Généralités sur l’immunité
Dès la naissance, nous sommes exposés à une multitude de micro-organismes et d’éléments exogènes. Sans protection efficace, notre organisme serait sujet à diverses pathologies en réponse à ces micro-organismes et substances étrangères. Ainsi, il existe un système complexe de mesures permettant une protection, appelé système immunitaire. L’immunité se décompose en deux parties, l’immunité innée et l’immunité adaptative, agissant ensemble pour prendre en charge et éliminer les agents indésirables. L’immunité innée est un ensemble de mesures non spécifiques, mise en place très rapidement à l’encontre des agents exogènes alors que l’immunité acquise est mise en place dans les 5 à 6 jours après l’intrusion du micro organisme avec un haut degré de spécificité. Ces deux subdivisions de l’immunité font intervenir une composante cellulaire et humorale. En général, après détection d’un micro-organisme, son élimination non spécifique sera assurée par une réponse cellulaire faisant intervenir des cellules phagocytaires comme les cellules dendritiques et les macrophages. En cas d’échappement du micro-organisme aux mécanismes naturels alors l’immunité acquise va se déclencher en réponse à des signaux moléculaires (cytokines et chimiokines). L’immunité innée et l’immunité acquise n’agissent pas de façon indépendante. En effet, elles coopèrent en vue de produire une réponse plus efficace.
Barrières de l’immunité innée
Les barrières physiques et anatomiques représentent la première ligne de défense non spécifique du corps humain. De part leurs structures, la peau et les muqueuses constituent une barrière empêchant l’entrée d’agents exogènes dans l’organisme. Dans le cas où cette barrière serait rompue, par exemple dans le cas d’une lésion, elle constituerait un point d’entrée possible pour l’intrusion d’agents infectieux. La surface de la peau et les muqueuses peuvent produire des sécrétions muqueuses comme les larmes, la salive et le mucus, participant elles aussi au maintien de la barrière. Ces sécrétions agissent de façon mécanique, et chimique, par la production de substances antibactériennes. Dans l’intestin, la muqueuse est recouverte de cils à la surface des cellules épithéliales, permettant de rejeter les pathogènes dans le mucus. Il existe également une barrière microbienne. En effet, les muqueuses sont colonisées par des bactéries (flore commensale ou microbiote) entrant en compétition avec les pathogènes afin d’empêcher leur liaison aux cellules épithéliales et l’invasion dans la muqueuse. De plus, les conditions de pH ou encore de température représentent aussi des barrières physiologiques contre les micro organismes. Le pH acide du sébum à la surface de la peau et le pH gastrique faible limitent l’implantation bactérienne.
La réaction inflammatoire
La réaction inflammatoire est un des modes de réponse les plus fréquents de l’organisme face à une agression. Elle peut être provoquée par des causes infectieuses (bactérienne, virale, parasitaire), immunologiques, tumorales, physiques (intervention chirurgicale, brûlure) ou encore chimiques (microcristaux). Un dommage tissulaire permettant l’entrée dans l’organisme d’un agent exogène induit une réponse inflammatoire caractérisée par 4 paramètres : Douleur, chaleur, tumeur et rougeur. Ces paramètres reflètent les événements principaux de la réponse inflammatoire qui sont la vasodilatation, l’augmentation de la perméabilité capillaire permettant l’influx sanguin ainsi que la margination et la diapédèse des leucocytes à travers la paroi endothéliale des vaisseaux sanguins, qui migreront au niveau du site de l’inflammation. Cette réponse inflammatoire implique également des cellules immunitaires capables de phagocytose, comme les cellules dendritiques et les macrophages, constituant une barrière phagocytaire impliquée dans la capture de pathogènes par des mécanismes d’endocytose ainsi que dans la production de médiateurs solubles permettant le recrutement cellulaire.
Les médiateurs de l’immunité
Le développement d’une réponse immunitaire efficace implique de nombreux types cellulaires. Les interactions entre ces cellules sont médiées par un groupe de protéines, les cytokines. Sécrétées par la majorité des cellules, et plus particulièrement celles du système immunitaire, elles interviennent dans le développement de réponse immunitaire cellulaire et humorale, la régulation de l’hématopoïèse, le contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaire et, enfin, la cicatrisation. Les cytokines agissent généralement localement par des modes de communication autocrines et paracrines mais parfois elles peuvent agir à distance en exerçant ainsi une action endocrine. Elles se lient à des récepteurs spécifiques situés à la membrane de leurs cellules cibles, et déclenchent la transduction de signaux qui modifient l’expression des gènes de ces cellules. Les cytokines sont classées en 4 grandes familles qui sont : les cytokines de classe I (ou hématopoïétines), les cytokines de classe II ou interférons, les facteurs de nécrose tumorale (TNF pour Tumor Necrosis Factor) et les chimiokines. Plus couramment, les cytokines sont subdivisées en deux sous parties : les cytokines conduisant à l’inflammation, dites pro-inflammatoires, et celles participant à l’inhibition de l’inflammation dites anti-inflammatoires. Cependant, rares sont les cytokines ayant des propriétés exclusivement pro- ou anti-inflammatoires et leur effet dépend du contexte cellulaire et moléculaire. Malgré cela, les cytokines présentent des propriétés soit pro- soit anti-inflammatoires plus prononcées permettant de les classer dans l’un ou l’autre groupe.
Les cytokines pro-inflammatoires
Le Tumour Necrosis Factor α (TNFα)
Premièrement décrit comme facteur inducteur de nécrose des cellules cancéreuses [18], le TNFα est la cytokine la plus étudiée de la superfamille du TNF, qui comprend plus de 40 membres. Les sources cellulaires principales du TNFα sont les monocytes, les macrophages, les fibroblastes et les cellules endothéliales stimulées et il peut également être sécrété par les lymphocytes T et B, les mastocytes et les kératinocytes. Sa synthèse est principalement induite par les endotoxines bactériennes, l’IL-1 ou encore l’IL-17. Le TNFα est synthétisé sous la forme d’un précurseur inactif ancré à la membrane. Pour acquérir son activité le TNFα doit être clivé par la métalloprotéase TACE (TNFα converting enzyme) [19]. Le TNFα ainsi sécrété forme des multimères de 2, 3 ou 5 unités qui peuvent être glycosylées ou phosphorylées, reliées entre-elles par des liaisons non covalentes [20]. Son activité biologique est principalement centrée sur l’inflammation où il joue un rôle clé dans l’initiation des réactions inflammatoires de l’immunité innée en induisant la production de cytokines et en activant l’expression de molécules d’adhésion. Deux récepteurs sont capables de fixer le TNFα, le TNFR1 et le TNFR2, qui diffèrent par leur domaine intracellulaire et par conséquent activent des voies de signalisation différentes. Le TNFR1 possédant un domaine intracellulaire de mort (ou death domain), recrute en premier lieu la protéine TRADD (TNFR1-associated death domain protein) et FADD (Fas-associated death domain protein) conduisant à l’activation des caspases8 et -3, impliquées dans l’apoptose. D’autre part le TNFR1 est également un activateur de l’expression génique par le recrutement indirect de TRADD qui permet le recrutement du médiateur RIP1 (Receptor-interacting protein 1) conduisant à l’activation de NF-αB et de la voie des MAPK.
Au contraire, la liaison du TNFα au TNFR2 conduit au recrutement direct des protéines TRAF2 (TNF receptor-associated factor 2) et TRAF1 (TNF receptorassociated factor 1) en vue de l’activation de NF-αB (Nuclear Factor-kappa B ) et de la voie des MAPK (Mitogen-activated protein kinase) ou bien de AP-1 (Activator protein 1) [22].(Figure 3)
L’interleukine 1 (IL-1)
La famille de l’IL-1 est composée de nombreux membres dont l’IL-1α, l’IL-1α et l’IL18. Ces cytokines sont sécrétées par les monocytes, les macrophages, les cellules dendritiques, les cellules épithéliales, les kératinocytes et les fibroblastes [23]. Ces cytokines sont impliquées dans la réponse des cellules hôte à une infection. Elles sont synthétisées sous forme de précurseurs inactifs nécessitant une maturation par clivage enzymatique pour être actives. Ainsi, l’IL-1α est clivée par la calpaïne [24] alors que l’IL-1α [25] et l’IL-18 [26] sont maturées par la caspase-1. Deux récepteurs peuvent lier l’IL-1α et l’IL-1α. L’IL-1R1 est capable d’induire la transduction du signal. En revanche, le récepteur IL-1R2, qui ne possède pas de domaine intracellulaire effecteur joue, lui, un rôle de régulateur négatif de l’activité des IL-1 [27]. L’IL-18, quant à elle, exerce son action en se fixant sur l’IL-18R. Ces récepteurs induisent des voies de transduction conduisant à l’activation du facteur de transcription NF-kB et à l’activation de MAP kinases. L’activation de ces voies conduit à la synthèse de la cyclooxygénase 2 (Cox-2 encore appelée prostaglandine endoperoxide synthase 2 ou Ptgs2), de la phospholipase A et de l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) responsables de la formation de monoxyde d’azote, de la prostaglandine E2 (PGE2) et du facteur activateur de plaquettes [23]. Ces composés sont impliqués dans l’apparition de fièvre et de douleurs ainsi que dans la vasodilatation des capillaires sanguins durant l’inflammation. L’IL-1 joue également un rôle dans l’expression de chimiokines afin de promouvoir l’infiltration des cellules immunitaires dans les tissus lésés.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Le tube digestif
1. Structure du tube digestif
2. Composition cellulaire de l’épithélium intestinal
3. Le système lymphoïde associé à l’intestin
3.1. Les plaques de Peyer
3.2. Les ganglions mésentériques
3.3. Les autres GALT
Chapitre 2 : L’immunité innée
1. Généralités sur l’immunité
2. Barrières de l’immunité innée
3. La réaction inflammatoire
4. Les médiateurs de l’immunité
4.1. Les cytokines pro-inflammatoires
4.1.1. Le Tumour Necrosis Factor (TNF)
4.1.2. L’interleukine 1 (IL-1)
4.1.3. L’interleukine 6 (IL-6)
4.2. Les Cytokines anti-inflammatoires
4.2.1. L’interleukine 10 (IL-10)
4.2.2. Le Transforming Growth Factor (TGF-)
4.3. Les Chimiokines
5. Les Récepteurs de l’immunité innée : Les Pattern Recognition Receptors (PRR)
5.1. Les Toll Like Receptors (TLR) : Récepteurs membranaires
5.1.1. Structure des TLR
5.1.2. Ligands des TLR
5.1.3. Voies de signalisation des TLR
5.2. Les Nod Like Receptors (NLR) : Récepteurs cytoplasmiques
5.2.1. Structure des NLR
5.2.2. Les NACHT, LRR and PYD domain-containing protein (NLRP) et l’inflammasome
5.2.3. Les Nucleotide-binding oligomerization domain-containing protein (NOD)
Chapitre 3 : La flore intestinale
1. Généralités
2. Composition du microbiote intestinal
2.1. Les eucaryotes et les virus
2.2. Les Archées
2.3. Les bactéries
2.4. Le microbiote intestinal
3. Fonctions du microbiote intestinal sur son hôte
3.1. Métabolisme
3.2. Fonction Protectrice
3.2.1. Compétition avec les pathogènes
3.2.2. Production de facteurs anti-microbiens
3.3. Fonctions structurales
3.3.1. Jonctions serrées et angiogenèse
3.3.2. Contrôle de la prolifération et de la différenciation des cellules épithéliales
3.3.3. Maturation et stimulation du système immunitaire
4. Régulation de la flore intestinale par l’Hôte
4.1. Effet de l’alimentation sur la composition du microbiote intestinal
4.2. Facteurs génétiques influençant la composition de la flore intestinale
4.3. Prise d’antibiotiques
4.4. Les conditions d’hygiène
4.5. La production de mucus
4.6. Les peptides anti-microbiens
4.6.1. Les défensines
4.6.2. Les Cathélicidines
4.6.3. Les lectines de type C Reg3 et Reg3
4.6.4. Les peptides à activité enzymatique
4.7. La production IgA
Chapitre 4 : De la maladie de Crohn au cancer colorectal
1. La maladie de Crohn
1.1. Généralités
1.2. Epidémiologie
1.3. Thérapies
1.4. Facteurs influençant l’apparition de la MC
1.4.1. Facteurs génétiques
1.4.2. Facteurs environnementaux
1.4.3. Rôle de l’immunité innée dans le développement de la MC
1.4.4. Le microbiote dans le développement de la MC
2. Conséquence aux MICI le cancer colorectal
2.1. Facteurs de risque
2.2. Inflammation et CCR
2.3. Microbiote et CCR
Conclusion générale
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