De tout temps, les femmes contribuent à la production d’une société, sous de multiples formes. Mais pendant longtemps, le travail féminin n’a pas été valorisé. Dans le haut Moyen Age (du 5ème au 10ème siècle), on voit apparaître, les prémices d’une reconnaissance du travail féminin. La Révolution Industrielle a développé le travail des femmes et la progression de l’industrialisation depuis, a permis la féminisation d’un nombre croissant de professions. Les deux Guerres Mondiales ont accentué, la féminisation de nombreux métiers. Un grand pas est alors fait dans l’intégration des femmes dans le monde du travail. Mais il reste le problème de l’égalité entre homme et femme. En effet, depuis longtemps, pour un même travail les femmes perçoivent souvent un salaire moins important que les hommes. Les pays occidentaux se sont penchés sur la question dans les années 1970 et la plupart ont adopté des lois posant le principe de l’égalité de rémunération à travail égal, comme l’a fait la France en 1972. Et l’effort de l’élimination de toutes discriminations dans le travail à l’égard des femmes a continué en 1976 avec l’élaboration du principe d’égalité entre hommes et femmes, établi le 9 février 1976.
Pour le cas de Madagascar, les Malagasy avaient connu un système matriarcal pendant un temps. L’avènement du travail de fer aurait mis fin au matriarcat. La division sexuelle du travail, née de l’idéologie patriarcale, aurait octroyé à l’homme le champ de la vie publique, les tâches d’entretien et de reproduction de la force de travail étant dévolues à la femme. Ce qui aurait entraîné une institution de l’inégalité de condition entre l’homme et la femme. Mais l’arsenal juridique institué par les législateurs, depuis les années 1960, a pour principe de base l’égalité de tous devant la loi : les textes de loi ne font aucune distinction entre les hommes et les femmes. Ce principe d’égalité a été rappelé par les constitutions successives de 1959, de 1975, de 1992 et de 2010. Les constitutions proscrivent toute discrimination tirée du sexe. Mais entre l’écrit et la réalité, il y a une grande différence. Encore aujourd’hui, on sépare souvent le monde en deux : d’un côté les garçons, de l’autre, les filles. C’est vrai notamment dans la façon de les vêtir et dans l’exercice de plusieurs sports. Mais qu’en est-il de l’éducation de nos enfants ? Cette question a particulièrement attirée notre attention. Etant donné que l’éducation est une des forces qui détermine l’évolution sociale et que l’école est considérée comme une institution qui assure l’égalité des chances à tout un chacun, nous avons jugé intéressant de creuser la question de l’égalité de sexes dans ce domaine. C’est pourquoi nous avons choisi comme thème de recherche : « Genre et situation scolaire aux collèges : exemples pris dans la commune urbaine d’Andapa» pour clore notre formation à l’Ecole Normale Supérieure d’Antananarivo, et en vue d’obtenir le diplôme de CAPEN ou Certificat d’Aptitude Pédagogique de l’Ecole Normale.
LE CONCEPT GENRE : FONDEMENT ET DYNAMIQUE A TRAVERS LE TEMPS ET L’ESPACE
La discrimination à l’égard des filles débute dès leur naissance, voire plus tôt, avec des attitudes et des modèles de comportement transmis de génération en génération. Dans de nombreux pays, la naissance d’un garçon est un événement de célébrations tandis que la naissance d’une fille est une cause de commisération. Aujourd’hui, les désavantages liés au fait d’être une fille sont multiples : les filles peuvent être tuées dans le ventre de leur mère, elles courent le risque d’être sous-alimentées ou de ne pas être scolarisées et une fois adulte elles ont souvent moins de chance de trouver un emploi par rapport aux hommes et elles sont aussi moins payées. Autant de faits qui auront un impact à tous les stades de la vie d’une fille ou d’une femme. Dans cette première partie du travail, nous allons essayer de dégager les fondements des différences qui existent entre fille et garçon, leur évolution dans le temps et dans l’espace en ventilant les instances de socialisation qui peuvent affecter leur vie d’une manière plus ou moins significative.
GENRE : DEFINITION ET REGARDS A TRAVERS LE TEMPS
Si nous observons le fonctionnement de notre société, nous ne manquerons pas de constater qu’il y a une différence notable entre la place et le rôle tenus par l’homme et la femme. En 1972, Ann Oakley a donné un nom à ces différences sociales de l’homme et de la femme : le « genre ». Une question mérite alors d’être posée d’où viennent ces différences ? Pour apporter plus d’éclairage sur ce sujet, nous allons définir en premier lieu la terminologie « genre », ensuite déterminer l’origine du concept et pour finir nous allons voir son évolution dans le temps et dans l’espace.
Définition et fondements du concept genre
Définition
Traduit du mot anglais « gender », le « genre » est un raccourci de l’expression «rapports sociaux de genre » et se réfère aux différences sociales et aux relations sociales entre les hommes et les femmes » . En d’autres termes, c’est l’association du sexe biologique à des qualités, des comportements et des rôles sociaux.
Pour une meilleure compréhension de ce travail, il est important de différencier le genre du sexe. Le sexe, est l’identité de l’homme et de la femme, liée à leur rôle sexuel. Le terme « sexe » renvoie à la fois aux caractéristiques morphologiques et biologiques qui font qu’une personne est de sexe féminin ou masculin à la naissance. Le terme genre en revanche, englobe les dimensions psychologiques, sociales et culturelles de l’appartenance sexuelle et des relations entre les hommes et les femmes.
Les fondements du concept genre
Au-delà des distinctions physiques, le genre masculin ou féminin serait différent en matière de comportement, de pensée, de l’émotion, d’intelligence, de rôles sociaux, etc. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces différences ? D’après les chercheurs, le genre serait un phénomène biologique, mais aussi et surtout social.
Le genre, un fait biologique : une hypothèse qui ne fait pas l’unanimité
Les défenseurs de cette hypothèse sont les psychologues évolutionnistes. Pour eux, la pensée et les comportements humains seraient les fruits de l’évolution biologique. « Le cerveau s’est modifié au cours de l’évolution pour permettre la meilleure adaptation d’Homo sapiens à son environnement. Il se serait donc structuré différemment pour les hommes et les femmes, puisque leur inscription dans l’environnement et leurs rôles étaient distincts : par exemple, les hommes étaient des chasseurs-cueilleurs solitaires alors que leurs compagnes se déplaçaient peu, occupées à élever collectivement leur progéniture» . Plus concrètement, l’environnement agit sur la construction de 90% des circuits synaptiques du cerveau. Cette capacité du cerveau à se modeler en fonction de l’expérience vécue s’appelle la plasticité cérébrale . Ainsi, si dans un groupe social, hommes et femmes tendent à adopter des comportements stéréotypés, c’est que leurs cerveaux se sont approprié ces comportements au fil de leurs croissances, grâce à leurs propriétés de plasticité. Mais cette hypothèse est admise avec beaucoup de réserves, car des recherches neuroscientifiques récentes ont montré que, même si des différences hommes femmes existent en matière de fonctionnement cérébral et cognitif, il est impossible de conclure qu’elles sont inscrites dans le cerveau depuis la naissance, ni qu’elles y demeureront.
La construction sociale et culturelle du genre
Plus largement acceptée, l’hypothèse de l’influence sociale du genre est adoptée par la psychologie sociale et la sociologie. L’idée préconçue du genre est manifestée tout au long de l’enfance par les acteurs sociaux (famille, école, amis, etc.) et c’est ainsi que se renforcent l’apprentissage et les représentations associés aux masculin et féminin.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LE CONCEPT GENRE : FONDEMENT ET DYNAMIQUE A TRAVERS LE TEMPS ET L’ESPACE
Introduction
CHAPITRE 1 : GENRE : DEFINITION ET REGARDS A TRAVERS LE TEMPS
A- Définition et fondement du concept genre
1- Définition
2- Les fondements du concept genre
B- Bref aperçu de la place de l’homme et de la femme dans le contexte genre
1- Vue d’ensemble
2- Cas de Madagascar
CHAPITRE 2 : APERCU GLOBAL DE LA SITUATION SCOLAIRE DES FILLES ET DES GARCONS
A- Les caractéristiques des discriminations faites par l’école
1- Au niveau mondial
2- La situation scolaire des filles en Afrique
B- Les manifestations des inégalités de genre à l’école
1- Manifestations de différences de genre : au niveau d’accès et de rétention scolaire
2- Manifestations de différences de genre à l’école : au niveau de performance
3- Manifestations de différence de genre : au niveau des comportements des enseignants vis-à-vis des élèves des deux sexes
Conclusion
DEUXIEME PARTIE : REGARDS SUR LA SCOLARISATION A MADAGASCAR DANS LE PRISME DE « GENRE »
Introduction
CHAPITRE 3 : PROFIL GENERAL DE LA SCOLARISATION DES FILLES ET DES GARCONS A MADAGASCAR
A- Survol historique de l’éducation à Madagascar
1- L’enseignement missionnaire
2- L’enseignement colonial
3- Etat de lieu de l’éducation à Madagascar à la veille de l’indépendance
B- Tendance scolaire en termes de genre : aperçu à partir de quelques indicateurs
1- Accès à l’école
2- Rendements scolaires comparées des filles et des garçons
CHAPITRE 4 : ETUDE DE CAS
A- Situation dans la zone d’étude
1- Présentation de la zone d’étude
2- Situation scolaire générale de la commune urbaine d’Andapa
B- Etude des collèges cibles
1- Présentation des établissements cibles
2- Comment se présentent les différences de genre dans les établissements cibles
Conclusion
TROISIEME PARTIE : LES PROBLEMES LIES AU GENRE DANS LE PAYS ET QUELQUES SOLUTIONS ET SUGGESTIONS
Introduction
CHAPITRE 5 : LES AVANTAGES DE L’EDUCATION DES FILLES ET LES PROBLEMES LIES AU GENRE
A- Les bienfaits de l’éducation des filles
1- Consolidation du développement économique
2- Education de la génération suivante
3- Amélioration de la santé de la famille
4- Diminution des décès maternels
B- Les obstacles à l’éducation des filles et les attitudes sexuées à l’école
1- Les obstacles à l’éducation des filles
2- Attitudes et pratiques sexuées à l’école
CHAPITRE 6 : QUELQUES ACTIONS ET RECOMMANDATIONS POUR PLUS D’EQUITE DE GENRE A L’ECOLE
A- Au niveau international
1- Les accords internationaux
2- Action des instances de Nations Unies pour l’éducation des filles
3- Les actions des ONGs en faveur de l’éducation des filles
B- Au niveau national
1- Rendre le coût de l’éducation des filles abordables
2- Faire de l’école une option pratique et la rendre « accueillante pour les filles »
3- Mettre l’accent sur la qualité de l’éducation
4- La mobilisation des collectivités
C- Les actions et mesures prises pour réduire la disparité genre dans le pays au niveau de l’éducation
1- Aides internationales
2- Les actions au niveau du gouvernement
3- Les actions des ONGs et des associations nationales
4- Les actions au niveau des pratiques scolaires
5- Rôle de tout un chacun
Conclusion
CONCLUSION GENERALE