Genre et pouvoir : La place des femmes

POUVOIR ET RELATION SOCIALE CHEZ DAHRENDORF, DALH ET CROZIER

                  Selon Dahrendorf (1957), c’est dans le cadre d’une relation sociale que s’exerce le pouvoir, l’autorité ou la domination. Le pouvoir, est quant à lui interaction et capacité d’influencer le comportement d’autrui, et de ce fait, à la fois une ressource et le but de l’action. Dans la même perspective, pour R. Dahl, sociologue interactionniste qui abolit la distinction entre le pouvoir et l’autorité ou domination, le pouvoir est une relation interactive de cause à effet : « un rapport entre des acteurs [homme et/ou femme, groupes/associations d’hommes et/ou de femmes, Etats] par lequel l’un d’entre eux amène à agir autrement qu’ils ne l’auraient fait sans cela ». Dans la conception de Dahl, le pouvoir renvoie ainsi à la capacité d’un homme ou d’une femme « A » à obtenir d’un autre homme et/ou femme « B » un comportement ou une conception qu’il/elle n’aurait pas adoptée sans intervention extérieure. Dans ce processus, B participe en retour à l’exercice du pouvoir. Cette définition du pouvoir en terme d’influence, en fait concept opératoire microsocial mais qui suppose en même temps une relation interindividuelle asymétrique – ressources ou capacités inégales des hommes et/ou des femmes qui participent au processus du pouvoir. De la même manière, Crozier et Friedberg, conçoivent le pouvoir comme une relation asymétrique mais laquelle inclut chez eux, « (…) un rapport de forces dont l’un [homme ou femme] peut retirer davantage que l’autre, mais ou également l’un n’est jamais totalement démuni devant l’autre». Le pouvoir est le « résultat contingent de transactions entre plusieurs individus ». Ainsi, dans la relation entre A et B, « le pouvoir de A d’obtenir que, dans sa négociation avec B, les termes de l’échange lui soient favorables ». Selon eux, le pouvoir réside alors dans le degré de maîtrise des « zones d’incertitude » qui pèsent sur la relation sociale. Ces zones d’incertitude quant à l’applicabilité des règles, offrent en effet aux acteurs une marge d’initiative (individualisme méthodologique), les effets collectifs émergeant de ces choix individuels. Ces zones d’incertitude susceptibles de conférer un pouvoir incluent : (i) la possession d’une compétence, d’une spécialisation fonctionnelle difficilement remplaçable (expertise, savoirs, savoir faire) ; (ii) la maîtrise des relations avec l’environnement : réseau extérieur de relations, d’appui, de connaissances ; (iii) la circulation des informations ; (iv) la maîtrise des règles organisationnelles ; (v) les marges d’initiative des acteurs. Chez Dahrendorf, comme pour Weber, l’autorité est une relation sociale légitime de domination et de sujétion. Selon nous, cette conception ne correspond pas à la réalité, puisque qu’elle ne rend pas compte des oppositions qui se créent face à cette légitimité qui n’est donc pas reconnue comme telle, par exemple, entre parents et enfants. Nous ne pouvons que souscrire à sa définition du pouvoir mais nous devons également lui conférer un caractère légitime ou non, pour l’appréhender. Dalh est moins restrictif que Weber quant à la définition du pouvoir puisque ce dernier considère que cette relation de cause à effet est intentionnelle et utilise la force pour triompher. Nous voudrions cependant nuancer sa définition du pouvoir car nous pensons que le contre- pouvoir peut donner lieu aux mêmes effets. Nous ne pouvons que souscrire à la définition du pouvoir de Crozier mais nous posons la question de la pertinence de la « négociation » dans le processus qui s’opère dans le rapport de force. Il nous semble en effet qu’il puisse exclure la négociation, notamment à travers l’imposition ou la manipulation, qui rend caduques les termes de l’échange. Mais nous souscrivons totalement à sa conception de la liberté individuelle qui peut s’exprimer dans les zones d’incertitudes laissées quant à l’applicabilité des règles.

DEFINITION ET REALITE DE LA CITOYENNETE DEFINIE A PARTIR DU  GENRE

                Plusieurs approches permettent d’appréhender la citoyenneté à partir du genre. La conception libérale, qui s’inscrit dans la lignée de John Locke, consiste à en faire l’analyse sous l’angle des droits et libertés que l’individu possède face à l’Etat. L’approche républicaine, qui s’inscrit dans le sillage de Jean-Jacques Rousseau, fait appel à une pratique de participation qui suppose l’éducation aux devoirs civiques et à l’intérêt général. Ces deux approches conçues comme opposées sont au cœur du débat sur la citoyenneté. Elles sont complémentaires, parce que reflétant deux aspects d’une même réalité, intégrés dans la définition de la citoyenneté de l’Agence de la Francophonie. Dans son document de terminologie commune en en matière d’égalité des droits des femmes et des hommes et des droits des femmes (2000), l’Agence intergouvernementale de la francophonie définit la citoyenneté comme une égalité de droits entre toutes les citoyennes et citoyens. Elle renvoie non seulement au principe mais à la réalité, l’exercice de ces droits, qui incluent également des devoirs dans le public comme dans le privé. Cette définition cristallise une analyse de la citoyenneté dans une perspective de genre, à travers les recherches sur la question, qui ont toutes visé le même objectif, celui d’une citoyenneté égale. Elle permet de constater que même si plus accessible4 , la citoyenneté reste l’apanage du masculin (Marques-Pereira, 2003) et ce, en dépit de sa vocation universelle. En effet, aujourd’hui, dans les sociétés de type démocratique, les femmes restent exclues de la citoyenneté, notamment en raison de leur faible représentation dans les organes politiques, qui, à travers l’élection, est l’expression de la volonté générale – celle des hommes et des femmes. Symboliquement, la citoyenneté féminine reste en effet définie à travers le prisme masculin, l’assimilant à l’accès et à l’exercice de droits et devoirs historiquement, socialement, politiquement définis par et pour l’homme. Une nouvelle approche se dessine avec Rian Voet (cité par B. Marques-Pereira, in Quand les femmes s’en mêlent., 2003, p.64) qui appréhende la notion de citoyenneté à travers l’exercice des droits obtenus et la revendication de nouveaux droits, en plus des droits et libertés, « qui reviennent déjà de droit » (ndlr). C’est le principe de « citoyenneté active » qui recouvre donc « le droit à avoir des droits » (Hannah Arendt). Il suppose une participation des femmes et des hommes leur permettant de « peser sur les rapports de forces dans l’espace politique, en vue de modifier les rapports sociaux qui balisent les marges de liberté dont ils disposent pour vivre leur autonomie et privée et publique » (B. Marques–Pereira 2004), au profit d’une citoyenneté égalitaire. Ce concept de citoyenneté active est en fait soustendu par celui d’« empowerment » (Kathy Ferguson) qui renvoie à la capacité d’influencer l’orientation des changements, dans le sens d’une citoyenneté et donc, d’un ordre social plus égalitaire.

L’EXERCICE DU DROIT D’ELIGIBILITE PAR LES FEMMES

               L’extrait suivant a été relevé dans le dossier « politique » intitulé « Les femmes sont-elles vraiment les meilleures ? » d’un numéro récent du « Courrier International » : « (…) les barrières apparemment infranchissables qui empêchaient les femmes d’accéder aux plus hautes fonctions politiques tombent aussi vite que le mur de Berlin. Plusieurs femmes sont parvenues simultanément au sommet de l’Etat aux quatre coins de la planète : Angela Merckel en Allemagne, Ellen Johnson Sirleaf au Liberia, Michelle Bachelet au Chili… ». En y incluant le combat de Ségolène aux dernières présidentielles françaises, le paysage politique mondial semble être marqué par une image plus positive de l’exercice du droit d’éligibilité par les femmes. En parallèle, les hypothèses sur l’exercice du pouvoir par les femmes dans une perspective différente de celle des hommes sont de plus en plus nombreuses. Les attentes sur les modifications de l’action gouvernementale par le renforcement de la participation des femmes émergent comme un sujet d’actualité, certains avançant que « les femmes allaient transformer le pouvoir ». Mythes ou réalités? Les résultats d’une enquête approfondie menée auprès de 187 femmes parlementaires originaires de 65 pays par l’Union Interparlementaire (UIP) en 1999 ont en partie confirmé ces hypothèses. En effet, quatre des parlementaires interrogés sur cinq ont estimé que les femmes avaient des conceptions différentes de la société et de la politique. Plus de 90% pensent qu’une meilleure participation des femmes apporterait un changement et près de neuf sur dix des enquêtés pensent qu’elle modifierait sensiblement les résultats de l’action des pouvoirs publics. On peut avancer que les femmes ont généralement une approche différente en politique pour trois raisons. Tout d’abord, dans les motivations qui les animent et les voies qu’elles empruntent pour accéder à un poste politique. Dans l’enquête de l’UIP, 40% des femmes ont choisi la carrière politique par intérêt pour le travail social et 34% y sont entrées par le biais d’organisations non gouvernementales. Les hommes ont quant à eux le plus souvent emprunté la voie de la politique politicienne. La seconde raison tient à la socialisation différentielle dont les femmes et les hommes font l’objet qui font que les rôles de genre sont perçus comme différents. De ce fait, les femmes font peser leurs expériences et compétences notamment de prestataires de soins bénévoles pour leur famille, sur leurs décisions politiques, dimension absente chez les hommes. La troisième raison est que les femmes se sentent investies d’une responsabilité spéciale de représenter les autres femmes. C’est ce qui ressort d’une étude sur les parlementaires réalisée aux Etats-Unis. En Irlande du Nord, où près d’un tiers des femmes qui votent estiment qu’une femme représenterait mieux leurs intérêts. Des études sur le leadership féminin ont en outre montré que le pouvoir des femmes dépend non pas de la position occupée mais de la capacité à instaurer la confiance, le respect mutuel et la crédibilité (Fareed Zakaria, 2007). Si la contribution que les femmes pourraient apporter au processus politique est reconnue, pourquoi les femmes sont-elles encore aussi peu nombreuses à entrer en politique ? L’exercice du droit d’éligibilité s’est avéré plus difficile que celui du vote, même dans les pays développés, avec des disparités importantes à l’intérieur d’un même continent. Ainsi, alors que les pays scandinaves portent aujourd’hui l’emblème d’un partage égalitaire du pouvoir politique, la France symbolise, la résistance des hommes à lâcher leur monopole (Sineau, 2004). La représentation des femmes à la chambre basse situe ce pays au 66e rang mondial, au 14e rang de l’Europe des 15, et au 19e rang de l’Europe des 25. Malgré le vote de la loi du 6 juin 2000, dite de parité, les Françaises restent à la traîne. Filtré par les partis politiques, qui, dans les démocraties modernes, sélectionnent les candidats aux assemblées, ce droit a longtemps gardé un caractère formel. Assez bien représentées dans les assemblées élues au scrutin proportionnel de liste (conseils municipaux, conseils régionaux…), leur part est infime dans les autres instances, qui appliquent le système électoral majoritaire uninominal (conseils généraux, Assemblée nationale et Sénat, élu pour moitié selon ce système). Dans ce cas précis, l’on assiste à l’incidence du code électoral sur la représentativité des femmes : les effets propres de la loi sur la parité ont sensiblement amélioré la situation si les effets du scrutin uninominal les pénalise. Les raisons de cette faible percée des femmes en politique sont complexes et dépendent des pays. Le dernier rapport mondial de l’UNICEF (2007) est très instructif sur la question. De l’analyse qui y est faite, se dégagent des points communs à tous les pays, qui se réfèrent en premier lieu à la rareté des femmes qui briguent un mandat électif. II est difficile d’obtenir des chiffres exacts, mais les études existantes montrent que les femmes se présentent moins souvent que les hommes aux élections. Aux États-Unis, par exemple, il y a au moins 50 % plus d’hommes qui ont étudié les moyens de faire figurer leur nom sur le bulletin de vote ou ont examiné la possibilité de se présenter aux élections avec des bailleurs de fonds potentiels, des cadres de parti ou de personnalités locales, des membres de leur famille ou des amis. Vient ensuite, la dichotomie entre les responsabilités publiques et privées évoquées notamment par Carole Pateman. Aux ÉtatsUnis, il apparaît qu’à mesure qu’elles voient diminuer leurs responsabilités domestiques et familiales, les femmes cherchent davantage à briguer un mandat électif. C’est aussi le cas des femmes au pouvoir en Afrique du Sud qui sont constituées majoritairement de femmes divorcées ou veuves. La culture d’exclusion s’érige également comme raison majeure commune. Dans beaucoup de pays, les réseaux politiques et financiers sont contrôlés par les hommes. Les pratiques culturelles qui servent à entretenir les liens de solidarité masculine au sein de ces réseaux, telles que la consommation d’alcool et de tabac, sont des préalables à l’accès à un mandat électif. II ressort d’une étude réalisée en Thaïlande la prédominance des hommes dans les comités de recrutement avec une tendance à éliminer les candidates, afin de conserver leur « territoire ». Le niveau éducation joue également. Les femmes qui obtiennent un mandat électif ont généralement fait des études supérieures, surtout dans les pays en développement. Sur les 187 femmes originaires des 65 pays sur lesquels a porté l’enquête menée par l’UIP en 1999, 73% étaient titulaires d’un diplôme du premier cycle de l’enseignement supérieur et 14 % étaient également titulaires d’une maîtrise ou d’un doctorat. L’absence dans de nombreux pays de femmes ayant fait des études supérieures peut donc constituer un obstacle à l’accès des femmes à la vie politique et au gouvernement. Enfin, les femmes ont beaucoup de mal à gagner la confiance de l’opinion publique. II n’existe pratiquement pas de statistiques sur le nombre de femmes qui se présentent sans succès aux élections. Toutefois, en moyenne, plus de la moitié des personnes interrogées dans la région de l’Asie orientale et du Pacifique, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne ont souscrit à des degrés divers à l’idée selon laquelle les hommes font de meilleurs responsables politiques que les femmes, les trois quarts partageant ce point de vue dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cela étant, dans d’autres parties du monde, les données disponibles sont plus positives. Beaucoup moins de personnes interrogées se rangent à cet avis dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, et plus de 80% des Thaïlandais pensent qu’une femme pourrait être un bon premier ministre. Concernant le retrait politique des femmes, l’absence de données suffisantes ne permet pas d’avancer si les femmes quittent le pouvoir plus souvent que les hommes du fait de l’hostilité des électeurs ou de la violence parfois dirigée contre des femmes exerçant un mandat électif ou candidates aux élections. En Afghanistan, les femmes candidates aux élections de 2005 ont subi des actes de violence et, dans certains cas, ont reçu des menaces de mort. Finalement, toutes ces raisons montrent que l’exercice de la citoyenneté par la femme est loin d’être acquis. Derrière le contrat social d’apparence égalitaire se cache le contrat sexué inégalitaire, la hiérarchie des sexes restant solidement ancrée dans les esprits et définissant les femmes par leur appartenance à la sphère privée, à la famille. La demande de la parité est née de ce constat, les statistiques sexuées offrant la preuve tangible de l’immobilité de la scène politique pour ce qui est de la place qu’y occupent les femmes.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENRE, POUVOIR ET DEMOCRATIE 
1. Concept de genre 
2. Pouvoir, domination et autorité chez Weber 
3. Pouvoir et relation sociale chez Dahrendorf, Dalh et Crozier 
4. Pouvoir politique et violence sociale chez Maffesoli
5. La passion pour l’égalité chez Tocqueville
6. Domination et masculinité chez Pierre Bourdieu 
CHAPITRE II : INCLUSION DES FEMMES EN POLITIQUE 
1. Genre et citoyenneté
1.1. Définition et réalité de la citoyenneté définie à partir du genre
1.2. Les thèses centrées sur une « citoyenneté différenciée »
1.3. Les thèses centrées sur une approche républicaine
2. Participation des femmes à la vie politique 
2.1. L’exercice du droit de vote par les femmes
2.2. L’exercice du droit d’éligibilité par les femmes
2.3. La question de parité
CHAPITRE III : CADRE METHODOLOGIQUE 
1. Implications des concepts étudiés pour la présente recherche 
2. Problématique
3. Hypothèses 
4. Objectifs 
5. Délimitations de la recherche 
6. Méthodes et techniques de recherche 
CHAPITRE IV. CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE LA PLACE DES FEMMES EN POLITIQUE 
1. Période précoloniale 
2. Période coloniale
3. Période post coloniale 
CHAPITRE V : EVOLUTION DE LA PLACE DE LA FEMME EN POLITIQUE DE 1991 A 2007 
1. Pouvoir législatif 
1.1. Assemblée Nationale
1.2. Sénat
1.3. Les Hautes Cours
2. Pouvoir exécutif 
2.1. Membres du Gouvernement
2.2. Les Hauts emplois de l’Etat
2.3. Collectivités décentralisées : Chefs de région, préfets, sous-préfets
2.4. Les membres des Conseils locaux
3. Partis politiques et syndicats 
3.1. Partis politiques
3.2. Syndicats
4. Elections 
5. Vie associative 
CHAPITRE VI. Le vécu du pouvoir par les femmes 
1. Socialisation politique des personnalités interviewées 
2. Carrière politique : acces et vécu 
CHAPITRE VII. ANALYSE ET DISCUSSIONS 
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES
ANNEXES
RESUME

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