Les épidémies d’hépatites virales entéro-transmissibles ont été pendant longtemps attribuées à un seul agent étiologique, le Virus de l’hépatite A (VHA). Ce n’est qu’en 1980 que l’existence d’un nouveau virus responsable d’hépatite à transmission entérique a été postulée suite à une épidémie s’étant déroulé au Cachemire en Inde, en 1978. L’étude des cas montra l’absence des marqueurs sérologiques de l’hépatite A et B (Khuroo, 1980). Rétrospectivement, la première épidémie d’hépatites non-A non-B identifiée causa 29300 cas à Delhi, en Inde en 1955-56 (Viswanathan, 1957).
Interpellé par la ressemblance d’une épidémie d’hépatites en Afghanistan avec celle du Cachemire, Balayan et al. (1983) transmirent avec succès cette hépatite non-A non-B à un volontaire à partir des selles de patients infectés et identifièrent pour la première fois les particules virales par microscopie électronique (Balayan et al., 1983). En l’absence d’échantillons concentrés, il fallut attendre près de 10 ans pour obtenir la première séquence de ce virus responsable d’épidémies d’hépatites non-A non-B à partir de biles de macaques infectés expérimentalement par un isolat birman. Le virus fut nommé Virus de l’hépatite E (VHE) (Reyes et al., 1990). Par la suite, le génome complet fut séquencé (Tam, 1991) et un test de détection des anticorps anti-VHE fut développé (Yarbough et al., 1991). Le VHE représente un fardeau dans les pays à faible niveau d’hygiène où le nombre de cas symptomatiques annuel est estimé à plus de 3 millions et le nombre de décès à 70000 par an (Rein et al., 2011). Jusqu’à 1997, il semblait que le VHE était endémique seulement dans les pays à faible niveau d’hygiène. Or la présence de fortes séroprévalence dans les pays industrialisés et la découverte de cas d’hépatite E sporadiques non liés à des séjours en régions tropicales et subtropicales, a mené à réviser cette distribution. Mais alors que l’origine hydrique des contaminations dans les pays à faible niveau d’hygiène semble bien établie, les origines et modes de transmission des cas sporadiques dans les pays industrialisé sont toujours sujet à questionnement.
Le génome du virus de l’hépatite E est un ARN simple brin positif d’environ 7.2 kb. Il est coiffé en 5’ par une 7-méthyl-guanine et polyadénylé en 3’. Il comporte de courtes régions non codantes en 5’ et en 3’ (ou UTR, pour UnTranslated Region) et 3 cadres de lecture (ou ORF, pour Open Reading Frame) partiellement chevauchants, appelés ORF1, ORF2 et ORF3 (Figure 1). Des ARN subgénomiques de 3.7 kb et 2.2 kb ont été détectés dans les tissus hépatiques de macaques infectés expérimentalement (Tam et al., 1991), mais seul l’ARN subgénomique de 2.2 kb couvrant l’ORF2 et l’ORF3 a été retrouvé in vitro (Graff et al., 2006; Ichiyama et al., 2009).
L’ORF1 code pour une polyprotéine non-structurale d’environ 1700 acides aminés (Figure 1). Cette taille dépend notamment de la taille de la région hypervariable (HVR) située au milieu de l’ORF1. Cette région hypervariable, riche en proline, varie en séquence et en taille parmi les différents isolats VHE et serait un site de liaison protéine-protéine (Purdy, Lara, et al., 2012). Six domaines conservés ont été identifiés, incluant une Méthyl-Transférase (MT), une papaïne-like cystéine protéase (PCP), une ARN Hélicase (Hel), une ARN polymérase ARN dépendante (RdRP), ainsi que 2 domaines de fonctions non caractérisés (X et Y) retrouvés également chez le virus de la rubéole et le virus de la rhizomanie (Koonin et al., 1992). La méthyl-transférase catalyse le coiffage en 5’ du génome et des ARN subgénomiques (Magden et al., 2001), coiffe nécessaire à l’infectiosité in vivo (Emerson et al., 2001). La protéase devrait permettre le clivage de la polyprotéine virale, mais son activité n’a pas été démontrée à ce jour. L’hélicase du VHE est codée par une séquence contenant les 7 motifs spécifiques de la super-famille SF-1 des hélicases (Koonin et al., 1992). Ses activités NTPase et ARN déroulante 5’3’ ont été démontrées (Karpe and Lole, 2010). L’ARN polymérase ARN dépendante (RdRP) est codée par une séquence comprenant 8 motifs conservés décrits pour les protéines RdRP des virus à ARN positifs (Koonin et al., 1992). Son activité de synthèse du brin complémentaire a été montrée et sa capacité d’attachement à la partie 3’du génome VHE semble liée à la présence de 2 tiges-boucles et de la queue polyadénylée (Agrawal et al., 2001). Alors qu’aucune fonction n’a été encore trouvé pour le domaine Y, le macro-domaine (ou X) de l’ORF1 code pour une protéine s’attachant aux poly(ADP-ribose) (Egloff et al., 2006). Son rôle dans la réplication et/ou transcription virale a été suggérée.
Le virus de l’hépatite E est un virus nu. L’ORF2 code pour la protéine de capside de 660 acides aminés (Figure 2) (Jameel et al., 1996). Celle-ci comporte une séquence signal (SS), servant à la translocation de la protéine dans le réticulum endoplasmique, et de 3 domaines formant la protéine de capside : le domaine d’attachement à l’ARN (RNA-binding Domain, RbD), le cœur de la capside (Core, C) et la partie saillante (Protruding Domain, PD). La protéine possède 3 sites putatifs de glycosylation. La capside est composée de 30 unités morphologiques, elles-mêmes composée de 60 monomères de la protéine de capside qui s’auto-assemblent lorsqu’elles sont exprimées dans un sytème de baculovirus recombinant (Xing et al., 2011). Les épitopes neutralisant se retrouvent dans le domaine PD en C-terminale de cette protéine. En comparaison à d’autres virus à ARN comme le Virus de l’hépatite C (McLauchlan, 2000), des fonctions accessoires à l’encapsidation du génome viral sont prêtées à l’ORF2 du VHE, telles que : entrée, trafic, signal et sortie du virus de la cellule hôte.
L’ORF3 code pour une petite phosphoprotéine de 113 à 123 acides aminés (Figure 1) sans domaine homologue avec aucune autre protéine connue, mais est nécessaire à l’infectiosité in vivo (Graff et al., 2005; Huang et al., 2007). Plusieurs propriétés sont prêtées à l’ORF3. La surexpression de l’ORF3 activerait la voie des MAPK (Mitogen-Activated Phosphate Kinases) menant l’atténuation du signal mitochondrial de mort cellulaire (Moin et al., 2007). Sa localisation dans les endosomes mènerait à un retard dans le trafic du récepteur EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) vers les lysosomes favorisant la survie cellulaire et diminuant la translocation de STAT3 (Signal Tranducer and Activator of Transcription 3) ce qui résulterait en une atténuation de la réponse immunitaire (Chandra et al., 2008). Enfin, la délétion de l’ORF3 d’un génome VHE cloné empêcherait le relargage de virions dans le milieu extracellulaire, démontrant son rôle dans la sortie des particules virales de la cellule hôte (Yamada, Takahashi, Hoshino, Takahashi, Ichiyama, Nagashima, et al., 2009).
|
Table des matières
INTRODUCTION
I – Généralités sur le Virus de l’hépatite E
I.1 – Historique
I.2 – Structure et fonction du génome du virus de l’hépatite E
I.2.1 – Génome
I.2.2 – Les protéines non structurales
I.2.3 – Les protéines structurales
I.2.4 – ORF3
I.3 – Cyle réplicatif
I.4 – Diversité Génétique du VHE
I.4.1 – Taxonomie
I.4.2 – Génotypes Majeurs
I.4.3 – Nouveaux génotypes de VHE
I.4.4 – Nouveaux genres de VHE
I.4.5 – Classification du VHE en sous-types
I.4.6 – Quasiespèces
I.5 – Clinique de l’hépatite virale E
I.6 – Distribution du VHE : une endémie mondiale
I.6.1 – Distribution du VHE chez l’Homme
I.6.1.1 – Les 2 visages du VHE
I.6.1.2 – Séroprévalences
I.6.1.3 – Distribution des génotypes du VHE
I.6.2 – Distribution du VHE chez l’animal
I.6.2.1 – Le VHE chez le porc
I.6.2.2 – Le VHE chez les cervidés, le sanglier et la mangouste
I.6.2.3 – Autres réservoirs animaux potentiels
I.7 – Sources et modes de transmission du VHE
I.7.1 – Anthroponotique : VHE génotypes 1 à 4
I.7.1.1 – Transmission du VHE par consommation d’eau et d’aliments souillés
I.7.1.2 – Transmission interhumaine du VHE
I.7.1.3 – Transmission fœto-maternelle
I.7.1.4 – Transmission transfusionnelle
I.7.2 – Transmission zoonotique : VHE de génotypes 3 et 4
I.7.2.1 – Zoonoses avérées
I.7.2.2 – Zoonoses suspectées
I.7.2.2.1 – Modèles expérimentaux de transmission interespèce
I.7.2.2.2 – Exposition des personnes en contact avec les animaux
I.7.2.2.3 – Liens épidémiologiques entre hépatite E et origine zoonotique
I.7.2.2.4 – Proximité génétique des souches humaines et animales
I.8 – Prévention
I.8.1 – Hygiène et Surveillance alimentaire
I.8.2 – Vaccination
II – Variabilité Génétique des virus zoonotiques à ARN
II.1 – Variabilité génétique
II.1.1 – Mécanismes de création de la variabilité génétique
II.1.1.1 – Mutations
II.1.1.1.1 – Types de mutations
II.1.1.1.2 – Origine des mutations
II.1.1.1.2.1 – Mutations spontanées
II.1.1.1.2.2 – Les mutations induites
II.1.1.1.2.2.1 – Les mutations induites par un stress oxydatif et UV
II.1.1.1.2.2.2 – Les mutations induites par la polymérase
II.1.1.2 – Mécanismes de recombinaisons et réassortiments
II.1.1.2.1 – Les recombinaisons homologues et hétérologues
II.1.1.2.2 – Les réassortiments
II.1.2 – Taux de mutations spontanées et variabilité génétique
II.1.2.1 – Organismes supérieurs et virus à ADN
II.1.2.2 – Taux de mutations spontanée des virus à ARN
II.1.3 – Effet du biais nucléotidique et de l’usage des codons sur la variabilité génétique
II.1.3.1 – Biais nucléotidique
II.1.3.2 – Biais des dinucléotides CpG
II.1.3.3 – Usage des codons
II.1.3.4 – Co-évolution hôte-virus
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet