Gestion des frais de la publication en Open Access à un niveau institutionnel 

Gestion des frais de la publication en Open Access à un niveau institutionnel 

Aperçu de quelques développements de la publication académique

En tant que modalité de diffusion de la publication académique, l’Open Access s’est logiquement développé en répondant aux forces qui sous-tendent ce marché. Un bref aperçu historique de ces dernières décennies permet de mieux comprendre quelques unes de ces tensions directrices, qui conditionnent l’élaboration des modèles économiques liés à l’Open Access, ainsi que les réponses apportées à ceux-ci par les institutions universitaires et documentaires.
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, il est intéressant de noter que le modèle commercial de la publication scientifique connaît un « âge d’or » entre les années 1950 et les années 1980, durant lequel tant les intérêts des éditeurs que ceux des institutions sont globalement satisfaits (Fyfe et al. 2017, p. 13). Différents facteurs contribuent à briser cet équilibre et conduisent à une crise qui, en un sens, se poursuit jusqu’à nos jours. Tout d’abord, la communauté scientifique s’agrandit et se professionnalise, en comparaison du cercle relativement restreint d’amateurs aisés qui compose encore l’université quelques décennies auparavant. En second lieu, la recherche s’internationalise, engendrant une concurrence accrue dans laquelle l’importance du prestige académique se trouve renforcée.

Vers de nouveaux modèles économiques intégrant l’Open Access

Au vu du bref aperçu historique que nous nous avons dressé, il n’est guère étonnant que l’Open Access ne se soit pas développé plus rapidement malgré sa possibilité technique depuis les années 1990. D’une part, les principaux éditeurs scientifiques n’ont pas intérêt à remettre en question le modèle traditionnel de publication. D’autre part, beaucoup d’auteurs cherchent avant tout à publier dans les revues les plus prestigieuses, quelles que soient les modalités de publication, car ils savent qu’ils seront dans bien des cas évalués en fonction d’indicateurs bibliométriques valorisant – à tort ou à raison – ces revues-là. Ainsi, Björk (2017b) voit dans ces indicateurs une sixième force renforçant encore le pouvoir des éditeurs.
Toutefois, Björk (2017b) ajoute encore une septième force qui permet de saisir les raisons de l’accélération actuelle de la transition vers l’Open Access : la pression des organes de financement de la recherche. En effet, si l’on observe depuis quelques années un intérêt plus marqué des chercheurs et des éditeurs pour la publication en Open Access, c’est en grande partie sous l’influence d’un groupe d’intérêts qui n’est pas tant celui des bibliothèques que celui des bailleurs de fonds, et en particulier sous l’influence des organes publics où s’observe un mouvement général en faveur d’une plus grande transparence qui dépasse largement le seul monde la recherche. Or, par définition, les agences de financement disposent d’un moyen de pression direct et efficace.

L’émergence d’un modèle individuel et dominant : le principe de l’auteur-payeur et des Article Processing Charges (APC)

Alors que le constat concluant le chapitre précédent ne mène pas forcément à la conclusion que les frais doivent être facturés au niveau des articles eux-mêmes, tel est cependant le modèle principal qui s’est développé au fil des années avec le principe de l’Article Processing Charge (APC), du moins parmi les principaux éditeurs à but lucratif qui dominent le marché de l’édition scientifique. Cela étant, en Amérique latine par exemple, c’est un modèle bien moins coûteux qui est en place depuis trois décennies, ce qui vaut à ses acteurs de regarder d’un œil très critique les développements récents liés au Plan S, qui consacrent d’une certaine manière le modèle de l’APC.
Ce modèle dit de l’auteur-payeur et les nombreuses conséquences qu’il implique a suscité une littérature extrêmement abondante qu’il serait vain de vouloir couvrir ici de manière exhaustive. Nous nous bornerons à relever un certain nombre d’éléments qui nous paraissent dignes d’attention du point de vue d’une université ou d’une bibliothèque cherchant à développer une stratégie de gestion de ces frais.

Le retour d’une prise en charge des frais institutionnelle et centralisée

Une partie des éditeurs juge certainement d’un œil favorable le fait de pouvoir s’affranchir du rapport de force avec les bibliothèques grâce à des flux de paiements d’APC émanant plus ou moins directement des chercheurs eux-mêmes (Baquero Arribas et al. 2019). Il s’agit toutefois d’un jeu dangereux. En effet, d’une part, une telle situation rend les chercheurs conscients des sommes en jeu, avec le risque de les rendre plus critiques et surtout plus versatiles (Kaier et Ginther 2017). D’autre part, cet état de fait induit une incertitude plus grande pour l’éditeur en termes de planification budgétaire, les revenus ne pouvant être assurés en avance et dans leur totalité comme lors de la conclusion de contrats d’abonnements traditionnels. Dès lors, l’enjeu pour les éditeurs est de reproduire le rapport de force avantageux du modèle traditionnel, où des accords globaux sont conclus en amont avec les bibliothèques, en évitant autant que possible une prise de conscience des enjeux financiers chez les chercheurs.

Du rôle de la bibliothèque dans la gestion des frais

Les frais de la publication native en Open Access peuvent être qualifiés, comme nous l’avons fait, de dépenses de publication, lesquelles peuvent être prises en charge par d’autres acteurs que les bibliothèques : c’est déjà le cas avec les APC individuels financés par des organes comme le FNS, mais aussi avec d’autres APC payés sur des budgets de soutien à la recherche des hautes écoles.
Il est donc légitime de se demander si c’est à la bibliothèque d’endosser les frais croissants de la publication en Open Access ainsi que leur gestion sur le plan administratif, a fortiori quand la même bibliothèque remplit d’autres fonctions, en matière de patrimoine ou de lecture publique notamment, et dans un contexte où les prix des abonnements continuent à augmenter (Bosch et al. 2020). On pourrait donc imaginer que d’autres acteurs soient amenés à gérer ces frais au sein de l’institution, en particulier les services dédiés à la recherche. A tout le moins, le rôle de la bibliothèque n’est pas clairement défini, en particulier dans le modèle dominant de l’APC (Jurchen 2020). Il peut donc être interprété différemment selon les institutions.

Gérer et réconcilier les données obtenues

Si obtenir des données fiables au sujet de la prise en charge des frais de publication en Open Access par des budgets institutionnels n’est déjà pas en soi une chose très aisée, il reste encore à savoir comment gérer ces données et comment les réconcilier avec d’autres données.
En cherchant à collecter des données financières dans l’unique but d’éventuelles négociations futures avec des éditeurs, le risque existe de créer des silos supplémentaires de données qui ne permettent pas une réutilisation ultérieure à d’autres fins. Sans même parler des données concernant spécifiquement les frais de publications en Open Access, il existe déjà bien souvent au sein des institutions des cas de stockage à double de données en réalité liées entre elles (Frick 2017).
Adopter une perspective plus large permet au contraire de créer un système où les données peuvent être disponibles pour d’autres objectifs. On observe à ce titre un effort des institutions visant à connecter les différentes données entre elles, que celles-ci soient gérées par des systèmes d’information de la recherche (Current Research Information System (CRIS) ; Research Information Management System (RIMS)), des systèmes de gestion des ressources électroniques (Electronic Resource Management System (ERMS)), des bases de données locales ou encore des archives ou dépôts institutionnels (repositories).

 

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Table des matières

1. Introduction 
2. Définition du cadre de la recherche et méthodologie
2.1 Mandat
2.2 Caractérisation de la recherche
2.3 Insertion dans le champ disciplinaire
2.4 Approche méthodologique
2.5 Qualité, reproductibilité et limites de la recherche
3. Revue de la littérature 
3.1 Aperçu de quelques développements de la publication académique
3.2 Vers de nouveaux modèles économiques intégrant l’Open Access
3.3 L’émergence d’un modèle individuel et dominant : le principe de l’auteur-payeur et des Article Processing Charges (APC)
3.3.1 Quelques considérations sur la tarification des APC
3.3.2 Publier plus pour gagner plus (1) : en acceptant davantage d’articles
3.3.3 Publier plus pour gagner plus (2) : en recyclant des articles refusés
3.3.4 Publier plus pour gagner plus (3) : en fractionnant les publications
3.4 Le retour d’une prise en charge des frais institutionnelle et centralisée
3.4.1 Un degré minimal de prise en charge : les rabais institutionnels
3.4.2 La famille des accords transformants et compensatoires
3.4.3 « Pure publish » : les accords de publication en Open Access
3.4.4 Modèles alternatifs (1) : Initiatives de financement consortial
3.4.5 Modèles alternatifs (2) : « Subscribe to open » (S2O)
3.4.6 Modèles alternatifs (3) : Freemium Open Access
3.4.7 Modèles alternatifs (4) : Frais de soumission
3.4.8 Conclusion intermédiaire
3.5 Conséquences au niveau institutionnel pour les bibliothèques universitaires et les hautes écoles
3.5.1 Du rôle de la bibliothèque dans la gestion des frais
3.5.2 Estimer ou mesurer les coûts et capter les APC « in the Wild »
3.5.3 Gérer et réconcilier les données obtenues
3.5.4 Les frais administratifs de l’Open Access liés au travail numérique
3.5.5 Le besoin d’une stratégie et de nouveaux outils d’évaluation
4. Etat des lieux de la gestion des frais de l’Open Access à la BCU et à l’Université de Fribourg
4.1 Contexte externe national
4.1.1 Stratégie et acteurs de l’Open Access en Suisse
4.1.2 Exemples d’orientations stratégiques au niveau institutionnel en Suisse
4.2 Analyse des rôles et responsabilités institutionnels
4.2.1 Cadre législatif
4.2.2 Stratégies et plans d’action
4.3 Recensement de la prise en charge institutionnelle actuelle
4.3.1 Fonds d’aide à la publication Open Access
4.3.2 Accords Read&Publish
4.3.3 Rabais institutionnels via des adhésions ou des abonnements
4.3.4 Modèles alternatifs
4.3.5 Conclusion intermédiaire : unités organisationnelles et budgets concernés par la prise en charge des frais de la publication en Open Access
4.4 Analyse des données disponibles sur la publication en Open Access à l’Université de Fribourg
4.4.1 Etude bibliométrique de la Max Planck Digital Library
4.4.2 Une tentative de capter les APC in the Wild : enquête APC 2018-2019 de l’Université de Fribourg
4.4.3 Détermination des montants d’APC payés par le FNS pour des auteurs de l’Université de Fribourg
4.4.4 Proportion de prise en charge des APC par le FNS : deux cas d’études
4.5 Analyse prospective : développements à courts et moyens termes
4.5.1 Développement internes
4.5.2 Développements externes
5. Considérations stratégiques et recommandations finales
5.1 Positionnement institutionnel : définir une vision
5.2 Gouvernance et responsabilités opérationnelles
5.3 Mécanismes de contrôle des coûts et critères décisionnels
6. Conclusion générale et bilan critique

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