La dialyse péritonéale (DP) et l’hémodialyse (HD) sont deux modalités complémentaires du traitement de suppléance rénale pour les patients souffrants d’insuffisance rénale terminale qui ne peuvent pas bénéficier d’une transplantation rénale. Il existe une utilisation croissante de la DP dans le monde, avec une prévalence multipliée par 2,5 entre 1997 et 2008 [1]. En effet, cette technique a montré des taux de survie similaires à l’HD [2, 3, 4, 5, 6] voire meilleurs [7, 3, 8]. Les principales limites de la DP sont liées à l’échec de la technique, obligeant les patients à passer en HD [9]. Dans le rapport ANZDATA (Australia and New Zealand Dialysis and Transplant) de 2010, 20 % des patients en DP ont été définitivement transférés en HD [10]. Des taux similaires ont été signalés dans d’autres pays [11]. D’après le registre REIN, chaque année, 10 % des patients en DP sont transférés en HD, principalement durant les deux premières années de traitement [12]. Les causes de l’échec de la technique les plus courantes étant l’infection péritonéale, une dialyse inadéquate, des dysfonctions du cathéter ou le choix du patient [13, 14, 15]. De plus, le risque de transfert vers l’HD est relativement élevé au cours des 6 premiers mois du début de la DP [13, 14]. Plusieurs facteurs de risque d’échec de la technique de DP ont été identifiés. Ils incluent un âge avancé, une perméabilité de la membrane péritonéale élevée, une ultrafiltration péritonéale réduite, une malnutrition, un diabète et un indice de masse corporelle accru [13, 15, 16]. Au Sénégal, entre 2004 et 2010, 19,3 % des patients en DP ont été transférés vers l’HD [17]. Néanmoins, il n’existe pas ou peu de données disponibles ayant examiné les motifs de transfert et le devenir des patients transférés de la DP à l’HD.
GENERALITES SUR L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE
Définitions
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie par une diminution progressive et irréversible du débit de filtration glomérulaire (DFG) au-dessous de 60 ml/min/1,73m² évoluant depuis plus de 3 mois L’insuffisance rénale chronique est dite terminale quand le débit de filtration glomérulaire est inférieur à 15ml/min/1,73m² (stade 5) ou en cas d’un traitement de suppléance rénale [18].
Epidémiologie
Au Sénégal la prévalence de la maladie rénale chronique (MRC) était de 4,9 % [19]. En France selon le rapport du réseau épidémiologique et information en néphrologie (REIN), en 2014, 10 375 personnes ont commencé un traitement par dialyse pour insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) et 424 ont eu une transplantation rénale en premier traitement de suppléance rénale, soit une incidence globale de l’IRCT traitée par suppléance rénale de 163 par million d’habitants [20]. Au 31 décembre 2014, 79 358 personnes recevaient un traitement de suppléance rénale ; 54 % étaient traités par dialyse et 46% étaient transplantés rénaux. L’HD était la modalité de dialyse prédominante (93% des patients dialysés), alors que la dialyse péritonéale ne concernait que 7 % des patients environ [20]. La DP concerne environ 11% des patients dialysés dans le monde entier, avec d’importantes variations selon les pays, allant de 0,02% des patients dialysés en Egypte à 79% à Hong-Kong [1].
THERAPIE DE SUPPLEANCE RENALE
La transplantation rénale
C’est le traitement de choix et elle est à proposer en première intention quand cela est possible. Cette transplantation est la plus fréquente des greffes d’organes. Les patients greffés ont une meilleure survie à long terme et une meilleure qualité de vie comparativement aux patients dialysés [21]. Elle peut être réalisée à partir d’un donneur vivant ou d’un donneur décédé. Le rein transplanté est généralement greffé plus bas que la position anatomique normale, notamment dans la fosse iliaque.
L’hémodialyse
Le terme d’hémodialyse recouvre l’ensemble des méthodes d’épuration extrarénale (EER) qui ont en commun une circulation sanguine extracorporelle, un module d’échange entre le milieu intérieur et le milieu extérieur (hémodialyseur), et une solution électrolytique vectrice des échanges. La séance de dialyse est assurée par le moniteur générateur d’hémodialyse [22].
Principes
Diffusion
Le transfert par diffusion est un transport passif de solutés du sang vers le dialysat au travers de la membrane de dialyse, sans passage de solvant. Le transfert inverse, du dialysat vers le sang, est désigné sous le terme de « rétrodiffusion ». IL dépend de 3 facteurs : -le coefficient de diffusion du soluté dans le sang, la membrane de dialyse et le dialysat, qui détermine la vitesse de passage ;
-la surface effective de la membrane ;
-la différence de concentration de part et d’autre de la membrane.
Les transferts par diffusion représentent l’essentiel des échanges de solutés réalisés au cours d’une hémodialyse conventionnelle [22].
Convection
C’est un transfert simultané du solvant et d’une fraction des solutés du compartiment sanguin vers le dialysat, sous l’effet d’un gradient de pression hydrostatique transmembranaire. Le transfert inverse, du dialysat vers le sang, est désigné sous le terme de « rétrofiltration ». L’interposition d’une membrane semi-perméable destinée à retenir les éléments figurés du sang et des protéines lui a fait donner le nom d’ultrafiltration par similitude avec la filtration glomérulaire. La perméabilité hydraulique de la membrane conditionne le débit de filtration. La porosité membranaire aux solutés conditionne les flux de solutés en fonction de leur poids moléculaire. Elle se traduit par un coefficient de tamisage et par un point de coupure [22].
Osmose
Il s’agit d’un transfert de solvant sous l’effet d’une différence de pression osmotique. La concentration en protéines du plasma augmente au cours de la traversée du dialyseur, du fait de la perte d’eau par ultrafiltration, augmentant ainsi la pression osmotique du plasma à la sortie du dialyseur. Il en résulte un appel par osmose d’eau et de solutés du secteur intracellulaire au secteur interstitiel et au plasma, ce qui restaure le volume sanguin circulant (« refilling » plasmatique).
Adsorption
Elle correspond à une soustraction de solutés réalisée par affinité membranaire (électrique, chimique). Dans ce cas, il n’y a pas de transferts transmembranaires de soluté proprement dit, mais essentiellement une adsorption membranaire de ceux-ci [22]. Ce phénomène intervient essentiellement avec des substances de nature peptidique et avec des membranes synthétiques faites de polymères réactifs.
TRANSFERT DE LA DP VERS L’HD
La survie de la technique de dialyse péritonéale est inférieure à celle de l’hémodialyse. En France, 50% des patients restent en DP à 2 ans de son initiation [41]. De même qu’en Australie, la survie de la technique de DP varie entre 2 ans et 2,4 ans [42]. Les données internationales concernant la sortie de la DP indiquent que c’est un évènement fréquent dans de nombreux pays, concernant au minimum 20% des patients la première année et jusqu’à 35% tout au long du suivi [43, 44]. Les événements responsables de l’arrêt de la dialyse péritonéale sont le décès, le transfert en hémodialyse, la transplantation rénale et dans une moindre mesure la reprise de diurèse et les arrêts volontaires [41, 44]. Le transfert en hémodialyse est un événement fréquent en dialyse péritonéale. Il est habituel de le considérer comme un échec de la technique. Une définition de l’échec de la technique a été proposée par l’équipe de l’ANZDATA dont le but était de comparer la sortie de le dialyse péritonéale entre les pays [38]. Cette définition est un critère composite de décès et de transfert en hémodialyse d’au moins 30 jours ou 180 jours. La définition sur 30 jours inclue les infections péritonéales et les autres problèmes qui requièrent un transfert transitoire en HD alors que celle de 180 jours définit les échecs permanents [44, 45]. Les causes précoces de transfert sont celles dont la médiane est de moins d’un an (survenant surtout au cours des 6 premiers mois) alors que les causes tardives ont un délai de survenue supérieur à un an [44].
Critères de transfert de la DP vers l’HD
Certains critères de transfert définitif de la DP vers l’HD ont été retenus (accords forts) dans les recommandations professionnelles publiées en 2007 par la Haute Autorité de santé (HAS) [46].
– Dialyse inadéquate : perte de la FRR avec adaptation de la prescription de la dialyse péritonéale se révélant insuffisante et responsable de surcharge hydrosodée, syndrome urémique, Kt/V < 1,7, clairance de la créatinine < 50 L/sem/1.73 m² et pertes liquidiennes (ultrafiltration+ urines) <750mL/jour.
– Infections péritonéales : si plus de 3 infections péritonéales dans l’année à des germes d’origine digestive, ou si infections à répétition après un changement de cathéter et une reprise de l’éducation, ou lorsque la cause est non connue ou non corrigeable (accord faible).
– Complications pariétales : hernie hiatale symptomatique ; prolapsus génital symptomatique inopérable ; brèche péritonéo-pleurale, hernie ombilicale, crurale ou inguinale récidivantes.
– Complications métaboliques : prise de poids rapide et massive (> 15% du poids en un an) avec apport minimum en glucose ; hypertriglycéridémie > 10g/L incontrôlable ; dénutrition récente inexpliquée.
– Situations diverses : désir du patient d’être transféré en HD, lassitude de sa part ou de son entourage, surcharge hydrosodée incontrôlable avec retentissement cardiaque.
– Durée du traitement par dialyse péritonéale : quelles que soient l’efficacité et la tolérance de la DP, il n’est pas indispensable d’arrêter la DP pour transférer le patient en HD au bout de : 2 ans ; 5 ans ou 10 ans.
Causes de transferts
Selon le Registre de Dialyse Péritonéale de Langue Française (RDPLF), sur la période étudiée (2002 – 2017), le transfert en hémodialyse, représente environ 33% des sorties de technique. Les principales causes précoces du transfert sont les dysfonctions de cathéter et l’intolérance psychologique. Les causes tardives regroupent : les infections péritonéales, l’ultrafiltration (UF) insuffisante, la sous-dialyse et la malnutrition [44]. Les transferts en HD peuvent aussi être d’origine multifactorielle : des complications infectieuses à répétition pouvant entraîner une sous dialyse et une lassitude du patient vis-à-vis de son traitement par exemple.
Infectieuses
Infection péritonéale
L’infection péritonéale est une complication fréquente et sérieuse de la dialyse péritonéale. Elle est la cause directe ou peut contribuer au décès chez environ 16% des patients en dialyse péritonéale. De plus, une infection péritonéale sévère ou prolongée conduit à des altérations structurelles et fonctionnelles de la membrane péritonéale, conduisant éventuellement à une hyperperméabilité et baisse de l’UF et/ou à une péritonite sclérosante [47]. Elle est une cause majeure d’échec de la technique de DP et de conversion en hémodialyse à long terme [48]. Les voies de contamination peuvent être :
– Endoluminale secondaire à une erreur de manipulation.
– Périluminale en relation avec une infection de l’orifice de sortie du cathéter.
– Transmurale à point de départ digestif ou gynécologique.
– Hématogène à l’occasion d’une septicémie [32].
Le diagnostic est posé lorsqu’au moins deux des éléments suivants sont présents:
– Caractéristiques cliniques compatibles avec une infection péritonéale : une douleur abdominale et / ou un liquide de drainage trouble ;
-Numération des globules blancs dans le liquide de drainage est > 100 / μL ou> 0,1 × 10⁹ / L avec> 50% de polynucléaires neutrophiles (PNN) ;
-Culture du liquide de drainage positive [48]. Les germes les plus souvent incriminés sont les Cocci à gram positif, en particulier les Staphylocoques. Une augmentation des infections péritonéales à bacilles à gram négatif a été noté au cours de ces dernières années.
Infection de l’orifice du cathéter
Elle est définie par la présence d’un écoulement purulent et peut être suspectée en cas de rougeur péri-orificielle, œdème, induration ou douleur.
D’autre part, une culture positive sans érythème et décharge indique probablement une colonisation mais pas une infection. Les germes les plus fréquemment responsables de l’infection de l’émergence sont le Staphylococcus aureus et le Pseudomonas Aeroginosa. Les infections du site de sortie sont responsables de 20% des infections péritonéales et sont impliquées dans le transfert en hémodialyse chez 15 à 20% des patients raison pour laquelle la prévention des infections du site de sortie est d’une importance vitale [49].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I- GENERALITES SUR L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE
I-1- Définitions
I-2- Epidémiologie
II- THERAPIE DE SUPPLEANCE RENALE
II-1- La transplantation rénale
II-2- L’hémodialyse
II-2-1- Principes
II-2-2- Matériels
II-2-3- Techniques d’hémodialyse
II-3- La dialyse péritonéale
II-3-1- Principes
II-3-2- Matériels
II-3-3- Modalités de la dialyse péritonéale
II-4- Choix entre l’HD et la DP
III- TRANSFERT DE LA DP VERS L’HD
III-1- Critères de transfert de la DP vers l’HD
III-2- Causes de transferts
III-3- Facteurs de risque
III-4- Gestion du transfert
IV- DEVENIR DES PATIENTS
IV-1- Survie des patients en hémodialyse
IV-2- Transplantation rénale
IV-3- Retour en dialyse péritonéale
DEUXIEME PARTIE
I- MATERIELS ET METHODES
I-1- Cadre d’étude
I-2- Type et période
I-3- Population d’étude
I-4- Recueil des données
I-5- Définitions des paramètres opérationnels
I-6- Analyse statistique
II- RESULTATS
II-1- Résultats descriptifs
II-1-1- Diagramme de flux des patients
II-1-2- Données sociodémographiques
II-1-2-1- Age
II-1-2-2- Genre
II-1-2-3- Niveau de formation
II-1-2-4- Situation socioéconomique
II-1-2-5- Suivi néphrologique préalable à la mise en dialyse
II-1-2-6- Néphropathie initiale
II-1-2-7- Hémodialyse avant la DP
II-1-3- Comorbidités et Index de Charlson
II-1-4- Données lors du séjour en DP et entrée en HD
II-1-4-1- Distance parcourue pour arriver à l’unité de DP
II-1-4-2- Durée du séjour en DP
II-1-4-3- Perméabilité membranaire à la sortie de la DP
II-1-4-4- Fonction rénale résiduelle
II-1-4-5- Complications métaboliques
II-1-4-6- Complications infectieuses
II-1-4-7- Complications mécaniques
II-1-4-8- Motifs de transfert
II-1-5- Devenir
II.1-5-1- Circonstances d’initiation de l’HD
II-1-5-2- Centre d’hémodialyse
II-1-5-3- Abords vasculaires
II-1-5-4- Durée en hémodialyse
II-1-5-5- Statut des patients après le transfert à la date de point
II-2- Résultats analytiques
II-2-1- Facteurs de risque de mortalité
II-2-2- Survie des patients en HD
III- DISCUSSION
III-1- Données sociodémographiques
III-1-1- Age
III-1-2- Genre
III-1-3- Niveau de formation
III-1-4- Suivi néphrologique préalable à la mise en dialyse
III-1-5- Néphropathie initiale
III-1-6- Hémodialyse avant la DP
III-2- Comorbidités et Index de Charlson
III-3- Données lors du séjour en DP et entrée en HD
III-3-1- Distance parcourue pour arriver à l’unité de DP
III-3-2- Durée du séjour en DP
III-3-2- Perméabilité membranaire et fonction rénale résiduelle
III-3-3- Complications infectieuses
III-3-4- Motifs de transfert
III-4- Devenir
III-4-1- Circonstances d’initiation de l’HD
III-4-2- Type d’abord vasculaire lors de la première séance d’HD
III-4-3- Durée en hémodialyse
III-4-4- Statut des patients après le transfert à la date de point
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE