Le terme « halitose » est un mot inventé vers 1930. Cet hybride est formé par la combinaison d’un élément latin et d’un élément grec. « Halitus » en latin signifie haleine ou souffle, « osis » est un suffixe grec désignant un trouble, plus précisément des maladies non inflammatoires et / ou des états chroniques. [65] Si le mot « halitose » est relativement récent, les maux qu’il recouvre datent des plus anciens temps de l’humanité. Nous avons retrouvé des références dans les livres saints comme la Bible et le Coran ainsi que dans le Talmud et la lithurgie hébraïque (écrit depuis 2000 ans). [7, 14, 49] C’est un trouble qui traverse l’histoire, la culture, la race et le sexe. [65] Il s’agit d’une situation connue et évoquée depuis les époques romaine et grecque. [7] Ainsi, Hippocrate (344-460 av. J.-C.) avait déjà décrit des recettes de bains de bouche pour lutter contre la mauvaise haleine. En effet l’halitose va jusqu’à faire dégénérer puis régir les relations entre conjoints. Selon le droit talmudique vieux de plus de 2000 ans, l’halitose d’un partenaire peut constituer un motif fondé de divorce. [7] Sous d’autres latitudes, le protocole de la cour impériale de Chine ancienne s’en est trouvé affecté. Les empereurs exigeaient à leurs visiteurs de mâcher des clous de girofle avant de venir s’entretenir avec eux. [17] L’halitose peut aussi être la source d’incidents malheureux. Ainsi le poète grec Euripide (480 406 av. J.-C) avait conçu de solides haines à l’encontre de ceux qui mentionnaient sa mauvaise haleine. Le prophète Mahomet (570-632 apr. J.-C) aurait expulsé un fidèle de la mosquée à cause de son haleine empestant d’ail. [49] Dans notre monde aseptisé, où les normes sociales valorisent l’image individuelle et les relations interpersonnelles, avoir une mauvaise haleine devient un handicap majeur de la vie en société. L’importance de cet état morbide est liée à deux notions que sont d’une part son aspect antisocial (gêne relationnelle) et d’autre part les difficultés de diagnostiques et de prise en charge thérapeutique. L’halitose est liée dans 90% des cas à une surcharge bactérienne dans la cavité buccale. [47] En effet les bactéries dégradent les protéines issues de la desquamation des cellules épithéliales, des débris épithéliaux et de la salive. Il en résulte une putréfaction donnant la mauvaise haleine. Les autres causes relèvent de l’oto-rhino-laryngologie et des maladies respiratoires (8%). Les maladies gastro-intestinales ou rénales et d’autres syndromes métaboliques sont les causes mineures (2%). Le fléau est étendu, 25% de la population mondiale en est atteinte de manière chronique [17] et tout un chacun est touché à un quelconque moment de la journée, plus particulièrement au lever ou entre les repas trop espacés. Plusieurs études sont publiées sur le traitement de la mauvaise haleine. Cependant peu de travaux sont consacrés au rôle de la pharmacopée sur la prise en charge de mauvaises odeurs buccales. Pourtant l’homme a toujours fait appel à cette médecine holistique pour traiter les affections bucco-dentaires. Grâce à Celse et Pline (odontotiatries du 1er siècle), plusieurs œuvres consacrées à la botanique recèlent une importante pharmacopée à destination odontologique. Récemment des tradipraticiens et des phytothérapeutes ont utilisé des produits de la médecine traditionnelle pour traiter l’halitose.
GENERALITES SUR L’HALITOSE
LES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
L’épidémiologie de l’halitose n’offre pas encore un outil de référence assez tangible pour cerner la problématique. Néanmoins, la communauté américaine des chirurgiens- dentistes a tenté en 1995 d’établir une enquête. Les résultats ont montré que 50% des nord-américains souffraient de mauvaise haleine [2]. Une enquête téléphonique a été effectuée sur la mauvaise haleine, afin de déterminer combien de personnes prenaient occasionnellement ou régulièrement des produits pour lutter contre la mauvaise haleine. Les résultats ont montré que 60% des femmes et 50% des hommes utilisaient des produits pour se rafraîchir l’haleine. Au Japon, une enquête faite sur 2762 personnes a montré que les 23% souffraient d’une mauvaise haleine [51]. En Chine, 27,5% des personnes examinées s’en plaignaient [46]. En Allemagne, Seemann et coll. [72] a montré que sur 520 personnes, 76% en souffraient occasionnellement, 7% de façon permanente, 58% en étaient informées par leurs collègues. En France Frexinos et coll. [27] a montré dans une étude qui a porté sur 4817 individus, que le taux de prévalence était de 22%.
CLASSIFICATION DE L’HALITOSE
Trois catégories d’halitose ont été décrites :
– halitose proprement dite,
– pseudohalitose,
– halitophobie.
Halitose proprement dite
Selon la cause, elle est divisée en halitose physiologique et en halitose pathologique.
● Halitose physiologique
Appelée aussi halitose « normale », elle est due à la flore bactérienne de la cavité orale. Elle disparait lorsque des mesures d’hygiène efficaces sont mises en place.
● Halitose pathologique
Elle est permanente et ne peut être traitée que par une approche thérapeutique adéquate.
Pseudohalitose
Elle est présente lorsque le patient croit avoir une mauvaise haleine alors que celle-ci est inexistante.
Halitophobie
C’est un état obsessionnel de mauvaise haleine. Le patient continue de se plaindre d’une mauvaise haleine subjective après que celle-ci ait été diagnostiquée objectivement et traitée avec succès. Néanmoins, le diagnostic d’halitophobie doit être pris au sérieux car elle peut être confondue avec d’autres maladies comme la triméthylaminurie. Cette dernière est une maladie génétique due à un déficit d’oxydation de la triméthylamine (TMA), composé malodorant, en triméthylamine N-oxyde (TMAO), composé sans odeur.
ETIOLOGIES
L’étiologie de l’halitose est multifactorielle. Il a été évoqué des mécanismes étiopathogéniques locaux, régionaux et généraux.
Causes locales
L’halitose, sur le plan oral, est associée aux composés malodorants, aux bactéries anaérobies et aux facteurs anatomiques.
➤ Les composés malodorants
C’est en 1971 que Tonzetich et Carpenter ont démontré que la mauvaise haleine était due essentiellement à des composés volatils sulfurés (CVS) comme le méthylmercaptan (CH3SH), le sulfure d’hydrogène (H2S), le sulfure de diméthyle (CH3-S-CH3) et le disulfure de diméthyle (CH3-S-S-CH3), qui constituent environ 90% des CVS [78]. Toutefois, d’autres composés gazeux ont été identifiés comme potentiels responsables de l’halitose. C’est le cas des composés aromatiques volatils (Indole, Skatole), les acides organiques (acétique et proprionique) et les diamines (cadavérine, putrescine). [30, 63]
➤ La flore bactérienne buccale
La cavité orale présente environ 600 espèces bactériennes distinctes aux capacités très diverses à utiliser les nutriments disponibles. [42, 81] Ces micro-organismes jouent un rôle important dans la production des mauvaises odeurs. Des études spécifiques ont montré la corrélation entre la production de composants malodorants et la modification de la flore microbienne qui est passée d’une prédominance Gram (+) à une flore anaérobie à prédominance Gram (-).
Différents auteurs ont étudié la capacité in vitro des différentes bactéries capables de produire des CVS ; on trouve parmi elles Peptostreptococcus centipida, Bacteroides, Fusobacterium, Eubacterium, Selomonas, des micro-organismes spécifiques tels que Porphyromonas gingivalis, Treponema denticola, Porphyromonas endodontalis. Ces bactéries sont situées dans les sillons gingivodentaires. On les retrouve également en cas de parodontites et de gingivites, mais elles sont plus nombreuses sur le dos de la langue. Elles utilisent les protéines issues de la desquamation des cellules épithéliales, des débris épithéliaux et de la salive. Une putréfaction en résulte pour donner des sulfures, des amines de putréfaction, des composés aromatiques et des acides organiques.
➤ Les facteurs anatomiques
– La langue
La langue est une entité particulièrement importante de la cavité orale. Elle est l’organe de la gustation, sa couleur normale est rosâtre. Sa morphologie est telle qu’elle est le lieu de dépôt de nombreux débris alimentaires, de micro-organismes et de déchets métaboliques. En effet, son revêtement épithélial héberge des cellules épithéliales détachées de la muqueuse buccale, des micro-organismes et des leucocytes issus des poches parodontales. Sa surface dorso-postérieure est naturellement une zone de rétention difficilement accessible aux nettoyages physiologiques et mécaniques. Des études récentes font du dos de la langue, la source principale de production des CVS chez les populations avec ou sans pathologies parodontales [84]. Ces mêmes études ont démontré que l’élimination des enduits réduit la proportion des CVS [79]. L’enduit compte des cellules sanguines, bactériennes et épithéliales. Plus de 100 bactéries peuvent être attachées à une seule cellule épithéliale de la langue, alors que 25 le sont à chacune des cellules se trouvant dans les autres zones de la cavité buccale [83].
– Les dents
Elles sont naturelles ou prothétiques. Tous les facteurs susceptibles de créer une rétention de débris alimentaires ou de rendre le brossage difficile voire impossible sont à prendre en compte: les caries dentaires, les points de contacts défectueux, certaines particularités anatomiques (sillons ou cinguli profonds), les prothèses mal conçues ou mal entretenues.
➤ Les poches parodontales
Des études ont montré une corrélation entre la concentration de CVS dans l’air présent dans la cavité orale et l’augmentation de la profondeur des poches parodontales. [51, 68] Il existe une relation entre la mauvaise haleine et la maladie parodontale. En effet, une bonne hygiène régulière et des nettoyages professionnels permettent de réduire les CVS. Soder et coll. [73] ont constaté que l’apparition de la mauvaise haleine dépend de l’hygiène orale et de la fréquence des visites chez le dentiste. La maladie parodontale était plus importante, du point de vue statistique, chez les patients souffrant de mauvaise haleine que ceux sans mauvaise haleine. Une relation n’a pas pu être établie entre la maladie parodontale, la prévalence et la sévérité de l’halitose.
➤ Les étiologies salivaires
Il s’agit en général d’hyposialie ou d’asialie qui entraine une sécheresse buccale source d’halitose mais aussi d’excrétion salivaire de substances malodorantes. Elles sont causées par les atteintes glandulaires, les gingivo-stomatites.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I-GENERALITES SUR L’HALITOSE
I.1. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
I.2 CLASSIFICATION DE L’HALITOSE
I.2.1 Halitose proprement dite
I.2.2 Pseudohalitose
I.2.3 Halitophobie
I.3 ETIOLOGIES
I.3.1 Causes locales
I.3.2 Causes loco-regionales
I.3.3 Causes générales
I.4 DIAGNOSTIC
I.4.1 Diagnostic positif
I.4.2 Diagnostic différentiel
I.5 TRAITEMENT DE L’HALITOSE
II-GENERALITES SUR ACACIA NILOTICA
II.1 DESCRIPTION BOTANIQUE
II.1.1 Le port
II.1.2 Les feuilles
II.1.3 Les fleurs
II.1.4 Les fruits
II.2 REPARTITION GEOGRAPHIQUE ET HABITAT
II.3 COMPOSITION CHIMIQUE
II.4 PROPRIETES PHARMACOLOGIQUES
II.4.1 Antiseptiques et antibactériennes
II.4.2 Propriétés antiagrégants plaquettaires
II.4.3 Propriétés antimycosiques
II.4.4 Propriétés molluscicides et algicidales
DEUXIEME PARTIE : ETUDE CLINIQUE ET EXPERIMENTALE
I. JUSTIFICATION
II. MATERIEL ET METHODE
II.1 CHOIX DU PRODUIT UTILISE DANS NOTRE ETUDE
II.1.1 Cadre d’enquête
II.1.2 Critères d’inclusion
II.1.3 Critères de non inclusion
II.1.4 Méthode d’investigation
II.1.5 La fiche de recueil des données de l’enquête
II.2 FACTEURS ASSOCIES A L’HALITOSE PAR AUTOEVALUATION ET EFFICACITE DE ACACIA NILOTICA SUR LE TRAITEMENT
II.2.1 Type étude
II.2.2 Population et cadre de l’étude
II.2.3 Critères de sélection des patients
II.2.4 Matériel
II.2.5 Préparation de l’extrait
II.2.6 Protocole clinique
II.2.7 Analyse statistique
III. RESULTATS
III.1 CHOIX DU PRODUIT
III.2 RESULTATS DE L’ETUDE CLINIQUE
III.2.1 Données sociodémographiques
III.2.2 Facteurs associés à l’halitose
III.2.3 Scores de CVS avant et après application de Acacia nilotica
IV. DISCUSSION
IV.1 CONSIDERATION METHODOLOGIQUE ET LIMITE DE NOTRE ETUDE
IV.2 DONNEES SOCIODEMOGRAPHIQUES
IV.3 FACTEURS ASSOCIES A L’HALITOSE
IV.3.1 Santé générale
IV.3.2 Maladies infectieuses
IV.3.3 Maladies gastriques
IV.3.4 Allergies
IV.3.5 Médicaments pris
IV.3.6 Stress
IV.3.7 Tabagisme et consommation d’alcool
IV.3.8 Intensité de la mauvaise haleine et moment de la journée
IV.3.9 Distance de perception de la mauvaise haleine
IV.3.10 Mauvaise haleine et vie sociale
IV.3.11 Dépôt sur la langue
IV.3.12 Respiration par la bouche
IV.3.13 Origine de la mauvaise haleine
IV.4 EFFETS DE L’ACACIA NILOTICA SUR LE TAUX DE
CONCLUSION