Généralités sur les systèmes de barrière environnementale

Généralités sur les systèmes de barrière environnementale

Les propriétés d’une barrière environnementale

Le rôle des barrières environnementales est de protéger les CMC de l’environnement extrême rencontré dans les turboréacteurs.

L’EBC doit posséder une faible perméabilité aux espèces oxydantes (limitation de leur diffusion vers le substrat), une faible volatilité, une résistance à la fois à l’érosion et à l’infiltration des CMAS (sables, cendres et particules diverses constituées d’oxydes de calcium, de magnésium, d’aluminium et de silicium). Ces quatre propriétés assurent la protection du substrat contre les agressions du milieu extérieur. Une stabilité chimique ainsi que thermique du revêtement est aussi requise. Les changements de composition et les transformations de phase sont en effet à éviter puisqu’ils engendrent des variations de volume qui peuvent affecter l’intégrité du revêtement. Ce dernier doit enfin être compatible chimiquement et thermo-mécaniquement avec le substrat de manière à garantir une absence de réactivité et une adhérence du système. Une différence trop importante entre les coefficients d’expansion thermique (CET avec Δα ≥ 1 x 10⁻⁶ K⁻¹ ) peut générer un accroissement des contraintes mécaniques résiduelles locales et provoquer une délamination du revêtement suite à la relaxation de ces contraintes par fissuration.

Les procédés d’élaboration

De nombreux procédés d’élaboration des barrières environnementales existent. Deux catégories se distinguent selon leur voie d’élaboration : les procédés d’élaboration par voie humide et ceux par voie sèche. Les procédés d’élaboration par voie humide tels que l’électrophorèse et le trempage-retrait permettent de revêtir des formes complexes mais n’ont pas encore été développés à l’échelle industrielle. Ils ne seront donc pas détaillés dans cette partie. Les procédés d’élaboration par voie sèche sont le plus souvent utilisés. On distingue la projection thermique (flamme, arc électrique, plasma), le dépôt physique en phase vapeur (PVD, Physical Vapor Deposition) et le dépôt chimique en phase vapeur (CVD, Chemical Vapor Deposition). Le choix du procédé est un facteur clé conditionnant la microstructure, le taux de densification, la composition accessible, la fissuration et l’adhérence au substrat des revêtements obtenus.

La projection thermique

La projection thermique consiste à fondre partiellement ou totalement un matériau d’apport (poudre, fil, corde ou baguette) à l’aide d’une source de chaleur (flamme, arc électrique, plasma) puis grâce à un gaz vecteur, à le projeter sur la surface à revêtir sur laquelle il va se solidifier [Proner, 1999]. Des dépôts d’épaisseur comprise entre quelques dizaines de microns et quelques millimètres sont rapidement obtenus. Une grande variété de matériaux (métaux, céramiques, carbures) est déposable, à condition de sélectionner des composés à fusion congruente avec un écart d’au moins 300°C entre leur température de fusion et leur température de vaporisation ou de décomposition. La couche de liaison en silicium (métallique) et la couche supérieure en silicate de terre rare (céramique) sont donc déposables par ce procédé. L’adhérence du dépôt étant principalement mécanique, une préparation préalable du substrat (par sablage ou texturation laser) est requise. Cette préparation préalable crée une rugosité initiale qui assure l’accroche du matériau projeté au substrat. Au cours du procédé, les particules s’écrasent sur le substrat sous la forme de lamelles qui refroidissent très rapidement et forment des dépôts amorphes contenant des pores, des fissures et des particules infondues. Une cristallisation du dépôt en service, accompagnée par des variations volumiques et la formation de pores ou de fissures serait critique. Un post-traitement à haute température (appelé traitement de cristallisation) peut être effectué. Des microfissures et des porosités résiduelles sont toujours présentes au sein du matériau après ce traitement.

La projection plasma

Le principe de la projection plasma est de projeter un matériau d’apport, introduit sous forme de poudre à l’aide d’un jet plasma. Au sein d’une torche plasma (Figure I.3), un arc électrique qui se forme entre l’anode et la cathode ionise le mélange de gaz et génère le plasma [Proner, 1999]. Ce mélange de gaz est composé d’un gaz lourd (généralement de l’argon) dont le rôle est d’entraîner les particules) et d’un gaz secondaire (de l’hélium ou du dihydrogène) dont le rôle est d’augmenter la conductivité thermique du plasma et donc la température atteinte par les particules. En sortie de la torche, le matériau à projeter, sous forme de poudre et véhiculé par un gaz neutre, est injecté dans le jet de plasma dont la température est proche de 10 000°C. Les particules sont fondues, accélérées de quelques centaines de m/s par le jet de plasma et viennent s’écraser sur le substrat sous forme de lamelles (splats). Les dépôts lamellaires obtenus contiennent des défauts tels que des particules infondues, des particules oxydées ou encore des porosités. Les taux de porosité obtenus sont inférieurs à 10 %.

Plusieurs techniques de projection plasma existent. La projection plasma sous air à pression atmosphérique APS (Atmospheric Plasma Spraying) est la méthode la plus souvent utilisée. En se plaçant à faible pression (quelques mbar à quelques centaines de mbar), l’oxydation du matériau en cours d’élaboration est limitée. La projection plasma est alors appelée VPS (Vacuum Plasma Spray) ou LPPS (Low Pressure Plasma Spray). A très basse pression (≈ 1 mbar), le matériau est déposé sous forme de fines gouttelettes fondues, en dépôt en phase vapeur ou sous une combinaison de vapeur et de gouttelettes. Différents types de microstructure (lamellaire ou colonnaire) et de porosité (dépôt dense ou poreux) sont obtenus par ce procédé, nommé VLPPS (Very Low-Pressure Plasma Spraying) [Smith et al., 2011]. En projetant non plus des poudres mais des suspensions, des microstructures plus fines (de l’ordre du micromètre et potentiellement du nanomètre) et colonnaires sont atteintes au cours du procédé SPS (Suspension Plasma Spraying). Les microstructures obtenues deviennent nanométriques lorsque le matériau à projeter est introduit sous la forme de solutions de précurseurs lors du procédé SPPS (Solution Precursor Plasma Spraying).

Le procédé PS-PVD (Plasma Spray-Physical Vapor Deposition, PVD assistée par plasma thermique) est issu d’une modification par la société Sulzer Metco du procédé LPPS en un procédé capable de déposer en phase vapeur. L’utilisation d’une torche plasma de faible puissance (180 kW, 3000 A) à basse pression (0,5 – 2 mbar) permet de vaporiser la poudre céramique injectée et de la déposer sur le substrat. Un jet plasma agrandi de 50 à 500 mm de longueur et de 10 à 40 mm de diamètre est créé. En fonction des conditions de dépôts choisies, des microstructures denses et variées (lamellaires ou colonnaires) peuvent être obtenues. Cette méthode présente plusieurs avantages : un coût moindre, une vitesse de dépôt élevée et une capacité à revêtir des pièces de forme complexe. Des revêtements non directionnels sur les faces tangentielles ou opposées d’une pièce peuvent être obtenus [von Niessen et al., 2011].

La projection flamme supersonique

La projection flamme supersonique (HVOF, High Velocity Oxygene Fuel) utilise une flamme de combustion pour chauffer et propulser des particules à des vitesses supersoniques (≤ 500 m/s) mais à des températures moins élevées que les procédés de projection plasma (≤ 3000°C) [Proner, 1999]. Un mélange de dioxygène et d’un autre gaz (propane, propylène, tétrène ou hydrogène) est introduit dans la chambre de combustion  puis éjecté du pistolet sous l’effet de la pression élevée (5 à 7 bar). Le matériau à projeter, sous forme de poudre et véhiculé par un gaz neutre est alors injecté dans la flamme, où il est fondu et accéléré à des vitesses supersoniques puis s’écrase sur le substrat. A cette vitesse, des revêtements très denses (taux de porosité < 2 %) sont obtenus sans que la fusion des particules soit complète.

Le dépôt physique en phase vapeur

Le dépôt physique en phase vapeur (PVD, Physical Vapor Deposition) est une méthode de dépôt sous vide (< 0,1 – 5 Pa) au cours de laquelle un matériau est physiquement retiré d’une source (aussi appelée cible) par évaporation ou par pulvérisation, transporté par l’énergie des particules éjectées puis condensé sous la forme d’un film fin à la surface du substrat à revêtir [Fauchais, 2013]. Les céramiques s’évaporant sous forme de gaz de composition différente de celle de leur forme solide et leur évaporation nécessitant une quantité d’énergie beaucoup plus importante que celle nécessaire aux métaux, des méthodes utilisant la pulvérisation du matériau à l’aide d’un faisceau énergétique d’électrons (ou d’ions)sont utilisées.

Assisté par un faisceau d’électrons (EB-PVD)

L’EB-PVD (Electron Beam-Physical Vapor Deposition) consiste à transférer un matériau cible vers un substrat par un processus physique de vaporisation de la cible et diffusion à travers la chambre. Un faisceau d’électrons est utilisé pour évaporer le matériau à déposer . Les électrons du faisceau sont émis par un filament-cathode en tungstène avant d’être accélérés par le champ électrique entre la cathode et l’anode du canon à électrons. Ils sont ensuite focalisés sur le matériau à déposer à l’aide de lentilles électrostatiques et électromagnétiques. Le matériau à déposer chauffe et se vaporise. La vapeur éjectée est transportée en ligne droite vers le substrat à travers une chambre placée sous vide (< 10⁻² Pa), et vient se condenser sur le substrat à revêtir. Les vitesses de dépôt sont ici plus lentes que les vitesses de dépôt par projection plasma. Néanmoins, une microstructure colonnaire  conférant au matériau une bonne tenue en cyclage thermique peut être ainsi obtenue. De plus, les revêtements possèdent une bonne accroche avec le substrat et une faible rugosité de surface [Zhang, 2011].

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Synthèse bibliographique et contexte de la thèse
1. Contexte industriel
1.1. Un secteur aéronautique en pleine mutation
1.2. De nouveaux matériaux envisagés : les CMC
1.3. De la nécessité de protéger les CMC contre l’oxydation
2. Généralités sur les systèmes de barrière environnementale
2.1. Les propriétés d’une barrière environnementale
2.2. Les procédés d’élaboration
2.3. Historique des différentes générations de barrière environnementale
2.4. Les limites des systèmes actuels de barrière environnementale
3. Vers de nouvelles générations de barrière environnementale
3.1. Modification de la couche supérieure
3.2. Modification de la sous-couche
3.3. Bilan sur les enjeux des nouvelles générations de barrière environnementale et objectif de la thèse
4. Identification des matériaux de sous-couche
4.1. Cahier des charges du matériau de sous-couche
4.2. Choix des éléments d’ajouts au silicium de la sous-couche pour une utilisation à 1300°C
4.3. Choix des matériaux de sous-couche pour une utilisation à 1400°C
4.4. Bilan des systèmes de sous-couche retenus et démarche de la thèse
Chapitre II : Techniques expérimentales
1. Mise en forme des matériaux
1.1. Poudres initiales
1.2. Broyage des poudres et préparation des mélanges
1.3. Frittage flash
2. Essais d’oxydation/corrosion
2.1. Moyen d’essais et conditions
2.2. Suivi de la variation de masse et de la variation d’épaisseur d’oxyde
2.3. Analyse des comportements et détermination des constantes d’oxydation
3. Caractérisations physico-chimiques
3.1. Analyses morphologiques
3.2. Analyses structurales
4. Bilan
Chapitre III : Comportement en oxydation humide des systèmes à base de silicium dopé avec un élément chimique (bore) ou un composé (borure d’hafnium, oxyde d’hafnium)
1. Présentation des systèmes
1.1. Choix des éléments d’ajouts et des compositions
1.2. Géométrie des matériaux modèles et conditions d’oxydation
2. Systèmes à base de silicium avec ajout non oxyde (groupe I)
2.1. Microstructure à l’état initial des matériaux modèles non revêtus et revêtus
2.2. Comportement en oxydation humide des matériaux modèles non revêtus
2.3. Comportement en oxydation humide des matériaux modèles revêtus
2.4. Analyse de l’influence des ajouts sur le comportement en oxydation humide du silicium
3. Systèmes à base de silicium avec ajout oxyde (groupe II)
3.1. Microstructure à l’état initial des matériaux modèles revêtus et non revêtus
3.2. Comportement en oxydation humide des matériaux modèles non revêtus
3.3. Comportement en oxydation humide des matériaux modèles revêtus
3.4. Analyse de l’influence des ajouts sur le comportement en oxydation humide du silicium
4. Bilan
Chapitre IV : Comportement en oxydation humide des systèmes à base de carbure de silicium avec ajout d’oxyde d’hafnium ou d’un mélange d’oxyde d’hafnium et de diborure d’hafnium 149
1. Présentation des systèmes
1.1. Choix des éléments d’ajouts et des compositions
1.2. Problématiques de fissuration des matériaux revêtus
1.3. Géométrie des matériaux modèles et conditions d’oxydation
2. Microstructure à l’état initial des matériaux modèles non revêtus
3. Comportement en oxydation humide des matériaux modèles non revêtus
3.1. Cinétique d’oxydation
3.2. Microstructure après oxydation
4. Analyse de l’influence des ajouts sur le comportement en oxydation humide du carbure de silicium
4.1. Influence des éléments d’ajouts sur la cinétique d’oxydation
4.2. Influence des éléments d’ajouts sur la microstructure et la structure cristalline de la couche d’oxyde
Conclusion

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