Bâtiment et ses systèmes
Le bâtiment est un système énergétique complexe : présence de différents équipements à gérer, susceptible d’avoir des contraintes de disponibilité d’énergie et de puissance variables, limites techniques des équipements et contraintes de confort des occupants à respecter, forte interaction avec l’environnement (température, ensoleillement, occupation), etc. De plus, une diversité de solutions techniques de consommation, de production, de stockage et de gestion d’énergie sont également présents pour répond aux besoins variés de confort et d’efficacité.
Contrairement aux systèmes industriels, chaque logement présente une structure unique (isolation, taille, orientation, emplacement géographique) avec des configurations qui peuvent être très variées et évolutives toute au long de son exploitation (nombre de charges, cycle de vie des occupants). Cela rend la conception des stratégies de contrôle considérablement difficile vu qu’elles doivent être à la fois efficaces et amplement déployables. De nombreux systèmes consommateurs comme le chauffage/climatisation, l’eau chaude sanitaire (ECS), l’électroménager et l’éclairage, coexistent à l’intérieur des habitations pour assurer le confort et les besoins des occupants. Le durcissement des exigences réglementaires sur la performance énergétique des bâtiments fait également évoluer la nature des équipements installés. En plus d’être peu consommateur (i.e. bâtiment passif, bâtiments basse consommation (BBC)), le bâtiment doit désormais être capable de générer lui-même l’énergie dont il a besoin ainsi que de la gérer adéquatement. Dans ces circonstances, les équipements de production locale d’énergie renouvelable (électrique ou thermique) et de stockage sont de plus en plus associés à l’infrastructure existante afin de rendre le bilan énergétique global positif (i.e. BEPOS). Pour avoir une vue d’ensemble de ces appareils, surveiller la demande instantanée de puissance, la production locale, et même l’occupation, des systèmes domotiques sont utilisés. La domotique avec ses capteurs et ses actionneurs permet au gestionnaire d’acquérir les informations pertinentes à la prise de décision et d’activer les systèmes en respectant la programmation établie par l’utilisateur. Dans les solutions plus avancées, il est même possible de traiter ces informations de manière à trouver le meilleur équilibre entre la demande (besoins des occupants) et l’offre de l’énergie (produite localement ou achetée sur le réseau) pour piloter (activer ou délester) automatiquement les charges aux moments opportuns de la journée.
Degrés de liberté du pilotage
Les différents systèmes énergétiques qui sont représentés dans le bâtiment présentent des caractéristiques de fonctionnement et des degrés de liberté de pilotage qui sont spécifiques à leur usage. Face à cette diversité d’appareils, plusieurs classifications différentes sont présentées dans la littérature [13]. De manière générale, les charges peuvent être classifiées en cinq catégories.
• Non pilotables : Des sources de consommation qui ont des caractéristiques temporelles et des profils d’énergie directement commandés par les habitants, ne permettant pas d’être considérées comme pilotables par la stratégie d’optimisation. Pour gérer la demande dans son ensemble, les stratégies de commande doivent souvent intégrer les prévisions d’utilisation de ces appareils et considérer les incertitudes liées à leur fonctionnement [121].
• Puissance modulable : Un usage/équipement est modulable si la puissance consommée ou produite peut être, à la volonté du gestionnaire ou des habitants, modifiable à un moment donné du plan d’affectation des ressources d’énergie.Les variables de décision liées à leur régulation sont continues.
• Interruptibles : Un usage/équipement qui peut être interrompu sur certaines contraintes qui sont souvent liées aux limites techniques de l’équipement et aux aspects de confort. Normalement, leurs variables de commande sont du type Marche/Arrêt.
• Décalables : Un usage/équipement est décalable si son utilisation peut être planifiée dans une fenêtre de temps spécifique du plan d’affectation de ressources d’énergie. Une fois activés, ils ne peuvent pas être interrompus. Leur commande est réalisée par un signal de mise en marche.
• Possibilité de cumuler d’énergie : Un usage/équipement qui permet le stockage direct ou indirect d’énergie électrique ou thermique.
Consommation énergétique du chauffage et de l’ECS
Même si l’utilisation d’appareils électroménagers et des équipements multimédia a augmentée de manière importante ces derniers années, le chauffage et l’ECS sont toujours les postes les plus gourmands dans la distribution de consommation électrique des bâtiments. D’après le bilan énergétique français de 2017 du Réseau de transport d’électricité (RTE) [15], ils étaient responsables pour 40% de la demande électrique résidentielle en 2016, Selon le même rapport, le marché du chauffage électrique, de la climatisation, et de la production d’ECS par ballon thermodynamique devra encore progresser dans les prochaines années. Avec la révision des coefficients d’énergie primaire réalisés dans le cadre de la future réglementation environnementale 2020, les solutions totalement électriques associées à une isolation performante du bâtiment peuvent même être conseillées dans un futur très proche. La décarbonisation des sources de production, l’incitation à l’autoconsommation solaire, ainsi que les progrès techniques effectués sur le rendement des équipements, placent la filière électrique sur la bonne voie. Même si d’ici à 2035, le besoin énergétique des bâtiments sera ralenti par l’amélioration de la performance des systèmes [15], la part de la demande électrique liée aux postes de chauffage, de climatisation et principalement d’ECS sera toujours proportionnellement importante.
Contrairement aux appareils électroménagers d’usage général, la consommation d’énergie des équipements de chauffage, de climatisation et d’ECS est facilement pilotable. D’un point de vue technique, la gestion de ces deux postes pour le maintien de l’équilibre entre la disponibilité instantané de puissance et la demande des occupants est considérablement convenable. Grâce à l’inertie thermique de l’isolation du bâtiment et des ballons d’ECS, il est également possible d’accumuler de l’énergie thermique pour déplacer les pointes de consommation et réduire les coûts d’exploitation.
Définition du confort thermique
L’objectif principal d’un gestionnaire d’énergie est de maîtriser les flux d’énergie dans le bâtiment en garantissant un niveau de confort satisfaisant pour l’occupant. Cependant, il n’existe pas de définition précise et universel pour quantifier l’état de bien-être dans l’habitat [42]. Le confort thermique, par exemple, largement étudié dans la littérature comme la source principale d’inconfort [83], est une grandeur subjective qui dépend non seulement des conditions extérieures (homogénéité de la température dans la pièce, humidité, température extérieure, courants d’air) mais également de certains aspects physiologiques et comportementales de l’habitant (métabolisme, habillement, âge, genre). Dans [36], par exemple, une équation du confort qui considère les échanges thermiques entre l’homme et son environnement est définie. Le niveau de confort est exprimé par l’indice PMV (« Predicted Mean Vote ») et le PPD (Predicted Percentage of Dissatisfied). Le premier représente la qualité de l’environnement thermique comme la valeur moyenne des votes d’un grand groupe de personnes sur une échelle de +3 (pour très chaud) à -3 (pour très froid). Le PPD, quant à lui, représente le pourcentage de personnes non satisfaites. La principale limite de l’indice PMV-PPD est qu’il a été déterminé à partir de données issues d’expérimentations menées au sein de chambres climatiques sur des conditions théoriques rarement rencontrées en réalité dans les bâtiments. Les auteurs de [89] défendent que le confort thermique est fortement liée à la capacité des occupants à s’adapter à leur environnement dans les situations d’inconfort. Contrairement au modèle de Fanger [36] qui est plus objectif, ils ont proposé une approche empirique adaptative qui inclut des facteurs psychologiques et comportementaux pour estimation de la satisfaction des individus. De manière générale, les standards actuels ISO 7730 [91], ASHRAE 55-2004 [90] et EN15251 [23] utilisent des modèles qui combinent des formulations analytiques basées sur des mesures avec des principes adaptatifs pour établir des conditions thermiques acceptables dans les bâtiments. La comparaison ou l’imposition d’un standard spécifique pour exprimer le confort des habitants n’est pas un des objectifs des travaux de cette thèse. Ainsi, pour raison de simplicité, le confort des habitants sera défini par le simple écart entre la consigne de référence et l’état réel de la variable mesurée dans la formulation de la stratégie de contrôle présentée.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Contexte et enjeux
1.2 Motivation
1.3 Contributions
1.4 Aperçu du manuscrit de thèse
1.5 Publications
2 Gestion d’énergie dans les bâtiments
2.1 Bâtiment et ses systèmes
2.1.1 Degrés de liberté du pilotage
2.1.2 Consommation énergétique du chauffage et de l’ECS
2.1.3 Définition du confort thermique
2.2 Stratégies de gestion de l’énergie dans les bâtiments
2.2.1 Commande prédictive
2.2.2 Architectures de contrôle
2.2.3 Contrôleur à multi-échelle de temps
2.2.4 Commande hybride
2.3 Conception du problème d’optimisation d’un contrôleur prédictif
2.4 Conclusion
3 Structuration hiérarchisée
3.1 Formalisation mathématique du contrôleur à multi-échelle de temps
3.1.1 Niveau planification long terme
3.1.2 Projection des résultats
3.1.3 Niveau planification court terme
3.2 Analyse comparative des différentes configurations du contrôleur à multiéchelle de temps
3.2.1 Définition du cas d’étude
3.2.2 Paramétrage du contrôleur
3.2.3 Indicateurs de performance
3.2.4 Résultats de l’étude
3.3 Conclusion
4 Intégration des systèmes à commande discrète
4.1 Commande de systèmes hybrides dans le bâtiment
4.2 Variables discrètes dans le problème à multi-échelle de temps
4.2.1 Démonstration de la problématique d’affaiblissement des restrictions d’intégralité du problème du niveau PLT
4.2.2 Formulation idéale des contraintes discrètes du niveau PLT
4.2.3 Méthodes pour la caractérisation d’une enveloppe convexe de points
4.2.4 Reformulation des contraintes du problème du niveau PLT avec l’algorithme PORTA
4.3 Combinaison des approches centralisée et distribuée
4.4 Application des stratégies de reformulation des contraintes et de priorité en cascade
4.4.1 Définition du cas d’étude
4.4.2 Paramétrage du contrôleur
4.4.3 Paramétrage du solveur PM
4.4.4 Indicateurs de performance
4.4.5 Résultats de l’étude sur les effets de la reformulation des contraintes de puissance
4.4.6 Résultats de l’étude sur les effets de la stratégie de priorité en cascade
4.5 Conclusion
5 Conclusion