Gestion de la crise suicidaire au cabinet de médecine général

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Suivi des patients suicidants en médecine générale ambulatoire

L’étude de Houston K et al. nous apprenait que 70% des patients ayant fait une TS consultaient leur MG dans le mois qui suivait l’évènement, dont 40,6% dans la semaine suivante (9).
L’étude de Gunnell et al. retrouvait des proportions comparables, avec 53% des patients qui consultaient leur MG dans les 4 semaines qui suivaient la TS, dont 31% dans la semaine qui suivait. Les patients sortis directement des urgences sans avoir été hospitalisés allaient plus souvent voir leur MG dans le mois qui suivait la TS (58,1% contre 49,4%, p = 0,03) (10).
Dans l’étude de Younes et al., 54,2% des patients allaient consulter leur MG après leur TS.
Cette proportion était de 60% si le MG avait été impliqué dans la prise en charge initiale de la TS (5).
Au cours de la première consultation après la TS, plus de la moitié de ces patients (57,9%) avaient parlé à leur MG de leurs problèmes émotionnels et psychologiques ayant conduit à leur geste, et parmi eux 69,5% avaient déclaré que cette consultation les avait aidés (9).
Le MG est donc un professionnel de santé vers lequel les patients peuvent se tourner pour assurer une partie du suivi post crise suicidaire. Il est à la fois accessible et familier au patient. Il peut donc être un relai très utile dans cette situation, à condition d’y avoir été formé et d’être informé de la TS.

VigilanS

Depuis 2015 en France il existe un dispositif de veille des patients ayant réalisé une TS appelé VigilanS. Il a été créé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, et a été activé en Normandie depuis 2016. Ce dispositif consiste à maintenir le contact avec les patients suicidants par différentes modalités (11).
Lors de l’entrée dans VigilanS, c’est à dire à la sortie du système hospitalier, il est remis à chaque patient une carte ressource, comportant le numéro d’appel régional unique et le numéro du SAMU, ainsi qu’une lettre d’information indiquant les modalités du dispositif. Parallèlement, le secrétariat de VigilanS est prévenu de l’entrée du patient dans la veille. Celui-ci ouvre un dossier de suivi et envoie un courrier d’information aux partenaires de soin, dont le MG du patient, accompagné d’une plaquette de présentation du dispositif comportant une adresse mail et un numéro de recours régional pour les professionnels de santé.
Ensuite, les sujets ayant déjà fait au moins un geste suicidaire avant leur entrée dans VigilanS sont appelés entre le 10e et le 21e jour après leur sortie de l’hôpital par l’équipe de recontact. S’il existe un risque suicidaire immédiat, le médecin régulateur du SAMU est interpelé pour la suite de la prise en charge. Si le risque suicidaire est moins important, une intervention de crise est menée au téléphone. Le patient peut également se voir proposer une intervention personnalisée en collaboration avec ses référents sanitaires : un accueil en urgence ou l’avancée d’un rendez-vous en centre médico-psychologique, un rendez-vous rapide avec son MG, etc. Dans ce cas un nouveau rendez-vous téléphonique, ainsi que l’envoi de quatre cartes postales dans les 5 mois sont programmés. Si le sujet est injoignable après plusieurs tentatives quatre cartes postales sont envoyées dans les 5 mois. Dans tous les cas, un courrier est adressé aux correspondants sanitaires du patient avec un compte rendu de l’appel ou pour l’informer que le sujet n’a pas pu être joint.
Enfin, pour tous les suicidants inclus dans le dispositif, un recontact téléphonique est programmé 6 mois suivant la sortie de l’hôpital. Après bilan clinique et évaluation lors de cet appel, il est proposé au patient la clôture du dispositif de veille. Si cela s’avère nécessaire, la veille peut être prolongée de mois en mois pendant encore 6 mois. Si le patient se trouve en difficulté lors de cet appel, VigilanS organise les recours adaptés comme lors de l’appel du 10e au 21e jour. Si le patient est injoignable lors de cet appel, une carte postale unique avec les coordonnées de VigilanS lui est envoyée. Un compte rendu de cet appel est également adressé aux correspondants sanitaires du patient.
Ce dispositif de veille a pour but de diminuer le nombre de récidive de tentatives de suicides. Il propose des outils fiables et efficaces en cas de crise suicidaire (12) (13). Le choix de se tourner vers une stratégie multimodale de la prévention du suicide se justifie par l’efficacité retrouvée dans la littérature internationale (14) (15) .
Les premiers chiffres apportés par les études en condition de vie réelle dans le Nord-PasdeCalais montraient une diminution du nombre de passages aux urgences pour tentative de suicide ainsi qu’une diminution du nombre d’hospitalisations pour tentative de suicide, ce qui atteste de l’efficacité de ce type de dispositif de veille (16).

Difficultés rapportées par les généralistes

Une revue systématique de la littérature parue en mai 2020 dans le British Journal of General Practice analysait le rôle du MG dans la prise en charge des patients suicidants (17).
A travers cette revue de la littérature, il a été identifié que les MG manquaient de confiance en eux dans la prise en charge de ces patients, notamment pour évaluer le risque suicidaire et en particulier lorsqu’il s’agissait de jeunes patients (18) (19).
Par ailleurs, une meilleure communication entre les soins de premier recours et les équipes de santé mentale était identifiée comme étant un soutien nécessaire pour l’évaluation du risque suicidaire, le traitement et le suivi de ces patients (19) (20) (21).
Ces difficultés avaient également été mises en avant dans la thèse de Nicolas Loisel, qui avait réalisé une étude qualitative en Haute Normandie (22). Dans son étude, les MG rapportaient entre autres un sentiment de difficulté lié à un manque de connaissances, ainsi qu’un manque de compétence dans l’appréciation des idées suicidaires.

Objectifs de l’étude

L’objectif principal de notre étude était de mettre en évidence un lien entre le sentiment de difficulté éprouvé par les MG et l’aisance à joindre le psychiatre référent de leur patient.
Notre objectif secondaire était d’explorer les autres facteurs pouvant influencer ce sentiment de difficulté.
Pour répondre à ces questions, nous avons opté pour une étude quantitative. Ce choix est justifié premièrement par le fait que l’approche qualitative classique avait déjà été réalisée par le passé et deuxièmement par le fait que nous souhaitions montrer un lien statistique entre le niveau de confiance en eux des MG dans la gestion de la post-crise suicidaire et certains facteurs pouvant expliquer leurs difficultés.
Notre critère de jugement principal (CJP) était la comparaison entre le sentiment de difficulté ressenti par les MG dans la prise en charge des patients suicidants et la capacité à contacter le psychiatre référent de leur patient.
Notre hypothèse principale était que les MG se sentaient plus à l’aise dans la prise en charge des patients suicidants s’ils pouvaient facilement contacter le psychiatre référent de leur patient. Nous avons également étudié d’autres facteurs pouvant influencer le sentiment de difficulté ressenti par les médecins généralistes :
• L’âge et le sexe des praticiens
• La durée depuis laquelle ils étaient installés
• Le temps de trajet entre le cabinet et les urgences psychiatriques
• Le délai entre la tentative de suicide et la réception de cette information
• Le mode d’information du médecin traitant de cette tentative de suicide
• Le délai entre la tentative de suicide et la consultation post-urgences avec le psychiatre
• Leurs modes de formation
• La qualité de la communication entre le médecin traitant et le psychiatre suivant divers indicateurs:
o Connaissance du psychiatre référent
o Réception de courriers du psychiatre référent
o Connaissance du traitement psychiatrique en cours o Capacité à obtenir un avis thérapeutique

Matériel et méthode

Recherche bibliographique

Pour réaliser la recherche bibliographique, plusieurs moteurs de recherche ont été utilisés :
• Pub Med avec les équations suivantes :
o (suicide[MeSH Major Topic]) AND general practitioners[MeSH Major Topic]
o (attempted suicide[MeSH Major Topic]) AND general practice[MeSH Major Topic]
• Le système universitaire de documentation SUDOC avec les mots-clés suivants : généralistes et tentative de suicide.

Population d’étude

Critères d’inclusion et d’exclusion

La population que nous souhaitions étudier était les MG libéraux du Calvados. Les critères d’inclusion étaient les suivants :
• Exercer la médecine générale libérale au moment de l’inclusion ;
• Être installé dans le Calvados ;
• Être référencé sur l’annuaire en ligne de la sécurité sociale disponible sur Ameli.fr.
Les critères d’exclusion étaient les suivants :
• Avoir une activité exclusivement dédiée à d’autres activités que la médecine générale (médecine vasculaire, acupuncture…) ;
• Ne pas disposer d’un numéro de téléphone ou d’une adresse mail.

Calcul du nombre de sujets nécessaires

Une étude similaire à la nôtre n’a jamais été réalisée, à notre connaissance, ni en France, ni à l’étranger. Nous n’avions donc pas de données dans la littérature pour calculer le nombre de sujets nécessaires de manière fiable.
Les réponses possibles aux deux questions dont nous souhaitions étudier l’association statistique étaient :
• À la question  » Vous sentez-vous en difficulté pour reprendre la prise en charge d’un patient suicidant qui n’a pas été hospitalisé en psychiatrie ?  »
o En grande difficulté ; Plutôt en difficulté ; Plutôt à l’aise ; Tout à fait à l’aise
• À la question  » Réussissez-vous à joindre facilement le psychiatre référent de vos patients ?  »
o Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Nous avons choisi une échelle de réponse à 4 niveaux afin que les MG soient obligés de se positionner, ceci dans le but d’être plus discriminant.
Nous avons ensuite regroupé les réponses en deux groupes de réponses possibles, pour obtenir 4 groupes et se rapporter ainsi à une comparaison de deux proportions binomiales.
• À la question  » Vous sentez-vous en difficulté pour reprendre la prise en charge d’un patient suicidant qui n’a pas été hospitalisé en psychiatrie ?  »
o En difficulté ; A l’aise
• À la question  » Réussissez-vous à joindre facilement le psychiatre référent de vos patients ?  »
o Difficilement ; Facilement
Nous avons estimé, à partir de nos observations personnelles, qu’il y avait environ deux fois plus de MG qui se sentaient « en difficulté » que « à l’aise » parmi ceux qui n’arrivaient pas à joindre facilement le psychiatre référent de leur patient. Nous avons estimé arbitrairement que la proportion de MG se sentant en difficulté pour gérer le suivi post tentative de suicidaire dans la situation où ils ont des difficultés à joindre le psychiatre traitant était de 0,6.

Tirage au sort

Les MG ont été inclus par tirage au sort à partir de l’annuaire disponible sur Ameli.fr dans la rubrique « médecins généralistes » et « Calvados ».
Lors du premier tirage au sort en juin 2020, il y avait 663 MG répertoriés sur cet annuaire. Lors du deuxième tirage au sort en décembre 2020, pour les 150 MG supplémentaires, il y
en avait 684.
Cette différence s’explique par les départs en retraite ou changement d’activité et l’installation de nouveaux MG.
Lors des deux tirages au sort, nous avons exclu les doublons des médecins répertoriés plusieurs fois (du fait d’adresses multiples, ou de l’exercice de plusieurs activités). Lors du deuxième tirage au sort, nous avons exclu les médecins ayant déjà été tirés au sort lors du premier tirage.

Envoi du questionnaire

Après tirage au sort, nous avons récupéré les numéros de téléphone professionnels de chacun des MG. Puis, au téléphone, nous leur avons rapidement expliqué le principe de l’étude (selon un entretien rapide, structuré et standardisé), et nous leur avons demandé de nous transmettre leur adresse mail afin de leur envoyer le questionnaire via LimeSurvey.

Planning de l’étude

Les appels pour récupérer les adresses mails ont été réalisés entre juillet 2020 et mai 2021.
Les appels ont été passés par blocs de 50.
Une fois l’adresse mail récupérée, le questionnaire était envoyé aux médecins dans la journée. En cas d’absence de réponse au questionnaire, une première relance était adressée au bout de deux semaines, puis une deuxième à un mois. En l’absence de réponse deux semaines après la deuxième relance les participants ont été considérés comme non répondants.
Nous avons arrêté de récupérer les questionnaires deux semaines après la dernière relance, en mai 2021.
L’inclusion s’est réalisée sur 10 mois du fait de contraintes organisationnelles et de la difficulté à joindre de nombreux médecins.

Questionnaire

Le questionnaire comprenait 23 questions regroupées selon quatre parties décrites ci-dessous. Il a été réalisé sur la plateforme LimeSurvey, plateforme sécurisée et validée par l’Unité de Formation et de Recherche (UFR) de Santé de Caen. Le questionnaire est disponible en annexe (annexe 1).

Gestion de la crise suicidaire au cabinet de médecine générale

Le premier groupe de questions interrogeait les MG sur leurs pratiques dans la gestion de la crise suicidaire :
Question 1 : Parmi vos patients suicidants, combien, approximativement, vous avaient consulté dans le mois précédent pour évoquer leurs difficultés psychologiques ?
• Réponses possibles : < 25% ; 25-50% ; 50-75% ; > 75%
Question 2 : A qui adressez-vous vos patients suicidaires ? Classez les propositions suivantes par ordre de fréquence (1 à plusieurs choix possibles) :
• Réponses possibles : Je les prends en charge moi-même ; Centre médico-psychologique (CMP) ; Consultation de psychiatrie ambulatoire ; Urgences ; Entrée directe en hospitalisation en psychiatrie ; Consultation de psychologie ; Autre
Question 3 : Réussissez-vous à obtenir l’aide d’un psychiatre pour introduire ou modifier un traitement médicamenteux chez vos patients suicidaires ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 4 : Auprès de qui obtenez-vous de l’aide ? Classez les propositions suivantes par ordre de fréquence (1 à plusieurs choix possibles) :
• Réponses possibles : Psychiatre référent ; Psychiatre de garde des urgences ; Médecin de l’hôpital psychiatrique ; Réseau personnel ; Autre
Question 5 : Vous sentez-vous à l’aise pour introduire un traitement chez vos patients suicidaires ?
• Réponses possibles : En grande difficulté ; Plutôt en difficulté ; Plutôt à l’aise ; Tout à fait à l’aise
Question 6 : Vous sentez-vous à l’aise pour aborder la présence d’idées suicidaires avec vos patients ?
• Réponses possibles : En grande difficulté ; Plutôt en difficulté ; Plutôt à l’aise ; Tout à fait à l’aise

Suivi des patients suicidants au cabinet de médecine générale

La deuxième partie du questionnaire s’intéressait à la gestion des patients ayant fait une tentative de suicide ainsi qu’à la communication entre les médecins généralistes et les psychiatres :
Question 7 : Dans quel délai apprenez-vous qu’un de vos patients a fait une tentative de suicide ?
• Réponses possibles : ≤ 7 jours ; 8 jours à 1 mois ; > 1 mois
Question 8 : Par qui apprenez-vous qu’un de vos patients a fait une tentative de suicide ? Classez les propositions suivantes par ordre de fréquence (1 à plusieurs choix possibles) :
• Réponses possibles : Famille du patient ; Voisins/amis du patient ; Le patient lui-même ; Urgentiste ; Médecin de l’unité post-urgences/de réanimation ; Psychiatre des urgences ; Dispositif VigilanS ; Autre
Question 9 : Dans quel délai vos patients ont-ils pu revoir un psychiatre après leur passage aux urgences pour une tentative de suicide ?
• Réponses possibles : Moins d’une semaine ; 8 à 14 jours ; 15 jours à 1 mois ; Plus d’un mois
Question 10 : Savez-vous qui est le psychiatre référent de vos patients ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 11 : Recevez-vous des courriers du psychiatre qui suit vos patients ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 12 : Réussissez-vous à joindre facilement le psychiatre référent de vos patients ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 13 : Connaissez-vous le/les diagnostic(s) psychiatrique(s) de vos patients ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 14 : Connaissez-vous le traitement prescrit par le psychiatre de vos patients ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 15 : Vous sentez-vous en difficulté́pour reprendre la prise en charge d’un patient suicidant qui n’a pas été hospitalisé en psychiatrie ?
• Réponses possibles : En grande difficulté ; Plutôt en difficulté ; Plutôt à l’aise ; Tout à fait à l’aise

Amélioration de la prise en charge des patients suicidants

La troisième partie interrogeait les médecins généralistes sur ce qui pouvait leur sembler pertinent dans l’amélioration de la prise en charge des patients suicidants (formation, informations manquantes dans la prise en charge) :
Question 16 : Concernant la formation sur la prise en charge du patient suicidaire et suicidant : Classez les modes de formation suivants qui vous paraitraient les plus pertinents (1 à plusieurs choix possibles)
• Réponses possibles : Stage obligatoire en psychiatrie pendant l’externat ; Stage obligatoire en psychiatrie pendant l’internat ; Développement Professionnel Continu (DPC) ; Congrès/soirées ; Revues ; Cours dédié au suicide dans le cursus universitaire ; Autre
Question 17 : Quelles sont les principales informations que vous aimeriez avoir pour améliorer la prise en charge du patient suicidant ? Classez-les par ordre d’importance (1 à plusieurs choix possibles) :
• Réponses possibles : Les coordonnées du psychiatre ; Les comptes rendus de consultation avec le psychiatre ; Le diagnostic psychiatrique ; Le traitement ; Les antécédents psychiatriques du patient et de sa famille ; Les coordonnées du CMP ; Autre
Question 18 : Connaissez-vous un score permettant de dépister le patient à haut risque suicidaire ?
• Réponses possibles : Oui ; Non
Selon la réponse à la question 18, seule une des deux questions suivantes était proposée. Question 18A : Si oui, à quelle fréquence l’utilisez-vous en consultation ?
• Réponses possibles : Toujours ; Souvent ; Parfois ; Jamais
Question 18B : Si non, un score de ce type vous serait-il utile ?
• Réponses possibles : Oui ; Non

Caractéristiques démographiques des médecins généralistes

La dernière partie concernait les caractéristiques démographiques des médecins et interrogeait leur mode de formation dans la gestion des patients suicidants :
Question 19 : Dans quelle tranche d’âge vous situez-vous ?
• Réponses possibles : 25-34 ans ; 35-44 ans ; 45-54 ans ; 55-64 ans ; ≥ 65 ans
Question 20 : Depuis combien de temps êtes-vous installés ?
• Réponses possibles : < 5 ans ; ≥ 5 ans
Question 21 : Vous êtes de sexe ?
• Réponses possibles : Masculin ; Féminin ; Sans réponse
Question 22 : Quel est le temps de trajet approximatif entre votre cabinet et les urgences psychiatriques les plus proches ?
• Réponses possibles : < 15 minutes ; 15-30 minutes ; ≥ 30 minutes
Question 23 : Quels sont les principaux modes de formations qui ont participé́à vos connaissances sur la prise en charge du patient suicidant ? Classez les propositions suivantes par ordre d’importance (1 à plusieurs choix possibles) :
• Réponses possibles : Expérience personnelle ; Externat ; Internat ; Post-internat ; Développement Professionnel Continu (DPC) ; Staff pluridisciplinaire avec psychiatre ; Revues médicales ; Congrès/soirées ; Passage au cabinet de représentant médical ; Autre

Évaluation du questionnaire avant envoi

Le questionnaire a été testé par six relecteurs : un interne en médecine générale, une interne en psychiatrie, un médecin généraliste, une psychiatre libérale et deux personnes n’ayant aucun lien avec la médecine générale ni la psychiatrie.

Autorisations

Cette étude a reçu le premier juillet 2020, après signature d’un engagement de conformité, l’autorisation du correspondant informatique et liberté de l’UFR de Santé de Caen et a été enregistrée sous le numéro 14-20180529-01R1 (Annexe 2).
Elle a également reçu le 21 juin 2021, après le recueil des résultats, un avis favorable du Comité d’Éthique de la Recherche du CHU de Caen (CLERS) (Annexe 3).
Cette étude étant assimilée à une évaluation de pratiques, il n’a pas été fait appel à un comité de protection des personnes.

Statistiques

Les groupes constitués grâce aux données disponibles ont été comparés avec le test exact de Fisher. Ce dernier a été choisi à la place d’un test du Chi-2 du fait d’effectifs insuffisants (< 5) dans certains groupes ne permettant pas de remplir les conditions d’application du test du Chi-2.
Pour les questions à choix multiples, devant le faible taux de réponse aux deuxièmes modalités, nous avons décidé d’interpréter uniquement la première réponse.
Les analyses statistiques ont été réalisées sur le site BiostaTGV.

Mode d’information du médecin traitant de cette tentative de suicide

Concernant la question sur le mode d’information du MG de la TS de son patient, nous avions proposé plusieurs possibilités de réponses afin de ne pas restreindre le choix des MG répondants. Ce choix est apparu pertinent puisqu’un seul répondant a choisi la réponse « Autre » (tableau 8). Nous avons décidé ensuite de regrouper les effectifs en deux modalités d’information : « Information non médicale » regroupant les réponses « Famille du patient, voisins/amis du patient » et « Patient lui-même » et « Information médicale » regroupant les réponses « Urgentiste », « Médecin de l’unité post-urgence/de réanimation », « Psychiatre des urgences » et « Dispositif VigilanS ».
La réponse « Autre » a été exclue.
Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence entre le sentiment de difficulté dans la prise en charge des patients suicidants et le fait d’avoir été informé, ou non, de la TS par un professionnel de santé (p = 0,101, tableau 9).
Les effectifs étaient trop faibles pour permettre de comparer le sentiment de difficulté quand le MG était averti par un somaticien ou un psychiatre.

Autres résultats

Communication entre les psychiatres et les médecins généralistes

Concernant la communication entre les psychiatres et les MG, il est intéressant de noter que bien qu’ils connaissent, en général, plutôt bien le psychiatre référent de leurs patients, les médecins généralistes n’arrivaient à le contacter que difficilement. 71% des généralistes interrogés dans notre étude déclaraient qu’ils n’y arrivaient « Jamais » et 18% « Parfois » seulement. Cette problématique avait déjà été soulevée dans la thèse de Nicolas Loisel réalisée en 2016, où il notait alors, dans son étude qualitative, la difficulté de contacter les psychiatres par téléphone (22). Cela rejoint également le besoin d’une communication accrue entre les équipes de psychiatrie et les soins primaires identifié dans la revue de la littérature parue en mai 2020 dans le British Journal of General Practice (17) (19) (20) (21).
De même, 47% des généralistes interrogés rapportaient ne jamais recevoir de courrier du psychiatre référent du patient, et seulement 43% ont répondu en recevoir parfois. Cela avait également été rapporté par certains médecins généralistes interrogés dans la thèse de Nicolas Loisel (22).
Cette problématique avait également été soulevée en 2010 lors de la parution de recommandations sur le contenu des courriers adressés par les psychiatres aux généralistes (23).
Par ailleurs, nous avons mis en lumière dans notre étude la nature des informations que les MG souhaiteraient avoir en premier lieu pour améliorer leur prise en charge des patients suicidants. Ils demandaient le plus souvent les comptes rendus de consultation (53%), puis les coordonnées du psychiatre traitant de leur patient (20%) et enfin le diagnostic psychiatrique (17%).
Toutefois, en psychiatrie, on peut avoir longtemps des doutes sur le diagnostic. Cela avait été rapporté par Pierre-Hubert Catherine dans sa thèse, où il interrogeait les psychiatres sur leur communication avec les MG (24). Les psychiatres voyaient dans cette incertitude diagnostique un frein à la communication avec les MG, de peur qu’il y ait une annonce diagnostique faite sur des hypothèses. Certains psychiatres rapportaient toutefois communiquer leurs hypothèses diagnostiques, mais ils ne semblaient pas majoritaires dans cette étude.
Pourtant, disposer des hypothèses diagnostiques pourrait être utile aux MG. En effet, certains traitements somatiques peuvent décompenser une pathologie psychiatrique et le fait d’être conscient de ce risque bénéficierait certainement aux patients. D’autre part, le MG qui connaît souvent bien son patient et qui peut être amené à le voir à domicile, dispose parfois d’éléments qui pourraient aider le psychiatre à étayer son diagnostic.
Dans le travail de thèse de Pierre-Hubert Catherine, il était intéressant de noter que les psychiatres avaient une vision plutôt favorable de la communication avec les médecins généralistes. Ils l’estimaient bénéfique pour le patient, pour le MG et pour eux-mêmes dans la mesure où ils recevaient des informations sur les traitements déjà essayés. Toutefois, ils reconnaissaient le manque de communication qui pouvait exister, en expliquant que cela était dû notamment à un manque de temps, à la chronicisation de la prise en charge ou encore à l’incertitude diagnostique qui existe fréquemment en psychiatrie (24).

Prise en charge des patients suicidaires

Concernant la prise en charge des patients suicidaires, il semble y avoir une évolution dans le rôle du MG. En effet, 62,5% des MG interrogés dans notre étude déclaraient avoir vu moins de 25% des patients ayant fait une TS dans le mois précédent pour évoquer leurs difficultés psychologiques. Or, dans l’étude de Hawton et Blackstock réalisée en 1977, plus de 60% des patients ayant fait une TS avaient vu leur MG dans le mois précédent (25). La comparaison de ces deux résultats doit néanmoins tenir compte du fait que l’étude de Hawton et Blackstock a été réalisée à Oxford et dans ses alentours alors que la nôtre a été réalisée dans le Calvados. D’autre part, notre étude interrogeait spécifiquement le sujet d’une consultation pour évoquer les difficultés psychologiques des patients ce qui n’était pas le cas dans l’étude de Hawton et Blackstock. Enfin, un certain sentiment de culpabilité de la part du MG à la suite de la TS de son patient peut aboutir à une sous-déclaration dans notre étude.
Ce faible taux de patients identifiés comme ayant consulté pour évoquer leurs difficultés psychologiques peut également venir du fait que les patients n’avaient pas spontanément abordé ce sujet. Pourtant, les MG déclaraient se sentir plutôt à l’aise pour aborder les idées suicidaires dans 54% des cas, et tout à fait à l’aise dans 34% des cas, mais ils n’étaient que 35% à connaitre un score pour évaluer le risque suicidaire.
Un des outils les plus connus et les plus fréquemment utilisé en pratique courante est le « RUD », acronyme pour Risque, Urgence, Dangerosité. Il ne s’agit pas à proprement d’un score, mais plutôt d’une grille d’entretien qui permet de structurer la consultation avec un patient suicidaire dans le but d’évaluer l’intentionnalité du passage à l’acte. Il est basé sur l’évaluation du risque, du délai dans lequel la tentative de suicide est envisagée, et enfin de l’accessibilité au moyen létal envisagé.
Lorsqu’un patient en crise suicidaire se présentait en consultation, les MG étaient 70% à les adresser aux urgences, et 11% à les prendre en charge eux-mêmes (figure 11). Cela est cohérent avec les chiffres retrouvés dans la littérature (5) (7).
La thèse de Nicolas Loisel, et l’étude de Aubin-Auger et al. rapportaient également l’efficience de cette filière de soins qui paraît, qui plus est, adaptée à la situation clinique (22) (26).

Prise en charge des patients suicidants

Dans 64% des cas les médecins généralistes ont répondu apprendre la tentative de suicide de leur patient dans les 8 jours à 1 mois après le geste. Ce délai parait trop long, car les MG peuvent être amenés à revoir leur patient dans cet intervalle sans connaitre l’existence de la TS. Cette critique concernant le délai de réception des courriers avait été rapporté dans la revue de littérature de Mughal et al. (17) (27).
Par ailleurs, les MG avaient souvent appris la TS par la famille du patient (34%) ou le patient lui-même (16%). Ce mode d’information, qui avait été évoqué dans la thèse de Nicolas Loisel, apparaît dans notre étude être le principal mode d’information des MG de la TS de leur patient, puisque cela représente 50% des cas (22).
D’autre part, on peut noter l’efficacité du dispositif VigilanS. Bien que ce dispositif ne soit pas dédié à la communication avec le MG, le courrier de VigilanS a été le mode d’information de la TS pour 28% des MG.
Il semble légitime de penser qu’un MG se sentira plus apte à aborder une consultation de suivi après une TS s’il est déjà au courant de celle-ci plutôt que s’il l’apprend pendant la consultation par le patient lui-même, ce qui peut être particulièrement déstabilisant. Néanmoins, une information par un professionnel de santé n’est pas ressortie comme un facteur de réassurance des MG pour la prise en charge des patients suicidants dans notre étude.
La communication entre la médecine de ville et les services d’urgence était également peu satisfaisante dans notre étude, comme cela avait été soulevé dans la revue de littérature de Mughal et al. (17). D’après nos résultats, les MG n’avaient été mis au courant de la TS par les urgentistes ou par les médecins de l’unité post-urgence que dans 7,8% des cas pour chacune de ces modalités, et dans 5% des cas par le psychiatre des urgences (tableau 16), soit environ 20% au total.
Il faut toutefois nuancer ce point car il est possible que les patients puissent s’opposer à ce que leur généraliste soit mis au courant de leur geste étant donné la nature de la relation entre un patient et son médecin traitant.
Un autre facteur pouvant majorer le sentiment de difficulté dans la prise en charge des patients suicidants concerne l’existence ou non d’un suivi psychiatrique, comme en atteste l’étude de Fanello et al. parue en 2002, qui montrait une diminution du taux d’hospitalisation des patients suicidants lorsque les MG avaient l’assurance d’un suivi psychiatrique (28).
Le délai séparant la TS d’une nouvelle consultation avec un psychiatre pourrait également influencer le sentiment de difficulté éprouvé par les MG dans la prise en charge des patients suicidants, bien que nous n’ayons pas retrouvé de différence significative sur ce critère. Toutefois, les données de notre étude montrent des délais avant une nouvelle consultation relativement longs, puisque 36% des médecins interrogés rapportaient que cette consultation avait eu lieu dans les 15 jours à 1 mois suivant le geste, et 33% à plus d’un mois après le geste.

Propositions pour améliorer la prise en charge des patients suicidants en médecine générale ambulatoire

Concernant les axes d’amélioration possibles dans la prise en charge des patients suicidants, les médecins interrogés ont répondu à 35% qu’ils estimaient que le DPC était pertinent. Cette demande de formation médicale continue avait déjà été notée dans la thèse de Nicolas Loisel en 2016, ainsi que dans de nombreux articles de la littérature internationale (19) (20) (22) (28) (29).
Ils étaient 28% à penser qu’un cours dédié à la suicidologie en formation initiale leur serait bénéfique pour améliorer leur prise en charge des patients suicidants. Cela va dans le sens de ce qui est réalisé depuis 2021 à la faculté de Caen, puisque désormais un séminaire de suicidologie à l’attention de tous les internes est organisé chaque année.

Forces et faiblesses de notre travail

Points forts

Une des principales qualités de notre étude était son recrutement et son taux de participation. Nous avons tiré au sort 400 médecins généralistes parmi les 684 inscrits sur l’annuaire de l’Assurance Maladie, ce qui était censé assurer un échantillonnage robuste.
L’atlas de démographie médicale publié par l’Ordre Nationale des Médecins en 2021 rapportait une moyenne d’âge des médecins de 47,4 ans (toutes spécialités confondues) contre 45,5 ans dans notre étude et une proportion de femmes inscrites à l’ordre de 49,1% (toutes spécialités confondues) contre 53,6%, ce qui montre que la population des répondants est globalement comparable à la population générale des médecins. Les statistiques spécifiques aux médecins généralistes n’avaient pas été actualisées récemment (30).
Parmi les 190 médecins ayant reçu le questionnaire, nous avons eu un taux de participation élevé puisque 140 d’entre eux, soit environ 70%, ont répondu à au moins une question.
Ceci nous permet d’affirmer que la validité externe de notre étude est plutôt satisfaisante.
L’autre force de ce travail est son originalité. En effet, ce sujet avait déjà été traité à Rouen en 2016 par Nicolas Loisel pour son travail de thèse, mais avait été abordé de manière qualitative. Ce travail, est, à notre connaissance, le premier à étudier d’un point de vue quantitatif la prise en charge des patients suicidants par les médecins généralistes.
Le choix de réaliser un travail quantitatif nous a paru pertinent afin d’évaluer la prévalence des généralistes du Calvados se sentant en difficulté dans la prise en charge des patients suicidants, et de mettre en lumière les principaux axes d’amélioration dans la prise en charge de ces patients.

Limites

Ce travail présente également quelques limites dont nous sommes conscients.
Tout d’abord, du fait d’absence de données dans la littérature, le calcul du nombre de sujets nécessaires a été réalisé sur des estimations subjectives, ce qui nous a conduit à surestimer l’ampleur du phénomène que nous voulions observer et à manquer de puissance sur les critères secondaires.
De plus, le recrutement n’a pas pu être réalisé en une fois, et la réalisation d’un deuxième tirage au sort pour obtenir le compte de réponses attendues diminue la qualité de notre tirage au sort et donc la représentativité de notre échantillon.
Le choix des critères étudiés est également discutable. En effet, il s’agit plutôt de critères qualitatifs que nous avons voulu traiter de manière quantitative pour les raisons que nous avons évoquées ci-dessus.
Enfin, une dernière critique que nous pouvons faire sur notre travail concerne la formulation de la question 15 « Vous sentez-vous en difficulté pour reprendre la prise en charge d’un patient suicidant qui n’a pas été hospitalisé en psychiatrie ? ». Le choix des mots « en difficulté » a certainement influencé la réponse des participants de façon négative. Néanmoins nous savons que ce genre d’étude a toujours tendance à surestimer les points négatifs car les personnes interrogées y voient une tribune pour verbaliser leurs difficultés.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
A. DEFINITIONS
1. Idées suicidaires et patient suicidaire
2. Tentative de suicide
3. Patient suicidant
B. CONTEXTE
C. SUIVI DES PATIENTS SUICIDANTS EN MEDECINE AMBULATOIRE
D. VIGILANS
E. DIFFICULTES RAPPORTEES PAR LES GENERALISTES
F. OBJECTIFS DE L’ETUDE
II. MATERIEL ET METHODE
A. RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
B. POPULATION D’ETUDE
1. Critères d’inclusion et d’exclusion
2. Calcul du nombre de sujets nécessaires
3. Tirage au sort
4. Envoi du questionnaire
C. PLANNING DE L’ETUDE
D. QUESTIONNAIRE
1. Gestion de la crise suicidaire au cabinet de médecine générale
2. Suivi des patients suicidants au cabinet de médeccine générale
3. Amélioration de la prise en charge des patients suicidants
4. Caractéristiques démographiques des médecins généralistes
E. ÉVALUATION DU QUESTIONNAIRE AVANT ENVOI
F. AUTORISATIONS
G. STATISTIQUES
III. RESULTATS
A. DIAGRAMME DE FLUX
B. CARACTERISTIQUES DES REPONDANTS
C. CRITERE DE JUGEMENT PRINCIPAL
D. CRITERES DE JUGEMENT SECONDAIRES
1. Age et sexe
2. Durée d’installation
3. Temps de trajet séparant le cabinet des urgences psychiatriques
4. Délai entre la tentative de suicide et la réception de cette information
5. Mode d’information du médecin traitant de cette tentative de suicide
6. Délai entre la tentative de suicide et la consultation post-urgences avec le psychiatre
7. Mode de formation
E. AUTRES RESULTATS
1. Communication entre les psychiatres et les médecins généralistes
2. Prise en charge des patients suicidaires
3. Prise en charge des patients suicidants
4. Propositions pour améliorer la prise en charge des patients suicidants en médecine générale ambulatoire
IV. DISCUSSION
A. RESULTATS PRINCIPAUX
B. AUTRES RESULTATS
1. Communication entre les psychiatres et les médecins généralistes
2. Prise en charge des patients suicidaires
3. Prise en charge des patients suicidants
4. Propositions pour améliorer la prise en charge des patients suicidants en médecine générale ambulatoire.
C. FORCES ET FAIBLESSES DE NOTRE TRAVAIL
1. Points forts
2. Limites
D. OUVERTURES
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE

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