Géochimie des black shales du Jurassique supérieur de la plate-forme russe

Brève histoire géologique de la plate-forme russe au Mésozoïque (d’après Markovskii, 1959 ; Vinogradov, 1968 ; Beznosov et al., 1978)

   La plate-forme russe est restée majoritairement émergée du Trias jusqu’au début du Jurassique. Au Jurassique inférieur, des transgressions marines en provenance de la Téthys sont notées dans les dépressions du sud de la plate-forme (bassin de Dniepr-Donetz et région péri-Caspienne). Au Bajocien supérieur et au Bathonien, la transgression en provenance du Sud progresse vers le Nord mais le milieu de sédimentation reste peu profond et les sédiments marins francs ne se déposent que localement. A la fin du Bathonien et au Callovien inférieur, la mer se retire et les dépôts sont à nouveau continentaux. La sédimentation marine va se développer sur l’ensemble de la plate-forme au cours du Callovien. Ces conditions marines vont plus ou moins persister sur la plate-forme russe jusqu’au Crétacé supérieur. Au Jurassique supérieur, la plate-forme russe est recouverte par une mer épicontinentale de faible profondeur s’étendant de la Téthys à l’océan arctique et rejoignant épisodiquement le Proto-Atlantique à l’Ouest (Figure I.2). Les dépôts du Jurassique supérieur sont souvent condensés, riches en matière organique et nodules de phosphate, traduisant une grande sensibilité aux variations du niveau marin. L’épaisseur cumulée des dépôts jurassiques est en général de moins de 50 mètres mais au nord de la Mer Caspienne, ils atteignent plus de 450 m. A la fin du Jurassique supérieur (Volgien), le sud de la plateforme connaît un soulèvement qui l’isole de la Téthys. Les communications ne se font plus alors que vers l’océan arctique. La plate-forme russe va connaître de nombreux changements au Crétacé. Du fait de mouvements tectoniques notamment au niveau du Caucase et des Carpates, elle subit de nombreuses variations paléogéographiques. Les dépôts présentent de multiples alternances transgression-régression venant du Sud ou des mers boréales, cependant il apparaît que la plate-forme n’a jamais été complètement recouverte par la mer au Crétacé.

Sources de la MO

Apports autochtones La source principale de MO dans le milieu marin est le phytoplancton. Le phytoplancton, qui est le producteur primaire de MO, est constitué d’algues photosynthétiques unicellulaires de taille inframillimétrique, telles que par exemple les coccolithophoridés, les diatomées et les dinoflagellés. Le développement du phytoplancton se fait dans les 100 premiers mètres de la tranche d’eau où il est principalement contrôlé par la lumière, la température et la présence de nutriments. Les producteurs secondaires de MO sont les organismes hétérotrophes qui se nourrissent du phytoplancton. Parmi ceux-ci on trouve le zooplancton et les protozoaires, puis tous les maillons de la chaîne alimentaire. Les bactéries représentent un type à part de producteurs de MO sédimentaire. Elles sont en effet présentes en grande quantité, tant dans la colonne d’eau que dans le sédiment. Des études récentes ont cependant montré que malgré leur abondance, les bactéries ne fournissent généralement qu’une contribution mineure au sédiment (Hartgers et al., 1994 ; voir aussi Sinninghe Damsté et Schouten, 1997)
Apports allochtones La MO terrestre peut contribuer à la sédimentation organique en milieu marin. Ses modes de transport sont essentiellement fluviatiles et éoliens. La MO terrestre consiste principalement en des débris de bois, des spores et des grains de pollen. Les apports allochtones sont aussi constitués de MO particulaire et dissoute d’origine variée portée par les fleuves. L’importance de cette contribution allochtone dépend des vents et des courants marins mais tend à diminuer au fur et à mesure que l’on s’éloigne des côtes.

Devenir dans la colonne d’eau et diagenèse précoce

   Dans les premiers mètres de la colonne d’eau, une très grande partie de la production primaire est consommée par le zooplancton et les bactéries (Figure I.5). Une partie de cette MO est reminéralisée — c’est à dire dégradée en molécules non organiques telles que CO2, H2O, NH4+…— et réinjectée vers la tranche d’eau supérieure pour servir de nutriments au phytoplancton et une petite partie se retrouve sous forme de MO particulaire et de MO dissoute. Moins de 10 % de la production primaire réussit à quitter la tranche d’eau supérieure ; c’est la production exportée. Dans la tranche d’eau inférieure, près de 90 % de cette MO particulaire et dissoute sont dégradés, de sorte que ce qui atteint le fond ne représente que moins de 1 % de la production primaire. La préservation de la MO sera d’autant plus favorisée que son temps de transit dans la colonne d’eau est faible. Les processus qui vont favoriser l’exportation de la MO en direction du sédiment sont la formation d’agrégats ou « flocs », l’incorporation dans des pelottes fécales d’organismes hétérotrophes ou encore l’adsorption à la surface de minéraux (coquilles, grains détritiques). Une fois le sédiment atteint, en fonction des conditions d’oxygénation du sédiment, une partie de la MO est consommée par les organismes benthiques et enfin par les bactéries aérobies et anaérobies. Les mécanismes de dégradation anaérobie sont successivement : la réduction des nitrates, la réduction des oxydes de Mn, la réduction des oxydes de Fe, la sulfato-réduction et enfin la fermentation. Dans le milieu marin, la sulfato-réduction est le processus dominant (Jørgensen, 1982) ; dans le cas de très forts taux d’accumulation organique, la fermentation peut également jouer un rôle important (voir une revue dans Vetö et al., 1994). Au cours de la diagenèse, la MO qui a échappé à la reminéralisation va perdre une partie de ses fonctions oxygénées par perte de CO2 et de H2O puis réagir pour former des molécules hautement condensées appelées « géopolymères » ou « géomacromolécules » dominées par le kérogène (Tissot et Welte, 1978 ; Figure I.5). Il existe cependant différents processus de préservation de la MO qui seront décrits plus loin (§ I.2.4).

Résonance magnétique nucléaire du 13C à l’état solide (RMN 13C)

   Cette technique permet également d’identifier les fonctions présentes dans le kérogène, cependant, contrairement à l’IRTF, elle ne caractérise que les fonctions impliquant des atomes de carbone. Cette méthode est basée sur le fait que les atomes dont le noyau possède un nombre de spin non nul (1H, 13C, 15N…) absorbent de l’énergie lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique. L’abondance isotopique du 13C étant faible, le signal est amplifié en utilisant la séquence dite de polarisation croisée (CP). De plus, pour affiner les raies, l’échantillon est mis en rotation à l’angle magique (MAS). La contrepartie de cette rotation est, qu’en plus d’un signal que l’on peut appeler primaire, les sites dits anisotropes (essentiellement tous les C non aliphatiques) conduisent à des signaux secondaires de résonance que l’on appelle des bandes de rotation. La localisation ainsi que l’intensité de ces bandes de rotation sont directement liées à la vitesse à laquelle tourne l’échantillon lors de la mesure : plus l’échantillon tourne vite et plus ces bandes de rotation sont faibles et peu nombreuses. Dans les conditions que nous avons utilisées (vitesse inférieure à 5 kHz) les bandes de rotations sont relativement intenses, nombreuses et elles interfèrent souvent avec le signal. Des analyses à des vitesses différentes sont donc nécessaires afin de discriminer le signal des bandes de rotation.

Teneur en carbone organique (COT)

   Les mesures de COT effectuées sur les échantillons récoltés en 1995 montrent des teneurs variant entre 0,5 et 44,5 %. La courbe de variation stratigraphique du COT peut être divisée en deux parties (Figure II.1a, courbe en bleu). La partie inférieure comprend les niveaux a à e. Dans cette partie, le COT fluctue mais reste globalement bas. Les valeurs ont une moyenne de 5 % et atteignent un maximum de 14,6 % dans le niveau c. La partie supérieure s’étend des niveaux f à n. Les variations du COT y sont de plus grande amplitude. La valeur moyenne du COT est plus élevée, autour de 18 %, néanmoins, il faut noter que certains niveaux marneux intermédiaires n’ont pas été échantillonnés (entre k base et l base et entre l base et l middle ; voir Figure II.1). Le maximum atteint dans cette partie est de 44,5 % dans le niveau f. Globalement, les niveaux de black shale montrent des valeurs de COT supérieures à celles des niveaux marno-argileux qui les encadrent, sauf pour le niveau d. Les mesures de COT effectuées sur les échantillons récoltés en 1999 montrent des valeurs comprises entre 0,5 et 26,5 % (Figure II.1a, courbe en rouge). Les variations stratigraphiques observées confirment la relation entre lithologie et richesse en matière organique puisque, au moins pour la partie inférieure, les valeurs supérieures ou égales à 3 % correspondent aux niveaux de black shale, ce qui n’était pas aussi net dans les échantillons récoltés en 1995. On note que les enrichissements en MO apparaissent rapides et non graduels à l’échelle de l’échantillonnage. La subdivision de la série en deux parties est confirmée. La valeur maximale mesurée dans la partie inférieure est de 20 % dans le niveau c. La partie supérieure n’a pas été échantillonnée sur toute sa hauteur, néanmoins les variations observées entre les niveaux g et k sont identiques à celles mesurées en 1995. Le COT maximal mesuré sur la partie supérieure est de 26,5 % dans le niveau k. Les valeurs de COT mesurées pour les niveaux f base et f top sont étonnement basses comparées à celles mesurées sur les échantillons récoltés en 1995 : 3,7 contre 43 % et 15,5 contre 45,5 % respectivement. Différentes hypothèses peuvent expliquer cette divergence : soit que le niveau f est très hétérogène de par son dépôt, soit que la matière organique a été altérée, précocement ou tardivement. Une réponse à cette question est attendue de la mesure de l’indice d’oxygène de ces échantillons. On remarque que malgré les signes d’altération visibles à l’affleurement et en lame mince, le haut de la série (à partir du niveau h top) présente des valeurs de COT assez élevées. Il est bien connu que l’altération superficielle tend à diminuer la valeur de COT des roches (Leythauser, 1973 ; Littke et al., 1991a ; Petsch et al., 2000), or, parmi les niveaux observés en lame mince, seul j top confirme son fort degré d’altération par une très faible valeur de COT. Une réponse sur le degré d’altération de chacun des niveaux du haut de la série sera donnée ultérieurement par la mesure de l’index d’oxygène (IO) ; néanmoins au vu des valeurs de COT, il apparaît que cette altération n’a pas affecté de façon uniforme le haut de la série. Une explication à ce phénomène peut être que la circulation des fluides se sera faite préférentiellement dans certains niveaux, en particulier les niveaux pauvres en MO, du fait des barrières de perméabilité que représentent les niveaux de black shale

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Table des matières

INTRODUCTION..
CHAPITRE I. CADRE DE L’ÉTUDE
I.1. CONTEXTE GÉOLOGIQUE
I.1.1. SITUATION GEOGRAPHIQUE
I.1.2. BREVE HISTOIRE GEOLOGIQUE DE LA PLATE-FORME RUSSE AU MESOZOÏQUE
I.1.3. PRESENTATION DES COUPES ETUDIEES
I.1.3.1. Gorodische
I.1.3.2. Affleurement de Kashpir
I.1.3.3. Mine de Kashpir
I.2. GÉNÉRALITÉS SUR LA MO MARINE
I.2.1. INTERET DE DON ETUDE
I.2.2. LE CYCLE DE LA MO
I.2.2.1. Sources de la MO
I.2.2.2. Devenir dans la colonne d’eau et diagenèse précoce
I.2.2.3. Evolution thermique du kérogène
I.2.3. COMPOSITION CHIMIQUE DE LA BIOMASSE
I.2.3.1. Protéines
I.2.3.2. Carbohydrates
I.2.3.3. Lipides
I.2.3.4. Lignine
I.2.4. MECANISMES DE PRESERVATION DE LA MO
I.2.4.1. Dégradation-recondensation
I.2.4.2. Préservation sélective
I.2.4.3. Sulfuration naturelle
I.2.4.4. Adsorption minérale par les argiles
I.2.5. METHODES D’ETUDE DE LA MO SEDIMENTAIRE
I.2.5.1. Méthodes pétrographiques
I.2.5.2. Méthodes spectroscopiques
I.2.5.3. Analyse élémentaire
I.2.5.4. Méthodes pyrolytiques
I.2.5.5. Méthodes isotopiques
CHAPITRE II. GÉOLOGIE ET GÉOCHIMIE GLOBALE
II.1. FACIÈS ET MICROFACIÈS
II.1.1. FACIES
II.1.2. MICROFACIES
II.1.2.1. Coupe de Gorodische
II.1.2.2. Niveau laminé de la Mine de Kashpir
II.2. GÉOCHIMIE GLOBALE
II.2.1. COUPE DE GORODISCHE
II.2.1.1. Analyse Rock-Eval
II.2.1.2. Paramètres inorganiques
II.2.1.3. Teneur en soufre total
II.2.2. GEOCHIMIE GLOBALE SUR LA COUPE ET LA MINE DE KASHPIR
II.2.2.1. Analyse Rock-Eval
II.2.2.2. Paramètres inorganiques
II.2.3. ETUDE DETAILLEE DU NIVEAU LAMINE DE LA MINE DE KASHPIR
II.2.4. BILAN DE LA COMPARAISON DE LA COUPE DE GORODISCHE AVEC L’AFFLEUREMENT ET LA MINE DE KASHPIR
II.3. ÉTUDE DE FRACTIONS SÉPARÉES SUR LA COUPE DE GORODISCHE 
II.3.1. CORTEGE ARGILEUX
II.3.1.1. Evolution verticale
II.3.1.2. Interprétation du signal argileux
II.3.1.3. Clinoptilolite et opale CT
II.3.2. ETUDE DE LA MO ISOLEE
II.3.2.1. Observations palynologiques
II.3.2.2. Microscopie électronique
II.3.2.3. Analyse élémentaire
II.3.2.4. Analyse isotopique du carbone 13, d
13Cker
II.3.2.5. Infrarouge à transformée de Fourier (IRTF)
II.4. CONCLUSIONS
CHAPITRE III. ETUDE GÉOCHIMIQUE DU KÉROGÈNE DE F TOP
III.1. PRÉSENTATION DU NIVEAU F TOP
III.2. ETUDE MICROSCOPIQUE
III.3. ETUDE SPECTROSCOPIQUE
III.3.1. RMN 13C A L’ETAT SOLIDE
III.3.2. INFRAROUGE A TRANSFORMEE DE FOURIER (IRTF)
III.3.3. SPECTROSCOPIE XANES
III.3.3.1. Seuil K
III.3.3.2. Seuil L
III.4. ETUDE PYROLYTIQUE
III.4.1. PYROLYSE « FLASH »
III.4.2. PYROLYSE « OFF-LINE »
III.4.2.1. Bilan de pyrolyse
III.4.2.2. Etude des résidus de pyrolyse
III.4.2.3. Produits de pyrolyse « off-line »
III.4.2.4. Pyrolyse en présence de TMAH
III.4.2.5. Analyse isotopique des n-alcanes libérés par pyrolyse
III.5. DISCUSSION
III.5.1. STRUCTURE DU KEROGENE DE F TOP
III.5.2. ORGANISMES SOURCES
III.5.3. MECANISMES DE PRESERVATION DE LA MATIERE ORGANIQUE
III.6. CONCLUSIONS
CHAPITRE IV. ETUDE GÉOCHIMIQUE DES KÉROGÈNES DE ABS TOP ET ABS BASE
IV.1. PRÉSENTATION DES NIVEAUX ABS TOP ETABS BASE
IV.2. ETUDE MICROSCOPIQUE
IV.2.1. MICROSCOPIE OPTIQUE
IV.2.2. MICROSCOPIE ELECTRONIQUE A TRANSMISSION
IV.3. ETUDE SPECTROSCOPIQUE
IV.3.1. RMN 13C A L’ETAT SOLIDE
IV.3.2. INFRAROUGE A TRANSFORMEE DE FOURIER (IRTF)
IV.4. ETUDE PYROLYTIQUE
IV.4.1. PYROLYSE « FLASH »
IV.4.2. PYROLYSE « OFF-LINE »
IV.4.2.1. Bilan de pyrolyse
IV.4.2.2. Etude des résidus de pyrolyse
IV.4.2.3. Produits de pyrolyse « off-line » des kérogènes de aBS top et aBS base
IV.4.2.4. Analyse isotopique des n-alcanes libérés par pyrolyse
IV.5. ORGANISMES SOURCES ET MODE DE PRÉSERVATION DES KÉROGÈNES DE ABS TOP ET ABS BASE
IV.5.1. ORGANISMES SOURCES
IV.5.2. MECANISME(S) DE PRESERVATION
IV.5.2.1. Préservation sélective
IV.5.2.2. Sulfuration naturelle
IV.5.2.3. Dégradation-recondensation
IV.5.2.4. Origine des alcanones
IV.6. CONCLUSIONS
CHAPITRE V. DISCUSSION
V.1. PALÉOENVIRONNEMENT DE DÉPÔT DE GO 11
V.1.1. ORIGINE DU DEPOT RICHE EN MO (GO 11)
V.1.2. PALEOENVIRONNEMENT DE DEPOT DE CHAQUE TYPE DE MOA
V.1.2.1. Isotopie
V.1.2.2. MOA grise
V.1.2.3. MOA orange hétérogène
V.1.2.4. MOA orange pure
V.1.3. EVOLUTION DU BASSIN
V.2. COMPARAISON AVEC LA FORMATION DE KIMMERIDGE CLAY
V.2.1. CONTEXTE SEDIMENTAIRE
V.2.2. CYCLICITE SEDIMENTAIRE ET ORGANIQUE
V.2.3. ORGANISMES SOURCES ET MODES DE PRESERVATION DE LA MO
V.2.4. BILAN DE LA COMPARAISON
CONCLUSION GÉNÉRALE

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