La fusion inertielle classique
La fusion inertielle classique suppose que la compression et le chauffage soient réalisés en même temps. Pour cela on chauffe la capsule externe du combustible (appelée ablateur) à l’aide des faisceaux laser de puissance (de durée ∼ns) ou du rayonnement X (figure 1.1, à gauche), qui est vaporisée et ionisée, en formant un plasma de plusieurs dizains de millions de degrés. Le plasma commence alors à se détendre, et, par réaction, le ballon combustible reçoit violemment un mouvement radial centripète qui produite une onde de choc dans la même direction (figure 1.1, à droite). Cette onde comprime fortement le combustible, et converge vers le centre du ballon, où un point chaud se forme dû à la compression. Ce point chaud doit avoir des conditions suffisantes pour amorcer les réactions de fusion. Une fois le point chaud allumé, les réactions nucléaires doivent se produire en chaîne, fournissant aussi la température nécessaire pour le reste du combustible.
L’objectif et le plan de cette thèse
Les études contenues dans cette thèse s’inscrivent dans le contexte de l’allumeur rapide,et concernent plus particulièrement l’étape de génération et transport des électrons rapides créés dans l’interaction de l’impulsion UHI sub-ps (>1019 W/cm2) avec le plasma sur-critique. On a vu que les électrons doivent avoir des propriétés spéciales pour réaliser les conditions d’ignition sur un point chaud du cœur combustible. Dans cette thèse on va faire une étude de ces électrons, pour bien connaître leurs propriétés en termes de génération, transport, énergie, température, chauffage, etc. Le deuxième chapitre est dédié à un rappel théorique de l’interaction d’une impulsion UHI avec un plasma. Les différents mécanismes de génération et transport des électrons y sont analysés. Des simulations numériques faites en collaboration avec le centre de physique théorique (CpHT) et le CEA renforcent certaines prédictions théoriques. Les problèmes de transport, c’est-à-dire de propagation des électrons dans la matière sont également traités. Le troisième chapitre fait une rétrospective des expériences passées qui ont été faites dans plusieurs laboratoires, dans le contexte de ce sujet. Les divers diagnostics montrent quelques aspects qualitatifs et quantitatifs des électrons, comme leur énergie totale, température, transport, chauffage, etc. L’outil principal utilisé comme diagnostic dans cette thèse est le rayonnement de transition, dont une grande partie du quatrième chapitre y est réservé. On verra les propriétés de ce rayonnement en fonction de l’électron qui le produit et le cadre théorique qui permet de quantifier ces aspects, et comment l’analyse de ce rayonnement permet de remonter aux propriétés des électrons qui sont à l’origine de l’émission. On va traiter aussi deux autres types de rayonnement: le rayonnement bremsstrahlung et le rayonnement synchrotron. Cependant ces mécanismes s’avèrent moins efficaces que le rayonnement de transition, dans nos conditions. Le cinquième chapitre présente la chaîne expérimentale, les différentes expériences qui ont été faites et les diagnostics implantés. Les principales voies de mesure expérimentale sont l’analyse spatiale, temporelle et spectrale du rayonnement de transition émis par les électrons. Les résultats obtenus sont montrés dans le sixième chapitre. Le septième chapitre montre les modèles théoriques développés pour expliquer les données expérimentales. Ces modèles permettent de faire ressortir les propriétés qualitatives et quantitatives des électrons. Un modèle complet contenant la généralisation de toutes les hypothèses employées, est proposé à la fin du chapitre. C’est un modèle décrivant des électrons ultra-relativistes cohérents, émis en paquets périodiques à partir d’un point source (tache focale du laser), qui se propagent balistiquement dans une cible métallique. Le dernier chapitre est réservé à la conclusion générale de cette étude et les perspectives pour des études prochaines.
Pré-plasma
Les impulsions ultra-courtes UHI sont toujours accompagnés par un long piédestal d’intensité relativement faible, mais atteignant souvent des intensités >1015 W/cm2, donc suffisamment pour ioniser la matière de la cible. Ce piédestal est le résultat de l’amplification spontané (ASE – Amplified Spontaneous Emission) des photons dans le milieu active. Au cours de l’interaction d’une impulsion femtoseconde avec un solide, un plasma de faibles dimensions se crée ainsi en face avant (d’autant plus faibles que le contraste de l’impulsion laser est bon). Ce plasma subit seulement une faible expansion hydrodynamique sur l’échelle de temps de l’interaction femtoseconde. Le long plasma coronal sous-critique, caractéristique de l’interaction nanoseconde, n’a pas le temps de se constituer et les conditions pour la génération d’une onde de choc ne se vérifient pas.
Discussion sur les divers mécanismes d’accélération
Certains mécanismes d’accélération peuvent dominer, selon les conditions d’interaction,comme l’intensité du laser, la longueur de gradient du plasma ou la géométrie d’interaction. Une longue rampe de densité favorise plutôt le chauffage paramétrique, mais n’exclut pas l’accélération de type vxB, car la surface de la cible peut être raidie par effet pondéromoteur. Une incidence normale n’est pas incompatible avec l’absorption résonante ou le chauffage d’écrantage. La focalisation de l’onde laser sur la cible est accompagnée par une composante électrique longitudinale. De plus, pour des hautes intensités la surface de la cible est déformée et le laser interagit localement en incidence oblique avec la surface de la cible. L’ensemble des mécanismes présentés dans ce chapitre a été pris en compte par des simulations PIC.
Généralités sur le transport
La propagation d’un faisceau d’électrons relativistes est un phénomène qui met en jeu plusieurs processus simultanément:
– La densité élevée du milieu de propagation impose de prendre en compte les collisions élastiques et inélastiques des électrons avec les atomes. Les collisions élastiques sont responsables de la divergence angulaire du faisceau ; les collisions inélastiques contribuent au ralentissement des électrons et au chauffage du milieu.
– Les électrons n’étant pas injectés de l’extérieur mais arrachés aux premières couches du milieu de propagation, cela entraîne une forte séparation de charge et un champ électrostatique longitudinal de rappel, qui s’oppose à la propagation.
– La densité de courant associé aux électrons donne lieu à la formation d’un champ magnétique azimutal, qui tend à collimater les électrons par l’intermédiaire de la force de Lorentz, et d’un champ électromoteur qui s’oppose lui aussi à la propagation des électrons. Une neutralisation en charge quasi-parfaite permet d’éviter l’explosion coulombienne du faisceau.
– Le champ électromoteur que l’on vient d’évoquer induit la formation d’un courant de neutralisation (courant de retour) auquel participent les électrons libres du milieu. Ce courant neutralise localement de manière partielle le faisceau rapide et permet de réduire la densité de courant net en dessous du seuil d’Alfvén, qui correspond à l’autosuppression d’un faisceau de particules chargées sous l’effet de ses forces magnétiques internes.
– L’énergie cinétique des électrons rapides est cédée au milieu par les collisions inélastiques et par l’effet ohmique associé au courant de retour. Ce chauffage est suffisant pour ioniser les atomes et changer la conductivité électrique du milieu, et qui, à son tour, influence les champs et la propagation.
– La conductivité électrique à laquelle est directement lié le courant de retour est une donnée importante. Dans le cas de la matière dense et chaude (état intermédiaire entre un plasma dense et un solide froid) c’est un paramètre encore mal connu, à la fois du point de vue expérimental et théorique.
– La présence simultanée du courant de retour, du courant rapide, du champ magnétique azimutal, ainsi que des non uniformités dans la conductivité peut conduire à la formation d’instabilités à l’échelle microscopique et macroscopique par rapport à la taille du faisceau), qui compliquent la description de la propagation. Tous les processus évoqués sont fortement couplés entre eux et se manifestent à l’intérieur même du milieu de propagation. Dans les paragraphes suivants nous considérons en général comme milieu de propagation l’aluminium, dans l’explication des différents processus liés au transport des électrons rapides.
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Table des matières
Résumé
Abstract
Sommaire
Chapitre I – Introduction
I.A. Contexte général de la thèse
I.B. La fusion par confinement inertiel (FCI)
I.B.1. La fusion inertielle classique
a) L’attaque directe
b) L’attaque indirecte
I.B.2. L’allumeur rapide
I.C. L’objectif et le plan de cette thèse
Chapitre II – Interaction laser-plasma en régime femtoseconde
II.A. Définition des grandeurs et des équations élémentaires.
II.A.1. Transparence induite
II.A.2. Auto-guidage (focalisation) relativiste
II.A.3. Pré-plasma
a) Considérants théoriques
b) Pré-plasma sur la chaîne 100 TW de LULI – mesures expérimentales
II.B. Génération des électrons rapides
II.B.1. Absorption collissionelle (bremsstrahlung inverse)
II.B.2. Absorption par effet de peau anormal
II.B.3. Absorption résonante
II.B.4. Chauffage d’écrantage (Vacuum Heating)
II.B.5. Accélération J B r r × (pondéromotrice)
II.B.6. Absorption paramétrique
II.B.7. Discussion sur les divers mécanismes d’accélération
II.C. Transport dans un solide
II.C.1. Généralités sur le transport
II.C.2. Diffusion angulaire
II.C.3. Pouvoir d’arrêt collisionnel et radiatif
II.C.4. Effets collectifs
a) Introduction
b) Neutralisation du faisceau et courant de retour
Neutralisation en charge
Neutralisation en courant
c) Importance des champs
d) Chauffage résistif
e) Compétition entre chauffage collisionnel et résistif
II.C.5. Instabilités
II.D. Simulations PIC
II.D.1. Génération et transport des paquets électroniques
II.D.2. Déflexion magnétique des électrons
II.D.3. Transport des paquets électroniques et réflexion au bord de la cible
Conclusions du chapitre
Chapitre III – Rappel des expériences antérieures
III.A. Radiographie transversale du transport
III.B. Le diagnostic de réflectivité
III.C. L’émission X Kα et XUV
III.C.1. Imagerie XKα et XUV. Aspects géométriques
III.C.2. Estimation de la température à partir des images XUV
III.C.3. Spectroscopie X Kα
III.D. Emission visible
III.E. Spectre en énergie des électrons sortant de la cible
III.F. Conversion énergie laser / électrons
III.G. Température des électrons rapides
Chapitre IV – L’émission du rayonnement en face arrière des cibles
IV.A. Rayonnement de transition
IV.A.1. La longueur de formation
IV.A.2. Le cas de l’incidence normale
a) Dépendance spectrale en incidence normale
b) Distribution angulaire en incidence normale
IV.B. Rayonnement Cerenkov
IV.C. Rayonnement émis par des charges accélérées
IV.C.1. Rayonnement Bremsstrahlung
IV.C.2. Rayonnement synchrotron
IV.C.3. Estimations numériques dans le cadre de l’expérience
IV.D. Comparaison rayonnement de transition / rayonnement synchrotron
Chapitre V – Dispositif expérimental
V.A. La chaîne 100 TW du LULI
V.B. Les diagnostic: L’analyse des électrons par l’étude de l’émission en face arrière des cibles
V.B.1. analyse spectrale et temporelle
V.B.1. imagerie 2D
Chapitre VI – Résultats expérimentaux. L’émission du rayonnement Visible-UV en face arrière des cibles
VI.A. L’analyse spectrale
VI.B. Evolution temporelle de l’émission
VI.C. L’imagerie 2D face arrière / face avant
Chapitre VII – Modèle CTR (Coherent Transition Radiation)
VII.A. Modèle 1D des paquets électroniques périodiques
VII.A.1. Hypothèses
VII.A.2. Cas de plusieurs paquets identiques
VII.A.3. Signal d’un seul paquet
VII.A.4. Energie CTR cohérente totale
VII.A.5. Modèle théorique 1D avec deux types de paquets
VII.A.6. La dépendance en épaisseur
VII.A.7. Cas des cibles très minces (<1 µm)
VII.A.8. Analyse spectrale et intensités relatives des harmoniques
VII.A.9. Comparaison entre le spectre expérimental et le modèle CTR
VII.A.10. Signal incohérent
VII.A.11. Conclusions sur le modèle CTR
VII.B. Modèle de re-circulation électronique dans la cible
VII.B.1. Estimation de la durée d’émission
VII.B.2. Estimation du coefficient de réflexion R
VII.B.3. Estimation du nombre des allers-retours
VII.B.4. Discussion sur la conservation du contraste des paquets
VII.C. Discussion sur le plasma créé par les électrons
VII.D. Modèle qualitatif généralisé, confrontant les différentes types d’analyses
Chapitre VIII – Conclusions et perspectives
Annexe 1 – Rayonnement de transition
A1.I. Rayonnement de transition optique produit à la traversée d’une lame mince sous incidence quelconque
A1.II. Le rayonnement de transition produit lors de la traversée d’un milieu épais
A1.III. La permittivité électrique ε(ω) de l’aluminium
A1.IV. Dépendance angulaire et spectrale en incidence normale
A1.V. Comportement asymptotique
A1.VI. L’incidence oblique
Annexe 2 – Rayonnement émis par des charges accélérés
A2.I. Rayonnement Bremsstrahlung
A2.II. Rayonnement émis par une charge en mouvement aléatoire relativiste
A2.III. Spectre émis par une particule relativiste pendant un mouvement aléatoire (analogue au cas circulaire)
Annexe 3 – Calibration Andor + Triax
A3.I. Etalonnage en longueur d’onde
A3.II. L’élargissement spectral induit par le spectromètre
A3.III. Calibration en absolue de la caméra Andor
a) calibration avec un laser HeNe
b) calibration avec une lampe blanche
Annexe 4 – Calcul détaillé de l’énergie CTR cohérente émise par les électrons
A4.I. Calcul du courant ( ) ~j t
A4.II. Importance des électrons énergétiques
A4.III. Le recouvrement partiel des paquets
A4.IV. L’effet des 2 types des paquets
A4.V. Limite du CTR pour une cible extrêmement mince
Annexe 5 – Rayonnement du corps noir
Annexe 6 – Ré-circulation des électrons
A6.I. Discussion sur la déformation du courant j(t)
A6.II. Courant d’un paquet de largeur temporelle τ ∼ TL/10
A6.III. Courant correspondant à plusieurs paquets périodiques
Bibliographie
Conversions, formules utiles, constantes, etc.
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