Genèse de la submersion: l’effet des tempêtes côtières

Introduction à l’aléa de submersion côtière

  Les processus physiques d’origine climatique façonnent les côtes et engendrent des impacts associés à la submersion marine (Bernatchez et al., 2011; Dolan et Davis, 1994; Forbes et al., 2004). Notons de possibles dommages aux infrastructures, uneperturbation des activités économiques, un déclin des ressources écologiques côtières, et potentiellement des pertes de vies humaines (Carrasco et al. , 2012). Les tempêtes tropicales en sont un exemple typique dans l’océan Atlantique, celles-ci agissant couramment le long du littoral américain. Plus au nord, au-dessus des eaux de l’Atlantique ainsi que dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, il peut également se produire des tempêtes dévastatrices à l’origine de vents forts en provenance du nord-est: elles portent le nom de dépressions extratrapicales (Dolan et Davis, 1994). En octobre 2012, en plus d’une destruction massive d’infrastructures en bord de mer, le système hybride tropical-post tropical Sandy a causé la mort de 43 personnes dans la ville de New York (Benimoff, 2013; Boothroyd et aL, 2013). Les dommages étaient le résultat de la submersion côtière associée à une onde de tempête. La dénaturation du littoral a également été mise en cause: l’éponge qu’offre les milieux naturels face à l’énergie du vent et des vagues ayant été remplacé par des aménagements anthropiques, ce sont les éléments d’urbanisation qui absorbaient l’énergie lorsque Sandy frappait, et par conséquentles dommges ont été importants. Plus au nord, le 6 décembre 2010, le Québec a été témoin d’un phénomène naturel majeur lorsqu’une submersion touchait les rives de l’estuaire maritime et du golfe du Saint-Laurent (Quintin et al., 2013). Les niveaux d’eau extrêmes provoqués dans ces situations de tempête sont le résultat de la combinaison de deux phénomènes principaux. D’abord, la surcote (storm surge) est caractérisée par une amplification de l’élévation de la surface de la mer générée par la basse pression atmosphérique (barometric setup) et l’effet d’empilement créé par les vents exerçant une contrainte sur l’eau en direction de la terre (wind setup) (Soldini et aL, 2013). Le second phénomène est l’agitation marine (wave setupjrunup) due au déferlement (Cariolet, 2011). Une troisième composante peut être associée à l’oscillation des plus longues vagues sur la plage, nommé surf beat (TAW, 2002). Si l’événement survient au moment d’une pleine mer, les niveaux d’eau peuvent être encore plus élevés (Kumar et aL, 2008). Le phénomène de submersion se produit au moment où la somme de ces composantes atteint une altitude supérieure à celle de la crête des accumulations littorales en milieu naturel (Benavente et aL, 2006; Matias et aL, 2008; Stéphan, 2011). En milieu protégé par une défense, il se produit une submersion lorsque l’eau surpasse l’élévation de la crête de l’infrastructure, référé par le terme crest level, qui prévient contre le franchissement par les vagues (Mase et al., 2013; Melby, 2012).

Les systèmes dépressionnaires

  Il existe plusieurs synthèses sur les grands types de tempêtes pouvant provoquer la submersion des littoraux de l’Est du Canada. Forbes et al. (2004), Morton {2002} et Dolan et Davis {1994} identifient le rôle perturbateur et récurrent des tempêtes extratropicales lorsque des dommages sont recensés sur la côte. Ces travaux attribuent une grande part de la submersion côtière à l’effet de la pression atmosphérique ou du centre dépressionnaire et de sa trajectoire. Selon Dolan et Davis (1994), «[00′] people who live along the coastface two types of storm hazardshurricanes and mid-latitudes extratrapical storms.» Ce sont les dépressions extratropicales qui sont les plus fréquentes et qui touchent davantage les côtes canadiennes {Forbes et al., 2004}. Ces tempêtes sont souvent considérées à tort comme étant des ouragans lorsqu’elles approchent le Canada, mais elles ont généralement acquis des caractéristiques typiques de systèmes extratropicaux dans les environs de New York et de la Nouvelle-Angleterre {Masson et Catto, 2013}. Une fois au Canada, elles ont effectué une transition partielle ou complète. Une phase de transition extra tropicale marque la migration d’un stade de cyclone vers celui de tempête extra tropicale. Les systèmes dépressionnaires Igor et Leslie, ayant atteints Terre-Neuve respectivement en septembre 2010 et 2012, ont par exemple causé de nombreux dommages sur les côtes. À lui seul, le système Igor a engendré pour 165 millions de dollars de dommages aux propriétés, et causé la perte d’une vie humaine. Les impacts peuvent être tout aussi considérables sur les côtes à l’intérieur même du système que sur celles en périphérie, mais l’effet de la pression sur l’eau est plus important au centre du système {Morton, 2002}. En dehors de l’effet de l’onde de tempête provenant de la mer, de fortes pluies peuvent être enregistrées. Les risques d’inondation fluviale sont alors plus élevés – Igor a généré plus de 150 mm de pluie en 24 heures à Terre-Neuve et provoqué des inondations.

Les vagues et leur transition à l’approche de la côte

  En initiant la croissance des vagues au large, les vents provoquent un mouvement de la masse d’eau dans la direction vers laquelle ils soufflent (Dean et Dalrymple, 2004). Les vagues sont caractérisées par leur période T, soit la durée (s) entre deux crêtes de vagues – ou leur fréquence f {Hz}, la réciproque de la période (f = 1/T). Les vagues au large se situent en eaux profondes {h/Lo>O,5, où h représente la hauteur de la colonne d’eau (m) et Lo la longueur d’onde de la vague (m)) et ne dépendent pas de la topographie du fond (figure 1.2). Leur hauteur et leur période augmentent alors avec la vitesse et la durée du vent. En eau profonde, les longues vagues voyagent plus rapidement que celles ayant une courte longueur d’onde. En eaux intermédiaires et peu profondes, lorsque la profondeur de la colonne d’eau devient inférieure à la moitié de la longueur d’onde de vague {h/Lo<O,5}, la houle subit une diminution de sa longueur d’onde. S’ensuit une diminution de la vitesse de propagation de la vague, une concentration de l’énergie sur une plus faible distance,et enfin un gonflement de la masse d’eau (wave shoaling) (Masselink et Hughes, 2003). Lorsque la profondeur de l’eau est inférieure à la hauteur des vagues (h<Ho, pour les vagues régulières), ou inférieure à deux fois la hauteur des vagues {h<2Ho, pour les vagues irrégulières}, les vagues pénètrent dans le domaine de la zone de surf, et le déferlement se produit pour certaines vagues, c’est-à-dire que la vitesse des particules d’eau dans la crête de vague dépasse la vitesse de propagation de la vague. Le déferlement provoque une dissipation de l’énergie et une diminution de la hauteur des vagues tout au long de leur déplacement dans la zone de surf. L’absence d’une telle zone sur des plages plus abruptes peut cependant engendrer un déferlement directement sur la plage, augmentant la réflexion. En période de tempête, une forte proportion de l’énergie présente dans la zone de surf provient des vagues à très basses fréquences, nommées vagues intragravitaires. Lorsque h=Q, le phénomène de runup se produit et permet au niveau maximal de l’eau après déferlement de surpasser le niveau marégraphique moyen de l’eau à la côte.

L’agitation marine: l’effet des vagues sur le littoral

  L’agitation marine est un champ de fortes vagues générées par la friction des vents d’afflux. Il s’agit d’un facteur considérable lors d’une surélévation de l’eau en zone côtière (Caspar et al., 2007). Elle peut se définir comme étant la  combinaison de l’agitation locale de la surface de l’eau aux houles générées au large (Cariolet, 2011a). Les conditions d’agitation marine gèrent particulièrement l’action du wave runup et du wave setup près du rivage à travers le paramètre de surf similarity. Ces concepts sont développés dans cette section et sont les fondements des formules utilisées dans le travail.

Utilisation de l’échelle d’impact morphologique des tempêtes

  Sallenger (2000) a proposé une échelle d’impact à la côte (storm impact scale), en termes d’érosion et de submersion côtière suite à une tempête tropicale ou extratropicale, basée sur une définition des niveaux d’eau en regard de l’altitude du sommet et de la base d’un édifice de protection naturel. C’est ainsi que l’auteur définit le trait de côte: « Take DH1GH ta be the elevation, relative ta the fixed datum, of the highest part of the ‘1irst line of defense » [ … J.» Selon cette classification, l’impact morphologique sera différent en fonction de l’altitude relative des niveaux d’eau par rapport à cette crête (figure 1.8). Quoiqu’élaborée sur des plages sableuses des États-Unis ayant comme première barrière morphologique un cordon dunaire, l’échelle compte différents seuils pouvant être appliqués sur d’autres types de littoraux. Stéphan (2011) l’a par exemple utilisé sur des flèches de galets pour évaluer leur réponse face à des épisodes de submersion marine.L’échelle de Sallenger (2000) comporte quatre seuils altitudinaux. Dans le modèle conceptuel, Rmax correspond au runup maximal sur la côte, alors que Rmin représente la limite inférieure de la nappe de retrait (Stéphan, 2011). Dmax est l’altitude maximale de la crête de la plage, soit le sommet de la défense. L’auteur réfère à la « première ligne de défense », c’est-à-dire l’élévation maximale de la première crête rencontrée par l’eau, alors que le terme trait de côte sera utilisé dans ce travail. Dmin correspond à la base de la défense morphologique. Dans l’étude de Sallenger {2000}, ces deux paramètres étaient associés au sommet et à la base de la dune {systèmes dunaires}. Dans le cas où aucune base n’est distinguable, Dmin = Dmax. Quatre niveaux d’impact à la côte sont associés à ces seuils. Le premier régime (impact leve/i), le swash, survient si le runup et la nappe de retrait s’effectue sur la plage uniquement, soit complètement sous le niveau de la base de la défense (Rmax <Dmin ). Une tempête peut, dans un scénario semblable, engendrer de l’érosion sur la plage, et transporter des sédiments qui seront éventuellement redéposés sur celleci. Ensuite, la collision (impact level 2) réfère à l’action du runup lorsque celui-ci atteint ou dépasse la base de l’édifice morphologique (Rmax > Dmin), tout en ayant un potentiel érosif car le jet de rive affecte directement la défense côtière. Le troisième régime constitue l’ overwash (impact level 3), alors que les plus hauts jets de rive dépassent le sommet de la côte {Rmax > Dmax}. Il s’agit d’une situation initiale de submersion côtière, où un phénomène d’overtopping peut se présenter dès que Rmax :::: Dmax et provoquer un transport des sédiments vers la terre. Finalement, le dernier type de régime (impact level 4) correspond à un régime d’ inondation totale (inundation regime) . Toute la portion littorale est alors submergée et l’influence du swash agit constamment au-dessus de la crête (Rmin > Dmax). Dans ce dernier cas, il est fréquent de remarquer un transfert sédimentaire majeur vers l’intérieur des terres et également des situations de ruptures de cordons en raison d’une pression constante sur l’édifice sédimentaire.

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES SYMBOLES ET DES UNITÉS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 ÉTAT DE L’ART SUR LA SUBMERSION CÔTIÈRE
1.1 Introduction à l’aléa de submersion côtière
1.2 Genèse de la submersion: l’effet des tempêtes côtières
1.2.1 Les systèmes dépressionnaires
1.2.2 Les vagues et leur transition à l’approche de la côte
1.2.3 La surcote : une surélévation de la surface
1.2.4 L’agitation marine: l’effet des vagues sur le littoral
1.3 Méthodes de cartographie de l’aléa de submersion
1.3.1 L’approche classique
1.3.2 L’approche intégrant le runup
1.3.3 La mesure du runup in situ
1.3.4 Utilisation de l’échelle d’impact morphologique des tempêtes
CHAPITRE Il SITE D’ÉTUDE: UNE CÔTE BAS-LAURENTIENNE VULNÉRABLE À LA SUBMERSION CÔTIÈRE 
2.1 Localisation et géomorphologie du secteur
2.2 Dynamique côtière
2.3 Contexte marégraphique et météorologique
2.4 L’évènement extrême du 6 décembre 2010 au Québec maritime 
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3.1 Généralités sur l’approche utilisée 
3.2 Données marégraphiques et hydrodynamiques
3.3 Zone submergée le 6 décembre 2010 et géomorphologie du littoral 
3.3.1 Mesures in situ suite à l’évènement
3.3.2 Mesures in situ en 2011 : limites atteintes et levés topomorphologiques
3.4 Mesures du runup in situ en condition calmes et pentes de haut estran
3.5 Statistiques et modélisation empirique
3.5.1 Principes du modèle de runup
3.5.2 Identification des variables géomorphologiques
3.5.3 Régressions linéaires
3.5.4 Modélisation du runup appliquée au secteur d’étude
3.6 Cartographie basée sur le modèle de runup
3.6.1 Positionnement du trait de côte et des limites morphologiques
3.6.2 Intégration du modèle et délimitation des zones submergées
CHAPITRE IV IMPLICATIONS DES PHÉNOMÈNES MÉTÉO-MARINS LORS DE LA SUBMERSION DU 6 DÉCEMBRE 2010
4.1 Synthèse des phénomènes météo-marins du 6 décembre 2010
4.2 Altitude maximale de la submersion et runup atteint
CHAPITRE V SUIVI TOPO-MORPHOLOGIQUE DU HAUT ESTRAN
5.1 Variabilité spatiale du haut estran
5.2 Description géomorphologique des profils étudiés
5.3 Quantification de l’évolution des pentes de hauts estrans
CHAPITRE VI LE RÔLE DE LA GÉOMORPHOLOGIE ET DE L’HYDRODYNAMISME DANS LE PROCESSUS DE RUNUP
6.1 Le runup en conditions de tempête
6.1.1 La pente de la plage
6.1.2 Les autres paramètres morphologiques
6.1.3 Le modèle de runup adapté à la tempête du 6 décembre 2010
6.2 Le runup en conditions calmes
6.3 Le modèle de runup adapté au secteur d’étude
6.4 Comparaison du modèle avec ceux de la littérature
CHAPITRE VII CARTOGRAPHIE DE LA SUBMERSION DU 6 DÉCEMBRE 2010 GRÂCE À UN MODÈLE EMPIRIQUE DE RUNUP ADAPTÉ AU SITE D’ÉTUDE 
7.1 Synthèse du procédé utilisé et paramètres calculés
7.2 Surfaces submergées modélisées: exemple de cartographie
7.3 Variabilité longitudinale des niveaux d’ eau extrêmes prédits
7.4 L’échelle d’impact des tempêtes
7.5 Incertitudes associées aux limites d’application du modèle
CHAPITRE VIII DISCUSSION SUR LE PHÉNOMÈNE DE RUNUP ET SON IMPLICATION DANS LA CARTOGRAPHIE DE LA SUBMERSION CÔTIÈRE
8.1 Retour sur l’approche
8.2 Ambiguïtés relatives aux infrastructures de protection en haut de plage 
8.3 Le type de pente : un critère dépendant des conditions météo marines
8.3.1 La pente du haut estran
8.3.2 La pente du littoral et le modèle adapté au secteur d’étude
8.4 Impact de la morphologie sur le phénomène de runup
8.4.1 Le rôle de l’avant-côte et de la plate-forme rocheuse
8.4.2 Potentiel de submersion du trait de côte .
8.5 Limites du modèle
8.5.1 Incertitudes liées à la numérisation manuelle
8.5.2 Incertitudes associées au filtre Lidar
8.5.3 Erreurs associées aux limites du modèle empirique
CHAPITRE IX
CONCLUSION
RÉFÉRENCES

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