GENERALITES SUR LES SYSTEMES DE CULTURE SUR COUVERTURE VEGETALE
Historique des systèmes de culture sur couverture végétale dans le monde
Les SCV existaient déjà depuis longtemps sous les tropiques humides (côte Pacifique de l’Amérique Centrale et de la Colombie, bassin amazonien, Papouasie Nouvelle Guinée…). Cette modalité très ancienne de semis direct sur couverture végétale du sol, était connue sous la dénomination espagnole « tapado » (couvert) ou anglaise « slash and mulch». Cette dernière consistait à semer ou à repiquer dans une forêt primaire ou une jachère. Une fois les semences étaient en place, la végétation était abattue, in situ, ce qui formait un mulch au travers duquel les plantes cultivées vont se développer. Un autre type particulier de slash and mulch consistait aussi à exploiter des jachères herbacées : c’est apparemment le système slash and mulch le plus répandu actuellement. Les plantes cultivées ont été semées à la volée dans des jachères de courte durée, dont la composition floristique servait d’indicateur pour décider de la remise en culture. (Dounias, 2001). De même, cette pratique était aussi adoptée dans les temps de révolution néolithique (6500 ans) en Mésopotamie, dans la vallée et le delta du Nil par les agriculteurs de l’Egypte ancienne et les Incas des Andes d’Amérique du Sud pendant des milliers d’années. Chez ces régions, les techniques culturales consistaient à se servir seulement d’une branche pour creuser le sol, y mettre la graine puis la couvrir par la terre (Derpsh, 1998).
Vers les années 60, après une phase expérimentale et pionnière de vingt ans, les Etats unis ont commencé à pratiquer en vraie grandeur les systèmes SCV. Le développement de cette pratique de systèmes SCV moderne était dû à plusieurs facteurs. Le premier facteur était d’ordre environnemental. En effet, les principales zones de production des Etats unis ont été victime des graves problèmes d’érosion éolienne qui a provoqué un nuage de poussières spectaculaire (Dust Bowl). Le second facteur était l’apparition des herbicides chimiques. Leur arrivée sur le marché permet de remettre en question l’utilité d’un labour, dont l’une des premières fonctions est justement le contrôle des adventices (Dounias, 2001). À partir des années 80, le « Ley Farming », système de culture dans lequel les prairies entrent pour plusieurs années en rotation avec des cultures annuelles; sous sa forme moderne s’est également diffusé dans la partie tropicale semi-aride de l’Australie septentrionale, zone d’élevage extensif, le maïs ou le sorgho remplaçant le blé. Les SCV avec des techniques nouvelles s’étaient développés également dans d’autres pays de la zone tempérée (Canada et Argentine).
Après la diffusion de systèmes SCV dans ces zones tempérées, le retour de cette technique sous leur forme moderne dans les pays tropicaux était aussi constaté notamment au Brésil. Vers 1985, Le CIRAD et ses collaborateurs brésiliens de recherche et du développement ont construit, puis maîtrisé et diffusé progressivement des systèmes SCV en accompagnant l’avancée des fronts pionniers dans la région Centre Nord Mato Grosso. (Séguy, Bouzinac et al., 2008). Dans certains endroits également, des systèmes ont été créés spontanément par les agriculteurs. Ce qui était d’ailleurs le cas de la zone humide d’Amérique Centrale, au NordHonduras, dans les années 70, l’association maïs-Mucuna dérivait probablement des techniques frijol tapado. Les terrains d’expérimentation étaient nombreux, avec des objectifs variables, et touchaient l’Amérique Latine, l’Afrique, l’Asie, Madagascar, La Réunion, etc. (Dounias, 2001).
Historique du SCV à Madagascar et au Lac Alaotra
L’histoire des systèmes SCV à Madagascar, comme dans le reste du monde, est très récente. Ils ont été introduits à Madagascar vers le début des années 1990 (GSDM, 2004). Des dispositifs agronomiques de démonstration ont été installés par l’ONG TAFA (Tany sy Fampandrosoana ou Terre et Développement) avec l’appui technique du CIRAD, dans diverses régions aux contextes pédoclimatiques différents (Timothée et Giraud, 2008). À partir de 1998, les premières opérations de diffusion ont eu lieu avec l’aide de plusieurs organismes (ANAE, BRL, AVSF, FIFAMANOR, INTER AIDE…) et avec le soutien financier de l’AFD depuis 2002 (Husson et al., 2006). En 2009, environ 9.000 agriculteurs pratiquaient l’agriculture de conservation à Madagascar et l’aire sous SCV a été estimée à près de 5000 ha à travers tout le pays (GSDM, 2004). La Région du lac Alaotra figure parmi les zones d’expérimentation et de vulgarisation des systèmes SCV. Dans cette zone, Rakotondramanana et al. (2010) a estimé que la zone couverte par le SCV a été 1.420 ha en 2009.
Définition et principe fondamental des systèmes SCV
Les systèmes SCV sont basés sur les trois principes fondamentaux (Séguy et al, 2009) :
● minimiser la perturbation du sol et de la litière (pas de travail mécanique du sol).
● maintenir le sol couvert en permanence par des couvertures mortes (les résidus de récolte, les adventices et/ou les plantes de couverture sont totalement contrôlés avant la mise en place de la culture) ou vivantes (une couverture végétale pérenne est simplement contrôlée par le temps de la culture, sans être tuée, ce qui lui permet de poursuivre sa croissance après la récolte de la culture).
● Produire et restituer au sol une forte biomasse par associations/successions d’une diversité de plantes aux fonctions multiples.
Avantages et inconvénients du SCV
Avantages
L’adoption de systèmes SCV présente des multiples avantages. Ils permettent de contrôler l’érosion hydrique du sol (Douzet et al., 2010 ; Van Hulst et al., 2011), améliorent la structure et l’activité biologique du sol (Blanchart E. et al.,2007), diminuent la pression des maladies et des ravageurs (Sester et al., 2010), contribuent la protection de la biodiversité (Villenave et al., 2010), et permettent d’augmenter le stock du carbone (Razafimbelo, 2005). Les bénéfices économiques liés aux SCV s’observent à court terme, comme la réduction des coûts de production ou à long terme comme la stabilisation des rendements. Ils peuvent être directs pour l’agriculteur (diminution du temps de travail) ou indirects (réduction des dépenses d’entretien des infrastructures).
Inconvénients
Cette technique présente cependant des limites rencontrées dans la pratique et la diffusion des SCV. Du point de vue paysan, ce sont la maîtrise des techniques nouvelles et les intrants qui leur posent souvent des contraintes par le manque de moyen pour les acquérir.
STOCKAGE DU CARBONE ATMOSPHERIQUE
Généralités sur le stock du carbone
Définition de la séquestration et du stock de carbone
La séquestration du carbone par l’agriculture ou la foresterie est souvent définie comme la capture et le stockage à long terme du carbone atmosphérique par un système sol-plante donné, pendant une durée et sur un espace donné (Bernoux et al., 2006). La notion de séquestration du C doit être étendue à l’ensemble des flux de gaz à effet de serre (GES) que ceux soient carbonés (CO2, CH4) ou non (N2O). Tous sont exprimés en « équivalent C-CO2 » en tenant compte de leur potentiel de réchauffement global relatif au dioxyde de carbone (CO2) : 23 pour le CH4 et 296 pour le N2O. Dans le cadre de cette étude, la mesure de stock concerne exclusivement l’étude de la quantité de carbone contenue dans le système sol – plante. Les mesures du CH4 et N2O n’ont pas été réalisées. Ainsi le terme de «stock de carbone » est employé.
Cycle global du carbone
Le carbone fait l’objet de nombreux échanges entre des divers constituants. En fait, les principaux réservoirs naturels capables d’échanger du carbone sur une échelle courte sont l’atmosphère, l’océan et surtout la biomasse continentale (végétaux et sols) (cité dans Agence pour l’environnement et le développement soutenable, 2008). Le carbone dans ses réservoirs peut migrer de l’un à l’autre sous l’action de forces identifiables. Ces forces sont nombreuses et variées. Elles peuvent avoir une nature physique, chimique ou biologique, plus ou moins active, plus ou moins constante. Parmi ces forces, il y a les forces de la biosphère (photosynthèse, minéralisation, fermentation), les forces de la lithosphère (sédimentation, volcanisme), les forces de l’hydrosphère (dissolution, érosion, dégazage), et les forces de l’atmosphère (Renaudat, 2005) .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CHAPITRE I : ETATS DE CONNAISSANCE
I.1 Généralités sur les systèmes de culture sur couverture végétale
I.2 Stockage du carbone atmosphérique
I.3 Phytomasses végétales
II. CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
II.1 Présentation du milieu d’étude
II.2 Dispositif expérimental et traitements étudiés
II.3 Prélèvements sur terrain et traitements des echantillons
II.4 Calcul de stock de carbone
II.5 Traitements des données
III. CHAPITRE III : RESULTATS
III.1 Biomasses produites
III.2 Estimation de l’apport en carbone au sol par les biomasses
III.3 Modelisation du stock de matière organique dans le sol sur une longue durée
IV. CHAPITRE IV : DISCUSSION
IV.1 Effet du mode de gestion du sol sur la production de biomasses
IV.2 Effet du mode de gestion du sol sur le stock de carbone
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES