Génération de champs magnétiques intenses

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Structure électronique, propriétés optiques

Le corindon est un cristal transparent entre 0.2 eV (6.5 µm) dans le moyen infrarouge et 8.8 eV (140 nm) dans l’ultra-violet. Ainsi, les propriétés optiques du rubis dans la gamme d’énergie proche du visible (2 3 eV ) sont essentiellement liées à la présence des ions chrome. La structure électronique des ions de chrome dans la matrice isolante de corindon a fait l’objet dans les années 1950 et 1960 d’études extensives comme cas d’école pour les modèles type champ cristallin des ions de métaux de transition, stimulées par l’utilisation du rubis pour la réalisation de lasers à état solide. On trouvera une bibliographie extensive dans la revue de Syassen [Syassen 2008].
La figure 2.2 présente les niveaux d’énergie pour les électrons d dans un champ cristallin octaédrique (limite du champ fort). Celui-ci lève la dégénérescence d’ordre 5 pour former deux types d’orbitales t2g and eg selon la notation de la symétrie Oh. L’état fondamental correspond à l’occupation des trois orbitales t2g. La différence d’énergie entre t2g and eg est 10Dq = 2.2 eV Dq est le paramètre de champ octaédral. En prenant en compte les interactions électron-électron, l’état fondamental devient un singulet de spin haut (4A2g). Une représentation détaillée de la structure électronique est présentée sur la figure 2.3. Y figurent les effets du champ octaédrique, du champ trigonal et de l’interaction spin-orbite, ainsi que la symétrie et l’énergie des différents états électroniques. L’état fondamental (4A2) de spin 3/2 est en fait une paire de doublets de Kramers séparés de 0.38 cm1, le doublet de spin ±3/2 étant situé en dessous du doublet ±1/2. L’état excité luminescent 2E est clivé en deux doublets de Kramers E et 2A séparés de 29 cm1. Ces niveaux sont les origines des transitions R1 et R2 observées en émission.
Comme on le voit, sur les figures 2.3 et 2.4, trois bandes larges d’absorption sont présentes dans le spectre d’absorption du rubis dont deux sont dans le visible et sont responsables de la couleur rouge/rosé caractéristique du rubis. Elles correspondent aux transitions électroniques 4A2 4 T2 et 4A2 4 T1 qui sont les plus intenses car elles correspondent à des transitions permises par les règles de sélection de spin.
Le peuplement de l’état de bas spin 2E par absorption dans la bande U suivi de processus de desexcitation non-radiatifs entraîne un doublet intense de fluorescence R1, R2 dans le rouge avec : λ(R1) = 694.25 et λ(R2) = 692.86 nm à 300 K. L’énergie d’émission du doublet dépend fortement de la température et de la pression.
En général, on considère que ces effets sont découplés, et on a alors pour la fréquence d’emission ν de R1 : ν = ∆ν([Cr]) + ∆ν(T ) + ∆ν(p) (2.4)
Nous reviendrons dans la suite sur les effets de pression et de température, mais nous allons tout d’abord présenter les effets d’un champ magnétique sur la structure électronique des ions Cr3+ et plus particulièrement sur le doublet R1, R2.

Influence du champ magnétique

L’application d’un champ magnétique sur un système permet de sonder sa structure électronique. En effet, l’existence de moments cinétiques orbitaux L et intrinsèques, de spin, S se traduit par l’existence associée de moments magnétiques ML et MS. Le champ magnétique va alors interagir avec ces moments magnétiques en stabilisant les moments alignés avec le champ appliqué et en déstabilisant les moments pointant dans la direction contraire : c’est l’effet Zeeman : EZeeman = gmJµBB (2.5)
mJ représente le nombre quantique cinétique lié au moment cinétique total J = L + S , B le champ appliqué, g le coefficient gyromagnétique ou facteur de Landé du multiplet considéré et µB est le magnéton de Bohr :µB =2me.
L’effet Zeeman se traduit alors par une levée de dégénérescence des niveaux électroniques en un multiplet de 2J + 1 états caractérisés par leur nombre quantique cinétique.
Dans le cas du rubis, les états 4A2 , E et 2A ont un moment orbital nul. Seul demeure donc une dégénérescence de spin. La figure 2.5 présente l’effet d’un champ magnétique sur ces niveaux et les transitions dipolaires électriques permises en absorption avec leur force d’oscillateur relative. Le facteur g du niveau fondamental est dans la suite désigné par g0. Il est quasi-isotrope et la valeur généralement admise est g0 = 1.98 [Sugano 1958a, Sugano 1958b, Hori 1979]. En revanche, le facteur de Landé des niveaux excités E et 2A est fortement anisotrope. En effet, le spin de ces états est, en l’absence de champ magnétique extérieur, aligné avec l’axe c par un fort couplage avec le champ trigonal par l’intermédiaire de l’interaction spin-orbite. Ainsi, le clivage Zeeman dépend fortement de la direction selon laquelle on applique le champ magnétique par rapport à l’axe c. Selon l’axe c, le facteur g des états E et 2A sera ainsi proche de 2, alors que selon une direction normale à c, il sera proche de 0.

Influence de la pression

Le paramètre de champ cristallin octaédrique Dq d’un ion libre évolue comme d5 d est la distance moyenne entre l’ion métallique et les ligands. Ainsi, une augmentation de la pression, qui se traduit par une diminution du volume du cristal et donc de d entraîne une augmentation de Dq. Cependant, comme on le voit sur la figure 2.3 (b), les niveaux 4A2 d’une part et E et 2A d’autre part sont issus de deux états différents de l’ion libre : 4F et 2G. Ainsi le changement du paramètre de champ cristallin induit par la pression n’influe pas directement sur le doublet R1,R2 puisque il s’agit de la même configuration électronique t3 2 que l’état fondamental : la transition correspond seulement au retournement d’un spin. Ainsi le doublet R subit finalement un faible décalage vers le rouge, linéaire pour des pressions modérées, de 7.57 cm1GP a1 soit 0.365 nmGP a1, essentiellement dû à la diminution des paramètres de Racah B et C et non à l’augmentation de 10Dq. Cette diminution de B et C est une signature de l’augmentation progressive de la covalence de la liaison Cr O induite par la diminution de volume. En revanche, les bandes d’absorption U et Y sont décalées vers le bleu puisque les énergies des transitions t3 2g t2 2ge1 g dépendent directement de 10Dq. Ceci a pour effet une diminution progressive sous haute pression de l’efficacité du pompage de la luminescence par excitation dans le vert à énergie fixée λ = 532 nm.

Application aux mesures de pression et température insitu

L’évolution du doublet R avec p et T étant parfaitement reproductible et très peu dépendante de l’histoire de l’échantillon ou de sa géométrie, le rubis est rapidement apparu, dès l’invention de la cellule à enclumes de diamant comme un capteur de pression et de température potentiel. En fait, en mesurant, à distance, la luminescence d’un petit cristal de rubis placé dans la chambre de pression près de l’échantillon étudié, on peut déterminer avec precision et commodité la pression et éventuellement, dans certaines gammes, la température.
Par un processus de calibration utilisant l’équation d’état du chlorure de sodium NaCl, on peut ainsi construire une échelle secondaire de pression [Barnett 1973, Piermarini 1975, Chervin 2001, Chijioke 2005]. En dessous de 20 GP a, le domaine accessible avec notre cellule à enclumes de diamant, la variation est linéaire et on a donc :

p = λ(R1)(p, T ) λ(R1)(p = 0.1 MP a, T )0.365 (2.7)

p est en gigapascals (GP a) et la longueur d’onde λ en nanomètres (nm). Au delà, l’évolution devient non linéaire. Des calibrations ont été réalisées jusqu’à 150 GP a [Chijioke 2005]. Une étude récente a confirmé expérimentalement que la variation induite par la pression de la longueur d’onde de R1 est identique à basse température [Nakano 2000]. Pour les expériences multi-megabar, on utilise soit des extrapolations de l’échelle du rubis e.g. [Loubeyre 002] soit une autre échelle secondaire basée sur le signal Raman des enclumes de diamant [Eremets 003].

Configuration B c : effet Paschen-Back

Comme on peut le prévoir pour un cristal de structure hexagonale, l’application d’un champ magnétique selon une direction normale à l’axe cristallographique c pro 1.780 1.785 1.790 1.795 4.2 K 77 K g0 Intensity (arb.units) Energy (eV) p= 1.5 GPa B // c voque une modification du spectre de photoluminescence différente de celle décrite plus haut lorsque B k c. Le diagramme de clivage magnétique du doublet R mesuré à 77 K, sous haute pression (5.3 GP a), avec B c est présenté sur la figure 2.13, en bon accord avec de précédentes études à pression ambiante [Hori 1979, Aoyagi 1963]. Il est clair que dans cette configuration, l’évolution de l’énergie des différentes transitions observées n’est plus linéaire. On parle d’effet Paschen-Back. En particulier, les lignes extrémales notées M et U sont bien décrites par un comportement quadratique en champ magnétique. Pour mieux visualiser l’origine de cette non-linéarité, on a porté sur le même graphe la position du centre de gravité de chacun des deux multiplets issus des deux raies R1 et R2. On remarque alors que ces lignes semblent se repousser. En fait, le clivage observé est la superposition de plusieurs effets, sché- matisés sur la figure 2.14 :
une répulsion quadratique en champ magnétique des états E et 2A : effet Paschen-Back
un clivage Zeeman linéaire du niveau 4A2 en quatre sous niveaux avec un facteur de Landé proche de 2
un facteur de Landé proche de 0 pour les états excités E et 2A : (g1 g2) 1.

Hydrostaticité à basse température

Le rubis étant communément utilisé comme capteur de pression in-situ dans les expériences utilisant les cellules à enclumes de diamant, ses propriétés optiques sous conditions de compression hydrostatique, quasi-hydrostatique et uniaxiales ont fait l’objet d’études extensives tant expérimentales [Piermarini 1975, Besson 1979, Eggert 1989] que théoriques [Sharma 1991] (voir aussi les références dans [Syassen 2008]). Ainsi, avant de présenter l’analyse de l’évolution des mesures sous champ magnétique, nous allons tout d’abord caractériser les conditions d’hydrostaticité dans nos expé- riences. On sait [Piermarini 1973] que le mélange 4 :1 méthanol-éthanol que nous avons utilisé comme milieu transmetteur de pression reste quasi-hydrostique jusqu’à 10 GP a à température ambiante. Une étude récente par Klotz et al. [Klotz 2009] vient de le confirmer de manière très précise. Cependant, nos mesures ont été réalisées à basse température pour lesquelles ce mélange d’alcool est solide en dessous de 150 K. On peut donc s’interroger sur l’existence de gradients de pression dans la chambre de compression et donc sur l’échantillon lui-même de dimension 100 µm.

Magnéto-photoluminescence sous haute pression

Nous allons maintenant décrire l’évolution avec la pression des spectres de magnétophotoluminescence décrits dans la section précédente. Comme on pouvait s’y attendre pour un composé aussi peu compressible que le corindon (Cf : 2.1.1), les variations observées sur les spectre de photoluminescence et de magnéto-photoluminescence sont faibles. Il s’agit uniquement de l’évolution progressive des différents paramètres accessibles par l’analyse de nos mesures magnéto-optiques. Ceci justifie, a posteriori que l’analyse qui précède soit illustrée par des mesures réalisées à haute pression.

Facteur de Landé de l’état fondamental, effet PaschenBack

Nous avons tout d’abord observé l’évolution du facteur de Landé de l’état fondamental avec la pression. Les théories de type champ cristallin [Sugano 1958a, Sugano 1958b] prévoient des variations faibles sur la troisième décimale de g0 en fonction de la direction et de la pression. Cependant, notre mesure centrée sur les propriétés des états excités ne nous autorise qu’une résolution ±0.02. Nous trouvons g exp 0 (p) = 1.98 ± 0.02 , i.e. une valeur isotrope et constante avec la pression dans la limite expérimentale en bon accord les mesures de résonance paramagnétique électronique (RPE) sous haute pression [Nelson 1967], et ceci pour les deux configurations mesurées : B k c et B c. De même, nous n’avons pu mettre en évidence une quelconque variation de δ paramètre de clivage à champ nul. Enfin, nous n’avons pas détecté d’élargissement sous haute pression des raies d’émission entre E et 2A et les sous-niveaux Zeeman de 4A2. Ainsi, (g1 et g2) demeurent inférieurs à la limite mesurable.
D’autre part, nous avons étudié l’évolution de l’effet Paschen-Back qui reflète la compétition entre l’anisotropie à champ nul, responsable de la quantification du spin des états excités le long de l’axe optique, et le champ magnétique appliqué selon lequel ce spin est contraint de s’aligner progressivement. Là encore, aucune modification du comportement sous champ magnétique n’est observé jusqu’à 6.7 GP a. Ceci est en accord avec les mesures à champ nul de A montrant que ce paramètre reste quasi-inchangé. Il est intéressant de noter que le caractère Ising de ces spin reste inchangé dans le cas du rubis. Dans un composé voisin, l’alexandrite (BeAl2O4 : Cr3+) une transition progressive d’un spin de type Heisenberg vers un spin de type Ising c’est-à-dire une modification importante de la structure électronique locale et des couplages a été rapportée [Kuroda 1992].

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1 Techniques expérimentales 
1.1 Champs magnétiques pulsés
1.1.1 Génération de champs magnétiques intenses
1.1.2 Générateur
1.1.3 Bobines
1.1.4 Caractéristiques du champ produit
1.1.5 Mesure du champ
1.1.6 Cryogénie
1.1.7 Contraintes pour les expériences en champs pulsés
1.2 Ganza : une cellule à enclumes de diamant adaptée aux champs pulsés
1.2.1 La cellule à enclumes de diamant (CED)
1.2.2 Spécificités de Ganza
1.3 Spectroscopies optiques sous champ magnétiques pulsé
1.3.1 Montage de magnéto-photoluminescence
1.3.2 Montage de magnéto-absorption
1.4 Conclusion
2 Champ trigonal dans le rubis 
2.1 Le rubis : présentation, état de l’art, propriétés
2.1.1 Structure cristalline, propriétés élastiques
2.1.2 Structure électronique, propriétés optiques
2.1.3 Influence du champ magnétique
2.1.4 Influence de la température
2.1.5 Influence de la pression
2.1.6 Application aux mesures de pression et température in-situ
2.2 Résultats : magnéto-photoluminescence
2.2.1 Expériences
2.2.2 Configuration B k c : effet Zeeman
2.2.3 Configuration B ? c : effet Paschen-Back
2.3 Hydrostaticité à basse température
2.4 Magnéto-photoluminescence sous haute pression
2.4.1 Facteur de Landé de l’état fondamental, effet Paschen-Back
2.4.2 Clivage intrinsèque des états excités
2.5 Champ trigonal et structure locale sous pression
2.6 Conclusions
3 Structure de bandes du séléniure d’indium 
3.1 Le séléniure d’indium : présentation, état de l’art, motivations
3.1.1 Structure cristalline
3.1.2 Structure électronique : premières études numériques et expérimentales
3.1.3 Propriétés optiques : exciton dans les semiconducteurs lamellaires
3.1.4 Propriétés optiques : évolution sous pression
3.1.5 Calculs DFT : élucidation des modification de la structure de bandes sous pression
3.1.6 Modèle k.p
3.1.7 Exciton, diamagnétisme et niveaux de Landau
3.1.8 Motivations
3.2 Résultats : mesures d’absorption
3.2.1 Absorption à basse température
3.2.2 Absorption sous haute pression : tendances générales
3.3 Mesures de magnéto-absorption à pression ambiante
3.3.1 Tendances générales
3.3.2 Masse effective et non-parabolicité
3.3.3 Comparaison avec le séléniure de gallium GaSe
3.4 Mesures de magnéto-absorption sous haute pression
3.4.1 Confirmation du modèle k.p
3.4.2 Mise en évidence d’un maximum toroïdal pour la bande de valence
3.5 Conclusion
4 Luminescence dans les boites quantiques InP/GaP 
4.1 Boîtes quantiques auto-assemblées
4.1.1 Intérêt des boîtes quantiques InP/GaP
4.1.2 Mécanisme d’auto-assemblage de Stranski-Krastanow
4.1.3 Structure électronique des semiconducteurs O D
4.1.4 Modèle de Fock-Darwin pour les électrons
4.1.5 Excitons dans les boîtes quantiques auto-assemblées
4.1.6 Magnéto-photoluminescence dans les boîtes quantiques autoorganisées : état de l’art
4.1.7 Boîtes quantiques InP/GaP : état de l’art, motivations
4.2 Résultats : mesures de photoluminescence
4.2.1 Description des échantillons, conditions expérimentales
4.2.2 Influence de l’intensité d’excitation
4.2.3 Influence de la température
4.3 Résultats : photoluminescence sous champ magnétique intense
4.3.1 Analyse
4.3.2 Masse effective et confinement des porteurs
4.3.3 Effets de la température
4.4 Résultats : photoluminescence sous haute pression
4.4.1 Tendances générales
4.4.2 Absence de la transition G – X
4.4.3 Coefficient de pression effectif
4.4.4 Mesures de magnéto-photoluminescence sous pression
4.4.5 Conclusion : évolution sous pression des différents termes de l’énergie de l’exciton
4.5 Conclusions
Conclusions et perspectives 
A Détails sur les techniques expérimentales 
A.1 Description des appareils
A.1.1 Spectromètres
A.1.2 Sources
A.1.3 Synchronisation
A.2 Manipulations
A.2.1 Préparation et chargement de la cellule
A.2.2 Ajuster la pression
A.2.3 Déroulement d’un cycle de mesures
B Publications associées 
Bibliographie 

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *