La vision d’une informatique ubiquitaire invisible, disparaissant de la vue des utilisateurs, et présente en tout lieu et en toute chose telle que proposée par Mark Weiser au début des années 1990 [Weiser, 1991] reste aujourd’hui encore, plus de vingt après, une référence pour les nombreux travaux qui ont suivi dans le but de développer cette idée d’une intelligence ambiante [Sadri, 2011]. Weiser oppose l’informatique invisible à la réalité virtuelle consistant à recréer le monde dans une machine et non pas à intégrer des machines dans la réalité. Les formidables avancées en termes de dispositifs mobiles et de communication sans fil ont rendu possible cette intelligence ambiante. L’espace ambiant devient capable de percevoir des changements en son sein au travers d’une multiplicité de dispositifs intelligents et mobiles dont l’accumulation fournit une puissance de calcul substantielle. Les interactions ne se font plus via un utilisateur humain mais directement entre les objets connectés. L’informatique ubiquitaire a alors pour objectif de gérer ces objets et leurs interconnexions afin de rendre des services de manière transparente pour l’utilisateur. Cela passe par la perception du contexte de l’utilisateur pour déterminer quelle est sa situation et quel comportement doit avoir le système informatique ; on parle alors également d’informatique sensible au contexte. L’importance de ce concept de contexte pour l’informatique ubiquitaire a été analysée notamment par [Coutaz et al., 2005] en démontrant que les informations de contexte permettent d’enrichir les activités humaines avec de nouveaux services capables de s’adapter aux circonstances dans lesquelles ils sont utilisés.
Les progrès techniques en matière de réseaux de communication sans fil, d’équipements mobiles personnels, de capteurs et de logiciels embarqués, rendent aujourd’hui possibles des services aux usagers dépendants du contexte. Les opportunités d’applications sont nombreuses : par exemple, la téléphonie mobile où le téléphone sait comment réagir aux appels selon la situation de l’utilisateur, les services en entreprise tenant compte en temps en réel de paramètres physiques extérieurs, les jouets interactifs réagissant en fonction de l’enfant et de son comportement, ou encore les parkings indiquant aux conducteurs où trouver une place libre.
En regardant de plus près les verrous auxquels sont confrontés les scientifiques, l’élément discriminant des solutions proposées jusque-là est la prise en compte ou non de la qualité des informations de contexte. Dans le mesure où ces informations de contexte ont un impact direct sur les décisions qui peuvent être prises par le système, il est primordial de maîtriser leur qualité et d’utiliser des mécanismes efficaces pour ce faire. L’un des freins à la concrétisation de l’intelligence ambiante n’est donc plus dans «qu’est-ce que le contexte» mais dans comment créer des applications intelligentes et proactives en les rendant sensibles à un contexte qu’elles peuvent définir, vérifier et valider, à travers la maîtrise de la qualité de ce contexte. Disposer d’une connaissance de la qualité du contexte aide à prendre les décisions appropriées et permet d’identifier les informations de contexte incertaines, économisant ainsi du temps de calcul pour dériver une description pertinente du phénomène observé. La QoC permet de gérer des priorités entre toutes les informations de contexte collectées. [Manzoor et al., 2008] présente un exemple d’application pour la gestion de situations d’urgence. Des sauveteurs sont présents sur le terrain et utilisent des appareils sans fil pour communiquer, collecter des informations et prendre des photos. Par ailleurs, les responsables disposent d’images satellite prises sur le lieu du sinistre.
Un responsable pourra ainsi privilégier les photos envoyées par un sauveteur ayant un niveau de confiance élevé indiquant qu’il est proche de la zone du sinistre et dont l’appareil de prise de photo possède une grande précision, par rapport à des images satellites.
Un certain nombre de travaux récents dans le domaine du logiciel participent à l’essor de l’intelligence ambiante, notamment pour identifier des situations à partir d’informations de contexte et diriger des adaptations dans le système en fonction des situations. Nous regroupons ces travaux en deux volets : (1) la modélisation et la gestion du contexte et (2) l’adaptation des systèmes. Cette thèse se situe dans le premier volet.
L’ambition de cette thèse est de faciliter le développement des applications sensibles au contexte en proposant des solutions intergicielles selon deux aspects : la définition de métadonnées permettant la prise en compte de la qualité de contexte (QoC) et les mécanismes efficaces et performants qui doivent être intégrés au sein d’un gestionnaire de contexte. Dans notre première contribution, nous identifions les critères de qualité pertinents selon les familles d’applications, nous proposons un modèle extensible de méta-données à associer aux informations de contexte et nous concevons des opérateurs pour calculer ces méta-données et pour évaluer la qualité de contexte. Notre deuxième contribution s’inscrit dans une démarche d’ingénierie dirigée par les modèles afin de fournir des outils logiciels pour faciliter le développement des applications sensibles au contexte mais aussi à la qualité de ce contexte. Nos contributions ont été intégrées à la plateforme libre COSMOS [Conan et al., 2007a] conçue principalement par l’équipe MARGE de Télécom SudParis, équipe d’accueil de cette thèse. Nos contributions ont ainsi pu être mises en œuvre et validées dans le cadre du projet FUI Cappucino et ont permis la réalisation de deux prototypes : une application de détection de localisation en situation de mobilité et une application de vente Flash dans un centre commercial.
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Table des matières
Chapitre 1 Introduction
1.1 Cadre de la thèse
1.2 Motivations
1.3 Contributions
1.4 Organisation du manuscrit
Chapitre 2 Analyse de l’état de l’art sur la qualité de contexte pour l’intelligence ambiante
2.1 Introduction
2.2 Définitions
2.3 Méta-données de qualité de contexte
2.3.1 Critères de qualité et classification
2.3.2 Sources de qualité de contexte
2.3.3 Paramètres de qualité de contexte
2.3.3.1 Fraîcheur
2.3.3.2 Complétude
2.3.3.3 Exactitude
2.3.3.4 Précision
2.3.3.5 Résolution
2.3.3.6 Confiance – Fidélité
2.3.4 Synthèse
2.4 Gestion de l’incertitude et de l’inférence de contexte
2.4.1 Méthodes de gestion de l’incertitude
2.4.2 Méthodes de fusion et d’inférence
2.4.2.1 Méthodes de fusion non probabilistes
2.4.2.2 Théorie des croyances
2.4.3 Méthodes combinées
2.4.4 Synthèse
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