Étude Bibliographique
L’ingénierie tissulaire vise à régénérer des organes et des tissus ne remplissant plus correctement leur fonction. Elle repose sur l’association d’un matériau servant de support et de cellules. Les hydrogels en raison de leurs propriétés similaires à celles des tissus mous naturels sont parmi les supports les plus utilisés dans différents domaines de la médecine régénérative, pour réparer des tissus endommagés . Quelle que soit l’application visée, une fois au contact d’un tissu ou d’un organe, les hydrogels doivent posséder des propriétés semblables à celle de la matrice extracellulaire.
Matrice extracellulaire
La matrice extracellulaire (MEC) est un microenvironnement tissulaire dynamique, complexe et tridimensionnel qui entoure les cellules et leur fournit un support physique au sein duquel elles peuvent adhérer, et communiquer par le biais de messagers biochimiques . Elle régule également de nombreux aspects du comportement cellulaire, notamment la prolifération et la croissance, la survie, les changements de morphologie cellulaire, la migration et la différenciation. Certaines MEC sont spécialisées pour une fonction donnée (la filtration, au niveau du glomérule rénal par exemple), d’autres peuvent être calcifiées pour présenter une plus grande résistance mécanique (dents, os). Les composants de la MEC sont synthétisés, sécrétés et remodelés par les cellules . Toutes les cellules sont capables de sécréter et de dégrader leur MEC, mais certains types cellulaires sont particulièrement actifs dans la production de MEC interstitielle (la MEC située entre les tissus) : c’est le cas par exemple des fibroblastes et des cellules de muscle lisse. La structure et la composition de la MEC varie en fonction du tissu étudié, mais ses principaux constituants sont globalement conservés : ce sont le collagène, l’élastine, les glycoprotéines, les protéoglycanes et les facteurs de croissance, tous arrangés en une ultrastructure tridimensionnelle spécifique du tissu étudié .
Il existe deux catégories principales de MEC : la lame basale (ou membrane basale) et le tissu conjonctif. La lame basale est caractérisée par son épaisseur, comprise entre 30 et 100 nm. Elle est située sous les épithéliums et les endothéliums et créée une barrière sélective pour les macromolécules entre deux types de tissus. Elle est riche en collagène de type IV, en laminine et en perlécan. Le tissu conjonctif est un tissu de soutien situé entre d’autres tissus et composé de cellules incluses dans une quantité relativement importante de MEC. Il est riche en collagènes fibrillaires, en protéoglycanes et en glycosaminoglycanes . Les principaux composants de la MEC sont maintenant brièvement présentés.
Le collagène
Le collagène est la protéine la plus abondante dans la MEC des mammifères et représente plus de 90% de son poids sec. Plus de 25 types de collagène différents ont été identifiés, chacun possédant une fonction biologique unique. Le collagène de type I est la protéine structurale la plus abondante dans les tissus. Très présent dans les tendons et les ligaments, il leur fournit la force mécanique. D’autres types de collagène sont présents dans la MEC d’autres tissus mais souvent en quantité plus faible. Le collagène de type IV a une affinité importante pour les cellules endothéliales et il est présent dans la lame basale des structures vasculaires .
La fibronectine
Seconde protéine la plus abondante dans la MEC, la fibronectine est aussi présente sous forme circulante dans le sang. La fibronectine est retrouvée dans les membranes basales et dans les tissus conjonctifs et forme un dimère d’environ 440 kDa. Elle est riche en ligands qui favorisent l’adhérence cellulaire, en particulier le motif Arg-Gly-Asp (RGD), qui permet l’interaction avec les cellules grâce à l’intégrine α5β1 (Figure 2). Elle peut former un réseau à la surface des cellules, grâce aux forces générées par le cytosquelette et transmises par les intégrines.
Glycosaminoglycanes et protéoglycanes
Les glycosaminoglycanes (GAG) sont de longs polysaccharides linéaires composés d’unités de répétitions disaccharidiques. Ils possèdent plusieurs fonctions biologiques, notamment la capacité à lier les facteurs de croissance et les cytokines ainsi que les molécules d’eau. Parmi les GAG présents dans la MEC on retrouve l’héparine, l’héparane sulfate, le chondroïtine sulfate et l’acide hyaluronique.
Il existe plus de 30 protéoglycanes exprimés chez les mammifères. Leur capacité de liaison aux autres composés joue un rôle important dans la cohésion de la MEC. En raison de leur caractère fortement hydraté, ils augmentent la capacité des tissus à résister aux forces de compression . Les protéoglycanes peuvent également être des protéines de membrane et modulent alors la croissance et la différenciation cellulaires .
La MEC constitue donc un environnement idéal pour la communication intercellulaire, la croissance cellulaire, et le remodelage tissulaire. Elle permet l’adhérence cellulaire via des domaines spécifiques (notamment le motif RGD ), avec lesquels interagissent les récepteurs situés en surface des cellules (intégrines, sélectines, syndécan). Les macromolécules formant la MEC sont enchevêtrées et une grande quantité d’eau est retenue dans ce réseau. La MEC constitue donc un gel dynamique, qui peut être remodelé par les nombreuses enzymes sécrétées par les cellules (métalloprotéases, plasmine, élastase). Elle sert également de réservoir de facteurs de croissance, afin d’influencer le comportement cellulaire .
Les buts de l’ingénierie tissulaire, comme cela a été précisé dans l’introduction, sont de restaurer, de préserver ou d’améliorer la fonction des tissus, mais aussi de remplacer des organes et des tissus endommagés à la suite d’accidents ou de pathologies . Les biomatériaux utilisés pour atteindre ces objectifs doivent donc servir de matrice tridimensionnelle, assurant le soutien mécanique, facilitant la réparation tissulaire, et si possible délivrant des agents thérapeutiques. Afin de reproduire au mieux la structure et les fonctions de la matrice extracellulaire, de nombreux hydrogels ont été mis au point, en particulier depuis une cinquantaine d’années. Nous présenterons ci-dessous l’état gélifié et les hydrogels .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Matrice extracellulaire
1.1. Le collagène
1.2. La fibronectine
1.3. La laminine
1.4. Glycosaminoglycanes et protéoglycanes
2. Qu’est-ce qu’un gel ?
2.1. Gels physiques et gels chimiques
2.2. Hydrogels
3. Synthèse des hydrogels
3.1. Exemples de formation de gels physiques
3.2. Exemples de synthèse de gels chimiques
3.3. Combinaison des réticulations physique et chimique
4. Propriétés requises pour un hydrogel pour la régénération tissulaire
4.1. Biocompatibilité
4.2. Vascularisation
4.3. Dégradation
4.4. Propriétés viscoélastiques
4.5. Microenvironnement
5. Application des hydrogels en ingénierie tissulaire
5.1. Matériaux support (« scaffold »)
5.2. Rôle de barrière
5.3. Libération contrôlée de principes actifs
5.4. Encapsulation cellulaire
6. Types d’hydrogels
6.1. A base de précurseurs synthétiques
6.2. A base de précurseurs naturels
6.3. Limitations de ces gels
7. Hydrogels complexes
7.1. Coréseaux de protéines/peptides PEGylées
7.2. Réseaux Interpénétrés de Polymères (RIPs)
8. Conclusion
CHAPITRE 2 : MATERIAUX RIP A BASE DE PVAM
1. Comportement lors de cycle de déshydration/réhydratation
2. Dégradation enzymatique des RIP PVA-BSA/Fb
2.1. Suivi visuel de la dégradation
2.2. Evolution des propriétés viscoélastiques
2.3. Suivi du relargage des fragments protéiques
3. Variabilité entre lots et stérilisation du PVAm
4. Conclusion
CHAPITRE 3 : MATERIAUX POE-BSA/FB
1. Choix du remplaçant du PVAm
2. Synthèse et caractérisation des coréseaux POE-BSA
3. Synthèse des RIPs POE-BSA/Fb
3.1. Optimisation de la proportion d’amorceur
3.1. Influence du temps de polymérisation
3.2. Suivi de la formation des matériaux
4. Caractérisation des RIPs
4.1. Caractérisation de l’architecture RIP
4.2. Biodégradabilité
5. Biocompatibilité des RIPs POE(x)BSA(y)/Fb
5.1. Approche en deux dimensions
5.2. Cytotoxicité de l’Irgacure 2959
6. Conclusion
CHAPITRE 4 : GREFFAGE ET DELIVRANCE DE MOLECULES A ACTIVITE BACTERICIDE
1. Colonisation bactérienne et biomatériaux antibactériens
1.1. Colonisation bactérienne des surfaces
1.2. Stratégie pour limiter le développement bactérien
2. Choix et caractéristiques des composés bactéricides
2.1. Coefficient d’extinction molaire
2.2. Détermination des concentrations minimales inhibitrices
3. Synthèse de RIPs POE-BSA/Fb contenant des sels d’ammonium
3.1. Aspect des RIPs contenant les sels d’ammonium
3.2. Vérification du greffage du styrène ammonium au coréseau POE-BSA
4. Caractérisation des matériaux
4.1. Caractérisation de la morphologie des matériaux
4.2. Propriétés viscoélastiques des RIPs contenant des sels d’ammonium
4.3. Suivi de la dégradation des RIPs contenant les sels d’ammonium
5. Activité bactéricide de ces RIPs
5.1. Etude de la diffusion des sels d’ammonium
5.2. Dénombrement des bactéries en contact avec le matériau
6. Conclusion
CONCLUSION GENERALE