Généralités sur l’organocatalyse
Définition de l’organocatalyse
Le terme organocatalyse désigne la catalyse des réactions chimiques où le catalyseur utilisé pour accélérer la réaction est une petite molécule organique, dépourvue d’éléments inorganiques tels que des métaux, un tel catalyseur est appelé organocatalyseur. Bien que l’utilisation de molécules organiques en tant que catalyseurs soit connue depuis les débuts de la chimie, c’est uniquement au cours de ces dernières décennies que l’organocatalyse s’est démarquée et est devenue un concept à part entière [2]. Elle fait partie des grandes familles de catalyse homogène, aux côtés de la catalyse par les métaux ainsi que la catalyse par les enzymes [3].
Evolution de l’organocatalyse
Le terme organocatalyse a été inventé en 1935 par le chimiste allemand Wolfgang Langenbeck [4]. Les organocatalyseurs sont généralement constitués d’atomes comme le carbone, l’hydrogène, le soufre, le phosphore, l’azote, l’oxygène (C, H, S, P, N, O, …). La plupart du temps, l’organocatalyseur est une molécule chirale énantiopure et permet d’obtenir un produit chiral énantioenrichi: on parle alors d’organocatalyse énantiosélective. En outre, on parlera d’organocatalyse asymétrique si l’organocatalyseur est chiral et permet de contrôler la configuration des centres stéréogènes créés lors de la réaction. L’organocatalyse s’est développée très rapidement depuis 2000 compte tenu du nombre de publications noté dans ce domaine par an.
Types d’organocatalyseurs
La majorité des catalyseurs organiques qui viennent d’être découverts sont à base d’amines chirales (acides aminés, peptides, alcaloïdes comme la quinine de cinchona, les imidazolidinones chiraux) [5]. Les organocatalyseurs sont souvent regroupés par caractère acido-basique. On distingue ainsi les bases et les acides de Lewis, les bases et les acides de Bronsted. Une autre classification est possible selon les différents modes d’action: la catalyse par l’intermédiaire d’énamines, d’ions iminiums, de carbènes, l’activation par liaisons hydrogène, la catalyse SOMO (plus haute orbitale moléculaire occupée) et la catalyse par l’intermédiaire du contre-ion [6]. Les principaux modes d’activation sont détaillés ci-après.
Catalyse par intermédiaire d’énamines
Ce type de catalyse est mis en jeu lors de réactions de fonctionnalisation en α de composés carbonylés. Dans le mécanisme proposé (schéma 4a), le catalyseur A, une amine primaire ou secondaire, réagit avec le composé carbonylé pour former un ion iminium B, en équilibre tautomérique avec l’énamine C. Après réaction avec un électrophile (E+ ), un nouvel ion iminium D est formé. L’hydratation de ce dernier permet de récupérer le produit et de régénérer le catalyseur. La force motrice de cette réaction est la formation d’un intermédiaire énamine fortement nucléophile. Diverses transformations chimiques utilisent l’énamine en tant que nucléophile, comme par exemple les réactions de Michael, de Mannich ou les aldolisations. Elle peut également jouer le rôle de diénophile dans les réactions de cycloaddition de type DielsAlder. Ainsi, de nombreux catalyseurs chiraux ont été développés afin d’étudier et d’améliorer l’efficacité et la sélectivité de ces transformations .
Catalyse par intermédiaire d’ion iminium
L’activation par une énamine met en jeu un dérivé carbonylé (cétone ou aldéhyde) énolisable et une amine primaire ou secondaire conduisant à la formation d’un intermédiaire iminium. L’acidité du proton en position α devient par conséquent plus importante (diminution de la LUMO) permettant une réaction de déprotonation afin de conduire à l’énamine correspondante. Cette entité nucléophile peut alors réagir avec des entités électrophiles permettant ainsi de réaliser des additions ou des substitutions nucléophiles. L’hydratation de l’iminium résultant permettra de régénérer le catalyseur en libérant le nouveau dérivé carbonylé. Le mécanisme de formation d’énamine est universel pour les amines secondaires et primaires et par conséquent le terme de catalyse énamine a été attribué à ce type d’activation [9]. Il intervient principalement dans les réactions d’aldolisation et de Mannich asymétriques .
Catalyse par liaison hydrogène
La liaison hydrogène est une interaction attractive entre le doublet libre d’un atome fortement électronégatif (N, S, O…) et un atome d’hydrogène lié de façon covalente à un atome donneur électrons (également fortement électronégatif). Par le passé, les liaisons hydrogènes étaient considérées ne pas être suffisamment activantes ou directionnelles pour être utilisées en synthèse asymétrique. Le concept de la catalyse par liaison hydrogène fut découvert suite à l’observation d’une augmentation de la cinétique des réactions de Diels – Alder après ajout d’additifs protiques tels que des acides carboxyliques ou des phénols [11]. Cependant, son potentiel ne fut réalisé qu’au début des années 80 alors que Hiemstra décrivit les premières additions conjuguées catalysées par un alcaloïde bifonctionnel, la cinchonidine [12]. Ces travaux furent suivis par ceux de Jacobsen et de Corey qui élaborèrent les premiers catalyseurs interagissant par liaisons hydrogène à partir de l’hydrocyanation respective d’aldéhydes et d’imines [13]. Depuis, divers catalyseurs furent élaborés et exploités en synthèse asymétrique. Parmi les plus représentés, nous pouvons citer les urées et surtout thiourée, les guanidines et amidines, les diols et biphénols, les acides phosphoriques chiraux, les alcaloïdes dérivés de quinquina, les oligopeptides et plus récemment les squaramides L’activation par liaison hydrogène (LH) est fondée sur les interactions faibles non covalentes entre le catalyseur, par exemple une thiourée et le substrat qui voit l’énergie de son orbitale BV (l’orbitale la plus basse vacante) diminuée rendant ainsi l’addition d’un nucléophile plus aisée .
Les avantages et les limites de l’organocatalyse
L’organocatalyse présente différents avantages. Les molécules organiques utilisées dans ce type de catalyse ont la plupart du temps une meilleure tolérance à l’eau et à l’air que les composés organométalliques, et sont moins contraignantes que les enzymes vis-à-vis du milieu réactionnel (température, solvant, pH), ce qui les rend plus simples à manipuler [15]. Le catalyseur est de faible poids moléculaire (en comparaison avec les enzymes), et ne contient pas de métaux de transition. Il évite ainsi les problèmes de pollution, de toxicité et de prix que l’on retrouve souvent avec ce type de composé. En lien avec l’intérêt grandissant de la Société pour la préservation de l’environnement, l’utilisation de petites molécules sans métaux semble de plus en plus attendue. Il est crucial de s’intéresser à la réduction de la toxicité des catalyseurs utilisés en synthèse ainsi qu’à leurs conséquences sur l’environnement, qui sont des aspects faisant partie des principes fondamentaux de la chimie verte [W1]. C’est pourquoi l’organocatalyse occupe une place importante en recherche depuis plusieurs années. En ce qui concerne les applications industrielles, les réactions organocatalytiques ont une grande utilité pour les chimistes médicinaux en tenant compte des principes de la chimie verte. Ces chercheurs constituent le plus grands corps de chimistes synthétiques industriels au monde, et leurs besoins en technologie diffèrent souvent de ceux des chimistes dans la fabrication ou le développement de processus. En effet, des organocatlyseurs ont déjà été pris en charge par certains chimistes médicinaux à la recherche d’agents thérapeutiques enrichis pour un énantiomère particulier .
Mais à côté de ces avantages, l’organocatalyse présente aussi certains inconvénients. La charge catalytique est souvent élevée (notamment pour la catalyse covalente), on peut aussi parfois être confronté à des problèmes de prédictibilité.
Présentation de la réaction d’addition de Michael
Définition et historique
Arthur Michael, né le 7 août 1853 est un chimiste organicien américain, connu pour les réactions d’addition de Michael. Né dans une famille aisée de Buffalo, Arthur Michael est le fils d’investisseur immobilier, John et Clara Michael. Il étudie d’abord au sein du laboratoire d’ Hofmann à l’université de Berlin puis deux ans auprès de Robert Bunsen à l’université de Heidelberg avant de revenir auprès d’Hofmann. Il étudie alors une autre année avec Wurtz à l’école de médecine de Paris et avec Dimitri Mendeleïev à Saint-Pétersbourg. Retournant aux Etats-Unis en 1880, Michael devient professeur de chimie à l’université de Tufts où il enseigne de 1882 à 1889. En 1912, il enseigne la chimie à l’université Harvard jusqu’à son départ à la retraite en 1936. Arthur Michael décède à Orlando le 8 février 1942. Il est principalement connu de nos jours pour l’addition de Michael aussi nommée réaction de Michael. L’addition ou réaction de Michael est une réaction qui permet la création de liaison carbone-carbone voire carbone-soufre nommée sulfa-Michael, carbone-azote nommée aza-Michael ou carboneoxygène nommée oxo-Michael. Cette réaction, le plus souvent catalysée par une base (ou un agent de transfert de phase), nécessite deux partenaires de synthèse, un donneur et un accepteur de Michael. Michael l’a définie initialement comme la réaction de condensation d’un ion énolate sur un composé carbonylé α-β insaturé (aldéhyde, cétone et même ester α, β insaturé).
En 1887, Komnenos a découvert le premier exemple d’un nucléophile de carbone ajoutant à une double liaison carbone-carbone déficient en électron en observant l’addition facile de l’anion de malonate de diéthyle en malonate d’éthylidène [17]. Quatre ans après, Arthur Michael a systématiquement étudié les réactions de divers anions stabilisés avec des systèmes α, β insaturés comme par exemple l’addition conjuguée de malonate de diéthyle (2) à la double liaison du cinnamate d’éthyle (1) en présence d’éthanolate de sodium pour fournir un diester d’acide pentanedioïque (3) substitué .
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Table des matières
INTRODUCTION
I Généralités sur l’organocatalyse
I.1 Définition de l’organocatalyse
I.2 Evolution de l’organocatalyse
I .3 Types d’organicatalyseurs
I.3.1 Catalyse par intermédiaire d’énamines
I.3.2 Catalyse par intermédiaire d’ion iminium
I.3.3 Catalyse par liaison hydrogène
I.4 Les avantages et les limites de l’organocatalyse
II Présentation de la réaction d’addition de Michael
II.1 Définition et historique
II.2 Accepteurs de Michael
II.3 Donneur de Michael
II.4 Mécanisme de la réaction de Michael
III Réaction d’addition de Michael énantiosélective organocatalysée
III.1 L’électrophilie
III.2 Exemples de réactions d’addition de Michael organocatalysées
III.3 Réaction d’addition de Michael énantiosélective aves les composés 1,2-dicarbonylés comme électrophiles
III.3.1 Les composés 1,2-dicarbonylés comme nucléophiles
III.3.2 Les composés 1 ,2-dicarbonylés comme électrophiles
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE