L’hypertension artérielle (HTA) est un problème de santé publique considérable affectant presque 20% des adultes (1). L’association entre HTA et maladies coronariennes, cérébrales, insuffisance rénale chronique et diabète dans la population adulte fait de l’HTA une cause redoutable de morbidité et de mortalité.
Alors que chez l’adulte la mesure de la TA constitue vraisemblablement l’un des gestes les plus pratiqués en clinique quotidienne, chez l’enfant ce geste est loin d’être automatique. La durée cumulée d’une HTA non traitée est déterminante pour l’âge de la manifestation et la gravité de l’atteinte cardiovasculaire ultérieure. Un diagnostic précoce et un traitement efficace de l’hypertension artérielle dans l’enfance peuvent apporter une contribution décisive au maintien de la santé cardiovasculaire (2). Malgré les preuves toujours plus nombreuses de cette relation entre HTA chez l’enfant et morbidité cardiovasculaire chez l’adulte, trop peu d’attention est portée à la TA chez les enfants. Le caractère souvent asymptomatique de cette pathologie rend d’autant plus difficile le diagnostic. La vigilance quant à son dépistage doit donc en être accrue. L’objectif principal de cette étude a donc été d’évaluer auprès de médecins généralistes une fiche-outil aidant au dépistage de l’HTA de l’enfant.
GENERALITES SUR L’HTA DE L’ENFANT
Epidémiologie-Contexte actuel
Selon des études basées sur le dépistage en milieu scolaire, la prévalence de l’HTA de l’enfant a été estimée entre 2 et 4 % en Europe et entre 4 et 14% aux Etats-Unis (3). En considérant que 2% des enfants de 3 à 18 ans sont atteints d’une HTA, sur la commune de Rouen et son agglomération : 2000 enfants sont théoriquement concernés (4). De plus, l’HTA devient de plus en plus fréquente chez l’enfant. Une étude, réalisée dans l’état de Virginie aux Etats-Unis en 1999 sur une population de 15000 enfants de plus de 5 ans, a retrouvé un taux d’HTA égal à 1,1%. En 2002, ce taux atteignait 4,5%. Cet écart a été, en partie, expliqué par la fréquence croissante de l’obésité (5). Il est d’ores et déjà bien établi chez l’enfant, comme chez l’adulte, la relation entre indice de masse corporelle et chiffres tensionnels (5,6). Cette équation doit nous faire craindre une explosion de la maladie dans les années à venir. Car même si sa prévalence est bien moindre que chez l’adulte (=20 % de la population en moyenne), ses conséquences peuvent être tout aussi dévastatrices .
Définition de l’HTA de l’enfant
La TA normale de l’enfant est plus basse que chez l’adulte ; celle-ci augmente avec l’âge et la taille du sujet. Ces chiffres doivent donc être comparés à des valeurs de référence. D’après les dernières recommandations américaines et européennes :
-Sont considérés comme hypertendus les enfants dont la moyenne des TA systolique ou diastolique, mesurées à trois occasions différentes, est supérieure ou égale aux valeurs observées chez 95% des enfants du même sexe, du même âge et de même taille, c’est-à-dire au 95ème percentile.
-La TA est considérée « normale haute » ou « pré-hypertension » ou « TA limite » si elle est comprise entre le 90ème et le 95ème percentile ou chez l’adolescent si elle est supérieure à 120/80
-L’HTA est classée « grade 1 » si la TA est comprise entre le 95ème et le 99ème percentile.
-Elle est classée « grade 2 » si la TA est supérieure au 99ème percentile + 5mmHg.
Les valeurs de référence utilisées sont issues d’une large étude américaine, détaillée dans le chapitre : « La problématique des tables de référence».
Mesure de la TA chez l’enfant
Conditions de mesure
Le dépistage est recommandé de façon systématique à partir de l’âge de 3 ans et sur point d’appel avant 3 ans (8). La mesure doit être effectuée au repos, depuis au moins 5 minutes, en position allongée ou assise, au membre supérieur reposant sur un support (bras droit de préférence en raison de l’asymétrie observée en cas de coarctation de l’aorte) (9). Un point essentiel est de mesurer la pression à plusieurs reprises au cours d’une même visite et lors de plusieurs consultations. L’appréhension liée à la mesure elle-même ou à la consultation favorise une hausse transitoire de la pression. La répétition des mesures permet à l’enfant de s’habituer à la procédure de mesure. Dans une étude réalisée en Suisse, auprès des élèves de 6e année du canton de Vaud en 2008, 11% des enfants avaient une tension élevée au premier examen, 4% au deuxième examen et seulement 2% au troisième examen. Ainsi, quatre enfants sur cinq dont la tension était initialement élevée avaient en fait une tension normale .
Matériels de mesure
La taille du brassard est le facteur le plus important de la variabilité des résultats (9). Le brassard utilisé doit être adapté à la taille du bras. La largeur du brassard doit couvrir les 2/3 de la distance entre l’olécrane et l’acromion. La longueur de la partie gonflable doit recouvrir 80 à 100% de la circonférence du bras. Quatre tailles sont en général disponibles dans le commerce: nommées à titre indicatif, taille « nourrisson », « enfant », « adulte » et « obèse ». La TA est surestimée si le brassard est trop petit pour l’enfant, et donc trop serré (24). Il peut majorer les chiffres de 12mmHg. Et inversement, un brassard trop large minore les résultats (9). La mesure au membre inférieur ne peut être utilisée pour prédire la TA au membre supérieur. Son intérêt est limité au monitorage en réanimation quand les membres supérieurs sont inaccessibles. La méthode de référence est la méthode auscultatoire. Le stéthoscope placé en regard de l’artère humérale ne doit pas être comprimé par le brassard (9) Le dispositif standard de mesure de TA a été pendant longtemps le manomètre à mercure ; désormais utilisé uniquement dans les établissements de santé du fait de sa toxicité environnementale (8). Les manomètres anéroïdes (tensiomètres manuels standards), largement répandus sont tout à fait fiables. Leur utilisation est désormais validée pour la mesure de la TA chez l’enfant. La méthode automatique oscillométrique est à ce jour largement utilisée. Cependant ces dispositifs peuvent donner des résultats qui varient considérablement quand on les compare à la mesure auscultatoire. En effet les algorithmes utilisés différent d’un constructeur à l’autre et d’un appareil à l’autre, raison pour laquelle ils doivent être régulièrement étalonnés. La mesure automatique présente cependant trois avantages : la facilité d’utilisation, la diminution du biais de préférence numéraire (8,9) ainsi que la diminution de l’effet blouse blanche .
Les signes devant alerter
Ils sont liés à l’affection en cause ou aux conséquences de l’HTA. Les signes les plus souvent évoqués sont (9):
-Céphalées, acouphènes, vertiges, troubles visuels
-Epistaxis
-Symptomatologie digestive : douleurs abdominales, anorexie, vomissements
-Polyuro-polydipsie
-Stagnation staturo-pondérale .
D’autres signes plus rares tels que la paralysie faciale ont également été mentionnés.
Les complications graves sont parfois révélatrices :
-Encéphalopathies hypertensives, hémorragie cérébrale, convulsions, coma
-Diminution brutale de l’acuité visuelle
-Insuffisance rénale
-Défaillance cardiaque .
Dans d’autres cas, ce sont les signes spécifiques de l’affection causale qui font découvrir l’HTA. Il n’existe pas toujours de relation stricte entre le niveau d’élévation de la PA et la sévérité des signes.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. GENERALITES SUR L’HTA DE L’ENFANT
II.1. Epidémiologie – Contexte actuel
II.2. Définition de l’HTA de l’enfant
II.3. Mesure de la TA chez l’enfant
II.3.1. Conditions de mesure
II.3.2. Matériels de mesure
II.4. Les signes devant alerter
II.5. Etiologies
II.5.1. HTA secondaire : les principales causes
II.5.2. HTA essentielle : ses déterminants, ses comorbidités
II.5.3. Particularités du nouveau-né
II.6. Complications de l’HTA de l’enfant
II.7. Prise en charge de l’HTA chez l’enfant
II.7.1. Investigations devant une HTA confirmée
II.7.1.1. Recherche d’une étiologie et bilan des facteurs de risques
II.7.1.2. Evaluation du retentissement de l’HTA sur les organes cibles
II.7.2. Investigations devant une HTA « limite »
II.8. Traitement : quelques notions
II.8.1. Traitement étiologique : premier traitement de l’HTA secondaire
II.8.2. Mesures hygiéno-diététiques : traitement principal de l’HTA primaire
II.8.3. Prise en charge des comorbidités
II.8.4. Traitement pharmacologique
II.8.4.1. Indications
II.8.4.2. Molécules
II.8.4.3. Cas particulier de l’urgence hypertensive
II.8.4.4. Limites d’utilisation des antihypertenseurs
III. INTERET DE L’ETUDE : JUSTIFICATION DE LA REALISATION D’UNE FICHE OUTIL
III.1. Médecin généraliste : premier acteur du dépistage
III.2. HTA de l’enfant, facteur prédictif du risque cardiovasculaire chez l’adulte : un enjeu de santé publique
III.3. Relation Obésité/HTA de l’enfant : une augmentation attendue de la prévalence de la maladie
III.4. HTA de l’enfant : Pathologie sous diagnostiquée
III.5. La problématique des tables de références
IV. OBJECTIFS DE L’ETUDE
IV.1. Objectif principal : Evaluation d’une fiche-outil visant à faciliter le dépistage de l’HTA de l’enfant en médecine de ville
IV.2. Objectifs secondaires
IV.2.1. Définir les pratiques habituelles des médecins généralistes quant à la prise de PA chez l’enfant
IV.2.2. Recueillir l’avis des médecins sur les dernières recommandations
IV.2.3. Recueillir les éventuelles modifications de pratiques prévues par les médecins généralistes après information
V. METHODOLOGIE
V .1.Elaboration de la fiche-outil
V.1.1. Choix des informations diffusées
V.1.2. Sources et références utilisées
V.1.3. Choix du support et de la mise en page
V.2. Population étudiée
V.3. Distribution de la fiche-outil
V.4. Elaboration du questionnaire et réalisation d’entretiens qualitatifs semidirigés
V.5.Recueil des données
VI. RESULTATS
VI.1. Caractéristiques de la population étudiée
VI.2. Pratiques habituelles des médecins généralistes concernant l’HTA de l’enfant
VI.2.1. Age de début de prise de la PA
VI.2.2. Rythme de prise de la PA
VI.2.3. Occasions de prise de la PA
VI.2.4. Matériels de mesure de PA utilisés
VI.2.4.1. Brassards
VI.2.4.2. Chiffres de TA de référence
VI.3. Avis des médecins généralistes sur la fiche outil
VI.3.1. Consultation de la fiche-outil et intérêt porté au sujet
VI.3.2. Avis des médecins sur les informations générales rapportées sur l’HTA de l’enfant
VI.3.2.1. Concernant le contexte
VI.3.2.2. Concernant les facteurs de risques
VI.3.2.3. Concernant la définition de l’HTA de l’enfant
VI.3.3. Avis des médecins sur les dernières recommandations
VI.3.3.1. Connaissances préalables des médecins
VI.3.3.2.Recommandations jugées non adaptées à la pratique
VI.3.3.3. Recommandations jugées adaptées à la pratique
VI.3.4. Avis des médecins sur la table simplifiée des normes de PA
VI.3.4.1. Avis négatifs sur la table simplifiée
VI.3.4.2. Avis positifs sur la table simplifiée
VI.3.5. Avis des médecins sur le support et la présentation
VI.3.6. Avis des médecins sur l’utilité de la fiche-outil en pratique courante
VI.3.6.1. Son rôle de sensibilisation
VI.3.6.2.Son rôle d’information
VI.3.6.3. Son rôle diagnostique
VI.4. Modification des pratiques prévues par les généralistes après information : les médecins ont-ils été convaincus ?
VI.4.1. A propos de la mesure de la PA chez l’enfant
VI.4.2. A propos de la formation des généralistes
VII. DISCUSSION
VII. CONCLUSION