Géodynamique et cinématique de la plaque ibérique pendant le cycle alpin 

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Structure, thermicité et bassins

Les chaînes Ibérique et Catalane

Généralité et structures

La chaîne ibérique est le résultat du raccourcissement intraplaque faisant suite à l’inversion de bassin de rifts mésozoïques. Elle s’inscrit donc, comme son homologue pyrénéen, dans le cycle alpin. La chaîne est caractérisée par une élévation topographique de 600m à 1200m (Verges & Fernandez, 2006). Elle est constituée de deux sous chaînes majeures perpendiculaires entre elles d’orientations NE-SW (chaîne Côtière Catalane) et NW-SE (chaîne ibérique) (Figure 22). Celles-ci délimitent, avec la chaîne Pyrénéenne, le bassin de l’Èbre qui constitue aujourd’hui le bassin d’avant-pays tertiaire sud pyrénéen (Figure 22).
La chaîne ibérique forme une structure à double vergence dû à l’inversion de faille extensive préexistante (Guimerà, 1984; Guimerà & Álvaro, 1990; Sopeña et al., 2004) (Figure 23). La compression dans ces deux chaînes implique le socle paléozoïque. Dans l’ouest de la chaîne ibérique et dans la chaîne catalane, ces déformations compressives sont reprises par l’extension et la formation de bassin néogène associées à l’ouverture du Golfe du Lion (Jolivet & Faccenna, 2000; Roca et al., 1999) (Figure 22).

La chaîne Pyrénéenne

Unités pyrénéennes

La chaîne Pyrénéenne est issue de la collision de la plaque ibérique avec la plaque Europe  (Beaumont et al., 2000; Choukroune, 1989; Roure et al., 1989; Roure & Choukroune, 1998). Elle s’étend sur environ 1000 km (jusqu’en Provence) suivant une orientation WNW-ESE. Elle présente une structure à double vergence délimitée par deux fronts majeurs au nord et au sud (Figure 25)
– La Zone nord-Pyrénéenne (ZNP) est délimitée par le front nord pyrénéen au nord et la faille nord pyrénéenne au sud (Figure 25). Cette zone est constituée de bassin mésozoïque appartenant à un ancien système de rift. Bien qu’inversés durant la compression, ces bassins sont relativement bien préservés. Ils sont caractérisés par un métamorphisme BP (3kbar)- HT à BT (300°C à 600°C) qui se manifeste suite à l’exhumation du manteau durant l’Albo-Cénomanien (Clerc & Lagabrielle, 2014; DeFelipe et al., 2017; Golberg & Leyreloup, 1990; Lagabrielle et al., 2010b; Lagabrielle & Bodinier, 2008; Montigny et al., 1986).
– La Zone Axiale (ZA) constitue une relique de la zone externe de l’orogène hercynienne européenne (Matte, 1986), réactivée durant le cycle alpin. Elle est composée de sédiments paléozoïques métamorphisés intrudés par des plutons granitiques tardi-hercyniens. La ZA affleure surtout dans la partie est de la chaîne où elle est affectée par une déformation de type « thick-skin » mobilisant le socle. Elle est composée de quatre nappes : les nappes de Lakhora, de Gavarnie-Noguères, d’Orri et de Rialp (Figure 25).
– La Zone sud-Pyrénéenne (ZSP) est délimitée au nord par la ZA et au sud par la zone de chevauchement frontal sud-Pyrénéen (Figure 25). Le front chevauchant y est plus développé que dans la ZNP, isolant plusieurs bassins syn-tectoniques « piggy-back » (Jaca, Tremp, Ainsa). Ces bassins constituent un enregistrement remarquablement préservé de l’évolution d’un système de transfert orogénique.
Au nord et au sud, la chaîne Pyrénéenne est bordée, respectivement, par le bassin d’avant-pays Aquitain et le bassin d’avant-pays de l’Èbre (Figure 25).

Les quantités de raccourcissement

La compression alpine s’initie au nord de l’Ibérie avec la fermeture des marges des bassins de rift pyrénéen au Santonien ~83 Ma (Puigdefàbregas & Souquet, 1986). Le taux de raccourcissement dans la chaîne varie latéralement. Alors qu’il atteint 125km dans la partie orientale il n’est que de 75km dans la partie occidentale des Pyrénées. Il atteint une valeur maximale de 165 km dans la zone des Pyrénées central (Figure 27). Cependant, Mouthereau et al. (2014) et Filleaudeau (2011) montrent que le raccourcissement dans cette partie des Pyrénées doit être ramené à 90 km, ce qui implique une déformation de type « thick-skinned » dans les Pyrénées. Le reste de la convergence estimée à 180 km, elle est accommodée dans la chaîne ibérique (40 km) et dans la déformation de la partie hyper-amincie de la marge distale (50 km). Il est donc généralement admis que le raccourcissement total moyen est supérieur à 100 km dans les Pyrénées. Il faut y ajouter le raccourcissement intraplaque dans l’Ibérie, les domaines hyper-amincis dans les Pyrénées et le raccourcissement dans les cordillères Bétiques (le plus mal contraint) pour atteindre un total de 267 à 292km (Quintana et al., 2015,Figure 23c) depuis le Crétacé Supérieur.
Figure 27 Variations des quantités de raccourcissement obtenues dans les Pyrénées sur les coupes de Teixell (1998), Martinez-Peña et Casas-Sainz (2003), Muñoz (1992) et Beaumont et al. (2000) sur le profil ECORS, cette étude et Vergés et al. (1995, 2002a), respectivement de la plus occidentale à la plus orientale et leur position dans les Pyrénées. La droite en tiretés qui relie la valeur du raccourcissement la plus à l’ouest à celle le plus à l’est montre la tendance générale de la décroissance du raccourcissement avec une pente de 0,212.
Suite à ces différents constats il apparait que l’estimation de l’intensité de la déformation dans la plaque ibérique dépend (i) de l’architecture initiale de la marge avant inversion, notamment de sa dimension, (ii) de sa rhéologie (avec ou sans croûte inférieure, couplage croûte-manteau fonction du mécanismes d’hyper-amincissement) et (iii) de la thermicité de la lithosphère avant inversion (héritage d’un gradient thermique élevé lié à l’exhumation du manteau; e.g. Bassin de Mauléon à l’ouest de la chaîne pyrénéenne (Vacherat et al., 2014)). Ces différentes caractéristiques ont un impact sur le style de déformation et donc sur le raccourcissement calculé.

Calendrier de l’inversion

Il existe un décalage important entre l’initiation de la convergence au Santonien (83 Ma) et le début de la croissance topographique des Pyrénées entre 50 Ma et 20 Ma, enregistré par la thermochronologie basse températures. Dans le sud des Pyrénées les études de Beamud et al., (2011); Rahl et al., (2011); Whitchurch et al., (2011); Filleaudeau et al., (2012) montrent que le refroidissement de la chaîne a pu être initié dès 70 Ma. Les premiers stades de l’inversion n’ont pas été préservés, ceci reflète probablement une lithosphère amincie et encore chaude. Le passage à une croute plus épaisse de marge proximale plus froide pourrait quant à lui expliquer le décalage temporel (Mouthereau et al., 2014).
Une phase d’exhumation généralisée au début de l’Éocène marque le paroxysme de la collision entre la plaque Ibérie et Europe (Muñoz, 1992; Beaumont et al., 2000; Vergés et al., 2002). Contrôlée par l’héritage structural pré-orogénique, la compression apparait diachrone et se propage de l’est vers l’ouest et du nord au sud (Figure 28). Cette tendance est révélée par la répartition des âges thermochronologiques de basse-température et par la progradation des dépôts sédimentaires syn-orogéniques (Puigdefàbregas et al., 1992; Vergés et al., 2002; Sinclair, 2005). Bien que la convergence entre la plaque Ibérie et la plaque Europe diminue après 35-33 Ma (Fidalgo González, 2001), les Pyrénées enregistrent un épisode rapide d’exhumation entre l’Eocène supérieur et l’Oligocène (36-30 Ma) dans le sud des Pyrénées (Fitzgerald et al., 1999; Sinclair, 2005; Gibson et al., 2007; Metcalf et al., 2009; Fillon & Van Der Beek, 2012).
Figure 28 Synthèse des âges de refroidissement in-situ et des âges du métamorphisme et du magmatique enregistré dans les Pyrénées d’après Mouthereau et al (2014). No : Noguères, Mda : Maladeta, Mna : Marimaña, Rt : Riberot, 3S : Trois-Seigneurs, Az : Arize. Les contraintes pour les âges sont tirées de (1) Fitzgerald et al. [1999] (2) Morris et al. [1998], (3) Sinclair et al. [2005], (4) Jolivet et al. [2007], (5) Gibson et al. [2007], and (6) Yelland [1991] et d’une compilation de Whitchurch et al. [2011].

Le Système Centrale Ibérique

Le système central Ibérique possède la topographie la plus élevée au sein de la plaque ibérique. Il sépare le bassin du Duero, du bassin du Tage (Figure 22). Cette chaîne de 300 km de long présente une structure à double vergence d’orientation NE-SO impliquant le socle. Avec la montagne de Gata, et la chaîne d’Estrela et de Montejunto cette chaîne forme un système NE-SW en échelons de 700 km entre l’Atlantique et la bordure ouest de la chaîne ibérique (Figure 22). Le chevauchement principal est présent au sud de la chaîne et est particulièrement actif de l’Oligocène supérieur au Miocène inférieur. Le raccourcissement calculé pour cette chaîne varie de 25km (de Vicente et al., 2007) à 50 km (Banks & Warburton, 1991) (Figure 23).

La chaîne Basco-Cantabre

La chaîne Basque-Cantabre constitue la partie ouest de la chaîne Pyrénéenne et possède également une structure à double vergence (Gallastegui, 2000) (Figure 23c Figure 22). Elle est bordée par le golfe de Gascogne au nord et par le bassin de l’Ebre et du Duero au sud. Elle peut être divisée en deux unités séparées par la faille hercynienne de Ventana :
– La première unité, située la plus à l’ouest, est constituée de sédiments syn-rift carbonifère (massif Asturien), formant le cœur de la syntaxe affectant l’orogène hercynienne à la fin du cycle du même nom (Matte, 2001). Cette unité paléozoïque constitue, avec le massif de la Demanda une partie de la zone ouest asturienne-léonaise (WALZ).
– La seconde unité est largement représentée par des dépôts syn-rifts d’âge Crétacé inversés au cours de l’orogenèse pyrénéenne. Les premiers indices de déformation compressive de la chaîne sont enregistrés en off-shore à partir de l’Éocène (Alvarez-Marron et al., 1997; Ferrer et al., 2012; Gallastegui, 2000). L’exhumation de la chaîne entre 39 et 29 Ma (Fillon et al., 2016), dans la partie ouest de la chaîne, entrainera la fin de l’ouverture du bassin de l’Èbre vers l’Océan Atlantique et initiera la mise en place de la phase endoréique du bassin tertiaire vers 36 Ma (Costa et al., 2010).

Les bassins de rift mésozoïques

La plupart des structures et chaînes de montagnes du nord de l’Ibérie sont issues de l’inversion de système extensif dont la maturité, le calendrier et la quantité d’extension accommodée diffère d’un système à un autres. Deux grands systèmes peuvent être différenciés dans le nord de la plaque : le système de rift ibérique et le système de rift pyrénéen (Figure 29).
Figure 29 Carte de la localisation et calendrier de la mise en place des différents bassins de rift du Jurassique Supérieur au Crétacé Supérieur dans le nord-est de la plaque ibérique basé d’après Tugend et al., (2015). Ast : Asturies, BC : Basque-Cantabre Cmr : Cameros, M : Maestrat, SI : sud Ibérique, C : Columbret, PB : Pré-Bétique, P : Parentis, MA : Mauléon-Arzac, A : Aulus, BAS : Boucheville-Agly-St Paul et O : Organya

Architecture et Géométrie des bassins

Système ibérique

Les sédiments syn-rifts du système extensif Ibérique affleurent massivement dans la chaîne du même nom, mais aussi dans son prolongement en mer (Figure 22 et Figure 29). Ces bassins sont reliés par les branches Aragonaise et Castillane constituées de sédiments détritiques paléozoïques et triasiques. Le massif de la Demanda situé au nord-ouest du bassin de Cameros, constitue également un massif paléozoïque de la chaîne ibérique qui s’intègre, avec la branche Aragonaise et Castillane, dans la WALZ.
Plusieurs bassins mésozoïques se distinguent dans ce système :
– Le bassin de Columbret situé à l’extrême sud-est du système en mer, dont les dépôts syn-rifts sont actuellement recouverts par des dépôts oligocènes ;
– Le bassin de Maestrat qui forme actuellement la jonction entre les chaînes Catalane et Ibérique ;
– Le bassin sud Ibérique situé au sud du bassin de Maestrat, duquel il est séparé par la ride de Valence.
– Le bassin de Cameros qui constitue l’extrémité nord-ouest du système.
Le bassin de Columbret est caractérisé par un amincissement extrême de la croûte continentale (<4km au centre du bassin) qui est accommodé par une séquence sédimentaire épaisse (10 km)(Etheve et al., 2018, Figure 30). Les dépôts de ce bassin s’épaississent vers le nord-est suivant l’amincissement progressif de la croûte. Les évaporites, déposées au Trias Supérieur, forment un niveau de décollement majeur qui s’enracine dans un détachement crustal qui permet de découpler la croûte continentale de la couverture mésozoïque, peu affectée par de la déformation extensive (Etheve et al. 2018, Figure 30). Cet amincissement, bien que modéré, existe plus à l’ouest dans le bassin de Maestrat. Une épaisseur de 22km est estimée dans le centre du bassin (Salas et al., 2001). Le bassin de Cameros, constituant la partie la plus à l’ouest du système sera plus particulièrement abordé dans le chapitre 4.
Figure 30 Mise en relation d’une section sismique interprétée du bassin de Columbret (a) d’après Etheve, (2016) comparé au bassin de Cameros (coupe restaurée avant compression pyrénéenne) d’après Casas-Sainz et Gil-Imaz (1997). Figure d’après Etheve et al. (2016)

Système pyrénéen

Le rift pyrénéen et les bassins associés s’alignent selon une direction E-W au nord de la FNP, structure héritée de l’épisode tardi-hercynien. Ce système extensif est composé du bassin Basco-Cantabrique à l’ouest des Pyrénées dans la chaîne du même nom, du bassin d’Arzac-Mauléon, d’Aulus et de Boucheville dans la ZNP et d’Organya le seul bassin préservé au sud des Pyrénées) (Figure 29). Le système extensif y est plus développé que dans le système ibérique, permettant l’exhumation du manteau sous-continental à la faveur de grands détachements. Le caractère hyper-extensif de ce système permet de générer de grands espaces d’accommodation permettant le dépôt de plusieurs kilomètre de sédiment syn-rift (e.g. le bassin de Mauléon, Masini et al., 2014). La déformation dans ce système s’effectue en plusieurs étapes avec la formation de la marge proximale dans un premier temps, qui accommode peu d’espace de sédimentation. L’extension se poursuit et provoque dans un second temps, le couplage entre le manteau et la croute ce qui génère une nouvelle espace d’accommodation plus important situé dans la marge distale (Figure 31). L’extension n’est alors plus accommodée par la marge proximale qui enregistre une phase de subsidence passive (Masini et al., 2014; Péron-Pinvidic et al., 2007).
Figure 31 Modèle synthétique tectono-sédimentaires du rift d’Arzac-Mauléon d’après (Masini et al., 2014). Etape 1 Développement du premier dépocentre suite à la formation d’un premier détachement. Etape 2 : migration du dépocentre vers le sud et création d’un nouveau détachement dans la partie distale de la marge permettant l’exhumation du manteau. La partie proximale active durant l’Aptien-Albien enregistre une phase de subsidence passive. Etape 3 Subsidence thermique du bassin.

Calendrier de la déformation

Comme énoncé précédemment, deux phases de rifting sont enregistrées en Ibérie. La première phase est enregistrée dans les deux systèmes ibérique et pyrénéen, entre le Permien et le Trias (section 1.2.2). Les deux systèmes extensifs sont en revanche diachrone pendant la deuxième phase de rifting, ou le régime extensif est plus partitionné (Salas et al., 2001; Tugend et al., 2015). Alors que le système de rift ibérique accommode l’extension entre le Jurassique Supérieur et le Crétacé Inférieur, le système pyrénéen est actif entre l’Aptien supérieur et le Cénomanien. Au sein même du système ibérique des variations temporelles de l’initiation de la déformation peuvent être observés (Figure 29). Celle-ci semble débuter au sud-est dans le bassin de Maestrat pour remonter progressivement vers le nord-ouest dans le bassin de Cameros et d’Asturies (Figure 29).

Thermicité des bassins

Comme dit précédemment, l’hyper-amincissement observé dans les Pyrénées se manifeste par l’exhumation de péridotite du manteau sous continental (Clerc & Lagabrielle, 2014; DeFelipe et al., 2017; Golberg & Leyreloup, 1990; Lagabrielle et al., 2010b; Lagabrielle & Bodinier, 2008). Il s’accompagne de la mise en place d’un métamorphisme de basse à moyenne température affectant les dépôts syn-rifts. Un paléo-gradient géothermique de l’ordre de 70-80°C/km pouvant persister pendant plusieurs dizaines de millions d’années, même après l’événement d’amincissement est décrit dans les Pyrénées (Vacherat et al., 2014b). Les données géochronologiques obtenues datent le métamorphisme entre 110 et 85 Ma (Montigny et al., 1986; Clerc & Lagabrielle, 2014) (Figure 32).
Celui-ci est également contemporain de la mise en place du magmatisme alcalin. Il faut ajouter à cela, les circulations de fluide qui affectent le matériel hercynien des massifs nord Pyrénéen et de la ZA conduisant à l’albitisation et la déquartzification des roches du socle paléozoïque.
Un métamorphisme BT-BP Albo-Cénomanien synchrone (108-86 Ma) est observé dans les bassins Ibériques de Cameros, et dans une moindre mesure de Maestrat (Casquet et al., 1992; Salas et al., 2005) (Figure 29). Contrairement au système pyrénéen, le métamorphisme est postérieur à la période d’amincissement dans le système ibérique. Il est également associé à un fort paléo-gradient thermique de ~70°C/km dans le bassin de Cameros (Mata et al., 2001; Del Río et al. 2009), alors que l’amincissement estimé est relativement faible (~25km) dans ce bassin (Omodeo-Salé et al., 2017). Les différents moteurs invoqués pour expliquer cette anomalie dans le système ibérique sont discutés dans le chapitre 4.
Ces différents évènements hydrothermaux et magmatiques sont souvent associés à la période albo-cénomanienne, mais des évènements antérieurs sont également observés pendant toute la durée du rifting mésozoïque dans les Pyrénées (Ubide et al., 2014; Boutin, 2016) et en Ibérie. Les évènements hydrothermaux anciens peuvent être rattachés à un évènement thermal daté du Jurassique Supérieur qui affectent l’ensemble de l’ouest de l’Europe et dont les causes demeurent encore mal comprises (Cathelineau et al., 2012) (Figure 33).

Évolution tectono-sédimentaire des bassins de rifts mésozoïques pyrénéens et Ibériques

Le système de rifts pyrénéens est caractérisé par des bassins déconnectés les uns des autres, formés entre l’Albien et le Cénomanien. Cet épisode de rifting mène à l’exhumation du manteau dans la ZNP, en relation avec l’accrétion océanique dans le golfe de Gascogne. Cette ultime tentative d’océanisation entre l’Ibérie et l’Europe est le résultat de multiples épisodes d’amincissement dont le système de rift Ibérique, qui se forme entre le Jurassique Supérieur et le Crétacé, est un des principaux représentants.

Les bassins de rift ibériques

L’histoire du remplissage mésozoïque des bassins de rift ibériques est classiquement divisée en deux cycles de 1er ordre. Le premier cycle se met en place entre le Permo-Trias et le Jurassique Moyen, le second cycle débute au Jurassique Supérieur et termine au Crétacée (Figure 37 et Figure 38). Chaque cycle est composé d’une période de subsidence syn-rift et d’une période post-rift caractérisé par une relative quiescence tectonique (Figure 38). Si le premier cycle montre le même schéma dans les différents bassins, les profils de subsidence montrent des disparités lors du 2nd cycle de rifting. Ces disparités reflètent le partitionnement de l’extension entre le Jurassique et le Crétacé Inférieur.

1er Cycle (Permien Supérieur-Jurassique Supérieur)

Les bassins ibériques s’initient dès le Permien avec la formation d’un premier bassin large comprenant les bassins Catalans et le bassin sud Ibérique (Figure 39). Les principales structures délimitant ces bassins se sont formées à la faveur d’anciennes structures hercyniennes remobilisées lors de l’extension (Arthaud & Matte, 1977; Capote, 1983; Vegas & Banda, 1982). Cette reprise de la déformation dans le système ibérique est associée à la propagation de la Néotéthys vers l’ouest. A cette époque, la majorité de la déformation extensive est le bassin de Maestrat (Bartrina & Hernández, 1990). Le début de la séquence sédimentaire syn-rift présente d’importantes épaisseurs de sédiments continentaux correspondant au faciès du Buntsandstein. Ces dépôts sont constitués des produits d’érosion de la chaîne Hercynienne transportés de l’ouest vers l’est grâce à la mise en place de larges chenaux anastomosés (López et al., 2005; Sánchez Martínez et al., 2012). Ces dépôts sont également associés à une période de forte subsidence. Avec l’augmentation du niveau marin, la période de sédimentation correspondant au faciès carbonaté du Muchelkalk signe la plus grande transgression de la Téthys dans l’ouest de l’Europe. La subsidence s’atténue durant le Trias Supérieur, où l’on accumule d’importante quantité d’évaporite et d’argile correspondant à un environnement mixte peu profond associé au faciès du Keuper. Ces séries triasiques peuvent atteindre une épaisseur de 1200m au cœur du bassin de Maestrat (Virgili et al., 1983) (Figure 40).
Cependant, si l’enregistrement sédimentaire et le calendrier de l’extension sont plus ou moins similaires durant le 1er cycle Permo-trias entre les systèmes de rift Pyrénéen et Ibérique, ils sont en revanche singulièrement différents lors de la 2nd phase de rifting du Jurassique Supérieur au Crétacé Supérieur.
Durant le Trias supérieur la déformation extensive atteint le domaine Cantabre et le golfe de Gascogne commence son développement. À la fin du Trias une large partie de l’est et du sud-est de l’Ibérie est recouverte par un vaste bassin qui forme une partie de la plateforme péri-téthysienne (Figure 40). La fin de cette 1er phase de rifting est marquée par le dépôt de brèches hettangiennes issu du démantèlement de la plateforme qui est causé par la structuration et le soulèvement de bloc de faille (Salas et al., 2001). La phase de dénudation précédant le dépôt de la plateforme Jurassique au Lias entraine la formation d’une discordance entre le Jurassique Inférieur et le Keuper dans la chaîne Côtière Catalane (Figure 37)(Esteban & Brugués, 1973). Dans la partie est de la chaîne ibérique la discordance est localisée entre le Jurassique et le toit du Buntsandstein (Figure 37)(Roca & Guimerà, 1992; Aurell et al., 2002).

2nd Cycle (Jurassique Supérieur-Maastrichtien)

De l’Oxfordien à l’Albien moyen une nouvelle phase d’amincissement crustal couplée à la propagation de l’océanisation de l’Atlantique Central vers le nord atteint son paroxysme avec l’initiation de l’accrétion océanique dans le golfe de Gascogne à l’Aptien moyen (Salas et al., 2001). Cette nouvelle phase d’extension est soulignée par une subsidence partitionnée le long d’un système de faille transformante NO-SE créant successivement les bassins de Maestrat, Cameros, Columbret et sud ibérique (Figure 29). Ces bassins sont caractérisés par une importante séquence sédimentaire syn-rift de 2 à 5 kilomètres, limitée à sa base et à son sommet par deux discordances datées respectivement du Jurassique Supérieur et de l’Albien moyen (Figure 37).
Le début de l’extension entraine la destruction de la plateforme carbonatée du Jurassique Inférieur et Moyen. L’initiation de la subsidence est diachrone au sein du système ibérique. Alors qu’elle débute entre l’Oxfordien terminal et le Tithonien pour le bassin de Maestrat et Cameros (Figure 38 et Figure 42), elle s’initie au Berriasien dans le bassin sud Ibérique (Salas et al., 2001). À l’exception du bassin de Cameros, pour lequel le remplissage syn-sédimentaire est continental, les environnements de dépôts dans les autres bassins sont principalement marins jusqu’à l’Aptien inférieur (Figure 37 et Figure 43).
Le début de l’amincissement coïncide avec une importante transgression marine. Dans le bassin de Maestrat il est associé au dépôt de 850m de sédiments carbonatés de l’Oxfordien et du Kimmeridgien (Salas & Casas, 1993).

Les bassins de rift pyrénéens

Comme pour le système de rift ibérique, l’extension dans les Pyrénées est marquée par une première phase extensive diffuse durant le Permo-Trias et d’une seconde phase localisée de l’Albien au Cénomanien. Les caractéristiques de la 1er phase extensive Permo-Triasique dans les Pyrénées sont similaires aux observations dans les bassins ibériques et ne seront pas décrites. Une plateforme carbonatée se développe du Lias au Jurassique Supérieur (Biteau et al., 2006). Une partie de ces séries sont soulevées et exposées à l’érosion durant le Néocomien (Biteau & Canérot, 2007).
Dans le bassin d’Organya, situé dans la partie est du domaine pyrénéen (Figure 46), la première phase de rifting est enregistrée entre le Berriasien et le Valanginien. Elle sera suivie par une seconde phase d’extension entre l’Aptien et l’Albien moyen, durant laquelle 3000m de marne sont déposés (Vergés & García-Senz, 2001). La séquence syn-rift se termine avec les dépôts deltaïques gréseux de la formation de Turbón dont le facies et l’âge sont identiques aux dépôts de la formation Utrillas observés au sud du massif de l’Èbre (Filleaudeau et al., 2012). Les sources de ces sédiments clastiques probablement originaire du SW sont encore débattues (Filleaudeau et al., 2012).
L’initiation de l’extension est plus tardive dans le bassin de Mauléon, situé à l’ouest du domaine pyrénéen (Figure 46), où les premiers dépôts syn-rift sont datés de l’Aptien supérieur (Masini et al., 2014). Dans les bassins nord pyrénéens, l’Albien marque une transition majeure avec la localisation de l’amincissement crustal au nord de l’Ibérie. L’accommodation d’une quantité importante de sédiments dans le système pyrénéen se produit alors, à la faveur d’un hyper-amincissement de la croûte continentale et d’un flux également important de sédiments (Figure 46). Le remplissage des bassins est caractérisé par le dépôt de conglomérats dans les parties proximales et de « flysch noir » dans les parties les plus distales fortement subsidentes (Souquet et al., 1985; Débroas, 1987, 1990). Vers le Cénomanien l’aire de sédimentation s’élargit et permet le dépôt d’une vaste plateforme carbonatée sur les marges des bassins. Un total de huit à neuf kilomètres de « flyschs » correspondants pour la plupart à des turbidites est déposé dans la ZNP. Figure 46 Reconstruction paléogéographique et des zones sources des sédiments déposées dans le domaine pyrénéen au cours de l’Albo-Cénomanien d’après Vacherat et al. (2017).

Remplissage et évolution des transferts sédimentaires du bassin de l’Èbre.

Les premiers dépôts syn-orogéniques dans le bassin de l’Èbre sont de type marin (Grès d’Aren) au Crétacé Supérieur, continentaux à partir du Paléocène (Fm du Garumnien) et redeviennent marin à la faveur d’une transgression à la fin de l’Yprésien (Millán et al., 1994; Castelltort et al., 2003; Huyghe et al., 2012). La majorité des enregistrements sédimentaires syn-orogéniques du Crétacé Supérieur au Paléocène proviennent des bassins de Tremp, d’Ainsa et de Jaca (Figure 47). À cette époque le dépôt-centre principal est situé dans le golfe de Gascogne et le réseau de drainage est parallèle aux premières topographies créées dans la partie orientale des Pyrénées, dans le nord de la chaîne Côtière Catalane et dans la partie sud du bloc de l’Èbre (Whitchurch et al., 2011; Thomson et al., 2017). Alors que le bassin de Tremp est constitué de faciès marins proximaux à continentaux, le bassin de Jaca forme un sillon turbiditique ouvert sur l’Atlantique. La connexion entre les deux bassins est assurée par le bassin d’Ainsa interprété comme une rampe turbiditique (Mutti, 1977; Remacha & Fernández, 2003; Melick et al., 2004; Pickering & Corregidor, 2005). Ces bassins constituent un système de transfert étendu, transportant les produits d’érosion d’est en ouest, de la couverture des Pyrénées orientales vers le bassin Atlantique (Fernández et al., 2004). Dans le bassin de l’Èbre (autochtone) les premiers dépôts sont enregistrés dans la partie orientale du bassin au Thanétien. Jusqu’au Bartonien les dépôts sont constitués de grès avec une incursion marine notable dans la partie méridionale de la zone (Figure 48). Cette dernière se traduira également par la mise en place d’une plateforme carbonatée au NE de la zone à la fin de l’Yprésien influencé par la Téthys.
Les dépôts du bassin de l’Èbre suivent ensuite une tendance générale vers la continentalisation en suivant une séquence classique de remplissage d’avant-pays correspondant à un approfondissement puis une continentalisation du bassin (Figure 48). Elle se traduit par la mise en place progressive de formation deltaïque, de l’est dans le bassin de Tremp (Yprésien supérieur), vers l’ouest dans le bassin de Jaca (Bartonien). Le remplacement de séries carbonatées par des séries détritiques est interprété comme étant une réponse au soulèvement de la partie centrale des Pyrénées et à l’accélération de la subsidence postérieure à une période de relative quiescence tectonique et thermale vers 55-50 Ma (Fitzgerald et al., 1999; Sinclair, 2005). De l’Éocène inférieur à moyen une progression rapide du front de chevauchement (chevauchements de Montsec, Boixol, Sierra Marginales) entraine l’isolement et le transport des bassins piggy-back de Tremp, Ainsa et Jaca nouvellement créées (Figure 49). La séquence de chevauchement formée entraine également la cannibalisation et l’incision d’anciennes formations du Crétacé Supérieur et du Paléocène.
Dans la chaîne catalane méridionale la mise en place de cônes alluviaux au nord le long du flanc nord de la faille décrochante hercynienne de Vallès Penedès suggère un début d’activité tectonique dès l’Eocène inférieur (Ilerdien-Cuisien) dans cette zone (Anadón et al., 1985). Ces volumes terrigènes évoluent vers des dépôts plus grossiers vers Llorenç del Munt de l’Éocène moyen à supérieur formant par exemple le cône alluvial de Sant Llorenç del Munt (Anadón et al., 1985). Dans cette partie orientale du bassin de l’Èbre (Figure 22), la dépression de Navarro a accumulé 3600m de sédiments tertiaires, correspondant plutôt aux premières phases de remplissage du bassin (Paléogène-Éocène supérieur).

Traces de fission et zone partielle de cicatrisation

Lors de leur création, les traces de fission sont caractérisées par une longueur de l’ordre de la dizaine de m selon le type de minéral étudié. Cependant, si le grain subit des températures plus élevées que sa température de fermeture, les traces qu’il contient cicatrisent et peuvent, à terme, disparaître. Le thermochronomètre est alors remis à zéro effaçant toute trace de son histoire thermique antérieure. Tel qu’énoncé précédemment, la cicatrisation des traces n’est pas instantanée et opère dans une gamme de température définie. Cette gamme de température est nommée « zone partielle de cicatrisation ». Elle est définie par Wagner & Reimer (1972) et correspond aux températures dans lesquelles les traces voient leurs longueurs diminuer de 90 % à 10 % de leurs longueurs initiales. La résorption des traces dépend donc du temps passé par le minéral dans la zone partielle de cicatrisation et sa cinétique de cicatrisation. Plusieurs facteurs peuvent avoir une incidence sur la cinématique d’effacement des traces telle que la chimie (composition) ou le nombre de défauts accumulés dans le réseau cristallin (Crowley et al., 1991, Barbarand et al., 2003). Ces biais, propres à chaque grain, sont donc très importants et doivent d’être pris en compte, d’autant plus dans les études de thermochronologie détritique où les grains peuvent provenir de plusieurs sources et posséder des histoires héritées complexes. Ces facteurs entraînent par conséquent une sensibilité plus ou moins importante des grains à la cicatrisation. Ainsi, de vieux grains, possédant de nombreux défauts créés au cours du temps, vont être plus sensibles et seront remis à zéro plus rapidement (Reiners & Brandon, 2006). Ces grains sont donc faiblement rétentifs. A l’inverse, les grains jeunes bien cristallisés sont moins sensibles et la cicatrisation, bien plus lentes, se produit à températures plus élevées. Pour résumer il faut considérer que chaque population de grain à son histoire et sa propre sensibilité thermique.

Diffusion et zone partielle de rétention

Les particules α créés peuvent ensuite sortir du système en fonction de la température par diffusion et vont passer de sites vacants en sites vacants jusqu’à sortir du cristal. Comme pour les traces de fission la limite entre l’ouverture et la fermeture du système n’est pas instantanée et il existe une gamme de température où l’on commence à retenir une certaine proportion de l’4He dans le cristal. Pour l’4He, la température de fermeture correspond au moment où 50 % des noyaux d’hélium émis sont retenus dans le cristal (Dodson, 1973). Comme la capacité d’un grain à retenir les particules α n’est pas uniquement dépendant de la température, mais dépend aussi de la vitesse de refroidissement et de la taille du grain considéré, on définit généralement un domaine partiel de rétention (ZPR) où 10 à 90 % des noyaux d’4He sont retenus dans le cristal. Il est généralement d considérer que la ZPR pour l’U-Th-Sm/He sur apatite est située entre 30°C et 90°C.

Paramètres de rétention de l’4He

En plus de la température, de la vitesse de refroidissement et de la taille de grain, l’âge 4He dépend des défauts de recul induit par la désintégration alpha de l’U du Th et du Sm ( Green et al., 2006; Green & Duddy, 2006; Hendriks & Redfield, 2005; Schuster et al. 2006). Les défauts qu’ils créent impactent le réseau cristallin et piègent les noyaux d’hélium. Ainsi l’énergie d’activation nécessaire pour que les particules s’échappent du piège doit être plus élevée. La concentration en élément père est regroupée sous le terme de teneur en uranium efficace eU (eU= 0,08Sm+0.24Th+U). Par conséquent plus un grain possède un eU élevé plus le nombre de piège sera important et plus le grain sera rétentif (Figure 64). Cependant, la présence et le nombre de ces défauts cristallins dépend également de l’histoire thermique de l’apatite considérée. En effet ces derniers peuvent également cicatriser, comme c’est le cas pour les traces de fission. Lorsque ces défauts cicatrisent la quantité de piège diminue et l’hélium précédemment piégé est libéré. Les modèles de diffusion récents de Flowers et al. (2009) et Gautheron et al. (2009) ont utilisé la densité de traces présentent dans les apatites pour mesurer l’impact de ces défauts sur la diffusion. A l’instar des traces de fissions, la cinétique de cicatrisation des défauts de reculs dépend également de la composition de l’apatite considérée (Ketcham et al., 2007; Gautheron et al., 2013). Ainsi une apatite riche en Cl cicatrise moins vite.
Figure 64 Évolution de la zone partielle de rétention de l’4He en fonction de la concentration en Uranium effectif eU pour une histoire thermique définie d’après Gautheron et al., 2009. Un grain riche en Uranium effectif nécessitera un apport d’énergie supplémentaire pour être remis à zéro. Des températures plus élevées sont donc invoquées pour que l’hélium diffuse à l’extérieur du cristal. A l’inverse un grain avec de faibles teneurs en uranium effectif sera moins rétentif.
Application de la thermochronologie basse température
Les outils de thermochronologie précédemment énoncés peuvent nous renseigner sur l’histoire thermique et sur la provenance des grains qui nous intéresse davantage ici, bien que les deux soient indissociables pour avoir une représentation du paysage géologique complet.

Modélisation et inversion

Deux logiciels de modélisation sont utilisés en thermochronologie pour prédire les histoires thermiques des roches, HeFTy (Ketcham, 2005) et QTQt (Gallagher, 2012). Ils intègrent tout deux les modèles de cinématique de cicatrisation (Ketcham et al., 2007; Yamada et al., 2007; Tagami et al., 1998) et de diffusion (Flowers et al. 2009 ; Gautheron et al. 2009) les plus récents. Ces logiciels proposent deux types d’approches de modélisation dite « directe » et « inverse ». La modélisation directe consiste à tester des chemins temps-températures manuellement, à partir de données mesurées, que l’on compare ensuite avec les prédictions du modèle. La modélisation indirecte consiste à établir un nombre de chemin test, dont on définit le nombre, et de déterminer le ou les chemins qui correspondent le mieux aux données. Contrairement à la modélisation directe, les approches pour la modélisation indirecte sont différentes d’un logiciel à l’autre. Cette différence se fait notamment par la façon dont le logiciel à d’entreprendre l’exploration de l’espace pour produire un chemin temps-température (T-t). HeFTy recherche ces différents chemins thermiques de manière aléatoire tandis que QTQt procède à une approche bayésienne (de type Markov Monte Carlo). QTQt part du dernier chemin thermique testé pour rechercher le chemin suivant. Il compare ensuite les données prédites par les deux modèles avec les données mesurées et reprend l’exploration de l’espace temps-température à partir du chemin le plus compatible. La solution finale est représentée par un ensemble de points de dimension 1°C par 1 Ma caractérisé par la probabilité qu’un chemin passe par ce point. HeFTy s’apparente plutôt en ensemble de chemin acceptable défini par des intervalles de confiance de 67% σ1 et de 95% σ2 respectivement. Comme la recherche de chemin thermique compatible est aléatoire pour HeFTy, le logiciel nécessite la présence de nombreuses contraintes géologiques (âge de dépôt, âge de cristallisation) matérialisées par une boite définit par un intervalle de temps et de température. Il est également plus compliqué d’obtenir une solution si la base de données est importante (le logiciel est de toute façon limité à 7 âges) et si les données sont complexes, notamment pour les données AHe possédant une large variation en eU et des recuits partiels. Les échantillons détritiques collectés durant cette thèse impliquent une forte variabilité du caractère géochimique et mécanique et de l’histoire thermique de chacun des grains. L’utilisation du logiciel QTQt a été privilégié dans cette étude.

Thermochronologie détritique et provenance

Généralement les études de provenance sédimentaire repose sur la méthode U-Pb sur zircon. Dans le but de reconstruire la paléogéographie et son évolution sur l’échelle de temps et d’espace qui est la nôtre (cycle orogénique) l’utilisation de cette méthode seule, n’est pas suffisante. D’une part le système U-Pb sur zircons peut résister à plusieurs cycles orogéniques et d’autre part il discrimine peu les sources dans le cas du bassin de l’Ebre ; la majorité des zircons ayant cristallisés lors de la formation de pluton tardi-Hercynien. La méthode U-Pb sur zircon a donc été couplée avec la méthode traces de fission sur zircons et apatites afin d’avoir une caractérisation robuste du refroidissement des sources et de l’histoire thermique des bassins. La méthode AHe est peu adaptée aux études de provenance, mais elle peut servir à contraindre l’histoire thermique des bassins.
Les études de provenance en thermochronologie détritique reposent sur plusieurs conditions :
– Les grains ne doivent pas être recuits après leurs dépôts, impliquant dans le cas contraire une perte du signal de la source mais donnant des informations sur l’évolution thermique du bassin.
– Les âges obtenus sur chaque grain dans un même échantillon sont regroupés en population grâce à un traitement statistique (section 1.3.1). Idéalement, un nombre de 117 âges par échantillon est requis pour que la probabilité que toutes les populations soient représentées soit de 95% (pour toutes les études de provenance)(Vermeesch et al. 2006).
– Une bonne datation de l’Age stratigraphique.
La deuxième condition, est la préservation du minéral lors du transport. De ce fait, le zircon est un excellent minéral pour déterminer les sources, car il est très résistant à l’altération et à l’abrasion mécanique. L’apatite en revanche est très sensible au long transport et à l’acidité. Un effort particulier a donc été fourni sur la réalisation des ZFT afin d’obtenir un maximum de grain comptable. Les résultats ZFT constitueront donc le socle de ce travail de thèse et permettrons de tracer les provenances des sédiments détritiques, de caractériser l’histoire de l’exhumation des sources et de dater des évènements thermiques de basse température.

Biais possible des méthodes de datation par traces de fission :

L’attaque acide pour révéler les traces de fission dans les zircons est plus ou moins facilitée en fonction des propriétés des grains, ce qui peut induire un biais dans les populations d’âge ZFT obtenus dans chaque échantillon. La teneur en uranium et la quantité de défaut radioactif (radial damage) joue un rôle important sur la représentativité des populations. Un grain avec un âge ZFT vieux et riche en uranium est très vite attaqué avec l’acide rendant donc impossible le comptage des traces. A l’inverse un grain jeune avec peu d’uranium est très résistant et sera généralement sous attaqué ne permettant pas non plus le comptage des traces (Figure 65) (Bernet & Garver, 2005).
Figure 65 Evolution des teneurs en uranium en fonction des âges traces de fission obtenus pour des temps d’attaque acide différents d’après Bernet et Garver (2005). Ce graphique montre que plus un zircon à un âge traces de fission vieux plus le temps d’attaque à l’acide est faible. Par conséquent, les populations de zircon riche en uranium qui enregistrent un âge traces de fission vieux, ne peuvent pas être compté ce qui engendre un biais analytique dans le cortège des populations. Une observation similaire est possible pour les zircons jeunes avec de faible teneur en uranium qui ne peuvent être pris en compte, car les traces sont sous attaqués voire inexistante. Ce biais pourra éventuellement être corrigé grâce aux données AFT qui ne possèdent pas ce problème, car moins riche en uranium. L’attaque acide étant normalisée les grains ne présentant pas de traces apparentes de surface ne peuvent pas être comptés. En revanche, l’apatite étant plus instable vis-à-vis des processus d’altération, la méthode traces de fission sur apatites permet rarement le comptage de 50 à 100 grains, d’où la nécessité de coupler les outils thermochronologiques.

Lag-time et transport sédimentaire

Dans les études de thermochronologie détritique basse température, le principe du lag time est souvent utilisé en contexte orogénique. Celui-ci correspond à la différence entre l’âge de la population de grains le plus jeune contenu dans un sédiment et l’âge de dépôt des grains (Figure 66). Il représente donc le temps accumulé entre la fermeture du thermochronomètre considéré dans un lieu source et le dépôt du dit thermochronomètre dans un bassin, soit le temps requit par un minéral pour être exhumé à la surface, érodé et transporté vers un bassin (Bernet, 2005). Le lag time dépend donc du taux d’exhumation de la source. La méthode repose également sur l’hypothèse que le refroidissement du thermochronomètre est rapide. Le temps de transport du minéral peut être également simplifié et considéré comme négligeable en contexte d’orogènese active (Garver & Kamp, 2002 ; Bernet et al., 2004).
Figure 66 Représentation schématique d’une étude lag time avec tc l’âge enregistré par le grain à la fermeture du thermochronomètre utilisé (ici les traces de fission sur zircon) et td l’âge de dépôts du grain d’après Bernet et Garver, (2005). Le refroidissement est considéré comme très rapide. Sur le diagramme de gauche représentant un exemple d’évolution du lag-time au cours du temps on peut voir une accélération du lag time et donc de l’érosion à partir de 10 Ma.

Datation U/Pb sur zircon

La datation uranium-plomb est souvent utilisée dans les études de provenance, car cette méthode est rapide et que la base de données in-situ disponible est très importante. Le zircon est l’un des minéraux qui se prête le mieux à cette datation, car très riche en uranium et pauvre en plomb initial (Hanchar & Hoskin, 2003). Sa température de fermeture est supérieure à 900 °C (Cherniak & Watson, 2001) et son système est peu soumis aux réouvertures. Contrairement à la thermochronologie basse température, l’âge obtenu avec cette méthode est un âge « proche » de la cristallisation.
Théorie
Cette méthode de datation repose sur plusieurs chaînes de désintégration d’isotope père radioactif (235U, 238U, 232Th) en isotopes fils stables d’un autre élément (207Pb, 206Pb et 208Pb). Ces chaînes ne produisent pas du 207Pb, 206Pb et 208 Pb à la même vitesse, car les trois systèmes ont des constantes de désintégration différentes. Il est donc possible de calculer trois âges à partir de la mesure de trois rapports isotopiques : 207Pb/235U, 206Pb/238U et le 208Pb/232Th.
Équations d’âge du système Th-U-Pb :
206Pb = 206Pb0 + 238 + [ 238∆ − 1]
207Pb = 207Pb0 + 235 + [ 235∆ − 1]
208Pb = 208Pb0 + 232 ℎ + [ ℎ232∆ − 1]
Dans le cas où la quantité initiale de plomb n’est pas négligeable, l’interprétation des données se fait via la construction d’une isochrone. Comme c’est le cas pour d’autre datation, l’équation des isochrones est normalisées par rapport à un isotope stable non radiogénique comme c’est le cas pour le 204Pb. On construit donc une isochrone du rapport chimique du plomb (206Pb/204Pb, 207Pb/204Pb et 208Pb/204Pb) en fonction du rapport isotopique (207Pb/235U, 206Pb/238U et le 208Pb/232Th). Si les âges obtenus sont les mêmes alors les âges sont dits concordant et indique l’âge de cristallisation du minéral.
Le système U-Pb sur Zircon
Le zircon incorpore peu de plomb commun (plomb initial) lors de sa cristallisation et est très riche en uranium ce qui permet de simplifier l’équation (1) et de considérer les équations suivantes :
238 = ( 238 − 1)
235 = ( 235 − 1)
Le thorium étant généralement moins présent que l’uranium dans le zircon le rapport 208Pb/232Th n’est généralement pas utiliser pour établir un âge mais comme mesure de contrôle d’éventuelle contamination en plomb commun (204). D’autre part, le rapport U-.

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Table des matières

Chapitre 1 Introduction
1. Généralités et définitions
1.1. Cycle orogénique
1.2. Interactions entre tectonique et clima
2. Les différentes approches « Source-to-Sink » sur le long terme
2.1. Les études de caractérisation des flux
2.2. Les études de provenance
3. Problématique et questions
Chapitre 2  Contexte 
1. Géodynamique et cinématique de la plaque ibérique pendant le cycle alpin
1.1. De l’héritage Hercynien au démantèlement de la Pangée : La phase d’amincissement mésozoïque
1.2. Démantèlement de la Pangée : La phase de rifting mésozoïque
1.3. La compression Alpine
1.4. Fin du cycle alpin et extension miocène en Méditerranée
2. Structure, thermicité et bassins
2.1. Les chaînes Ibérique et Catalane
2.2. La chaîne Pyrénéenne
2.3. Le Système Centrale Ibérique
2.4. La chaîne Basco-Cantabre
2.5. Les bassins de rift mésozoïques
2.6. Le bassin de L’Èbre
3. Évolution tectono-sédimentaires du nord de l’Ibérie
3.1. Le massif ouest Ibérique
3.2. Évolution tectono-sédimentaire des bassins de rifts mésozoïques pyrénéens et Ibériques
3.3. Remplissage et évolution des transferts sédimentaires du bassin de l’Èbre65
4. Synthèse 72Chapitre 3
Méthode
1. Thermochronologie
1.1. Thermochronologie basse température
1.2. Datation U/Pb sur zircon
1.3. Provenance : Représentation et traitement statistique des distributions
2. Pétrographie
2.1. Pétrographie
2.2. Minéraux lourds
Chapitre 4 Évolution Tectono-thermal du bassin de Cameros : Implication sur la tectonique du nord de l’Ibérie
Résumé étendu
Chapitre 5. Évolution de l’enregistrement thermochronologique basse-température et pétrographique des sédiments détritiques du domaine nord-ibérique
1. Introduction
2. Évolution thermique de la plaque ibérique
2.1. Cycles orogéniques paléozoïques et antérieurs
2.2. Cycle alpin
3. Stratégie et échantillonnage
3.1. Coupe de Sobron (chaîne Cantabre – [1])
3.2. Coupe de Bot (chaîne catalane – [5])
3.3. Coupe de Ségura de los Baños (Branche Aragonaise- [4])
3.4. Coupe de Salinas (Bassin de Jaca – [2])
4. Résultat
4.1. Analyses des traces de fission sur zircon détritiques
4.2. Analyses (U-Th-Sm) /He sur apatite
4.3. Analyses U/Pb sur zircon
4.4. Analyses pétrographiques des sédiments
5. Discussion
5.1. Comparaison U-Pb in situ/détritique par échantillon
5.2. Source des zircons datés par analyses ZFT
5.3. Analyses pétrographiques des sédiments
6. Synthèse : Évolution temporelle et spatiale du signal détritique et biais potentiels
6.1. Transition syn- à post-rift au nord de l’Ibérie au Mésozoïque
6.2. Transition post-rift à syn à post-orogénique au Tertiaire
6.3. Transition Miocène – Présent
7. Conclusion
7.1. Cameros vs Èbre / source potentielle / recyclage
7.2. Avantage de la méthode ZFT et possible biais des méthodes utilisées
7.3. Changement drastique du signal détritique du Miocène à l’actuel
Chapitre 6. Synthèse, discussion et perspective 201ix
1. Synthèse paléogéographique
1.1. Oxfordien-Kimmeridgien (163-152 Ma)
1.2. Barrémien-Aptien (129-113 Ma)
1.3. Albien (113-100 Ma)
1.4. Éocène inférieur (56-38 Ma)
1.5. Eo-Oligocène (38-23 Ma)
1.6. Miocène supérieur
2. Empreinte thermique du rifting
2.1. Anomalie thermique au Jurassique Inférieur
2.2. Anomalies thermique daté de l’Albo-Coniacie
2.3. Lien entre mise en place du rifting et anomalie thermique
3. Évolution récente du bassin de l’Èbre
3.1. Géomorphologie du bassin de l’Èbre au Miocène
3.2. Résultats des modélisations AHe et conséquence sur la morphologie du bassin au Miocène 2
3.3. Modélisation géomorphologique et évolution du contenue détritique (CIDRE)
Conclusion Générale 
Références

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