupes de systèmes de solvants non-dérivatisants. Le premier groupe inclue les systèmes contenant du SO2 en combinaison avec des amines aliphatiques et un liquide polaire approprié. Afin de modifier la quantité de soufre contenue dans le premier groupe de solvants, on peut utiliser de SOCl2. Le besoin de modifier la quantité de souffre réside dans le fait que le SO2 est trop agressif. Les liquides polaires qui peuvent être employés sont par exemple le N, N – diméthylformamide (DMF), le diméthylsulfoxyde (DMSO), N, N – diméthylacétamide (DMAC), ou le formamide. Le deuxième groupe de solvants est composé d’un groupe amine qui contient une composante active dans un liquide polaire adapté et une autre composante tel que l’éthanolamine et/ou un sel inorganique adapté tel que le bromure de sodium.
Systèmes à base de N-méthylmorpholine N-oxide (NMMO)
Un autre groupe de solvants organiques non dérivatisants pour la cellulose, qui est aujourd’hui le plus important en ce qui concerne son utilisation pratique, est le solvant basé sur l’interaction entre la cellulose et certains composés organiques aprotiques dipolaires avec des dipôles N → O ou C=O. Cette classe de solvants est divisée en systèmes contenant du sel et sans sel. Un exemple de systèmes sans sel est basé sur un mélange d’eau et de N-méthylmorpholine N-oxide (NMMO). Depuis les années 80 de nombreuses études de ce solvant ont été entreprises [Gagnaire et al., 1980], [Navard et Haudin, 1981], [Maia et al., 1981], [Maia et al., 1982], [Nawrot 1982], [Chanzy et al., 1982], [Maï et al., 1982]. Maia et al., 1981, ont proposé la conformation de la molécule en chaise quasi parfaite, groupements N-oxyde N methyl adoptant une conformation axiale-équatoriale (Figure 8). Il a été montré que l’oxygène du groupe N-O est capable de créer une ou deux liaisons hydrogène avec des substances comportant des fonctions hydroxyles telles que l’eau et les alcools [Maia et al. 1982, Chanzy et al. 1982]. Les travaux de Maia et al. ont mis en évidence l’existence d’un monohydrate de NMMO à 13,3% d’eau en poids.
Plus tard, les travaux de thèse de Navard 1981 puis Biganska 2002 ont confirmé l’existence d’un composé monohydraté (1H2O-NMMO) et l’existence d’un composé à 2 molécules d’eau par molécule de NMMO ayant une température de fusion de 40°C et la possibilité de formation d’un autre composé hydraté, à 8 molécules d’eau par molécule de NMMO ayant une température de fusion de – 45°C.
La NMMO-eau (essentiellement son monohydrate) est à la base d’un procédé utilise pour la fabrication de fibres de cellulose pour des applications textiles, nommé procédé lyocell (Fink et al. 2001, Abu Rous 2006 et 2007, Bang et al. 1999, Ducos et al. 2006, Mortimer et Peguy 1996, Zhang et al. 2001). Ce type de solvants dissout la cellulose avec un DP élevé, rapidement, à des températures de 90°C en obtenant une solution claire et filable. Selon Klemm et al. 1998, l’interaction entre la NMMO et la cellulose peut être interprétée comme la formation d’un complexe réseau d’hydrogène avec interaction ionique superposée .
Les interactions solvant-cellulose sont seulement physiques, ce qui fait l’intérêt de la NMMO. Cependant, les travaux de Rosenau et ses collaborateurs [2001] ont montré qu’un nombre élevé de réactions secondaires parfois dangereuses et la production de produits de réactions avaient lieu.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I Etat de l’art – généralités de la cellulose
1. Introduction
2. Structure de la cellulose
2.1 Structure moléculaire
2.2 Structure supramoléculaire
2.3 Niveau macro-structurel de la cellulose
3. Gonflement et dissolution des fibres de cellulose
3.1 Principaux systèmes solvants de la cellulose
3.2. Mécanismes de gonflement et dissolution de la cellulose native
4. Extraction de la cellulose
5. Accessibilité de la cellulose
5.1 Traitements chimiques
5.2 Hornification
5.3 Traitements physiques
5.4 Méthodes de mesure de l’accessibilité
6. Conclusions
Références
CHAPITRE II Influence de l’état d’hydratation sur le gonflement et la dissolution des fibres de cellulose
1. Introduction
2. Matériaux et Méthodes
2.1 Les échantillons de cellulose
2.2 Procédures de séchage
2.3 Les solvants
2.4 Observations par microscopie optique
3. Résultats et discussions
3.1 Gonflement et dissolution dans NMMO-eau
3.2 Gonflement et dissolution dans les mélanges NaOH-eau
4. Conclusions
Références
Article accepté pour publication
CHAPITRE III Interactions eau-cellulose : étude du phénomène d’hornification
1. Introduction et objectifs du travail de recherche
2. Etude bibliographique du phénomène d’hornification
3. Matériaux et méthodes expérimentales
3.1 Matériaux
3.2 Méthodes expérimentales
4. Résultats et discussions
4.1 Obtention des films de cellulose
4.2 Observations des surfaces des films obtenus par Microscopie Electronique à Balayage
4.3. Observations par Microscopie à Force Atomique (AFM)
4.4 Spectroscopie de photoélectrons X (XPS)
5. Conclusions
Références
CHAPITRE IV Effet d’une irradiation sur la cristallinité de la cellulose bactérienne et sur l’influence d’un traitement hydrothermal
1. Introduction
2. Partie expérimentale
3. Résultats et discussions
3.1 Microscopie optique
3.2 Diffraction des rayons X
4. Conclusions et perspectives
Références
CHAPITRE V Influence d’une tension axiale elongationnelle sur l’efficacité de l’acétylation des fibres régénérées de cellulose
1. Introduction
2. Matériaux et méthodes
2.1 Matériaux et solvants
2.2 Préparation des échantillons
2.3 Microscopie optique
2.4 Derivatisation des fibres Lyocell
3. Résultats
3.1 Gonflement des fibres Lyocell sans tension
3.2 Gonflement des fibres Lyocell sous tension et rapport du gonflement
3.3 Dérivatisation des fibres Lyocell
3.4 Caractérisation par Résonance Magnétique nucléaire (RMN)
4. Discussions
5. Conclusions
Références
CONCLUSIONS
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