Genèse historique du concept de la RSE

Dans le contexte actuel de mondialisation et d’hypercompétition, les incertitudes croissantes sur l’environnement global incitent les entreprises à repenser leurs modes de management et leurs façons d’appréhender leurs salariés (Scouarnec, 2014). Les salariés, eux aussi, viennent exprimer de plus en plus des attentes nouvelles auxquelles il faut savoir répondre. La gestion des ressources humaines apparaît donc comme un champ de tension (Louart, Bournois et Livian, 1993 ; Martin, 1998), et ses enjeux deviennent primordiaux pour les entreprises. Dans ce sens, une performance accrue des entreprises passe en partie, par une meilleure gestion des ressources humaines (GRH) et, en particulier, une meilleure canalisation de l’implication des salariés.

Selon Ballet et De-Bry (2001), « que l’on parle de paternalisme, de philanthropie, d’entreprise citoyenne, de développement durable ou bien encore de responsabilité sociale, l’entreprise s’est toujours sentie responsable de ses salariés et œuvre constamment à l’amélioration de leurs conditions de travail et de sécurité ». Intégrer la dimension ressources humaines dans la stratégie de l’entreprise est une nécessité reconnue. Les structures et les hommes donnent un avantage compétitif à leur organisation. Les organisations doivent avoir une stratégie de développement humain et social en harmonie avec leur stratégie économique et leur responsabilité sociale. Elles attendent de la fonction ressources humaines une forte valeur ajoutée (Peretti, Helfer et Orsoni, 2013). Ces mêmes auteurs (Peretti, Helfer et Orsoni, 2013) soulignent que « parler de ressources humaines (RH), ce n’est pas considérer que les hommes sont des ressources, mais que les hommes ont des ressources ».

Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) 

Pour comprendre les enjeux associés à la thématique de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire (IAA) au Maroc, il nous semble utile de faire un bref rappel historique du concept de la RSE, de son mouvement d’institutionnalisation, de ses nombreuses définitions, de ses limites, pour pouvoir mieux appréhender sa perception par les salariés.

Fondements théoriques de la RSE

Le concept de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) connaît un essor considérable depuis plusieurs années à travers le monde. Il ne faudra pas croire pour autant que son succès actuel repose sur un simple effet de mode (Pasquero, 2005). Capron et Quairel-Lanoizelée (2007) s’interrogent au début sur l’émergence depuis quelques années en Europe de la thématique de la RSE, pour savoir s’il s’agissait d’une mode passagère comme en sont coutumiers les milieux managériaux et les consultants. Cependant, ces auteurs soulignent que, même si l’effet de mode existe, il faut admettre aujourd’hui que cette notion s’enracine, poussée par un mouvement diversifié produisant des effets dans les pratiques de management des entreprises.

Pasquero (2005) souligne que les tendances qui agissent sur l’orientation du monde contemporain créent de nouveaux besoins économiques, sociaux et environnementaux, qui à leur tour engendrent de nouvelles exigences de responsabilisation. En ce sens, la RSE est une des formes de la modernité contemporaine dans le domaine de la gestion. Il est donc logique que son développement en suive les contours Pas un seul écrit qui ne signale l’absence d’accord sur la définition même de cette notion, les controverses sur le sens à lui donner et sa portée (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004), et, plus troublant encore, la difficulté majeure d’en cerner les fondements (théoriques, pratiques, académiques et extra académiques) (Gond et Mullenbach-Srvayre, 2004), et la filiation. Selon Combes (2005), « le thème de la RSE suscite autant d’intérêt qu’il ne soulève de controverses, l’absence d’accord sur son sens et sa portée relève d’un affrontement entre deux paradigmes : un paradigme libéral dominant (dont lequel s’inscrit notamment le courant de l’éthique des affaires) et un paradigme émergent, celui du développement durable (DD) (dans lequel s’inscrit la RSE. Ces deux paradigmes, concurrents et en grande partie contradictoires, coexistent aujourd’hui et cherchent à convaincre un auditoire de plus en plus large. Ils utilisent le même vocabulaire et les mêmes concepts, sans pour autant les employer dans le même sens, entretenant ainsi la confusion de sens ».

Sous la locution de la RSE, « il y’a en fait deux grands types de signification : d’une part, un mouvement d’idées qui s’exprime à travers des représentations, des discours et de ce que nous appelons les « acteurs » et, d’autres part, des pratiques de management, de conseil, d’évaluation, de reddition s’appuyant sur des dispositifs et des instruments mis en œuvre non seulement par les entreprises mais aussi par des milieux professionnels (ou non) en train de constituer un nouveau marché » (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007). La représentation de la RSE comme interface entre l’entreprise et son environnement fait apparaître en quoi elle ne peut être considérée comme un concept neutre. Ouvert aux interprétations normatives, il fait l’objet de controverses. « Cet objet scientifique est donc un objet politique » (Pasquero, 2005). C’est un concept controversé : dès 1958, Théodore Levitt (1958), professeur respecté, mettait en garde contre « les dangers de la RSE ». La controverse n’a pas cessé depuis. « Il est surprenant de constater que les arguments invoqués dans les années de formation du concept de RSE n’ont guère varié depuis » (Davis, 1973). De façon simplifiée, ils sont de deux ordres : la légitimité et l’utilité de la RSE (Pasquero,). C’est aussi un concept multidimensionnel, parfois plus idéologique, parfois plus pragmatique, chaque époque a privilégié certaines dimensions aux dépens des autres, mais toutes ont contribuées à l’enrichir. Ce double effort d’approfondissement et d’élargissement du concept de RSE favorise son enracinement dans tous les domaines concernés par l’étude de l’action. C’est en grande partie son imprécision théorique qui lui a permis de dissoudre les barrières interdisciplinaires.

Trois approches sont possibles pour appréhender ce champ (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007) :
– une approche normative qui consiste à élaborer et à préconiser les meilleurs pratiques possibles avec l’idée sous-jacente que la RSE constitue un modèle de contribution à une société meilleure;
– une approche interprétative visant à comprendre à quoi correspondent le concept et le mouvement dans l’évolution contemporaine de nos sociétés et de leurs activités économiques;
– une approche constructiviste partant de l’idée que la RSE est un concept qui s’est développé sans qu’un sens lui ait été donné et que le mouvement en marche peut lui en donner un.

Le concept de RSE s’est considérablement enrichi au fil du temps. Sa diffusion à travers des cultures très variées ne peut qu’accélérer ce processus. Concept avant tout normatif, et donc beaucoup plus politique que technique, il est sujet des ré conceptualisations permanentes, et ne saurait recevoir une définition définitive. Il s’agit d’un concept aux perspectives plurielles, concept ambigu et ambivalent. « Il n’est pas plus aisé à définir aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années car il s’est propagé sans acception commune, porté par un mouvement aux multiples composantes qui a engendré au fil du temps, une grande diversité de points de vue, d’approches, de représentations et d’interprétations » (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2015).

Selon Boidin (2008), la notion de RSE fait débat, ses contours demeurent imprécis. « On peut cependant délimiter ce terme en distinguant deux façons de le définir. La première conception de la RSE est positive : cette dernière y est présentée comme la façon dont les acteurs économiques (et en particulier les entreprises) appréhendent et engagent leur responsabilité dans différents domaines. La seconde perspective est normative : la RSE y est vue comme un but à atteindre à travers la prescription d’actions, de méthodes, de référentiels ». Une définition réunissant ces deux approches est celle de Capron et Quairel (2007) : « La RSE est l’ensemble des discours et des actes concernant l’attention portée par les entreprises à l’égard de leurs impacts sur l’environnement et la société ». De son côté, Yvon Pesqueux (2011) souligne que « la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) peut être considérée comme un discours au sens plein du terme, c’est-à dire venant créer les « éléments de réalité » allant dans le sens du discours, mais aussi comme « prison » des directions de grandes entreprises, prisonnières de ce discours dans une forme de circularité « contenu du discours » – « éléments de réalité produits par le discours ».

Selon Pasquero (2005), comme première approximation, « nous entendons par responsabilité sociale de l’entreprise l’ensemble des obligations; légales ou volontaires, qu’une entreprise doit assumer afin de passer pour un modèle imitable de bonne citoyenneté dans un milieu donné ». D’autres auteurs (Aguilera et al., 2007; Carroll, 2008) définissent la responsabilité sociale de l’entreprise comme «l’ensemble des politiques et des programmes d’action qui vont au-delà des exigences ou des nécessités économiques, techniques ou légales de l’entreprise ». Si nous prenons la définition de Jones (1980) : « La responsabilité sociale de l’entreprise est la notion selon laquelle les entreprises ont une obligation envers des acteurs sociaux autres que les actionnaires et au-delà des prescriptions légales et réglementaires ». Toutefois, l’étude de la responsabilité sociale nécessite une approche élargie aux sciences de gestion; car elle ne s’inscrit dans un champ précis comme la stratégie, le marketing, l’organisation, la gestion des ressources humaines, la comptabilité ou le contrôle de gestion. Elle se veut « transversale » à tous ces domaines (Barthe, 2006). Elle est également « transdisciplinaire », parce qu’elle dépasse les cloisonnements liés aux disciplines. Elle s’ouvre aux sciences de gestion mais également aux sciences humaines et sociales, économiques, politiques, à la philosophie ou encore à la prospective (Barthe, 2006). La RSE se veut à la fois « transversale et transdisciplinaire », parce qu’elle traite de sujets aussi variés que des questions environnementales, sociétales, éthiques, relationnelles, des aspects liées au développement durable, au gouvernement d’entreprise, au risque, à l’innovation…d’un point de vue historique, épistémologique ou anthropologique, par exemple (Barthe, 2006).

Selon Pesqueux (2011), la notion de RSE recouvre deux grands aspects :
– La prise en compte des demandes de ce qu’il est convenu d’appeler les « parties prenantes », la réponse à une demande sociale venant alors confondre responsabilité sociale et réceptivité sociale.
– L’intégration des pratiques liées à cette notion aux logiques de gestion.

C’est en cela que la notion est porteuse de l’ambiguïté de savoir si l’entreprise est « en marché » ou « en société » (Martinet, 1984)? C’est un concept imprécis, mais que son imprécision est plus féconde. Pour les chercheurs, c’est une occasion de continuellement en enrichir le sens. Cela les conduit à déborder les théorisations qui leur sont familières pour emprunter de nouvelles perspectives à d’autres sciences. Le concept de la RSE intrigue par son ambiguïté et le nombre d’interprétations qu’il peut susciter. Pour clarifier et réduire cette ambiguïté, nous proposons de présenter un bref rappel historique, ses multiples fondements théoriques et institutionnels, ses principales définitions se rattachant à des champs disciplinaires différents et enfin ses limites.

Pour parvenir à approcher le concept, il serait plus pertinent de mettre en avant l’évolution du construit RSE et mettre en lumière « la logique d’accumulation de connaissances autour du construit qui s’opère à travers les gisements sémantiques renvoyant chacun à une étape précise de sa construction théorique » (Gond et Mullenbach-Srvayre, 2004).

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Table des matières

INTRODUCTION
Section 1. Fondements théoriques de la RSE
1.1 Genèse historique du concept de la RSE
1.2 Paternalisme et RSE
1.2.1 Modèle de management paternaliste
1.3 Courants de pensée
1.3.1 Le mouvement éthico-religieux
1.3.2 Les mouvements écologiques
1.3.3 Le courant systémiste
1.3.4 Le courant institutionnaliste français
1.3.5 Le libertarisme
1.4 Approches théoriques et définitions de la RSE
1.4.1 Approches théoriques de la RSE
1.4.1.1 Les approches néolibérales
1.4.1.2 Les approches par les parties prenantes
1.4.1.3 Les approches institutionnalistes
1.4.2. Les définitions de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
1.5 Notions périphériques au concept de la RSE
1.5.1 L’éthique
1.5.2 Le principe de gouvernance d’entreprise (corporate governance)
1.5.3 Le développement durable (Sustainable Development)
1.5.4 La théorie des parties prenantes (stakeholder théorie)
1.5.5 La légitimité sociale (licence to opérante)
1.5.6 L’investissement socialement responsable et les agences de notation sociale
1.5.6.1 L’investissement socialement responsable (ISR)
1.5.6.2 Les agences de notation sociale
Conclusion section 1
Section 2. Fondements institutionnels et normatifs de la RSE
2.1 Niveau mondial
2.1.1 L’organisation des nations – unis (ONU)
2.1.2 Le forum économique mondial : global compact
2.1.3 L’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
2.1.4 Les normes du SAI et de l’ISO
2.2 Niveau européen
2.3 Niveau français
2.3.1 La loi sur les nouvelles régulations économiques dite loi NRE
2.3.2 Les normes SD et AFAQ
2.3.3 Le ministère français de l’écologie et du développement durable et de la mer
2.4 Niveau national marocain
2.4.2 Le droit du travail : loi n° 65-99 de 2004 relative au code du travail
2.4.3 L’initiative nationale pour le développement humain (INDH)
2.4.4 Le conseil économique, social et environnemental ou CESE
2.4.5 Le gouvernement marocain
2.4.6 Les discours royaux et l’adhésion aux valeurs de la RSE
2.4.7 Les normes du système de management des aspects sociaux dans l’entreprise
2.4.8 La charte de la CGEM (confédération générale des entreprises du Maroc) pour la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)
2.4.9 La COP22 à Marrakech
2.5 Limites de la notion de la RSE
Conclusion section 2
Section 3. Perception de la responsabilité sociale de l’entreprise par les salariés
3.1 Les mesures de la perception de la responsabilité sociale
3.2 La démarche socialement responsable : principes, procédures et pratiques socialement responsables
3.2.1 Les principes et les valeurs d’action et d’organisation de la RSE
3.2.2 Les pratiques et processus de déploiement de la démarche de RSE
3.3 RSE et cognition
3.3.1 L’approche cognitive de la RSE
3.3.1.1 Le courant cognitiviste
3.3.1.2. La cognition managériale
3.4 La perception de la RSE par les salariés
3.5 Perception et modèle culturaliste de la RSE
3.5.1 Modèle « américain » et modèle « européen » de la RSE
3.6 L’ISLAM : un cadre idéal de réflexion pour la RSE
3.6.1 La vision islamique de la RSE
Conclusion section 3
CONCLUSION

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