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Généralités sur l’insuffisance cardiaque en 2019
L’IC est un syndrome clinique qui résulte d’anomalies myocardiques très variées aboutissant à une diminution du débit cardiaque. Elle reflète des situations cliniques très différentes, de par leur fondement physiopathologique, leur présentation et leur prise en charge. De façon globale, l’IC touche actuellement entre 1 et 2% de la population adulte dans les pays dits développés, avec une prévalence qui augmente avec l’âge pour atteindre plus de 10% chez les plus de 70 ans. (1) Avant les années 1990, qui ont vu naitre la prise en charge moderne de l’IC, 60 à 70% des patients mourraient dans les cinq années suivant le diagnostic.
De nombreux progrès ont été faits dans la prise en charge de l’IC, notamment basés sur les résultats des grands essais thérapeutiques menés dans le cadre l’IC associée à une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) altérée. L’avènement de différentes molécules a transformé le pronostic de cette maladie. Il s’agit des béta-bloquants, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), des anti-aldostérones (AA), des bloqueurs du courant If, et plus récemment de l’association d’antagonistes des récepteurs de l’angiotensine de type II (ARA2) et de la neprilysine. En parallèle du traitement médicamenteux, d’autres axes de la prise en charge, tels que le diagnostic plus précoce, la meilleure prise en charge des infarctus du myocarde, ainsi que le développement de la réadaptation cardiaque, ont également contribué à l’amélioration du pronostic des patients atteints d’IC. Enfin, les traitements dits « électriques » de l’IC, basés sur la prise en charge des troubles du rythme associés à l’IC, mais aussi sur l’amélioration de l’hémodynamique cardiaque, constituent aujourd’hui un autre volet essentiel dans la prise en charge globale de l’IC. La survie après la première hospitalisation pour IC a ainsi augmenté de façon modeste mais significative au cours des 20 dernières années, passant chez l’homme de 1,33 années (intervalle de confiance à 95% [IC 95%] 1,17 à 1,50) en 1986 à 2,34 années (IC 95% 2,15 à 2,56) en 2002 (p<0,0001). (2)
Les différentes formes d’IC
Les étiologies de l’IC sont nombreuses et variables selon la région du monde, qu’il s’agisse de cardiomyopathies primitives associées à des anomalies génétiques, ou secondaires à l’athérosclérose, à un remodelage myocardique défavorable lié à une arythmie, ou à une maladie de système. D’abord limitée à l’IC à FEVG réduite (IC-FEr), l’amélioration des connaissances a permis d’individualiser d’autres formes d’IC : l’IC à FEVG préservée (IC-FEp), puis très récemment l’IC à FEVG modérément altérée (IC-FEm). (3)
L’IC-FEr, définie par une FEVG <40%, est la forme qui a été la plus étudiée depuis longtemps, dont la physiopathologie a été la mieux comprise, et pour laquelle les grands essais randomisés ont montré le bénéfice sur la morbi-mortalité des traitements évoqués précédemment. La maladie coronaire est en cause dans environ deux tiers des cas, associée à l’hypertension artérielle (HTA) et au diabète. Les autres causes sont les cardiomyopathies dilatées (CMD) pouvant être d’origine génétique, secondaires à des infections, des toxiques (alcool ou autres stupéfiants), des maladies de surcharge, des chimiothérapies cardiotoxiques, des maladies auto-immunes, des pathologies endocrines, ou enfin dans le cadre de la cardiomyopathie du péri-partum. (4) L’altération et/ou la nécrose des cardiomyocytes et les modifications de la matrice extra-cellulaire aboutissent à un remodelage pathologique ventriculaire conduisant à une dilatation, et à une réduction de la fonction contractile. Ces phénomènes vont s’aggraver avec le temps, par progression de la pathologie initiale mais aussi en raison d’une réponse systémique neuro-hormonale à la dégradation de la fonction systolique. En effet, l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone et du système
neurovégétatif sympathique vont entraîner des dommages myocardiques supplémentaires mais aussi d’autres effets délétères, notamment vasculaires, ainsi qu’au niveau d’autres organes (foie, rein, muscles, poumons), conduisant à l’installation d’un cercle vicieux et rendant compte des complications qui émaillent l’évolution des patients. (5) La stratégie thérapeutique basée sur les résultats de nombreuses études randomisées est désormais bien codifiée et permet une prise en charge par étapes des patients présentant une IC-FEr (Figure 1).
L’IC à fonction systolique non altérée n’a été étudiée de façon spécifique que récemment, bien qu’elle soit en cause dans près de la moitié des cas d’IC. La définition de ce syndrome a varié au cours des dernières années, essentiellement en ce qui concerne les anomalies échographiques associées aux signes cliniques d’IC. Initialement, les experts opposaient l’IC systolique (FEVG<35-40%) et l’IC diastolique, cette dernière associant une FEVG préservée (>40-50%) sans limite basse précise à des anomalies de la fonction diastolique. (6) Puis la notion d’IC-FEp est apparue, basée sur une FEVG ≥50%, ce qui laissait une zone grise de FEVG entre 35-40% et 50% qu’il était difficile d’inclure dans l’un des deux syndromes définis.
Finalement, l’IC-FEm, définie par une FEVG comprise entre 40 et 49%, est apparue dans les recommandations européennes de 2016, afin d’individualiser cette situation particulière dont les mécanismes et le pronostic semblent intermédiaires. (3)
Les étiologies et l’épidémiologie de ces syndromes semblent différentes de celles de l’IC-FEr, touchant des patients plus âgés, plus souvent des femmes et obèses, avec une histoire plus fréquente d’HTA et de fibrillation auriculaire (FA) (4). La mortalité à un an des patients avec une IC-FEp est inférieure à celle des patients dont la FEVG est altérée, celle des patients à IC-FEm est intermédiaire. Ces syndromes cliniques sont souvent plus difficiles à diagnostiquer car les signes et les symptômes sont parfois moins spécifiques qu’en cas d’IC-FEr. Les critères retenus sont l’association de signes/symptômes d’IC, associés à une FEVG entre 40 et 49% pour l’IC-FEm ou >50% pour l’IC-FEp, une élévation des peptides natriurétiques, et au moins une anomalie échographique parmi l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), la dilatation de l’oreillette gauche et une altération de la fonction diastolique.
La couleur verte correspond à une recommandation de classe 1, la couleur jaune à une recommandation de classe 2. ACE-I : inhibiteur de l’enzyme de conversion ; ARB : antagonistes des récepteurs de type II de l’angiotensine ; ARNi : antagonistes des récepteurs de l’angiotensine de type 2 et de la néprilysine ; CRT : resynchronisation cardiaque ; H-ISDN : hydralazine dinitrate isosorbide ; HFrEF : IC-FEr ; HR : fréquence cardiaque ; ICD : défibrillateur cardiaque implantable ; LVAD : dispositif d’assistance ventriculaire gauche ; LVEF : FEVG ; OMT : traitement médical optimal ; VT/VF : fibrillation/tachycardie ventriculaire. Reproduite à partir des Recommandations 2016 de la Société Européenne de Cardiologie pour le diagnostic et le traitement de l’insuffisance cardiaque aigue et chronique. (3)
Il apparaît également que l’IC-FEp est un syndrome très hétérogène regroupant des phénotypes de patients et des comorbidités variées. (7) La physiopathologie est complexe et les mécanismes en cause sont liés, à la fois à des anomalies de la fonction diastolique du ventricule gauche, de la matrice extracellulaire, des phénomènes de stress oxydatif, et inflammatoires. La fonction systolique est également souvent anormale, même si la FEVG est peu altérée. (8) La dysfonction diastolique (DD) semble être au cœur des mécanismes conduisant à l’apparition de signes d’IC. Il s’agit d’une altération du remplissage ventriculaire associée à une élévation des pressions de remplissage. Différents mécanismes vont concourir à rendre le myocarde plus rigide, que ce soit au niveau des cardiomyocytes eux-mêmes ou au niveau de la matrice extra-cellulaire. On évoque des modifications des isomères de la titine avec un déséquilibre vers l’isoforme plus rigide en cas de DD, des anomalies des courants ioniques entraînant une surcharge calcique intra-cellulaire, ou encore des modifications de la sensibilité au calcium du myofilament par des anomalies de la protéine C liant la myosine, mais aussi les phénomènes de fibrose associée à l’HTA et à la sénescence avec des modifications du collagène extra-cellulaire. (9) Certaines anomalies participant à la DD sont probablement la conséquence de modifications neuro-hormonales. Parmi elles, l’hyperaldostéronisme, qu’il soit primaire ou secondaire, est associé à une HVG et une dégradation des paramètres de la fonction diastolique en échographie, alors qu’une altération de la fonction systolique, le plus souvent modeste, n’existe qu’en cas d’hyperaldostéronisme primitif. (10) L’élévation progressive des pressions pulmonaires, secondaire à l’augmentation des pressions de remplissage gauches, mais également à des anomalies de la vascularisation pulmonaire avec une dysfonction endothéliale et une rigidification artérielle, va participe à la dégradation de la tolérance à l’effort et à l’apparition de signes d’IC. (7)
Les comorbidités aggravant l’IC
Un des principaux problèmes dans la prise en charge des patients en IC est l’implication de nombreuses comorbidités cardiaques ou non cardiaques, qui vont aggraver leur pronostic. Une large étude transversale, publiée dès 2003, sur 122 630 bénéficiaires de Medicare âgés de 65 ans et plus, avait mis en évidence la prévalence élevée de comorbidités non cardiaques,
ainsi que leur association avec les hospitalisations, liées à l’IC ou pour autre cause, et la mortalité. Ces pathologies associées étaient l’HTA, la broncho-pneumopathie chronique obstructive, l’insuffisance rénale, le diabète, la dépression et les autres maladies respiratoires distales. (11) La maladie coronaire, la FA, l’obésité, la dyslipidémie, la dénutrition, les cancers, les maladies neuro-vasculaires, les dyskaliémies et plus récemment, la carence martiale et les troubles ventilatoires nocturnes ont été reconnus comme des co-facteurs fréquents et aggravants de l’IC nécessitant une prise en charge spécifique. (3,12,13) L’importance de ces co-morbidités est d’autant plus marquée chez les patients atteints d’IC-FEp, pour lesquels ces facteurs associés constituent des tableaux phénotypiques différents, dont l’identification est importante pour orienter la stratégie thérapeutique.
Le syndrome d’apnée du sommeil
Parmi ces pathologies associées, le SAS, qui est le plus souvent de forme obstructive est associé à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire mais aussi globale. Il favorise l’HTA, les troubles du rythme, l’athérosclérose et ainsi la survenue d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral, mais est également associé à une surmortalité par cancer.
(14,15) Le SAS s’accompagne également souvent d’un hyperaldostéronisme. Il a été mis en évidence une relation entre la présence d’un hyperaldostéronisme et l’existence d’un SAS chez des patients souffrant d’HTA résistante, et que la sévérité du SAS était corrélée au niveau d’aldostérone plasmatique. (16) De même, une étude portant sur plus de 3000 patients hypertendus d’ethnies différentes a retrouvé une prévalence significativement plus élevée de SAS en cas d’hyperaldostéronisme, après contrôle des autres facteurs de risque de SAS. (17)
Une autre étude, cette fois menée chez des patients présentant un SAS obstructif, a montré que les taux d’aldostérone plasmatique étaient plus élevés que chez les patients contrôles, et que le traitement du SAS permettait de diminuer l’aldostéronémie. (18) Il est probable que l’hyperaldostéronisme associé au SAS constitue une des voies de participation de ce trouble du sommeil aux pathologies cardio-vasculaires, notamment à l’aggravation de l’IC.
La prévalence du SAS est élevée et augmente avec l’âge, atteignant environ 5-7% de la population générale, et jusqu’à 15% ou plus après 70 ans. (19) Ces chiffres sont de plus probablement sous-estimés, compte tenu du caractère souvent pauci-symptomatique de cette pathologie et de signes d’appel peu spécifiques. Il est plus fréquent chez les hommes, les patients obèses, atteints de diabète de type 2 ou de syndrome métabolique. (20) Le diagnostic du SAS associe la présence d’une somnolence diurne excessive ou d’autres symptômes (ronflements, suffocation nocturne, difficulté de concentration, asthénie, nycturie) à un critère polysomnographique, l’index apnées hypopnées (IAH), correspondant au nombre d’apnées et d’hypopnées par heure de sommeil, supérieur ou égal à cinq. (21) Le SAS obstructif est lié à la présence d’une obstruction intermittente et répétée des voies aériennes supérieures pendant le sommeil, favorisée par des anomalies anatomiques (rétrognathie, macroglossie etc.) ou l’obésité. Le SAS d’origine centrale se caractérise par la survenue répétée d’arrêts complets de tout effort respiratoire, liés à une anomalie de la commande ventilatoire que l’on observe par exemple en cas d’atteinte du tronc cérébral ou d’IC sévère. Dans le cas de l’IC, le SAS est souvent mixte, la composante centrale étant liée à une instabilité de ventilation au cours du sommeil. Cette respiration périodique correspond à une succession de phases d’hyperventilation puis d’hypoventilation aboutissant à l’apnée. Une petite augmentation de la pression partielle en CO2 nocturne provoque une hyperventilation exagérée et une chute progressive de la PaCO2 sous un certain seuil, déclenchant une hypoventilation par inhibition des commandes centrales de ventilation. Le retard circulatoire provoque un retard de réponse des chémorécepteurs, aboutissant à l’apnée centrale. L’hypercapnie qui en résulte provoque alors un réveil neurologique partiel et un nouveau cycle d’hyperpnée, etc.
Le traitement par pression positive continue (PPC) est efficace dans le SAS obstructif et permet d’améliorer la prise en charge des comorbidités associées telles que l’HTA ou les arythmies. Il est indiqué en France dans les formes sévères (IAH≥30/h), ou dans les formes modérées (IAH entre 15 et 30/h) associées à une maladie cardiovasculaire, et est recommandé dans la stratégie de prise en charge globale des patients avec IC. (3,13)
Cependant, il n’est pas toujours efficace en cas de SAS central et l’utilisation de la ventilation servo-adaptée chez des patients IC-FEr a été associée à une surmortalité totale et cardiovasculaire dans l’étude SERVE-HF. (22)
La fibrillation auriculaire
La FA est le trouble du rythme le plus souvent associé à l’IC. Elle en est une fréquente complication car l’élévation des pressions de remplissage secondaire à l’IC favorise le remodelage atrial conduisant au déclenchement et la perpétuation de la FA. Dans certains cas de cardiomyopathie rythmique, c’est la FA elle-même, généralement à cadence ventriculaire élevée, qui est à l’origine de la dégradation de la fonction cardiaque. Ces formes d’IC secondaires à la survenue d’une FA sont généralement de plutôt bon pronostic. (23) En revanche, l’apparition d’une FA chez un patient porteur d’une IC est un facteur pronostique péjoratif, traduisant l’aggravation de la pathologie sous-jacente, et entraînant une dégradation supplémentaire de la fonction cardiaque. Elle marque souvent un tournant évolutif dans al maladie, et est associée à une augmentation des hospitalisations et de la mortalité, qu’il s’agisse d’IC-FEr ou d’IC-FEp. (24,25) Dans le cas particulier de l’IC-FEp, la FA est aussi particulièrement fréquente, notamment dans le phénotype de patients âgés, chez lesquels la FA, l’anémie, les pathologies respiratoires obstructives et la fragilité rendent la prise en charge de l’IC particulièrement difficile. (26) De plus, le remodelage atrial qui conduit à la survenue de la FA diffère entre l’IC-FEr et l’IC-FEp. Dans la première, la principale anomalie est la dilatation atriale, alors que dans l’IC-FEp, l’oreillette gauche est moins dilatée, mais plus rigide, avec une élévation de la pression maximale et de la pulsatilité, ces anomalies semblant associées à une incidence plus importante de FA. (27)
La prise en charge de l’insuffisance cardiaque du point de vue rythmologique
La stimulation cardiaque conventionnelle
La mise en place d’un stimulateur cardiaque ou pacemaker (PM) dans un contexte d’IC relève des indications classiques de la stimulation cardiaque : bloc auriculo-ventriculaire de haut degré (type III et type II mobitz 2), dysfonction sinusale symptomatique, bradyarythmie. Il existe néanmoins des particularités liées à la situation d’IC. Des observations anciennes ont mis en évidence une diminution de la performance hémodynamique cardiaque en cas de stimulation ventriculaire droite comparée à une stimulation biventriculaire, expliquée par un asynchronisme mécanique secondaire à l’activation séquentielle des deux ventricules. (28) Les études menées chez des patients présentant une indication de stimulation cardiaque, sans IC associée, ont également montré un impact hémodynamique négatif de la stimulation ventriculaire droite. (29) De ce fait, il est plutôt préférable de mettre en place unPM double chambre permettant le maintien de la synchronisation atrioventriculaire et de limiter le pourcentage de stimulation ventriculaire, même chez les patients ne présentant pas d’altération de la fonction cardiaque. Enfin, plusieurs équipes ont mis en évidence l’aggravation de l’asynchronisme mécanique existant en cas d’altération de la FEVG par la stimulation cardiaque droite, pouvant être corrigé par la stimulation biventriculaire. (30,31) Celle-ci doit donc être envisagée en cas d’indication de stimulation ventriculaire en présence d’une IC-FEr.
Il existe également des indications spécifiques de stimulation dans certaines étiologies d’IC, par exemple pour limiter l’obstacle hémodynamique à l’éjection en cas de cardiomyopathie hypertrophique obstructive, ou à titre préventif en raison de l’évolution connue mais peu prévisible vers des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire de haut degré, comme dans les laminopathies ou la sarcoïdose. Enfin, l’intérêt du traitement beta-bloquant étant établi en cas d’IC-FEr en rythme sinusal, la question se pose en cas de bradycardie excessive ou de pauses fréquentes et symptomatiques, entre la réduction de dose voire l’arrêt du traitement ou la stimulation biventriculaire. Cependant, la stimulation cardiaque pour la seule indication d’initier ou maintenir un traitement béta-bloquant n’est pas recommandée. (3)
La prévention de la mort subite
Environ 30% des patients en situation d’IC décèdent brutalement, surtout parmi ceux qui sont peu ou modérément symptomatiques. La mort subite (MS) rythmique par troubles du rythme ventriculaires graves est au premier plan. (32) Les défibrillateurs automatiques implantables (DAI), depuis leurs premières utilisations il y a plus de trente ans, ont permis diminuer de façon significative la mortalité rythmique des patients en IC. Les premiers travaux sur la prévention secondaire ont permis de clairement poser les indications d’implantation en cas de MS récupérée ou de troubles du rythme ventriculaires symptomatiques, qu’il existe ou pas une cardiomyopathie sous-jacente et en l’absence de cause aigue réversible. (33) Puis, les grands essais randomisés des années 2000 (30–35) ont mis en évidence le bénéfice du DAI pour la prévention primaire de la MS chez des patients présentant une IC-FEr, en diminuant celle-ci et en améliorant la survie globale. (34–39) L’implantation d’un DAI est actuellement recommandée pour les patients en stade II et III de la New York Heart Association (NYHA),
ayant une FEVG altérée ≤35% malgré un traitement médicamenteux optimal pendant au moins trois mois et ayant une espérance de vie d’au moins un an avec un statut fonctionnel correct. (3) La prévention de la MS chez les patients présentant une IC à FEVG préservée n’est quant à elle pas bien codifiée actuellement.
La resynchronisation cardiaque
Le bénéfice de la stimulation biventriculaire, par rapport à la stimulation ventriculaire droite exclusive, a déjà été évoqué précédemment en cas d’indication conventionnelle de stimulation cardiaque. La première expérience clinique de « resynchronisation » en dehors d’un contexte de stimulation cardiaque a été réalisée en France par Serge Cazeau en 1994, chez un patient en IC stade IV de la NYHA. (40) Le rationnel de la resynchronisation cardiaque (RC) repose sur l’existence d’un asynchronisme cardiaque au cours de l’IC-FEr, qui peut être auriculo- ventriculaire, interventriculaire et/ou intraventriculaire gauche. Les mécanismes d’action de la RC sont multiples et aboutissent à un phénomène de remodelage inverse et à une amélioration des différents paramètres hémodynamiques. (41) De nombreux progrès techniques, auniveau des dispositifs et des techniques d’implantations, ont permis de simplifier les procédures et d’en diminuer la morbidité, en permettant notamment la stimulation épicardique du ventricule gauche par voie endocavitaire via le sinus coronaire, en évitant ainsi le recours à une thoracotomie chirurgicale. Plusieurs études randomisées ont montré une amélioration des symptômes, une réduction des hospitalisations mais aussi de la mortalité grâce aux stimulateurs et défibrillateurs de RC. (42–45) La mise en place d’une RC est à envisager pour les patients éligibles ayant une FEVG altérée inférieure ou égale à 35%, restant symptomatiques malgré au moins trois mois de traitement médical optimal, et ayant une espérance de vie supérieure à un an avec un bon statut fonctionnel. Les critères essentiels de réponse à la RC sont la durée et l’aspect de retard gauche des QRS. Les recommandations ont ainsi évolué, et aujourd’hui le grade le plus élevé de recommandation s’adresse aux patients ayant un retard gauche et des QRS ≥150ms. Les patients en FA ont été moins étudiés et semblent moins répondre ceux en rythme sinusal, cependant la RC est également proposée chez eux, en s’assurant d’un bon contrôle de la fréquence cardiaque permettant un pourcentage de stimulation biventriculaire optimal. (3)
Il existe des stimulateurs (PM-RC) et des défibrillateurs de RC (DAI-RC), ces derniers associant à la stimulation cardiaque biventriculaire la possibilité de délivrer des thérapies anti-tachycardiques. L’intérêt théorique d’implanter un DAI-RC plutôt qu’un PM-RC, pour améliorer davantage la survie en réduisant la MS, n’a jamais été clairement démontré par les études menées jusqu’à présent. Compte-tenu de la prévalence plus élevée de la MS chez les patients plus jeunes et modérément symptomatique, du risque accru de complications chez les porteurs de défibrillateur (fragilité de l’électrode de défibrillation, thérapies inappropriées), du coût plus élevé de ces dispositifs, il est aujourd’hui préconisé de fonder le choix entre un PM-RC et un DAI-RC au cas par cas selon l’âge, les comorbidités associées, le stade NYHA, le statut fonctionnel mais aussi le souhait du patient.
Le traitement interventionnel des arythmies
Nous avons précédemment rappelé, que la FA était le trouble du rythme le plus souvent associé à l’IC, et qu’elle en aggravait le pronostic, que la FEVG soit altérée ou préservée. De nombreux traitement de l’IC ont montré une diminution de l’incidence de la FA, probablement par le biais d’une amélioration hémodynamique, que ce soit les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone ou les béta-bloquants. Le premier axe du traitement en cas de survenue de FA récente chez un patient IC est le contrôle de la fréquence par béta-bloquants ou digitaliques, et, en cas de mauvaise tolérance, une cardioversion, qu’elle soit médicamenteuse ou électrique. Au long cours, la stratégie de contrôle du rythme par traitement antiarythmique, bien que couramment utilisée, n’avait jusqu’à présent pas montré de bénéfice supplémentaire par rapport au contrôle de la fréquence en cas d’IC. (46)
Cependant, le mise au point et le développement des techniques interventionnelles, dites d’ablation par cathéter (AC) ont montré au cours de la dernière décennie des résultats de plus en plus prometteurs chez les patients avec IC-FEr. Après avoir rapporté la faisabilité de l’isolation des veines pulmonaires (IVP) chez les patients avec une IC-FEr, les études ont mis en évidence une amélioration des symptômes, un remodelage échographique favorable et une réduction des hospitalisations après l’AC. Il s’agissait de procédures toutes basées sur une IVP antrale, plus ou moins associée à des ablations complémentaires, linéaires ou basées sur les potentiels fragmentés. (47–50) La technique la plus utilisée pour réaliser ces interventions est la radiofréquence (RF) point par point, qui est la seule à permettre à la fois le traitement des foyers des veines pulmonaires et celui du substrat. Il existe d’autres énergies et méthodes d’applications pour l’IVP, par exemple la cryoablation au moyen d’un ballon, qui permet un traitement dit « one-shot », en une application par veine à isoler. Une étude allemande très récente, a rapporté la faisabilité, et les résultats similaires sur les récurrences de FA, de l’IVP par cryoablation chez des patients avec une FEVG ≤40%, associée également à une amélioration fonctionnelle significative, par rapport à des patients contrôles. (51)Enfin, l’étude CASTLE-AF, publiée en 2018, a pour la première fois montré une réduction d’un critère combiné associant la mortalité toute cause et les hospitalisations pour IC chez des patients ayant une IC-FEr (≤35%) en stade NYHA II, III ou IV, grâce à l’AC, comparée au traitement médical. La mortalité toute cause et cardiovasculaire ont également été diminuées par
l’ablation mais il s’agissait de critères secondaires.
Les limites actuelles de ces traitements
Malgré les considérables progrès réalisés ces 30 dernières années, à la fois dans la prévention, le diagnostic et le traitement des patients en situation d’IC, cette pathologie reste associée à une morbi-mortalité élevée. Un certain nombre de questions restent aujourd’hui non résolues, notamment dans la prise en charge des arythmies au sens large, et font l’objet de recherches en cours ou à venir. Nous en avons ici retenu quatre, qui constituent le point de départ des quatre travaux de cette thèse.
La difficulté de traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée
La prise en charge des patients atteints d’IC-FEm/p est plus délicate et beaucoup moins codifiée. De nombreuses études ont été menées sans permettre d’avoir des preuves solides sur les bénéfices des molécules utilisées avec succès dans l’IC-FEr sur la morbi-mortalité associée à l’IC-FEp. L’IC-FEm ayant été individualisée très récemment, aucune étude dédiée n’a encore été publiée et les seules données dans cette catégorie de patients proviennent des analyses post-hoc des études sur les autres formes d’IC. Aucun des essais menés chez des patients avec IC-FEp, que ce soit avec les beta-bloquants, les IEC ; les ARA2 ou les AA, n’a réussi à montrer un bénéfice sur la mortalité. Seule l’étude SENIORS, en 2005, avait montré une diminution d’un critère associant mortalité toute cause et hospitalisations cardiovasculaires avec un traitement par nébivolol, chez des patients souffrant d’IC et âgés de 70 ans et plus, que la FEVG soit altérée ou non. (53) Les diurétiques ont quant à eux montré un bénéfice sur les symptômes liés à la congestion pulmonaire. (54) Le candésartan, au travers des analyses des programmes CHARM et CHARM-PRESERVED, semble améliorer les symptômes, avec une réduction de la classe NYHA, et réduire les hospitalisations.
De même, les AA pourraient également limiter les réhospitalisations pour IC. L’étude TOPCAT était négative sur le critère composite primaire (mortalité cardiovasculaire, arrêt cardiaque récupéré, hospitalisations pour aggravation de l’IC) mais a montré une réduction des hospitalisations pour IC sous spironolactone (57). Son étude post-hoc, portant sur les variations régionales des résultats, avait mis en évidence un bénéfice sur le critère primaire chez les patients du continent américain.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Généralités sur l’insuffisance cardiaque en 2019
2. Les différentes formes d’IC
3. Les comorbidités aggravant l’IC
3.1 Le syndrome d’apnée du sommeil
3.2 La fibrillation auriculaire
4. La prise en charge de l’insuffisance cardiaque du point de vue rythmologique
4.1 La stimulation cardiaque conventionnelle
4.2 La prévention de la mort subite
4.3 La resynchronisation cardiaque
4.4 Le traitement interventionnel des arythmies
5. Les limites actuelles de ces traitements
5.1 La difficulté de traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée
5.2 Les difficultés à prédire les évènements rythmiques et à sélectionner les patients relevant d’un défibrillateur prophylactique
5.3 Les questions non résolues de la resynchronisation
5.4 Améliorer les résultats de l’ablation par cathéter chez les patients IC PROBLEMATIQUE
PARTIE 1 : LES ALGORITHMES DE DETECTION DU SAS PRESENTS DANS LES STIMULATEURS CARDIAQUES PEUVENT-ILS AMELIORER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS APPAREILLES PORTEURS D’UNE DYSFONCTION DIASTOLIQUE ? L’ETUDE SAPAAD.
Rationale and design for a monocentric prospective study: Sleep Apnea diagnosis using a novel Pacemaker Algorithm and link with Aldosterone plasma level in patients
presenting with Diastolic dysfunction (SAPAAD Study)
Usefulness of sleep apnea monitoring by pacemaker sensor in elderly patients with diastolic dysfunction: the SAPAAD Study
PARTIE 2 : LA METHODE DE MESURE DE LA FRACTION D’EJECTION DU VENTRICULE GAUCHE A-T-ELLE UN IMPACT SUR LA PREDICTION DES EVENEMENTS CLINIQUES AU DECOURS DE L’IMPLANTATION D’UN DEFIBRILLATEUR PROPHYLACTIQUE ?
Clinical outcomes after primary prevention defibrillator implantation are better predicted
when the left ventricular ejection fraction is assessed by magnetic resonance imaging 1004
PARTIE 3 : LES FACTEURS PREDICTIFS DE REPONSE A LA RESYNCHRONISATION CARDIAQUE DIFFERENT-ILS ENTRE LES PATIENTS DE PLUS ET MOINS DE 75 ANS ?
Predictors of clinical outcomes after cardiac resynchronization therapy in patients ≥75 years
PARTIE 4 : LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE CARTOGRAPHIE ELECTROANATOMIQUE PERMETTENT-ELLES D’AMELIORER, SANS SURRISQUE, LES RESULTATS DE L’ABLATION DES TROUBLES DU RYTHME SUPRA-VENTRICULAIRES COMPLEXES CHEZ LES PATIENTS IC ?
Comparison between novel and standard high-density 3D electro-anatomical mapping systems for ablation of atrial tachycardia
Safety and acute results of ultra-high density mapping to guide catheter ablation of atrial arrhythmias in heart failure patients
Long-term clinical outcomes after catheter ablation of atrial arrhythmias guided by ultrahigh density mapping system in heart failure patients
DISCUSSION
PERSPECTIVES
CONCLUSION
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