Gestion diagrammatique des connaissances sur les lignées techniques de télescopes

Une brève histoire de l’astronomie pré-télescopique 

L’astronomie est la plus ancienne science de la nature. Paul COUDERC, Histoire de l’astronomie classique .

La tentation est grande de projeter sur nos ancêtres notre propre fascination pour les étoiles. Cependant, il semble bien que l’observation des astres soit une pratique apparue à l’aube des premières civilisations. Probablement cantonnée à un rôle mystique lors du Paléolithique, cette observation s’est ensuite nourrie de la nécessité de disposer de calendriers réguliers pour les premiers cultivateurs du Néolithique. Que ce soit le cercle de Goseck (4800 av. J.-C.) ou les mégalithes de Nabta Playa (4000 av. J.-C.) et de Stonehenge (3000 av. J.-C.), tous disposent, en plus de leurs fonctions sacrées et rituelles, d’indéniables fonctions calendaires, marquant avec une relative précision le passage des solstices, « les peuples cultivateurs [ayant] éprouvé le besoin d’ajuster leur calendrier au cours du Soleil qui rythme l’agriculture ; en s’y efforçant, ils ont fondé l’astronomie ». Même si leur vocation est encore largement discutée aujourd’hui, ces grands cercles mégalithiques semblent bien être les ancêtres des observatoires modernes.

Avec l’apparition de l’écriture, l’astronomie a commencé à se constituer en tant que corpus de connaissances, transmissible et cumulatif, notamment chez les Babyloniens et les Égyptiens, marquant ainsi véritablement sa naissance en tant que science naturelle . Toujours en lien avec le sacré (position des astres) ou l’agriculture (passage des saisons), elle se dota aussi rapidement d’instruments permettant d’améliorer la précision des observations. Le gnomon (Babylone, 2000 av. J.-C.), ancêtre du cadran solaire, et la clepsydre (Égypte, 1400 av J.-C.) permettent ainsi une meilleure mesure de l’écoulement du temps, préalable à toute observation astronomique, et sont des instruments que l’on retrouve en Chine et chez les Mayas, deux civilisations ayant également eu recours aux observations astronomiques dans le cadre de leurs rites sacrés. Cette proto-astronomie a en outre eu un but pratique, comme le relève Maurice Daumas : « L’observation du soleil et des astres a servi très tôt à mesurer l’écoulement du temps, aussi les premiers dispositifs imaginés pour faciliter cette observation et surtout pour la rendre comparative remontent-ils aux âges les plus reculés ».

Mais c’est avec les Grecs que la science des astres naît vraiment ; et, réciproquement, « les plus grandes réalisations de la science grecque à ses débuts ont eu pour cadre l’astronomie». L’émergence du rationalisme et du « positivisme » de l’école de Millet contribua à autonomiser l’astronomie – de άστρον, ástron (« astre ») et νόµος, nómos (« loi ») –, la séparant notamment de l’astrologie et des autres pratiques ésotériques . La volonté de se débarrasser de l’influence du mysticisme (Platon) et l’essor de la géométrie (Euclide) motivèrent la recherche de lois simples, basées sur les observations. Les opinions de Platon portant sur la portée de ces lois astronomiques ont notamment été recueillies par Eudème de Rhodes (IVe siècle av J.-C.), un disciple d’Aristote :

Platon admet en principe que les corps célestes se meuvent d’un mouvement circulaire, uniforme et constamment régulier ; il pose alors aux mathématiciens ce problème : Quels sont les mouvements circulaires, uniformes et parfaitement réguliers qu’il convient de prendre pour hypothèses, afin que l’on puisse sauver les apparences présentées par les planètes ?

Le but de l’astronomie est donc de rendre compte des observations, de « sauver les phénomènes » (en grec Σώζειν τα Φαινόµενα, Sozein ta Phainomena), en élaborant des systèmes géométriques fondés sur un certain nombre de postulats esthétiques – dont le recours exclusif à des « mouvements circulaires, uniformes et parfaitement réguliers ». Un des premiers philosophes grecs à avoir tenté de répondre à ces questions fut Eudoxe de Cnide (IVe siècle av J.-C.). De ce contemporain de Platon, nous est parvenu ce qui s’apparente au premier système cosmologique connu : la théorie des sphères homocentriques. Dans cette théorie, le cosmos s’apparente à un emboîtement de 27 sphères : trois pour le Soleil, trois pour la Lune, quatre pour chacune des cinq planètes et une dernière pour les « étoiles fixes ». Chacune de ces sphères est centrée sur la Terre, immobile et au centre du cosmos, et c’est le mouvement de rotation combiné de chaque ensemble de sphères associées à un astre qui rend compte de son mouvement apparent. Le sens et la vitesse de rotation peuvent varier, mais l’injonction platonicienne est respectée : chacune de ces sphères homocentriques est animée d’un mouvement de rotation uniforme. Callippe de Cyzique puis Aristote reprirent ce modèle et le complexifièrent, faisant passer le nombre de sphères homocentriques à 34 puis 56. Pourquoi des systèmes aussi compliqués ? La raison réside dans la complexité du mouvement des planètes sur la sphère céleste (notamment le fameux problème du mouvement rétrograde), qu’il est difficile – impossible, en réalité – d’expliquer en ne recourant qu’à des mouvements circulaires uniformes. Nous touchons là aux limites du programme platonicien, et plus généralement à celles de la science grecque, bien trop attachée à certains postulats métaphysiques (perfection du mouvement circulaire uniforme) et principes de construction (à la règle et au compas) .

Afin de mesurer la position des astres et d’en mieux déterminer les mouvements, les astronomes grecs développèrent et perfectionnèrent un certain nombre d’instruments, qui vinrent épauler la vision humaine et permirent une plus grande précision dans les mesures. L’un des tout premiers instruments employés à ces fins fut l’alidade, simple réglette matérialisant le rayon lumineux issu de l’étoile à son arrivée et permettant la mesure d’un angle. Son origine remonte au moins au IIIe siècle avant notre ère. Plusieurs alidades peuvent aussi être utilisées conjointement et constituer ainsi de nouveaux instruments, comme le compas (assemblage de deux alidades essentiellement utilisé en navigation pour déterminer la déviation par rapport à une direction donnée) ou le triquetrum, aussi appelé « règle parallactique », permettant de mesurer la distance zénithale, ou altitude, d’un objet céleste. Les instruments à base de cercles ou de parties de cercle constituent l’autre grande famille d’instruments utilisés à partir de cette époque . Les armilles (cercles gradués permettant de mesurer la position angulaire d’un astre) et les quadrants (quart de cercle réalisant la même fonction que le triquetrum) en sont les éléments constitutifs. Les premières utilisations attestées de ces instruments remontent à Ératosthène (IIIe siècle av J.-C.), célèbre pour être le premier dont la méthode de calcul de la circonférence terrestre nous soit connue. C’est aussi lui qui est crédité de l’invention de la sphère armillaire (appelée « astrolabe sphérique » par certains auteurs), assemblage complexe de plusieurs armilles et alidades permettant de modéliser la sphère céleste et de mesurer des angles sur 360° par rapport à plusieurs directions. Ces deux proto-familles instrumentales, que nous définissons structurellement (géométriquement) par la ligne et le cercle, constituent ce que Maurice Daumas a qualifié de « fonds des instruments classiques », à partir duquel les instruments modernes ont pu se développer.

Les spécificités de l’astronomie

Un des aspects remarquables de l’astronomie, et qui la distingue des autres sciences naturelles, est l’impossibilité d’effectuer, aussi bien des expériences, que des observations in situ.

Bien sûr, d’un certain point de vue, toute science de la nature est une science d’observation, mais ce mot ne prend son véritable sens qu’en astronomie : dans l’étude des cieux, l’observation, c’est-à-dire l’investigation et la mesure excluant toute action sur les phénomènes étudiés, donc toute expérimentation, reste la source quasiment unique de nos connaissances, ou plus exactement de la collecte de données qui font progresser nos connaissances .

C’est cette spécificité de l’astronomie qui en fait la science positive par excellence : « Aucune science ne peut mieux manifester que l’astronomie cette manière relative de toutes nos connaissances réelles, puisque l’investigation des phénomènes ne peut s’y opérer que par un seul sens». Même si aujourd’hui cette assertion est à nuancer, notamment en ce qui concerne les « nouvelles » disciplines que sont l’astrophysique et la planétologie, l’astronomie, en tant qu’étude de la position et du mouvement des astres est une science qui, par définition, ne peut s’opérer qu’à distance. L’absence d’expérimentation renforce le schéma positiviste observation – modélisation – validation et conduit à une survalorisation des étapes observationnelles : « Pour l’instant, et pour longtemps, les astronomes se contentent d’observer, d’échafauder des modèles, d’en déduire des effets observables et de retourner les chercher dans le ciel ».

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Le projet d’une analyse génétique
1. Le programme des Annales
1.1. Science et technique ; histoire des sciences et histoire des techniques
1.2. L’internalisme, ou l’histoire technique des techniques
1.3. L’externalisme, l’histoire globale et l’histoire économique
2. Les ambitions de l’approche génétique
2.1. La complémentarité des approches internalistes et externalistes
2.2. La génétique technique de Michel Cotte
2.3. De l’origine du terme « génétique »
3. Le concept de lignée technique
3.1. L’étude des objets techniques
3.2. Rapide généalogie du concept
3.3. Les lignées techniques chez et après Simondon
4. De l’utilité des diagrammes pour la gestion des connaissances
4.1. Le rôle des diagrammes
4.2. La valeur prospective des diagrammes
Conclusion de chapitre
Chapitre 2 : État de l’art en mécanologie
1. De la technologie à la mécanologie
1.1. La machine comme objet d’étude
1.2. De la mécano-graphie
1.3. … à la mécano-logie
2. Naissance et premiers développements mécanologiques
2.1. Les travaux de Jacques Lafitte
2.2. Le statut de la mécanologie
2.3. La classification des machines
3. Les travaux de Gilbert Simondon
3.1. Ontologie et classification chez Simondon
3.2. Une approche mécanologique
3.3. Les échelles de la technique
3.4. Génétique et concrétisation
4. La technologie génétique d’Yves Deforge
4.1. L’objet industriel plutôt que l’objet technique
4.2. Les lignées, classes et familles techniques chez Yves Deforge
5. L’apport de la TRIZ
5.1. Résolution de problème et contradiction technique
5.2. La notion d’idéalité
5.3. Inertie psychologique et obstacle mécanologique
6. Synthèse mécanologique des notions
6.1. La convergence des notions
6.2. La mécanologie génétique et IDID
Conclusion de chapitre
Chapitre 3 : Présentation des outils opératoires
1. Niveaux de classification
1.1. Un champ lexical d’inspiration biologique
1.2. Classe, groupe et lignée
1.3. Famille, opération et intention techniques
1.4. Générations, espèces, sous-lignées, genres
2. Les diagrammes de fonctionnement
2.1. De l’utilité des représentations graphiques
2.2. Principes de construction des diagrammes
2.3. Diagrammes et niveaux de la technique
3. Les diagrammes de lignées
3.1. Regards croisés d’Yves Deforge et Michel Cotte
3.2. Principes de construction
4. L’invention et l’innovation dans les processus de conception
4.1. La technique comme optimisation
4.2. La matrice des performances
4.3. La typologie des inventions
4.4. La matrice coûts/performances
Conclusion de chapitre
Conclusion

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