Gestion des crises de dette souveraine

Le défaut souverain est consubstantiel au principe de l’endettement, du fait de son corollaire, le remboursement des sommes empruntées (tel que prévu par le contrat). Le premier défaut enregistré date du quatrième siècle avant Jésus-Christ (377-373), lorsque dix des treize municipalités constituant l’Association maritime de l’Attique (Grèce antique) défaillirent sur leurs obligations vis-à-vis de Délos. Consécutivement à cet épisode, Délos décida de ne plus prêter aux Autorités publiques, le risque de non recouvrement des créances étant trop important.

L’origine du problème posé par la gestion des crises de dette souveraine, à savoir la coordination des créanciers, puis entre créanciers et emprunteur souverain lors des procédures de restructuration de dette souveraine, n’apparaît véritablement qu’au seizième siècle avec les défauts du Royaume de France (1558, 1567), du Royaume d’Espagne (1597) et des Provinces-Unies et naît réellement au dix-neuvième siècle avec la première phase de la globalisation financière, qui s’accompagne d’une multiplicité des défauts des pays latinoaméricains, nouvellement indépendants.

En tout état de cause, la résolution d’un défaut souverain, indépendamment de l’époque où il survient, implique de se poser trois questions. La première est celle du mode de coordination des créanciers. La seconde est celle du type d’accord recherché. La dernière est celle du rôle joué par le secteur officiel (ou tout du moins, en son absence, l’Etat qui assure le leadership de l’économie mondiale). Au fil du temps, les réponses à ces trois interrogations ont profondément évolué, sans pour autant constituer un cadre immuable de gestion des crises de dette souveraine. De même, une procédure de restructuration de dette souveraine nécessite de réaliser un équilibre entre l’efficacité ex ante et l’efficacité ex post. Par conséquent, il est nécessaire de concilier le respect des contrats, qui caractérise l’efficacité ex ante, et le rétablissement de la croissance économique de l’Etat, qui passe en partie par son retour sur le marché international des capitaux, synonyme d’efficacité ex post.

La nécessité d’un cadre de gestion des crises de dette souveraine 

Une « nouvelle » structure d’endettement des pays émergents, prédominance de la dette obligataire et des créanciers privés 

Le fait de s’interroger sur l’efficience des processus de restructuration de dette souveraine, impose dans un premier temps d’étudier la composition de la dette publique, spécialement celle des pays émergents, puis dans un second temps la répartition de ses détenteurs. Cette étude est nécessaire si nous voulons appréhender correctement le degré de vulnérabilités auquel sont exposés les pays émergents.

Les pays émergents sont marqués par la récurrence de leurs défauts, il n’est pas rare de repérer dans la littérature économique le terme de serial defaulter. La structuration de leur dette les expose à des risques de refinancement et de change élevés. Ces vulnérabilités ne sont pas un phénomène nouveau. Il est intéressant de constater les similitudes existantes entre le dix-neuvième siècle (première période de globalisation financière) et les années 1990-2000 (seconde période de globalisation financière), notamment le choix contraint de l’endettement extérieur au moyen des obligations souveraines internationales.

L’étude de la composition de la dette des pays nouvellement financiarisés ne peut se résumer à celle du comportement des offreurs (i.e., les pays émetteurs de dette). Il nous faut également traiter la contrepartie, à savoir les demandeurs (i.e., les investisseurs). Par conséquent, il nous semble opportun d’étudier les décisions des investisseurs. En effet, les pays émergents souvent considérés comme une classe d’actif homogène à risque (rappelons que seulement la moitié des pays émergents composant l’indice EMBI bénéficient de la qualité investment grade délivrée par les agences de notations privées) continuent d’attirer les flux de capitaux. Les caractéristiques intrinsèques des pays émergents, associées à un environnement économique mondial favorable jusqu’au déclenchement de la crise des subprimes ont ravivé l’intérêt des investisseurs pour la dette souveraine émergente depuis 2002-2003.

L’emprunt extérieur, source de financement des pays émergents, continuité et rupture à travers l’histoire 

Notre objectif n’est pas de procéder à un traitement événementiel de la dette des pays émergents, mais plutôt de rapprocher deux périodes, le dixneuvième siècle et les vingt dernières années du vingtième siècle, afin de mettre en exergue les caractéristiques communes : premièrement, le poids de la dette publique extérieure par rapport à la dette publique totale ; deuxièmement le choix des obligations souveraines internationales comme instrument du financement extérieur ; troisièmement la structure risquée de la dette potentiellement, et parfois effectivement, génératrice de défaut souverain.

La dette souveraine extérieure : un choix contraint, reflet de la vulnérabilité des pays émergents 

Les obligations souveraines internationales, la règle plutôt que l’exception .

Le dix-neuvième siècle, les débuts du marché de la dette souveraine émergente .

Au regard de l’histoire, nous nous apercevons que le choix des obligations souveraines internationales comme instrument de financement des pays émergents n’est pas un moyen propre aux années 1990 et 2000. Les pays neufs du dix-neuvième siècle, période dite de première mondialisation (Berger, 2003), procédaient déjà de la même manière. La majorité des obligations de l’époque étaient libellées en livre sterling et émises à Londres, devise et place de référence de la période, à destination des résidents du vieux continent. Peu de pays émettait dans leur propre monnaie, les pays faisant ce choix étaient souvent contraints d’inclure des « clauses d’or » (golden clause) dans leur contrat de dette. A cette époque, seulement huit pays libellaient leurs obligations dans leur propre monnaie , aujourd’hui le nombre s’élève à vingtcinq (Bordo & al., 2005). Le péché originel , tel que défini par Eichengreen & al. (2003), n’est donc pas un argument nouveau. D’un côté les pays neufs ont un besoin important d’investissement, d’un autre côté ils ne peuvent pas assurer leur financement en raison de l’existence de déficits importants et d’une pénurie d’épargne domestique. Ils n’ont donc qu’un seul choix : celui de recourir à l’endettement. Comme ils ne peuvent pas s’endetter sur leur marché domestique, ils se dirigent vers le marché international des capitaux.

Le dix-neuvième siècle se caractérise par des vagues successives d’entrées massives de capitaux, ponctuées de défauts, de crises – monétaires, bancaires, jumelles – et de périodes d’autarcie.

Parmi les pays neufs de la période, les pays d’Amérique latine, suite à leur indépendance des années 1820, occupent une place de choix chez les investisseurs britanniques , notamment.

La dette domestique, une alternative difficile à la dette extérieure 

Le développement des marchés obligataires domestiques .

Poussés par la communauté internationale (plan d’action du G8 et initiative de la Banque mondiale, notamment, avec la création du Global Emerging Markets Local and Currency Bond Program (GEMLOC) ) et un environnement économique favorable à partir de 2003, les pays émergents se sont efforcés de développer leur marché obligataire domestique. Si nous observons cette tendance pour l’ensemble de l’économie mondiale, nous ne concluons pas pour autant à un développement uniforme. Le développement des marchés obligataires domestiques s’inscrit dans une volonté générale de réduire les vulnérabilités des pays émergents en cas de chocs extérieurs, spécialement celles des pays latino-américains (Borensztein & al., 2006) ; dans un environnement économique international favorable qui permet, notamment aux pays africains, de s’insérer dans ce processus.

L’Amérique latine et le continent africain sont confrontés à des problèmes d’endettement récurrents. L’expression « crise de la dette des pays latino américains» constitue un abus de langage, dès lors que cette crise associe également des pays africains. Si l’Amérique latine a accès au marché international des capitaux, il n’en est pas de même pour l’ensemble du continent africain. L’objectif poursuivi par le développement des marchés domestiques est le même, mais les raisons initiales divergent. Dans le premier cas, c’est la répétition des crises qui réduit les financements via une défiance généralisée des investisseurs internationaux, dans le second cas c’est l’incapacité, en moyenne, de s’endetter à l’extérieur.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I – LA NECESSITE D’UN CADRE DE GESTION DES CRISES DE DETTE SOUVERAINE
Chapitre 1 – Une « nouvelle » structure d’endettement des pays
émergents, prédominance de la dette obligataire et des créanciers privés
Chapitre 2 – Les coûts et risques engendrés par la « nouvelle » structure
d’endettement suite à un défaut souverain
PARTIE II – VERS L’INSTAURATION D’UN CADRE DE GESTION CONTRACTUEL ET DECENTRALISE DES CRISES DE DETTE SOUVERAINE
Chapitre 3 – Le choix des Clauses d’Actions Collectives
Chapitre 4 – Modalités opératoires d’une restructuration sous Clauses
d’Actions Collectives
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLES DES MATIERES
TABLES DES ILLUSTRATIONS ET DES ANNEXES

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