Au cours des dernières décennies, Pseudomonas aeruginosa s’est imposé comme un pathogène hospitalier majeur, responsable d’un nombre important d’infections remarquables par leur sévérité [141]. Grâce à sa capacité à utiliser différents composés organiques comme substrats énergétiques, ce bacille à Gram négatif, aérobie strict, non fermentaire, vit dans des environnements très divers pendant de longues périodes. Il s’agit d’un micro-organisme saprophyte de l’environnement, notamment retrouvé au niveau de l’eau, des sols humides et des végétaux. Il est également un commensal de l’homme, en particulier au niveau intestinal. Enfin, il peut coloniser certains appareils comme l’appareil respiratoire, le tractus urinaire ou certaines plaies cutanées chroniques [90]. Du point de vue de sa pathogénicité P. aeruginosa est considéré comme une bactérie opportuniste, provoquant des infections chez des patients ayant une diminution de leur système de défense immunitaire. Ainsi, il est responsable, pour une large part, d’infections nosocomiales, notamment des sites respiratoires et urinaires [105]. Il est particulièrement redouté chez le grand brulé et le patient atteint de mucoviscidose où il peut, chez ce dernier acquérir des phénotypes de multi résistance et de virulence lorsqu’il est sous sa forme mucoïde [67, 100]. En effet, P. aeruginosa est caractérisé par son aptitude particulière à acquérir et cumuler de nombreux et divers mécanismes de résistance :
– sécrétion de β-lactamases,
– modification de la perméabilité membranaire (efflux, imperméabilité)
– modifications de cible, notamment des topo-isomérases [84].
GENERALITES SUR PSEUDOMONAS AERUGINOSA
Définition
Pseudomonas aeruginosa est une bactérie à Gram négatif qui se présente sous forme de bacilles fins, droits et très mobiles grâce à un flagelle polaire. Elle est dépourvue de spore et de capsule, est aérobie stricte avec un métabolisme non fermentaire. Elle est fréquemment retrouvée dans l’environnement notamment dans le milieu hospitalier où elle est souvent à l’origine d’infections dites nosocomiales.
L’agent pathogène
Classification
P. aeruginosa est une bactérie à Gram négatif appartenant à la famille des Pseudomonadaceae qui inclut dix genres, le genre Pseudomonas est le plus apparenté incluant 140 espèces dont les principales sont :
● Pseudomonas aeruginosa,
● Pseudomonas fluorescens,
● Pseudomonas putida,
● Pseudomonas stutzeri.
Habitat
P. aeruginosa vit normalement à l’état de saprophyte dans l’eau et le sol humide ou sur les végétaux. Cette bactérie résiste mal à la dessiccation. Elle peut vivre en commensale dans le tube digestif de l’homme et de divers animaux. Elle peut survivre et se multiplier dans une infinie variété de liquides et de milieux, sur des supports et des matériels surtout s’ils sont humides. Elle est très fréquemment retrouvée dans le milieu hospitalier [7, 20].
Caractères morphologiques
P. aeruginosa est une bactérie à Gram négatif. Elle se présente sous forme d’un bacille fin, droit et très mobile grâce à un flagelle polaire (ciliature monotriche), dépourvu de spore et de capsule. Elle apparaît la plupart du temps isolée ou groupée avec d’autres bacilles en diplobacille .
Caractères culturaux
P. aeruginosa pousse facilement sur les milieux ordinaires en développant une odeur aromatique de seringa. En milieu solide trois types de colonies peuvent être observés [20, 28, 35] :
– colonies larges de 2-3 mm de diamètre à bords réguliers, surface plus ou moins rugueuse, plates sur les bords et un peu bombées au centre ayant un aspect « d’œuf sur le plat » ;
– colonies plus petites, lisses, bombées à bords réguliers ;
– colonies muqueuses bombées, coalescentes rencontrées chez les souches produisant du slime.
Au sein d’une culture, les 3 types de colonies peuvent être rencontrés simultanément. La culture est effectuée à 37 °C mais elle est possible à 41 °C. C’est une bactérie non exigeante, qui en culture, sur milieu gélosé, élabore des pigments notamment :
– la pyocyanique (de couleur bleu-vert) hydrosoluble et spécifique de P. aeruginosa ;
– la pyoverdine (verte) soluble dans le chloroforme ;
– d’autres pigments hydrosolubles sont produits de façon transitoire tels que la pyomélanine (brune) et la pyorubrine (rouge).
Elle est aérobie stricte (exigeant en oxygène). Elle respire en aérobiose par phosphorylation oxydative. P. aeruginosa, sur des surfaces biotiques ou abiotiques est capable de produire des agrégats structurés ou biofilms, constitués d’une matrice essentiellement composée de polysaccharides complexes dans laquelle sont insérées les bactéries [62].
Caractères biochimiques
Les caractères biochimiques de P. aeruginosa sont résumés dans le tableau II. La présence d’une oxydase est recherchée sur des cultures en milieu gélosé exempt de sucres fermentescibles ou de sang tel la gélose Müller Hinton. Cette réaction peut se faire à l’aide de disques prêts à l’emploi du commerce, imprégnés de réactif et conservés à 4 °C. La recherche de la catalase se fait en mettant en contact une goutte d’eau oxygénée avec une colonie bactérienne et d’observer ensuite la présence de bulles : P. aeruginosa possède une catalase.
La détermination du caractère non fermentaire est effectuée par l’étude de l’acidification des sucres. Les bactéries non fermentaires peuvent être reconnues grâce à leur aspect sur le milieu Kligler Hajna : elles poussent en pente non sur culot, elles n’acidifient pas le milieu et ne produisent pas de gaz. P. aeruginosa est capable d’utiliser un nitrate comme accepteur final d’électrons en l’absence d’oxygène. La recherche d’une uréase et la production d’indole se font sur milieu urée-indole. La recherche de l’arginine déshydrogénase (ADH), de la lactate décarboxylase (LDC) et de l’ornithine décarboxylase (ODC) peuvent se faire sur milieu FALKOW. L’hydrolyse de l’esculine rompt la liaison glycosidique et libère du glucose et de l’esculétine qui donne une coloration noire en présence de sels de fer, P. aeruginosa n’entraîne pas la lyse de l’esculine. L’utilisation du citrate, comme seule source de carbone par les bactéries, se traduit par une alcalinisation du milieu qui vire au bleu.
Génome
Le génome de P. aeruginosa (figure 3) est le plus grand génome bactérien jamais séquencé. Le chromosome bactérien comprend 6,3 millions de paires de bases, codant pour 5570 gènes, dont la fonction est soit connue avec certitude, soit supposée par comparaison des séquences avec des génomes d’autres espèces bactériennes, soit inconnue. Soixante-dix à 90 % des gènes sont spécifiques de l’espèce, et 10 % à 30 % sont spécifiques du clone bactérien. Le génome chromosomique code notamment pour la plupart des facteurs de pathogénicité de P. aeruginosa, et pour les multiples protéines conférant la résistance aux différentes classes d’antibiotiques. La proportion de gènes de régulation est la plus importante de tous les génomes bactériens séquencés connus. Outre le chromosome bactérien, P. aeruginosa possède de nombreux plasmides transférables par conjugaison ou par transduction.
La taille, la complexité et la variabilité du génome de P. aeruginosa reflètent une évolution adaptative de l’espèce lui permettant de survivre dans différents environnements, et explique en partie la fréquence des résistances aux antibiotiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENERALITES SUR PSEUDOMONAS AERUGINOSA
I.1. Définition
I.2. L’agent pathogène
I.2.1. Classification
I.2.2. Habitat
I.2.3. Caractères morphologiques
I.2.4. Caractères culturaux
I.2.5. Caractères biochimiques
I.2.6. Caractères structuraux
I.2.7. Génome
I.2.8. Pouvoir pathogène de P. aeruginosa
I.2.8.1. Facteurs de virulence membranaire
I.2.8.2. Facteurs de virulence enzymatiques
I.2.9. Le biofilm
I.2.10. Régulation de l’expression des facteurs de virulence ou “Quorum sensing”
I.3. Diagnostic bactériologique
I.3.1. Prélèvements
I.3.2. Examen macroscopique
I.3.3. Examen microscopique
I.3.3.1. L’examen à l’état frais
I.3.3.2. Coloration de Gram
I.3.4. Ensemencement
I.3.5. Identification
I.3.6. Antibiogramme
CHAPITRE II : CLASSIFICATION DES ANTIBIOTIQUES ET MECANISMES DE RESISTANCE DES PSEUDOMONAS
II.1. Mode d’action des antibiotiques
II.2. Classification des antibiotiques
II.2.1. Inhibiteurs de la synthèse du peptidoglycane
II.2.1.1. Les β-lactamines
II.2.1.1.1. Les pénames
II.2.1.1.2. Les céphèmes
II.2.1.1.3. Carbapénèmes, oxapénames et mono-bactames
II.2.1.2. Glycopeptides et fosfomycine
II.2.2. Inhibiteurs de la synthèse des protéines
II.2.3. Antibiotiques actifs sur les enveloppes membranaires
II.2.4. Inhibiteurs des acides nucléiques
II.2.5. Inhibiteurs de la synthèse des folates
II.3. Mécanismes de résistance de Pseudomonas aeruginosa aux antibiotiques
II.3.1. Support génétique de la résistance bactérienne
II.3.1.1. Les mutations chromosomiques
II.3.1.2. Les plasmides
II.3.1.3. Les transposons
II.3.1.4. Les intégrons
II.3.1.5. Les îlots génomiques
II.3.2. Résistances naturelles
II.3.3. Résistances acquises
II.3.3.1. Mécanismes de résistances aux β-lactamines
II.3.3.1.1. Résistance par hyperproduction de la cépholosporinase AmpC
II.3.3.1.2. Résistance par production de β-lactamases de classe A
II.3.3.1.3. Résistance par production de β-lactamases de classe D
II.3.3.1.4. Résistance des β-lactamases de classe B
II.3.3.1.5. Résistance aux β-lactamines par efflux actif
II.3.3.1.6. Altération de la perméabilité membranaire
II.3.3.1.7. Modification des cibles cellulaires
II.3.3.2. Résistances aux fluoroquinolones
II.3.3.2.1. Résistance par altérations des cibles
II.3.3.2.2. Résistance par efflux actif
II.3.3.3. Résistances aux aminosides
II.3.3.3.1. Résistance par modification enzymatique
II.3.3.3.2..Résistance par modification de la perméabilité membranaire
II.3.3.3.3. Résistance par efflux actif
II.3.3.3.4. Résistance par modification de la cible ribosomale
II.3.3.3.5. Rôle de l’opéron OprH-phoP-phoQ dans la résistance des aminosides
II.3.3.3.6. Rôle protecteur de l’alginate ou du biofilm
CONCLUSION