GEOLOGIE DES RESERVOIRS BITUMINEUX CANADIENS
La description générale de l’histoire géologique de l’Alberta est bien documentée dans la bibliographie (Mossop, 1980; Kosar, 1989; NEB, 2000; Chapman, 2008; Hein et Marsh, 2008; Blaizot, 2008; Mathieu, 2008). On n’en présente ici que les éléments principaux.
Génération et migration des hydrocarbures vers Alberta
Les bruts non conventionnels d’Alberta ont été découverts dans des formations se trouvant à faible profondeur. Ces hydrocarbures, à l’origine légers et mobiles, ont été générés dans des formations beaucoup plus profondes que les réservoirs actuels. Ils ont ensuite subi une très longue migration du Sud-ouest de l’Alberta vers le Nord-est. Ensuite, sous l’influence de différents mécanismes complexes (biologiques, chimiques et physiques, etc.) les bruts légers se sont transformés en bruts de plus en plus lourds.
La biodégradation est le mécanisme le plus important. C’est un processus biologique activé par des bactéries (Blaizot, 2008). On trouve des bactéries aérobies dans les réservoirs peu profonds, et des bactéries anaérobies dans les réservoirs profonds (Hinkle, 2008). Au fil du temps, ces bactéries ont consommé le carbone et l’hydrogène des hydrocarbures. Les bactéries s’attaquent d’abord aux composés les plus légers et les plus linéaires (alcanes), puis progressivement aux plus complexes. Ces actions, qui sont favorisées par des températures de l’ordre de 30-40°C, se traduisent par une augmentation à la fois de la viscosité et de la densité des bruts, de la concentration en résines et en asphaltènes, de la teneur en soufre, en acides organiques et en métaux lourds comme du nickel, du vanadium, des magnétites, de l’or, de l’argent. Le volume des bruts initiaux (c’est-à-dire avant la biodégradation) pourrait avoir été deux ou trois fois plus important que le volume des bruts lourds actuels (NEB, 2000).
Simultanément, une fois piégés dans les réservoirs actuels, les bruts ont subi des venues massives d’eau de l’Est (Mathieu, 2008). Cet hydrodynamisme a d’une part contribué à bloquer la remontée des bruts vers la surface et d’autre part a pu entrainer une dissolution des bruts légers au voisinage du plan d’eau, provoquant ainsi une augmentation de la viscosité et de la densité des hydrocarbures restants (Blaizot, 2008).
Les gisements de Peace River, au Sud-ouest de l’Alberta résultent d’une courte migration. Par conséquent, les bruts piégés dans ces gisements ont été soumis à un degré de biodégradation différent de celui des bruts piégés en Athabasca et à Cold Lake, les caractéristiques des bruts sont donc différentes dans chaque réservoir.
Enfin, la caractéristique dite lourde des bruts peut dépendre de la maturation des roches mères (Blaizot, 2008). Le type de roche mère et sa maturité thermique influent sur la composition chimique initiale des bruts. Un brut provenant d’une roche mère peu mature sera plus lourd que celui provenant d’une roche mère très mature.
Nature des réservoirs bitumineux d’Alberta
La vaste majorité des réserves bitumineuses d’Athabasca est contenue dans des grès (ou des sables) du Crétacé Inférieur datant de 120 millions d’années, principalement dans les formations McMurray et Grand Rapids, mais aussi dans des carbonates paléozoïques Dévoniens (350-390 millions d’années). Pour l’instant, seuls les réservoirs de grès sont en cours d’exploitation. Le bitume hébergé au sein des réservoirs carbonatés n’est pas encore exploité à cause de barrières technologiques: roche carbonatée extrêmement dure, milieu très fissuré, possibles interactions physico-chimiques entre vapeur d’eau et roche.
Les sables (ou grès) du Crétacé Inférieur de la Formation McMurray sont riches en quartz, très peu ou non consolidés (Dusseault, 1977). La formation de McMurray est d’origine fluviatile et estuarienne. Le dépôt de cette formation sur les carbonates Dévoniens a eu lieu dans une paléo-vallée (vallée incisée) de 200 km de large de façon très complexe, variable, et avec des séries transgressives. Le profil stratigraphique est en général divisé en trois unités: inférieure, médiane, et supérieure. La partie inférieure du réservoir est constituée d’un mélange de gros grains et des sables fluviatiles qui sont ensuite recouverts par du limon et de l’argile. Dans la partie médiane du réservoir, sous l’action de transgressions dynamiques, les sables estuariens sont dominants et recouverts par d’argile. Cette dernière a été recouverte à son tour par une série interstratifiée d’argiles et de sables. Enfin, la partie supérieure du réservoir est constituée de sables glauconitiques et d’argiles. L’huile se situe essentiellement dans la partie centrale sableuse du réservoir, tandis que les espaces poreux de la partie inférieure du réservoir sont globalement remplis par de l’eau. La couche supérieure contient des gaz avec de faibles quantités de bitume (en saturation résiduelle).
Différents travaux cités en référence (Hein et Marsh, 2008; Xu et Chopra, 2008) montrent une extrême hétérogénéité, notamment verticale, des réservoirs de sables bitumineux d’Athabasca. D’après Dusseault (1977), la taille des grains minéraux allant de très grossiers en bas à très fins en haut est liée à une baisse progressive de la vitesse de sédimentation depuis la base vers le sommet du réservoir. De plus, une forte variation spatiale des propriétés physiques du bitume (densité, viscosité) a été enregistrée (Mathieu, 2008), ce qui pourrait indiquer la présence de bruts provenant de plusieurs roches mères ayant subi des conditions très différenciées de biodégradation.
La formation fluvio-estuarienne McMurray est recouverte par des argiles marines de la Formation Clearwater. La Formation Clearwater est une unité du Crétacé Inférieur qui forme la roche couverture des gisements de l’Athabasca. Elle se compose principalement d’argiles, de limons et de sables fins (Kosar, 1989; Chapman, 2008). La Formation Clearwater peut comporter sept subdivisions (Kcw, Kca, Kcb, Kcc, Kcd, Kce et Kcf) dont la couche Wabiskaw Kcw d’environ 2m d’épaisseur se trouve directement au-dessus de la formation McMurray. Cette couche est constituée d’un grès glauconitique saturé par du bitume à quelques endroits.
Ensuite, reposant sur la Formation Clearwater, ce sont les sables et les schistes de Grand Rapids, de Joli Fou, puis de Pelican et enfin la Formation La Biche qui est une couche la plus jeune du Crétacé Inférieur. La couche se trouvant au dessus du Crétacé Inférieur est un dépôt Quaternaire constitué de graviers glaciaires, de sables et d’argiles d’épaisseurs variables.
Les couches sédimentaires déposées sur la formation McMurray pourraient avoir eu une épaisseur totale de 760 à 1220 mètres (Dusseault, 1977). Au fil des années, elles ont été érodées. De plus, comme le précise Mathieu (2008), les sédiments ont été fortement décapés lors des grandes glaciations plio-quaternaires. L’érosion peut aller jusqu’à la formation McMurray, ce qui explique l’existence de réservoirs bitumineux en surface à quelques endroits, dont l’exploitation se fait à ciel ouvert selon une technologie minière. Finalement, quelques travaux (Fitzgerald, 1978; Bayrock et Root, 1972) ont mentionné l’existence d‘une couche de glace pendant 1,9 millions d’années de la dernière glaciation dont l’épaisseur a pu atteindre jusqu’à 3 ou 4 km. Les cycles d’avancée et de recul des glaces pourraient être au nombre de 80. L’avancement le plus récent (i.e. glaciation du Wisconsin) s’est produit il y a environ 70 000 à 10 000 ans.
A côté des réservoirs d’Athabasca, les réservoirs de Cold Lake et de Peace River constituent une partie importante des ressources bitumineuses Canadiennes. Le bitume de Cold Lake est piégé dans les sables du Crétacé Inférieur comme la formation Grand Rapids, la formation Clearwater et la formation McMurray. Les gisements bitumineux de Peace River comprennent deux types de dépôts, les sables du Crétacé et du Permien (formation BlueSkyGething par exemple), et les carbonates Mississippiens.
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Table des matières
INTRODUCTION
TABLES DES MATIERES
CHAPITRE 1 CONTEXTE DE L’ETUDE
I.1. BRUTS LOURDS ET RESSOURCES DE BRUTS LOURDS AU CANADA
I.2. GEOLOGIE DES RESERVOIRS BITUMINEUX CANADIENS
I.2.1. Génération et migration des hydrocarbures vers Alberta
I.2.2. Nature des réservoirs bitumineux d’Alberta
I.3. RECUPERATION DES BRUTS LOURDS ET PROCEDE SAGD (STEAM ASSISTED GRAVITY DRAINAGE)
I.3.1. Principe du procédé SAGD
I.3.2. Mise en œuvre de SAGD
I.3.3. Développement de la chambre de vapeur
I.3.4. Application du SAGD au Canada
I.3.5. « Upgrading » du bitume canadien
I.4. SAGD: EFFETS THERMO-HYDRO-MECANIQUES INDUITS ET MONITORING SISMIQUE
I.4.1. Effets thermo-hydro-mécaniques induits
I.4.2. Monitoring sismique ou sismique 4D
CHAPITRE 2 ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
II.1. PROPRIETES DU BITUME D’ALBERTA
II.2. PROPRIETES GENERALES ET PHYSIQUE DES SABLES BITUMINEUX
II.2.1. Indice de remaniement
II.2.2. Composition minéralogique
II.2.3. Caractérisation microstructurale
II.2.4. Propriétés pétrophysiques
II.2.5. Propriétés thermiques
II.3. PROPRIETES THERMO-HYDRO-MECANIQUES
II.3.1. Propriétés thermo-hydro-mécaniques et procédé SAGD
II.3.2. Compressibilité des sables bitumineux
II.3.3. Dilatation thermique
II.3.4. Comportement thermo-hydro-mécanique sous chargement déviatorique
II.3.4.1. Comportement déviatorique
II.3.4.2. Comportement à la rupture
II.3.4.3. Mode de rupture
II.3.4.4. Autres propriétés élastiques
II.3.5. Modèles thermomécaniques des sables
II.4. PROPRIETES ACOUSTIQUES
II.4.1. Propriétés acoustiques et procédé SAGD
II.4.2. Rappels théoriques: vitesse des ondes, dispersion des vitesses et atténuations
II.4.3. Influence de la température
II.4.3.1. Comportement en température des réservoirs à bruts lourds
II.4.3.2. Comportement en température des bruts lourds
II.4.4. Influence de la contrainte effective appliquée
II.4.5. Influence de la fréquence
II.4.5.1. Dispersion de vitesse dans des réservoirs à bruts lourds
II.4.5.2. Atténuation dans des réservoirs à bruts lourds
II.4.5.3. Mécanismes d’atténuation dans les réservoirs à bruts lourds
II.4.6. Influence d’autres facteurs
II.4.7. Problème de substitution de fluides
II.4.7.1. Formule de Biot-Gassmann: Substitution des fluides conventionnels
II.4.7.2. Substitution de fluides viscoélastiques
II.4.7.3. Modèle de Hashin-Shtrikman
II.4.7.4. Modèle de Leurer et Dvorkin (2006)
II.4.7.5. Modèle de Ciz et Shapiro (2007)
II.5. CONCLUSIONS
CHAPITRE 3 MATERIAUX ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES
III.1. ECHANTILLONS DE SABLES BITUMINEUX NATURELS
III.1.1. Zone d’étude et condition in situ
III.1.2. Caractérisation physique et microstructurale
III.1.2.1. Caractérisation physique
III.1.2.2. Caractérisation microstructurale
III.1.3. Caractérisation pétrophysique par RMN
III.1.3.1. Principe et la méthode expérimentale
III.1.3.2. Vérification de la présence d’eau
III.1.3.3. Estimation de porosité et de saturation
III.1.4. Conclusions sur les caractéristiques physiques du sable bitumineux
III.2. ECHANTILLONS DE SABLES RECONSTITUES
III.2.1. Préparation des échantillons
III.2.2. Porosité
III.2.3. Perméabilité
III.2.4. Analyse microstructurale
III.3. CARACTERISATIONS DES FLUIDES SATURANTS
III.3.1. Propriétés physiques
III.3.2. Mesure des vitesses de propagation des ondes dans les fluides utilisés
III.4. PREPARATION DES ECHANTILLONS
III.4.1. Échantillons de sables bitumineux naturels
III.4.2. Échantillons de sables reconstitués
III.5. DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX ET PROCEDURES D’ESSAI
III.5.1. Cellule pétroacoustique
III.5.1.1. Description de la cellule
III.5.1.2. Procédure expérimentale
III.5.2. Cellule triaxiale haute température
III.5.2.1. Description de la cellule triaxiale haute température
III.5.2.2. Système expérimental
III.5.2.3. Procédure de montage d’un essai triaxial
III.5.2.4. Essais d’étalonnage sur cales de matériaux connus
III.5.2.5. Étalonnage du système
III.5.3. Cellule oedométrique haute pression
III.6. SIGNAUX ACOUSTIQUES ET TRAITEMENT DES SIGNAUX
III.6.1. Signaux PP, SS pour différentes conditions de température et de contrainte
III.6.2. Méthode de pointé d’impétus
III.6.3. Méthode du rapport de spectre
III.6.4. Illustration du traitement des signaux
III.6.5. Vitesse d’impétus et vitesse de phase. Dispersion de cheminement
III.6.6. Choix d’une référence pour le traitement des signaux par la méthode du rapport des spectres
III.7. NOTATIONS DES ESSAIS
III.8. CONCLUSIONS
CONCLUSION
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