GÉNÉTIQUE DE L’HÉMOGLOBINE
Cadre de l’étude
La conscientisation actuelle au sujet du réchauffement global de la planète et du problème plus général des changements climatiques, s’ accompagne de nombreuses questions concernant la pérennité et l’adaptabilité des espèces, notamment les espèces en danger ou vulnérables. La morue franche (Gadus morhua, Linné) fait l’objet de telles préoccupations. D’une grande importance économique, cette espèce démersale subit une pêche commerciale depuis le XVIe siècle. Inféodée à l’océan Atlantique nord, on la retrouve le long de la côte nord-américaine de Cap Hatteras à la Baie d’Ungava, le long des côtes sud-est et sud-ouest du Groënland, dans les eaux islandaises ainsi que le long des côtes européennes du golfe de Gascogne à la mer de Barents, incluant l’île de Bear. Les abondances maximales sont observées généralement à une profondeur de 150 à 200 mètres,mais la répartition des individus s’ étend des eaux côtières à plus de 600 mètres de profondeur (Cohen et al. , 1990). Alors que la plupart des stocks sont actuellement considérés comme surexploités, le changement de température pourrait également avoir contribué à leur déclin (Brander,1997) par l’ altération de leur niche thermique (Magnuson et Destasio, 1997). Cependant les effets d’ un changement de température varient entre les populations (Daan, 1994). Face à une augmentation de la température, les stocks d’eau froide (c .à.d. Labrador, Groenland,mer de Barents) vont avoir tendance à augmenter leur taille, leur taux de recrutement et leur taux de croissance individuel tandis que les stocks d’ eau plus chaude (c. à.d. mer du Nord)
vont voir leur taux de recrutement et leur performance de croissance limités (Partner et al.,2001). En effet, une diminution du recrutement de la morue franche dans la mer du Nord a notamment été associée à des températures d’eau supérieures aux normales durant la dernière décennie (O’Brien et al. , 2000), confirmant l’influence significative de la température de l’eau sur le recrutement des morues (Sirabella et al. , 2001). D’ autre part,Castonguay et al. (1999) ont montré qu’ en réponse au refroidissement de la masse d’eau où se distribuaient majoritairement les morues du Golfe du Saint-Laurent, ces dernières ont modifié leur distribution spatiale afin de se maintenir dans leur gamme de températures préférées. Ainsi un changement de température de leur habitat a modifié leur patron de migration et de distribution. Rose et al. (1994) ont également remarqué un phénomène similaire au large du Labrador et de Terre-Neuve. Une variation de la distribution moyenne de 250 km vers le sud entre 1987 et 1992 a été observée et mise en relation avec une chute d’ environ un degré de la température annuelle moyenne.
Température et Ectothermie
De tels changements dans l’abondance et la répartition des morues pour une modification de quelques degrés de leur habitat illustrent le fait que la température est un facteur abiotique majeur gouvernant le métabolisme des poissons (Wieser, 1973). Ces derniers, par leur condition d’ectothermes, ne peuvent maintenir leur température corporelle par des moyens physiologiques. Celle-ci est quasi similaire à la température de leur environnement et fluctue avec elle (Brill et al. , 1994). Ainsi lorsque la température de l’eau varie, la température corporelle des poissons varie et cela n’est pas sans conséquences.
Les variations de la température corporelle chez les poissons ont un impact sur leur physiologie et leurs effets se retrouvent tant au ni veau moléculaire qu’au ni veau de l’ individu dans son entier. En effet, c’est la température qui détermine la vitesse des réactions enzymatiques et qui dicte le point d’équilibre entre la formation et la suppression des forces non-covalentes qui stabilisent les structures moléculaires et macromoléculaires ainsi que la liaison des ligands aux protéines (Hochachka et Somero, 1984). De plus, la flexibilité structurelle est une condition obligatoire à la fonction des protéines et à l’intégrité des membranes biologiques. Elle est restreinte par les températures froides conduisant à la stabilisation de conformations peu actives alors que les températures chaudes favorisent la plasticité conformationnelle jusqu’ à un point où les structures biologiques ne peuvent plus être maintenues (Hochachka et Somero, 1984). Au niveau de l’individu, l’influence de la température se retrouve notamment dans le taux de croissance, étant donné qu ‘ il résulte de l’ intégration d’ une grande diversité de processus moléculaires.
Brander (1995) a réalisé des modèles mathématiques pour 17 stocks de l’Atlantique Nord et différentes classes d’ âge, permettant d’ expliquer à plus de 90% la variance de la masse à l’ âge des morues et de relier directement la température à la croissance. Colosimo et al.(2003) ont démontré qu’une température d’ acclimatation de 12°C est plus favorable à la croissance des morues qu’ une température de 4°C. Cela est en accord avec de précédentes études démontrant que dans une gamme de températures permettant la croissance, le taux métabolique augmente avec la température de façon exponentielle (Brett, 1979; Jobling,1994).
Les poissons sont donc dépendants de la température ambiante pour maintenir leur métabolisme. C’est pourquoi ils exercent une thermorégulation comportementale (Hutchison et Maness, 1979), évitant les températures physiologiquement défavorables et recherchant leur preferendum thermique (Reynolds, 1977), en corrélation aux optima physiologiques de diverses fonctions (Crawshaw, 1977; Beitinger et Fitzpatrick, 1979),notamment l’optimum de croissance (Brett, 1971; J obling, 1981). La sélection des zones de températures optimales à leur fonctionnement est très précise, les poissons pouvant discriminer des différences de températures différentes aussi petites que O,03°C (Bull,1936; Bardach et Bjorklund, 1957; Steffel et al. , 1976; Claireaux et al., 1995).
Preferendum thermique
Les températures rencontrées par les pOIssons peuvent être classées en quatre catégories: températures létales, températures de résistance, températures tolérées et températures préférées (Fry, 1947). Les températures létales entraînent un déséquilibre physiologique irréversible conduisant à la mort des organismes. Les températures dites de résistance, intermédiaires entre les températures létales et la zone de tolérance thermique,engendrent un stress thermique chez l’individu qui peut cependant survivre si l’exposition à ces températures ne se prolonge pas au-delà d’ une certaine période de temps. Les orgamsmes font fréquemment face à de telles températures, notamment durant les fluctuations circadiennes de la température de leur environnement. Les températures tolérées constituent habituellement la gamme de températures où se distribue une espèce et ne portant pas atteinte à sa survie. Chez la morue franche, la zone de tolérance thermique s’étend de températures légèrement inférieures au point de congélation de l’eau salée,-l,9°C, à un peu plus de 20°C (Cohen et al., 1990; Brander, 1997). Cependant, des études ont montré que les limites de la zone de tolérance thermique dépendent de la température d’acclimatation qui est la température à laquelle un organisme est exposé suffisamment longtemps pour qu’ il y ait remaniement et ajustement de ses fonctions vitales afin qu’il fonctionne de façon optimale sous ces nouvelles conditions de température (Crawshaw,1977). Ainsi des morues acclimatées à une température de SoC présentent une limite supérieure de tolérance de 16 à lrC, tandis que des morues acclimatées à 16°C ont une limite de 21 à 22°C (Jobling, 1988). Toutefois la température la plus élevée tolérée par les morues semble être 23-24°C (McKenzie, 1934). Pbrtner (2002) a récemment introduit le concept de température pejus (Tp) à la suite de la mise en évidence de la limitation de la tolérance thermique par l’oxygène. Cette température correspond à un seuil au delà duquel l’apport en oxygène à l’organisme n’est plus optimal et s’ affaiblit plus la température environnant l’organisme s’éloigne de la température pejus. Pour chaque espèce, il en existe un froid (Tp 1) et un chaud (Tp 11). Le ralentissement de la ventilation et de la circulation sanguine par le froid et leur augmentation insuffisante aux températures trop chaudes entrainent une hypoxie progressive chez les individus jusqu’à un second seuil, nommé température critique, où le métabolisme devient alors anaérobique et la tolérance au chaud ou au froid passive et limitée en temps. L’organisme entre alors dans la zone des températures de resistance. Dans la gamme des températures tolérées, souvent dans sa partie centrale, se situe une zone de températures plus restreinte correspondant aux températures préférées, aussi nommée preferendum thermique. Il s’agit d’une étroite gamme de températures où les organismes mobiles placés dans un gradient de températures vont se rassembler ou passer la plupart de leur temps (Reynolds, 1977)
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Table des matières
RESUME
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEA UX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ANNEXES
CHAPITRE I
INTRODUCTION
I.1. CADRE DE L·ÉTUDE
I.2. TEMPÉRATURE ET ECTOTHERMIE
I.3. PREFERENDUM THERMIQUE
I.4. GÉNÉTIQUE DE L’HÉMOGLOBINE
I.5. PROBLÉMATIQUE
I.6. OBJECTIFS
CHAPITRE II
HAEMOGLOBIN POL YMORPHISM OF ATLANTIC COD (GADUS MORHUAL.) FROM THE SOUTHERN GULF OF ST. LAWRENCE AND SOUTHWEST
NOVA SCOTIA
INTRODUCTION
MATERIALS ANDMETHODS
RESULTS AND DISCUSSION
CHAPITRE III
PREFERENDUM THERMIQUE FINAL: EFFET DU GÉNOTYPE D’HÉMOGLOBINE ET DU TYPE DE DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL
III. 1. MATÉRIEL ET MÉTHODES
III.1.l . M ATÉRIEL BIOLOG IQUE
III.1.2. DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
III.1.3. PROTOCOLES EXPÉRIMENTAUX
III.1.4. ANALYSES STATISTIQ UES
lII.2. RÉSULTATS
III.2.1. COMPARAISON DES PREFERENDA THERMIQUES FINAUX SELON LE GÉNOTYPE D’ HÉMOGLOBINE
III.2.2. LE FACTEUR MATURITÉ SEXUELLE
III.2.3. SAISONNALlTÉ
lII.2.4. COMPARAISON DES DISPOS ITIFS EXPÉRIMENTAUX
CHAPITRE IV
DISCUSSION
CHAPITRE V
CONCLUSION-PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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