Gestion des livres documentaires dans les bibliothèques scolaires de degré secondaire
Livre documentaire et livre de fiction
Avant toute chose, il convient de définir clairement ce que signifie le « livre documentaire ». Dans la littérature jeunesse, on différencie le livre de fiction du livre documentaire. Un roman de fiction est : « Une oeuvre d’imagination constituée par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de moeurs ou caractères, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation de réel ou de diverses données objectives et subjectives. » (Roman) Par opposition à la fiction, on retrouve le livre documentaire, dont l’objectif premier n’est pas la lecture de loisir, mais la recherche d’information. « On pourrait définir les publications documentaires comme celles qui sont susceptibles de fournir un apport informationnel, issu de la réalité et intégrable à des connaissances déjà̀ acquises, en vue soit de former avec elles un savoir culturel, soit de susciter ou d’assouvir une curiosité́ de type scientifique. » (Robine 1982, p.1) Pour résumer, les livres documentaires ont pour fonction d’informer sur un sujet précis et réaliste.
Leur rôle est de transmettre aux enfants et aux adolescents des savoirs et des valeurs qui favoriseront leur insertion sociale, mais aussi leur développement personnel grâce à l’acquisition de nouvelles connaissances. (Bocquet 2004, p. 2) « Il faut [leur] donner des clés pour comprendre le monde actuel » (Combet 2019), et ce en couvrant diverses thématiques. Le SNE définit la catégorie Documentaire/Encyclopédie de la manière suivante : « Tous ouvrages d’apprentissage pour plus de 5-6 ans. Ouvrages généralistes (encyclopédies et dictionnaires généraux), ouvrages thématiques (sciences, arts, nature, animaux) et livres pratiques (sports) ou d’activités (peinture, découpage). » (Hervouët et Vidal-Naquet 2015, pp. 119-120) Chez les Anglo-saxons, les livres documentaires appartiennent à la catégorie « non-fiction » ou « non-fiction picture books ». Cette définition peut poser problème, car actuellement, la frontière entre la fiction et le documentaire est plus floue. En effet, la dernière tendance est de faire usage de l’imaginaire pour rendre les documentaires plus ludiques, comme on le verra dans le chapitre 3.6.
Évolution du livre documentaire
Les livres documentaires pour la jeunesse ont connu une explosion durant les années 80, suite au lancement de nombreuses collections qui font encore référence aujourd’hui. (Gentile et Godard 2008) Ce phénomène s’explique à travers plusieurs facteurs. Premièrement, de plus en plus de livres publiés en France sont des ouvrages traduits ou coédités. Deuxièmement, les éditeurs misent sur un renouveau de la qualité esthétique. Et troisièmement, de nouvelles thématiques émergent. (Lamouroux 2010) À titre d’exemple, Pierre Marchant crée en 1972 le secteur jeunesse de Gallimard qui publie les encyclopédies poches Découverte lesquelles, fortes de leur succès chez les plus jeunes, ont été déclinées pour les adolescents et les adultes. La maison Gallimard devient alors pionnière dans l’édition documentaire jeunesse et développe ensuite, à partir de 1988, Les yeux de la découverte, une collection qui devient emblématique et propose encore aujourd’hui de nouveaux titres ou des rééditions. (Gentile et Godard 2008) « Ce concept fonctionne, car il s’agit d’un retour vers l’esthétique de “l’Encyclopédie” de Diderot et d’Alembert, avec la relation texte-image qui change les modalités de lecture et d’appréhension. » (Lamouroux 2010)
S’en suit alors la publication d’ouvrages de différents genres, par exemple dans le domaine de l’histoire la collection Mes premières découvertes en 1989, destinée aux plus petits. Durant cette période, le secteur du livre documentaire rencontre un tel succès qu’il est considéré comme « […] le plus beau fleuron de l’édition française ». (Fauquembergue 1997, p. 8) L’offre couvre principalement les mêmes thèmes soit : la nature, les sciences et techniques, l’histoire et les voyages. Cette popularité se poursuit dans les années 90. « Les consommateurs recherchent avant tout ce qui le sécurise. Des sociologues parlent de consommations de sens. » (Fauquembergue 1997, p. 103) Ce genre d’ouvrage est considéré comme une lecture utile qui permet d’affiner le savoir.
Suisse romande
La première partie du questionnaire s’intéresse aux tendances d’emprunts. Tout d’abord, en matière de collection, les bibliothèques interrogées possèdent toutes des documents de plusieurs types, dont des livres documentaires. D’après les bibliothécaires interrogés, les mangas, les bandes dessinées et les romans de fiction sont ceux qui remportent le plus de succès. Puis, en termes de proportion, les livres et les DVD documentaires occupent entre un tiers et la moitié du fonds total de chacune des bibliothèques interrogées. La seconde partie du questionnaire s’intéresse à la gestion des livres documentaires. Les livres documentaires sont consultés par les élèves généralement pour des travaux scolaires, rarement pour les loisirs. Lors des exposés, les thématiques qui fonctionnent le mieux sont l’histoire et la géographie. Pour les hobbys, le Do It Yourself, la cuisine, la permaculture et le sport sont les plus consultés/empruntés. Quatre bibliothécaires ont souligné que les élèves se dirigeaient plus facilement vers les documentaires s’ils sont stimulés par les enseignants. Les bibliothécaires de Fully-Saxon et Cossonay ont ajouté que les nouveautés sortent plus aisément si elles sont mises en avant, par exemple par le biais d’exposition. Si la couverture n’est pas attractive ou que le livre n’a pas d’image ou d’infographie, il y a peu de chance que celui-ci soit emprunté. Pour dynamiser sa collection, le responsable de la bibliothèque de St-Guérin intègre les dossiers hors-série issu du magazine Sciences et vie junior parmi les livres documentaires. À Beausobre, la bibliothécaire propose les périodiques aux élèves comme ressource documentaire de départ, afin de leur permettre de rebondir ensuite sur divers sites Internet.
Concernant les professeurs, l’ensemble des bibliothécaires ont relevé que ceux-ci venaient rarement par eux même. Ils se rendaient sur place uniquement pour organiser des visites de classe et éventuellement faire des propositions d’achat. À titre d’exemple, la bibliothécaire de Cossonay consulte régulièrement les enseignants pour leur soumettre des propositions à valider, et collabore avec eux pour préparer des caisses de classe. La bibliothèque de Beausobre présélectionne les livres sur place et prépare un dossier de ressources documentaires électroniques pour les professeurs, généralement en sciences, car les sujets sont complexes. Puis, nous avons demandé aux bibliothèques si elles avaient une politique d’acquisition pour les livres documentaires et, si oui, quels en étaient les critères. Il s’avère qu’aucune d’elles n’en a rédigé spécifiquement, et ce pour diverses raisons. Premièrement, quatre des bibliothèques interrogées mettent davantage l’accent sur les besoins des enseignants qui sont invités à faire des propositions d’achats selon leurs cours. Deuxièmement, c’est qu’au contraire de la fiction, les livres documentaires sont coûteux et parfois leur contenu s’avère décevant par rapport à ce qui est promu sur le site de l’éditeur. Pour éviter de mauvaises surprises, trois des responsables se rendent directement en librairie pour vérifier la qualité du document.
France
La première partie du questionnaire s’intéresse aux tendances d’emprunts. Tout d’abord, en matière de collections, les deux C.D.I. interrogés possèdent des romans de fiction, des livres documentaires, des livres audio, des magazines et quelques DVD documentaires destinés principalement aux enseignants. Les romans, les bandes dessinées et les mangas sont les genres les plus empruntés. Puis, en termes de proportion, les livres et les DVD documentaires occupent la moitié du fonds total. Les livres documentaires sont consultés en premier lieu par les élèves dans le cadre de travaux scolaires, mais un nombre restreint le font aussi par curiosité personnelle. Le responsable du C.D.I. du collège Gaston Ramon nous a indiqué que lorsque les élèves cherchent une information, ils viennent rarement lui demander un livre et utilisent Internet. Cependant, lorsqu’ils font un exposé sur un sujet plus complexe, il a constaté que les élèves se retrouvent parfois désemparés face à l’abondance de l’information et apprécient d’avoir un livre, car « […] ils découvrent vite la praticité des documentaires spécifiquement faits pour eux en termes de facilité de lecture et de degré d’expertise23 ». Les sujets qui remportent le plus de succès sont les ouvrages traitant de l’adolescence, de l’éducation sexuelle, de l’histoire et les livres-jeux.
Le responsable du C.D.I. du collège Simone Veil a souligné que « […] les élèves empruntent plus facilement des livres documentaires axés sur le divertissement, par exemple une approche type « exploration », des livres ayant un design original tel qu’un look vintage, ou ceux dont le contenu inclus des infographies amusantes et des effets d’optique24 ». Concernant les professeurs, ceux-ci se rendent plusieurs fois par an au C.D.I. de leur collège pour demander un corpus d’ouvrages à emmener en classe dans le but de réaliser des recherches rapides avec leurs élèves. Le reste de l’année scolaire, ils se déplacent peu à la bibliothèque et font rarement des propositions d’achats. En parallèle, les professeurs- documentalistes se servent des ouvrages de la bibliothèque lorsqu’ils organisent des séances autour de la documentation. Par ailleurs, les deux centres de documentation interrogés nous ont informés que leur statut de « professeur-documentaliste » est difficilement reconnu auprès de leurs collègues enseignants ainsi que leur administration. Conséquemment, le centre doit se démarquer pour être visible.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Introduction
2.Présentation de la bibliothèque scolaire de Nyon-Marens
2.1 La bibliothèque et ses missions
2.2 Fonds documentaire
3.Les livres documentaires
3.1 Sources d’informations
3.2 Livre documentaire et livre de fiction
3.3 Évolution du livre documentaire
3.4 Marché de l’édition jeunesse en France
3.5 Thématiques abordées dans les livres documentaires
3.6 Tendances éditoriales à destination des adolescents
3.6.1 Docu-album
3.6.2 Docu-fiction
3.6.3 Docu-BD
3.6.4 Docu-magazine
3.6.5 Enjeux sociétaux
3.6.6 YouTube et Blogs
3.7 Conclusion
4.Gestion des livres documentaires dans les bibliothèques scolaires de degré secondaire I
4.1 Méthodologie de la recherche
4.1.1 Limite géographique
4.1.2 Préparation d’un questionnaire
4.1.3 Sélection des institutions
4.1.4 Récolte d’informations
4.1.5 Panel final
4.2 Synthèse
4.2.1 Suisse romande
4.2.2 France
4.2.3 Québec
4.3 Conclusion
5.Méthodologie de la recherche
5.1 Réflexions
5.2 Choix de la méthode
5.2.1 L’entretien semi-directif
5.2.2 Constitution d’un panel
5.3 Les entretiens
5.3.1 Mise en place d’un guide d’entretien
5.3.1.1 Présentation des guides
5.3.1.2 Structure des guides
5.3.1.2.1 Questionnaire direction
5.3.1.2.2 Questionnaire élèves
5.3.1.2.3 Questionnaire corps enseignant
5.3.2 Planification des entretiens
5.3.3 Retranscription des entretiens
5.3.4 Analyse des entretiens
5.4 Retours d’expérience
5.4.1 Aspects positifs
5.4.2 Difficultés rencontrées
6.Résultats
6.1 Synthèse par type d’usager
6.1.1 La direction
6.1.2 Les élèves
6.1.3 Le corps enseignant
6.2 Points communs
6.3 Divergences
7.Évolution du fonds de livres documentaires de la bibliothèque de Nyon-Marens
7.1 Choix de la méthode
7.2 Les scénarios
7.2.1 Scénario 1 : du livre documentaire papier au tout numérique
7.2.2 Scénario 2 : renouvellement des livres documentaires papier et développement d’une offre numérique
7.2.3 Scénario 3 : conservation du fonds de livres documentaires papier
7.3 Scénario retenu
7.4 Recommandations finales
Conclusion
Bibliographie
Questionnaire bibliothèques scolaires
Guide d’entretien Direction
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