Les infections par les virus de l’hépatite B (VHB) et de l’immunodéficience humaine (VIH) constituent un problème majeur de santé publique. D’après l’OMS, le VIH a tué plus de 1,6 millions de personnes en 2012, et on estime que 2,3 millions de personnes ont contracté le VIH cette même année, ce qui porte à 35,3 millions le nombre de personnes vivant avec le virus dans le monde [www.unaids/en mediaunaids-…/2013] (consulté le 15/11/13). Deux milliards de personnes sont infectées par le VHB et près de 10 à 30 millions sont victimes de nouvelles contaminations chaque année [European Association for the Study of Liver (EASL), 2012]. Plus de 370 millions de personnes dans le monde sont chroniquement infectés par le VHB et près de 600 milles personnes meurent chaque année des conséquences de l’hépatite [http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/fr/presse/fiches-sur-les-maladiesinfectieuses/hepatites-b-et-c] (consulté le 01/06/2013). La prévalence du VIH est estimée à 0,7% dans la population générale au Sénégal, selon l’Enquête Démographique et de Santé (EDSS III) réalisée en 2010 et la prévalence de l’infection par le VHB est estimée à 11% [http://www.hepatitisafrique.org] (consulté le 21/12/13). L’infection par le VIH aggrave le pronostic de l’infection par le VHB (progression plus rapide vers la fibrose et la cirrhose hépatique). A l’inverse, l’impact du VHB sur l’évolution immunovirologique du VIH est bien moins connu.
Les antirétroviraux ont amélioré la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. Cependant le retentissement de la thérapeutique dans les cas de co-infections est peu documenté. Les co-infections majorent l’hépatotoxicité de certains médicaments antirétroviraux (ritonavir, névirapine et efavirenz). Par contre la lamivudine (3TC) inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse inhibe également la réplication du VHB. Au Sénégal, la prévalence du VHB était de 17% chez les PvVIH en 2004. Elle était similaire à celle de la population générale. En 2012, cette prévalence du VHB dans la population générale a fortement diminué avec un taux de 11% [Lô G. et coll. 2012].
Generalites sur l’infection au virus de l’hepatite B
Historique
En 1963, Barush Samuel Blumberg mit en évidence une réaction inhabituelle entre les sérums d’individus polytransfusés et celui d’un aborigène australien et désigna l’antigène (Ag) découvert sous le nom d’Ag « australia » [Alter H.J. et coll., 1966]. En 1967, le nom d’Ag de surface du VHB (AgHBs) fut utilisé pour désigner l’Ag « australia » [Blumberg et coll., 1967]. La même année, l’équipe de Krugman mit en évidence la nature parentérale de la transmission, ce qui permit de formuler des mesures d’hygiène afin de prévenir l’hépatite B [Krugman S. et coll., 1967]. En 1970, l’équipe de Dane visualisa le virion infectieux en microscopie électronique [Dane D.S. et coll., 1970] ultérieurement appelé particule de Dane. En 1975 l’équipe de Maupas décrit l’utilisation de l’AgHBs purifié à partir de plasma de porteurs chroniques du VHB comme source vaccinale [Maupas P. et coll., 1981]. Dans les années 1980 l’équipe de Robinson caractérise le génome viral, les protéines associées au virion ainsi que le profil sérologique détaillé des hépatites B aiguë et chronique [Robinson W.S., 1978]. La fabrication d’un vaccin recombinant en 1986 a permis la réduction significative de la prévalence du VHB dans de nombreux pays où celui-ci était endémique [Rantala M., 2008]. La technique de réactions de polymérisation en chaine (PCR) a permis en 1989 le séquençage du VHB et l’identification des mutants [Karayiannis P. et coll., 2008]. En 1997, Carman et son équipe ont décrit les bases moléculaires du profil sérologique des patients AgHBe négatif ainsi que les phénomènes d’échappement vaccinal chez les enfants vaccinés nés de mères infectés par le VHB [Carman W.F., 1997].
Caractéristiques du VHB
Taxonomie
Le VHB est un virus enveloppé dont l’ADN est circulaire et partiellement bicaténaire. Il appartient à la famille des Hepadnaviridae et au genre Orthohepadnavirus (Groupe taxonomique VII du règne des Virus selon la classification de Baltimore). L’espèce type est le VHB [Datta S., 2012].
L’une de ses particularités est la réplication de son génome par l’intermédiaire d’une transcriptase inverse virale. Son enveloppe présente un déterminant spécifique de groupe qui est le déterminant a et d’autres déterminants d, r, y, w qui sont non spécifiques; d et y s’excluent mutuellement, r et w s’excluent mutuellement. La combinaison du déterminant spécifique et des déterminants non spécifiques permet de différencier des sous-types et de marquer les populations. La caractérisation de ces déterminants majeurs a permis une classification en 9 sérotypes: ayw1, ayw2, ayw3, ayw4, ayr, adw2, adw4, adrq+ et adrq- [Courouré A. et coll., 1976]. Au plan génotypique, l’analyse des séquences a permis de mettre en évidence 8 génotypes (A à H) qui se répartissent dans des régions géographiques distinctes [Liaw Y.F. et coll., 2008].
Structure du VHB
L’examen en microscopie électronique du sérum d’un sujet infecté par le VHB révèle trois types de particules (figure 1: des particules virales sphériques de 42 nm de diamètre (particules de Dane) et des particules sous-virales (formes sphériques de 17 à 25 nm de diamètre et formes filamenteuses de plusieurs centaines de nm de long). La particule de Dane ou virion (10⁹ particules/ml) est la particule infectieuse. Les particules sous-virales ne sont pas infectieuses, sont plus nombreuses (jusqu’à 10¹³/ml de sérum), correspondent à une synthèse en excès des protéines d’enveloppe du VHB et pourraient servir à absorber des anticorps (Ac) neutralisants, permettant ainsi au virus d’échapper à l’hôte [Seeger C. et coll., 2000; Patient R., 2008]. Le virion est constitué d’une enveloppe externe et d’une partie centrale appelée « core » [Gentilini Marc, 1993] correspondant à la capside et au génome viral.
L’enveloppe
Elle provient du réticulum endoplasmique hépatocytaire lors de la circulation de la particule virale dans les voies sécrétrices. Elle est composée de lipides, d’hydrates de carbone et de protéines virales. Elle entoure la capside et porte l’AgHBs présent à la surface des particules de Dane et des particules d’enveloppe vides sécrétées par les cellules infectées [Patient R., 2008].
La capside
Son diamètre est de 27 nm et elle comporte 180 capsomères. De symétrie icosaédrique, elle est formée de protéines constituant l’Ag de capside (AgHBc) et l’AgHBe qui est soluble [Gentilini Marc, 1993].
Le génome
Le génome du VHB (Figure 2a), situé dans la capside virale, est l’un des plus petits génomes à ADN avec seulement 3200 nucléotides [Robinson W. S. et coll., 1974]. Il est constitué d’une molécule d’ADN circulaire partiellement double brin, avec un brin long à polarité négative et un brin court à polarité positive [Tiollais P. et coll., 1985]. Le brin long est un brin complet (brin « négatif » codant) qui contient la totalité du patrimoine génétique [Zoulim F., Trépo C., 1997] c’est-à-dire les 4 phases de lecture ouvertes (ORF). Sa longueur, d’environ 3,2 kilobases (Kb), est constante. Il possède 3200 nucléotides et à l’exception d’une très courte interruption forme un cercle continu. Le domaine Nterminal de la polymérase virale est lié de façon covalente à son extrémité 5’ [Dubois F., 1998]. Il porte en cette extrémité 5’ une séquence terminale redondante de 9 bases qui chevauche l’extrémité 3’ et présente à cet endroit une courte interruption de séquence appelée gap [Urban S., 2010]. Le brin court est un brin incomplet (brin « positif » non codant) [Zoulim F., Trépo C., 1997]. Sa longueur est variable (50 à 100% de la taille du génome). Seule son extrémité 3’ est libre et variable en longueur [Zoulim F., Trépo C., 1997]. Ce brin court possède une extrémité 5’ bien définie qui porte une courte séquence d’ARN provenant de l’ARN prégénomique [Dubois F., 1998]. Le maintien de la forme circulaire de l’ADN est assuré par l’appariement des extrémités 5’ des deux brins (qui sont donc fixes) sur une longueur de 200 nucléotides [Zoulim F., Trépo C., 1997]. En outre le génome contient de part et d’autre du gap deux séquences répétées (Direct Repeat) de 10 à 20 bases appelées DR1 et DR2 qui sont essentielles pour la réplication du virus [Urban S., 2010].
Ce génome du VHB est organisé en 4 phases de lecture ouvertes ou Open Reading Frame (ORF) [Carman W.F., 1997] situées sur le brin long et conservées malgré les différents soustypes viraux. Une ORF est une séquence nucléotidique codante permettant la transcription et la traduction du génome. Ces différentes ORF se chevauchent du fait de l’organisation compacte du génome viral, permettant ainsi à ce petit génome d’augmenter sa partie codante [Urban S., 2010].
L’ORF S
Elle est divisée en région S, pré-S1 et pré-S2 et code les protéines de l’enveloppe [Heermann K.H. et coll., 1984]. La région S est commune aux deux autres régions (pré-S1 et pré-S2). Le gène S code la petite protéine S ou AgHBs. La région pré-S2/S code la protéine moyenne M. Les régions pré-S1, pré-S2 et S codent la grande protéine L [Carman W.F., 1997].
L’ORF C
L’ORF C code la protéine du Core ou protéine de la nucléocapside (AgHBc) ainsi que la protéine non-structurelle (AgHBe). Les premiers nucléotides de la région pré/C codent un peptide signal qui facilite la sécrétion de l’AgHBe dans le sérum après passage dans le réticulum endoplasmique cellulaire [Schlicht H.J. et coll., 1987].
L’ORF P
Le gène P représente les deux tiers du génome. Il code l’ADN polymérase virale. Les produits de gène P ont une activité ADN-polymérase, une activité de transcription inverse, une activité RNase H. [Maura Dandri et coll., 2013] et ont aussi la fonction de protéine terminale [Bartenschlager R. et coll., 1988].
L’ORF X
Elle code un polypeptide qui est essentiel à la réplication virale in vivo [Urban S., 2010; Maura Dandri et coll., 2013].
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I: Généralités sur l’infection au virus de l’hépatite B
1. Historique
2. Caractéristiques du VHB
2.1. Taxonomie
2.2. Structure du VHB
2.2.1. L’enveloppe
2.2.2. La capside
2.2.3. Le génome
2.2.3.1. L’ORF S
2.2.3.2. L’ORF C
2.2.3.2. L’ORF P
2.2.3.4. L’ORF X
2.2.4. Les protéines virales
2.2.4.1. Les protéines d’enveloppe
2.2.4.2. Les AgHBc et AgHBe
2.2.4.3. L’ADN polymérase
2.2.4.4. La protéine X
2.2.4.5. L’Hepatitis B Spliced Protein
3. Cycle de réplication du VHB
3.1. Fixation et entrée virale
3.2. Libération du génome viral
3.3. Formation de l’ADN super-enroulé
3.4. Transcription virale
3.5. Encapsidation
3.6. Transcription inverse et synthèse du brin plus d’ADN
3.7. Devenir des capsides virales
3. Variabilité génomique du VHB
4. Epidémiologie de l’infection par le VHB
5.1. Répartition géographique de l’hépatite B
5.2. Habitat
5.3. Modes de transmission
5.3.1. La transmission parentérale
5.3.2. La transmission sexuelle
5.3.3. La transmission verticale (périnatale)
5.3.4. La transmission horizontale
6. Histoire naturelle
6.1. Pouvoir pathogène chez l’homme
6.2. Symptomatologie
6.2.1. Hépatite B aiguë
6.2.1.1. Forme typique
6.2.1.2. Formes cliniques
6.2.2. Hépatite B chronique
7. Diagnostic au laboratoire de l’infection par le VHB
7.1. Diagnostic biologique direct de l’infection par le VHB
7.1.1. La culture
7.1.2. La microscopie électronique
7.1.3. La recherche des Ag viraux
7.1.4. Détection et quantification de l’ADN du VHB
7.2. Le diagnostic indirect
7.3. Cinétique des marqueurs
7.3.1. Hépatite B aiguë
7.3.2. Hépatite B chronique
7.4. Techniques biochimiques et anatomo-pathologiques
8. Traitement
8.1. Objectifs du traitement
8.2. Moyens thérapeutiques
8.2.1. L’interféron
8.2.2. Les analogues de nucléosides ou de nucléotides
8.3. Indications du traitement
8.4. Les critères de réponse du traitement
9. Prévention
9.1. Mesures d’hygiène
9.2. Immunoprophylaxie passive
9.3. Immunoprophylaxie active
Chapitre II: Généralités sur l’infection à VIH/SIDA
1. Historique
2. Biologie et taxonomie du VIH-1
2.1. Définition et classification du VIH-1
2.2. Morphologie et structure du VIH-1
2.3. Organisation génomique du VIH-1
2.3.1. Les gènes de structure
2.3.2. Les gènes de régulation et les gènes accessoires
2.3.3. Les LTR
2.4. La variabilité génétique du VIH-1
2.5. Le cycle réplicatif du VIH-1
2.6. Le tropisme du VIH-1
3. Physiopathologie de l’infection à l’infection à VIH-1
3.1. La phase de primo-infection
3.2. La phase de latence clinique
3.3. La phase symptomatique aboutissant au SIDA
4. Modes de transmission
4.1. Par voie sexuelle
4 .2. Par voie sanguine
4.3. Transmission verticale
5. Epidémiologie
6. Diagnostic biologique
6.1. Diagnostic indirect
6.1.1. Tests de dépistage
6.1.2. Tests de confirmation
6.2. Diagnostic direct
6.2.1. Détection de l’Ag P24
6.2.2. Isolement du VIH par culture cellulaire
6.2.3. Détection des acides nucléiques viraux
7. Traitement de l’infection à VIH
7.1. Les molécules
7.2. Le traitement
Chapitre III: Généralités sur la co- infection VIH-VHB
1. Epidémiologie du VHB chez les PvVIH
2. Influence du VIH sur le VHB
2.1. Phase aiguë
2.2. Phase chronique
3. Influence des virus hépatotropes sur l’infection à VIH
4. Morbidité et mortalité liée à la co-infection VIH/VHB
5. Antirétroviraux, restauration immune des traitements et infection à VHB
6. Quand traiter ?
7. Comment traiter : recommandations
7.1. Recommandations OMS 2013
7.2. Recommandations sénégalaises 2011
8. Vaccination
CONCLUSION