GESTION DE L’EAU DANS LES DYNAMIQUES DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

GESTION DE L’EAU DANS LES DYNAMIQUES DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

Problématique de la décentralisation en Haïti

En Haïti, la chute du régime des Duvalier en 19864 a donné lieu à un ensemble d’évènements socio-politiques. « Chanje Leta5 », fut une revendication prioritaire de toute la lutte historique du peuple haïtien [Cantave, 2002]. La participation du référendum en faveur d’une nouvelle constitution réalisé en février 1986 fut une réponse claire du peuple haïtien de doter la nation d’un cadre politique démocratique. C’est ainsi la constitution de 1987 exprime clairement la ferme volonté du peuple haïtien de rompre avec l’ancien régime6 en témoigne le préambule : «instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales (…) et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective». La décentralisation est apparue comme une véritable conquête démocratique [MICT, 2011].

En consacrant l’organisation décentralisée de l’État haïtien, la constitution a créée par la même occasion un ensemble de collectivités territoriales dont l’organisation et le fonctionnement devraient être précisés par des lois ultérieures. Selon le modèle administratif prévu, la constitution de 1987 reconnait en son article 61 l’existence de trois collectivités territoriales : le département, la commune et la section communale et leur confère la personnalité morale7. La décentralisation telle que prescrit par les constituants s’inscrit dans le cadre d’une modernité de l’État et du renouvellement de la démocratie après 29 ans de dictature et constitue un levier pour restaurer un régime gouvernemental respectueux des droits humains et de l’équité économique. Selon ce schéma, les populations pourraient ainsi participer via leurs représentants à la gestion de leurs territoires. Cependant, plus de vingt-cinq ans plus tard, la question du cadre juridique reste d’actualité et s’alimente autour des débats relatifs à l’organisation des collectivités territoriales voire même sur le rôle et le fonctionnement de l’État haïtien.

Dans le contexte actuel, l’accès aux textes légaux constitue un enjeu important. Les autorités locales n’ont pas toujours à leur disposition les documents juridiques pour fonder leurs actions, car ces textes légaux sont, dans la plupart des cas noyés dans les publications du journal officiel de la République Le Moniteur ou du Bulletin des lois et actes de la République [ibid.]. Et les documents, lorsqu’ils sont identifiés sont difficilement accessibles puisqu’ils sont dans le journal officiel situé à Port-au-Prince ou dans certaines bibliothèques de la place. Cette situation contraint le plus souvent les autorités locales à agir en dehors du cadre légal en dépit de leur bonne volonté et des principes démocratiques les plus élémentaires.

À partir du milieu des années 1990, les élus locaux ont adopté une posture offensive vis-à-vis de l’action de l’État, de ses élites, de leur inertie vis-à-vis d’un approfondissement de la politique de décentralisation. Afin de calmer les revendications des élus locaux d’alors, l’État haïtien a élaboré la loi du 4 avril 1996. Cependant, à l’issu de cette loi, les élus locaux dans le système de décision se questionnent quant à leur degré d’exigence vis-à-vis des services de l’État. Le transfert des compétences et des ressources initialement prévu par la constitution reste à l’état embryonnaire et dans certains cas, l’État est même parvenu à remettre partiellement en question la liberté accordée aux collectivités territoriales en témoignent leur statut8. Néanmoins, le processus de décentralisation s’est particulièrement accentué vers les années 2006 avec les différents décrets pris par le gouvernement de l’époque accordant une place prépondérante aux élus locaux. L’État délègue alors certaines de ses compétences aux collectivités et il se décharge sur elles de certaines attributions pour se recentrer sur ses compétences régaliennes. Toutefois, la pratique donne lieu à une toute autre interprétation. L’État organise son retrait des territoires afin de mieux les diriger à distance et restaurer son autorité. Quelle qu’en soit l’interprétation, elle conforte la représentation de l’État, véritable cerveau de la société [Durkheim, 1960].

Méthodologie de recherche

Ma démarche vise à explorer les liens existants entre deux concepts : la décentralisation et le développement local. Pour ce faire, j’ai surtout utilisé la technique documentaire. Une technique d’enquête est définie comme l’ensemble des moyens et procédés qui permettent au chercheur de rassembler des données et des informations sur son sujet de recherche [Rwigamba B., 2001]. Selon Grawitz M, [2012] la technique documentaire consiste en un examen systématique de tout ce qui est écrit ayant une liaison avec le domaine de recherche. Il s’agit ici des ouvrages, des mémoires, des rapports et des notes de cours ainsi que les sites web, etc. Par cette technique, j’ai observé la manière dont les concepts décentralisation et développement local s’articulent dans des systèmes proches du cas haïtien en particulier mais encore dans des pays ayant une avancée considérable afin de s’inspirer de leur vécu, d’explorer et d’interpréter les différentes déclinaisons du processus de décentralisation dans le contexte haïtien. Avant même de trouver l’orientation précise que je voulais donner à ma recherche j’ai eu comme reflexe de lire tous ouvrages, notes et liens internet qui traitent de la question de décentralisation ce qui m’a permis d’élargir mon horizon quant à la littérature scientifique internationale existante en la matière.

Cependant un problème de taille se dressait devant moi : comment des auteurs haïtiens ont traité de la question? Je voulais à tout prix avoir ces documents. Lors de mes vacances, je me suis rendue en Haïti et profité de cette occasion pour acquérir quelques livres soit par le biais de librairies, de connaissances ayant écrit sur la décentralisation et ou le développement local. Toutefois, ma déception fut grande. Afin de me donner les outils de base, mon réflexe en tant que juriste fut de me replonger dans la lecture de la constitution de 1987 et des lois en vigueur sur la question de décentralisation. Signalons qu’à cette date, aucun texte juridique à ma connaissance ne fait mention d’une définition quant à la notion de développement local, d’ailleurs ce concept est très peu utilisé dans le vocabulaire juridique haïtien. Fort de ce constat, dans un premier temps je me suis tournée vers des écrits éparses du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) afin de comprendre le point de vue politique des différents gouvernements qui se sont succédés quant à la question de décentralisation (Entendons par là que bon nombre de ces textes ont été rédigés par les Ministres et ou Directeurs à ce Ministère à la fin de leur mandat) et des professeurs d’université ayant abordé une partie du sujet. Le volet de développement local quant à lui relève davantage de la communauté internationale.

Cela s’explique par l’intérêt manifeste des bailleurs de fonds à exercer la pression sur le gouvernement haïtien afin d’avoir une gestion transparente des collectivités territoriales. Cependant, ces ONG et/ou institutions internationales ne prennent pas toujours conscience qu’il existe une réalité autre en Haïti et dans la plupart des cas dans un souci de bien faire importe leur vision des choses dans le système haïtien et se heurtent malheureusement à des enjeux de taille. Voilà pourquoi nombre de critiques tant qu’au niveau national qu’international remettent en question l’aide internationale apportée à Haïti et suggèrent à ces institutions d’implémenter vers le bas c’est-à-dire avec les collectivités territoriales. C’est ce qui explique la coopération française, belge au niveau des différentes mairies haïtiennes.

LA DÉCENTRALISATION, UNE QUESTION AU CENTRE DES DÉBATS SUR LE DÉVELOPPEMENT LOCAL 22

La question de décentralisation est une question éminemment politique, puisqu’elle remet en jeu les équilibres de pouvoirs existant entre les citoyens et leurs représentants. On veut donner plus de compétences et d’importance aux collectivités territoriales inscrites dans la constitution. Cela revient en quelque sorte à redessiner les zones de division de notre territoire. La mise en place d’un nouveau système de gouvernance axée sur la gestion décentralisée suscite aussi des incompréhensions et des craintes. Ces inquiétudes sont d’abord en lien avec la personnalisation du pouvoir et le cumul de mandats. Les élus locaux peuvent être réélus plusieurs fois d’où une tentation à la corruption pour ceux qui connaissent bien leur collectivité puisse qu’ils ont le soutien de la population qui certaines fois dans les zones reculées ne manifeste pas toujours leur volonté par les élections. La question des financements est aussi un point très important de cette réforme : la constitution établit par la même occasion un budget décentralisé donnant aux collectivités territoriales la possibilité de faire valoir leur besoins lors de l’élaboration du budget national. Cependant force est de constater que plus de 25 ans après le budget national reste et demeure centralisé qu’en est-il? Quels en sont les obstacles?

En décentralisant le budget, l’État central devra par la même occasion transférer aux collectivités ses ressources. Deux possibilités s’offrent à lui : soit il donne directement l’argent qu’il y consacrait aux collectivités, pour qu’elles le dépensent dans ces nouvelles compétences, soit il transfère aux collectivités territoriales la gestion, la direction des impôts qui lui fournissaient les ressources. Cependant le processus de réforme engagé n’avance pas au même rythme et de la même façon dans ces divers domaines. En particulier, celui des réformes institutionnelles et territoriales a pris beaucoup de retard. La reconfiguration des systèmes d’administration publique nationaux emprunte des voies spécifiques et nourrit des interprétations diverses. L’engouement provoqué au départ par le lancement des processus de décentralisation en Haïti, dans la plupart des collectivités territoriales, semble aujourd’hui céder le pas au scepticisme et à la déception. Les résultats des différents processus nationaux de décentralisation mise en oeuvre après bientôt trois décennies sont jugés trop faibles [CNRA, 2001]. La lenteur du processus de réforme depuis 1987 a un impact sur le développement territorial, en particulier en milieu rural. Le développement local en Haïti semble être bloqué par l’insuffisance de la décentralisation et de l’autonomie des collectivités territoriales ainsi que par l’absence de cadres institutionnels au niveau local.

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Table des matières

RÉSUMÉ
TABLE DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX ET DES ENCADRÉS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET SIGLES
REMERCIEMENT
INTRODUCTION
Question de recherche
Méthodologie de recherche
PREMIERE PARTIE : LA DÉCENTRALISATION, UNE QUESTION AU CENTRE DES DÉBATS SUR LE DÉVELOPPEMENT LOCAL
CHAPITRE I : POLITIQUES DE DÉCENTRALISATION : THÉORIES ET JUSTIFICATIONS EMPIRIQUES
Section I : Les fondements de la décentralisation
Sous-section I : De la centralisation à la décentralisation
Sous-section II : Les différents modèles de décentralisation
Section II : Vers une politique de décentralisation en Haïti
Sous-section I : Les modalités théoriques de la décentralisation descendante
Sous-section II : La décentralisation une priorité politique en Haïti
CHAPITRE II : DÉVELOPPEMENT LOCAL ET GESTION LÉGITIME DES RESSOURCES
Section I : Développement local nécessité «d’une saine répartition des ressources de l’État»
Sous-section I : Historique de la notion de développement local
Sous-section II : Perspectives et spécificités du développement local dans les pays en voie de développement
Section II : Faible engagement des acteurs
Sous-section I : Les difficultés pour un développement local en plein essor
Sous-section II : Mise en Application d’une politique de réduction de la pauvreté par Haïti
DEUXIEME PARTIE : DÉCENTRALISATION ET MISE EN OEUVRE DES STRATÉGIES PARTICIPATIVES DE GESTION DE L’EAU EN HAITI
CHAPITRE III : GESTION DE L’EAU DANS LES DYNAMIQUES DE DÉVELOPPEMENT LOCAL
Sous-section I : Problématique de la ressource en eau de la République d’Haïti
Sous-section II : Pourquoi la gestion de l’eau est-elle locale?
Sous-section I : Agir ensemble pour une gestion plus efficace de l’eau
CHAPITRE IV : REPENSER LOCALEMENT LA DÉCENTRALISATION
Section I : Politiques de l’eau, quels enjeux
Sous-section II : Quels acteurs doivent intervenir?
Section II : Gouvernance des ressources en eau : un défi global
Sous-section I : Inégalités devant l’accès à l’eau
Sous-section II : Accompagner la décentralisation de la gestion de l’eau en Haïti
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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