Lโutilisation des plantes a toujours รฉtรฉ une pratique courante dans nos sociรฉtรฉs, surtout la sociรฉtรฉ africaine et asiatique. En effet depuis trรจs longtemps, la mรฉdecine africaine, du moins celle pratiquรฉe par les tradipraticiens sโest toujours basรฉe sur lโutilisation des diffรฉrentes parties des vรฉgรฉtaux. Ainsi, les drogues ร tanin ont connu une trรจs large part dans l’utilisation des plantes mรฉdicinales. Historiquement, leur importance est liรฉe surtout aux propriรฉtรฉs tannantes, c’est ร dire ร la propriรฉtรฉ qu’ils ont de transformer la peau fraรฎche en un matรฉriau imputrescible. Depuis une vingtaine d’annรฉes, le dรฉveloppement rapide des mรฉthodes d’investigation structurale a permis de grands progrรจs dans la connaissance de la structure des tanins. C’est en particulier le cas de la spectromรฉtrie de masse par bombardement d’atomes rapides. Cependant, la complexitรฉ structurale des tanins implique encore malgrรฉ tout le recours ร des รฉtudes chimiques plus ou moins complexes.
GENERALITES SUR LES TANINSย
DEFINITION
Les tanins sont des composรฉs polyphรฉnoliques ayant la propriรฉtรฉ de tanner la peau, cโest-ร -dire de la rendre dure et imputrescible, en se fixant sur les protรฉines. Cependant on a deux grands groupes de tanins :
– les tanins hydrolysables ;
– les tanins condensรฉs, non hydrolysables ou tanins catรฉchiques dรฉrivant des catรฉchols et des proanthocyanidols par condensation. Historiquement, lโimportance des drogues ร tanins est liรฉe ร leurs propriรฉtรฉs tannantes, cโest-ร -dire ร la propriรฉtรฉ quโils ont de transformer la peau fraรฎche en matรฉriau imputrescible : le cuir. La rรฉsultante du tannage est lโรฉtablissement de liaisons entre les fibres de collagรจnes de la peau, ce qui confรจre ร celle-ci une rรฉsistance ร lโeau, ร la chaleur et ร lโabrasion.
STRUCTURE DES TANINSย
Habituellement on distingue chez les vรฉgรฉtaux supรฉrieurs deux groupes de tanins par leur structure et par leur origine biogรฉnรฉtique : les tanins hydrolysables, les tanins condensรฉs.
LES TANINS HYDROLYSABLES
Ce sont des oligo- ou des polyesters dโun sucre (ou dโun polyol apparentรฉ) et dโun nombre variable de molรฉcules dโacides-phรฉnol, le sucre est trรจs souvent le glucose. Lโacide phรฉnol est soit lโacide hexahydroxydiphรฉnique (HHDP) et ses dรฉrivรฉs dโoxydation (DHHDP : dehydrohexahydroxydiphรฉnoyle, acide chรฉbulique) dans le cas des tanins classiquement dรฉnommรฉs tanins ellagiques [7, 13, 28, 54]. Depuis 1985, plusieurs reprรฉsentants dโune nouvelle catรฉgorie de tanins ont รฉtรฉ isolรฉs [7] : Les tanins : les tanins complexes sont des ellagitanins modifiรฉs, rรฉsultant de lโaddition dโun dรฉrivรฉ phรฉnyl chromanique sur une molรฉcule dโester HHDP du glucose : flavanol (flavono-ellagitanin).
Les tanins galliques, ellagiques et dehydro-ellagiques (simples ou complexes) sont caractรฉristiques des Angiospermes dicotylรฉdones (surtout : Rosidae, Dilenidae, Hamamelidae), sauf des Asteridae, chez lesquelles, ils sont gรฉnรฉralement absents.
Biogenรจse des ellagitaninsย
Le groupe HHDP a รฉtรฉ supposรฉ biogรฉnรฉtiquement produit par la liaison C-C formรฉe entre deux groupes galloyl. Une investigation rรฉcente sur les variations saisonniรจres des structures de tanins hydrolysables de Liquidambar formosana, a rรฉvรฉlรฉ une formation d’un groupe HHDP dans plusieurs tanins, ร la place de deux groupes galloyl avec les mรชmes localisations sur le glycopyranose dans la molรฉcule de tanin d’une mรชme plante en bonne saison. Le liquidambin, un composรฉ possรฉdant un groupe aldรฉhyde hydrate est perรงu comme un produit intermรฉdiaire de la biosynthรจse des ellagitanins C-glucosidiques a รฉgalement รฉtรฉ isolรฉ.
Biogรฉnรฉtiquement, lโacide gallique (acide 3,4,5-trihydroxybenzoรฏque) est issu du mรฉtabolisme de lโacide shikimique. On admet quโil est habituellement formรฉ par dรฉshydrogรฉnation directe de lโacide 3-dehydroshikimique ou, dans certains cas particuliers par oxydation de lโacide proto-catรฉchique (lui-mรชme dรฉrivรฉ dโun acide en C6-C3, lโacide cafรฉique). Au total on distingue des tanins hydrolysables monomรจres et des tanins hydrolysables oligomรจres.
Structures des tanins hydrolysables monomรจres
Le penta-ester (2, 3, 4, 6-penta-O-galloyl-ฮฒ-D-glucose) est le tanin le plus commun. Il occupe une position centrale dans le mรฉtabolisme des tanins. En effet, la plupart des vรฉgรฉtaux sont susceptibles de poursuivre le mรฉtabolisme de cette molรฉcule et de ses homologues et ce dans deux directions.
โคย Evolution vers une molรฉcule plus lourde
(Hexagalloyl, ร un dรฉcagalloyl glucose) par formation, en 3,4 et / ou en 6 du glucose; de chaรฎnes latรฉrales constituรฉes de plusieurs acides galliques liรฉs selon un mode mรฉta ou para-depsidique (les deux formes sโรฉquilibrent en solution par migration dโanyl). Ces tanins galliques sont caractรฉristiques dโun petit groupe de familles :
* Anacardiaceae (Rhus)
* Fagaceae (Quercus)
* Ericaceae
* Geraniaceae
* Aceraceae.
โค Formation des tanins ellagiques
Le couplage oxydatif C-2-C-2โ des groupes galloyl de la molรฉcule, engendre un motif hexahydroxybiphรฉnidique, dicarboxylique. La penta substitution du glucose autorise plusieurs couplages entre les rรฉsidus galloyl en position relative 1 ; 2 ou 1 ; 3 pour former des esters hexahydroxydiphรฉniques : la molรฉcule peut รชtre un mono-ou bis HHDP. Enfin, la condensation de certains ellagitanins avec le C8 ou le C6 dโun flavane (ou dโune flavone) conduit aux tanins complexes qui sont assez frรฉquents (Fagaceae, Combretaceae, Myrtaceae, etc).
Structures des tanins hydrolysables oligomรจres
Le couplage oxydatif (C-C ou C-O-C) intermolรฉculaire explique lโexistence dโun grand nombre dโoligomรจres ellagiques de masse molรฉculaire comprise entre 2000 et 5000. Ainsi, la rugosine D isolรฉe de Filipendula ulmaria et dโautres Rosaceae, a une masse molรฉculaire de 1874 ; cโest le ยซ dimรจre ยป de la tellimagrandine II ou 1, 2, 3 โ triO galloyl-4-6-O-O-hexahydroxy-diphรฉnoyl ฮฒ-D-glucose. (Figure 2) La distribution des formes dimรจres des tanins hydrolysables semble limitรฉe aux dicotylรฉdones,gamopรฉtales exclues. La connaissance de leur structure a progressรฉ trรจs rapidement : en effet, dix ans aprรจs la description du premier dimรจre (l’agrimoniine en 1982), cent cinquante structures รฉtaient dรฉcrites (environ 85% de dimรจres et 10% de trimรจres).
La diversitรฉ des structures rencontrรฉes a conduit certains auteurs ร proposer de les classer en fonction de la nature des motifs engagรฉs dans la liaison des unitรฉs monomรจres (acide gallique, HHDP) et de leur mode de liaison. Lโutilisation de ces critรจres permet de distinguer cinq groupes :
โคย Les GOG :
Lโunitรฉ de liaison est composรฉe de deux (ou trois) rรฉsidus galloyl (G) liรฉs par une liaison รฉther impliquant lโhydroxyle en mรฉta (m-GOG = dรฉhydrodigalloyl) ou en para (p-GOG = isodรฉhydro digalloyl), du carboxyle de lโun et lโhydroxyle en ortho du carboxyle de lโautre. (Exemple : agrimoniine [m-GOG] des Rosaceae ( Agrimonia, Potentilla, Rosa), nupharines des Nymphacaceae) ;
โคย Les DOG :
Lโunitรฉ de liaison est de type tergalloyl (cโest-ร -dire p-DOG) ou valonรฉyl (mDOG). La liaison รฉther implique un hydroxyle en ortho dโun reste galloyl et un hydroxyle en mรฉta ou en para dโun reste hexahydroxydi-phรฉnoyl (HHDP = D). Exemple de ce type: les rugosines ou, en formant en plus un macrocycle, lโoenothรฉine de diverses Onagraceae (oenothero, Epilobium) et Lythraceae ;
โคย Les GOD
Cโest un couplage oxydatif entre carbone dโun reste HHDP et lโoxygรจne de lโhydroxyle dโun reste galloyl qui assure la liaison des deux monomรจres : le motif ainsi crรฉรฉ est dit : ยซsangui sorbyleยป. Exemple : sanguiines des Sangui sorba et Rubus
โค D(OG)2 (mm, mโณ-, m, p- ) Lโunitรฉ reliant les deux monomรจres implique deux liaisons รฉther entre les hydroxyles de deux galloyl et dโun HHDP (Exemple : Euphorbines). La structure peut รฉgalement รชtre dโun type macrocyclique (Exemple : Wood fordines).
โค Les Oligomรจres dโellagitanin C-hรฉtรฉrosidiques .
Remarques :
* Les composรฉs construits autour dโun autre polyol que le glucose sont rares. Cโest le cas de ยซ lโhamamelitanin ยป ou 2โ, 5-di-O-galloyl-ฮฑ-hamamรฉlose qui, du fait de sa faible masse molรฉculaire, ne peut รชtre considรฉrรฉ comme un tanin au sens strict. Cโest le cas de lโacรฉritanin ou 2, T-di-O-galloyl 1,5-anhydro-D-glucitol et ses dรฉrivรฉs ; tri et tรฉtra galloides. Un autre exemple fourni par les dรฉrivรฉs polygalloylรฉs de lโacide quinique constitutif du tanin de tara extrait des gousses de Caesalpinia spinosa (Malina) Kuntze. On connaรฎt aussi des polygalloyl shikimates (Castanopsis sp).
* On donne parfois le nom de tanin aux polymรจres du phloroglucinol, halogรฉnรฉs ou non, qui ont รฉtรฉ isolรฉs dans plusieurs genres dโalgues pheophyceae. Ces polymรจres sont รฉgalement connues sous le nom de phlorotanins.
* On exclut volontairement ici les gallates de flavanols, les gallates de glycosylflavonols (mรชme si certains prรฉsentent des propriรฉtรฉs biologiques voisines de celles de tanins hydrolysables), ainsi que les gallates dโhรฉtรฉrosides phรฉnoliques comme les dรฉrivรฉs galloylรฉs de lโarbutoside isolรฉs dโArctostaphylos sp. (Ericaceae) ou de Bergenia sp.(Saxifragaeae).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES TANINS
I- DEFINITION
II- STRUCTURE DES TANINS
II.1- LES TANINS HYDROLYSABLES
II.1.1. Structures des tanins hydrolysables monomรจres
II.1.2- Structures des tanins hydrolysables oligomรจres
II.2- LES TANINS CONDENSES : Proanthocyanidols
III- BIOGENESE DES TANINS
IV- PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES
V- EXTRACTION, CARACTERISATION ET DOSAGE
V.1- EXTRACTION
V.2- CARACTERISATION
V.2.1- Les rรฉactions colorรฉes
V.2.2- Les rรฉactions de diffรฉrenciation
V.2.2.1- Rรฉaction de STIASNY
V.2.2.2- Autres rรฉactions de diffรฉrenciation
V.3- DOSAGE DES TANINS
V.3.1- Dosage impliquant la prรฉcipitation protรฉique (Seigler Phamacopรฉe)
V.3.2- Dosage des tanins condensรฉs
V.3.3- Dosage des tanins hydrolysables
V.3.4- Dosage des Phรฉnols totaux
DEUXIEME PARTIE
I- ACTIONS PHARMACOLOGIQUES DES TANINS
I.1. ACTIVITES ANTIBACTERIENNES
I.1.1. Travaux de MAHAMAT B. et BASSENE
I.1.2. Travaux de KOLODZIE J. H et al
I.1.3. Travaux de BABA MOUSSA et al
I.2. ACTIVITES ANTIVIRALES
I.2.1. Travaux de CHEN LIU et al
I.2.2. Travaux de POUSSET et al
I.2.3. Travaux de NONAKA. et al, de Robert et al (1992)
I.2.4. Travaux de XY HONG Xi. et al
I.3. ACTIVITES ANTI-INFLAMMATOIRES
I.3.1. Travaux de MOTA et al
I.4. ACTIVITE ANTI-HYPERTENSIVE
I.5. ACTIVITE ANTIMUTAGENE
I.5.1- Travaux de SCHIMMER O et al
I.5.2- Travaux de KAUR S.J. et al
I.6. ACTIVITE IMMUNO-STIMULANTE
I.7. ACTIVITE ANTITUMORALE
I.8. ACTIVITE ANTI-DIARRHEIQUE
I.9. ACTIVITE INDUCTRICE DE L’APOPTOSE
I.10. LES AUTRES EFFETS
I.10.1- Activitรฉs anti-oxydantes
– Travaux de BOUCHET N. et al
I.10.2- Activitรฉs catalytiques
I.10.3- Activitรฉs astringentes et cicatrisantes
I.10.4- Activitรฉs vitaminiques P
II- UTILISATION DES TANINS
II.1. UTILISATION DES TANINS EN PHYTOTHERAPIE
II.1.1. Tanin de chรชnes (Quercus sp.) (Fagaceae)
II.1.1.1- Le tanin officinal
II.1.1.2- Le tanin de lโรฉcorce de chรชne
II.1.2. Tanin des Hamamelis Hamamelis virginiana L. (Hamamelidaceae)
II.1.3. Tanin de Ratanhia du Pรฉrou Krameria lappacea. (DOMBEY) Burdet et SUMPSON, (K. triandra RUIZ et PAV.) (Krameriaceae)
II.1.4- Tanin de Acacia nilotica (Mimosaceae)
II.1.5- Autres drogues ร tanins utilisรฉes en phytothรฉrapie
II.1.5.1- Aigremoine (Agrinonia eupatoria L.)
II.1.5.2- Alchรฉmile vulgaire (Alchemilla glabia Neygenf) (A. vulgaris)
II.1.5.3- Benoรฎte (Geum urbanum L.)
II.1.5.4- Fraisier (Rosa gallia L. : Rose rouge) (Rosa centifolia L. : Rose pรขle, rose sans feuille)
II.1.5.5- Roncier ou ronce (Rubus sp.)
II.1.5.6- Les autres espรจces
II.1.6- Utilisation des tanins condensรฉs ou des drogues ร Proanthocyanidols
II.1.6.1- Aubรฉpine (Crataegus monogina Jacq, C laevigata DC. : poiret) Rosaceae
II.1.6.2- Autres espรจces sources de Proanthocyanidols dimรจres
II.2. UTILISATION INDUSTRIELLE DES TANINS
II.2.1. Applications fondรฉes sur leur action sur les protรฉines
II.2.2. Applications fondรฉes sur leur nature polyphรฉnolique
II.2.2.1- Prรฉservation des filets de pรชche
II.2.2.2- Fabrication dโadhรฉsif et de plastique
II.2.2.3- Prรฉparation dโhuiles de Perรงage
II.2.2.4- Protection des mรฉtaux
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES