Généralités sur les sources des gaz mesurés
Les oxydes d’azote NOx
Les oxydes d’azote (NOx = NO + NO2), sont essentiellement émis dans l’atmosphère sous forme de monoxyde d’azote (NO) qui se transforme ensuite rapidement en dioxyde d’azote (NO2), plus toxique. Les oxydes d’azote sont fortement impliqués dans toute la chimie de la troposphère et de la stratosphère. Les sources des oxydes d’azote peuvent être d’origine anthropique ou naturelle.
Dans la troposphère, 75% des émissions de NOx proviennent des sources anthropiques dues à la combustion d’énergies fossiles et de biomasse, d’une part, à partir de l’azote organique du combustible (provenant in fine des acides aminés des protéines), d’autre part, à partir de l’azote dans l’air. Les émissions dues à la combustion de combustibles fossiles résultent majoritairement de transport terrestres et aériens, des centrales électriques et des industries surtout dans l’hémisphère nord. Les combustions de biomasse (feux de savanes et forêts,…) sont caractéristiques des régions tropicales et subtropicales. Les sources naturelles de NOx proviennent des éclairs (en altitude) et surtout des sols sujets aux processus microbiologiques de nitrification et dénitrification (en surface) . Sous forme moléculaire (N2), l’azote n’est pas assimilable par la matière vivante. Il est fixé, puis transformé, par une enzyme complexe, la nitrogénase, en ion ammonium (NH4+ ) et en matière organique par des bactéries se trouvant dans les sols ou par des organismes fixés sur les racines de certaines plantes (symbiose sur les légumineuses). L’azote peut alors être assimilé par les plantes sous la forme de NH4+ , mais est plus généralement oxydé par des bactéries en nitrite (NO2- ), puis en nitrate (NO3- ), pour former l’azote organique de la biomasse. Ce processus, réalisé en milieu aérobie (présence d’oxygène) est appelé nitrification et s’accompagne principalement d’émissions de NO, mais aussi de N2O (oxyde nitreux). Cependant, les nitrates, formés par nitrification, peuvent aussi être réduits et régénérés en N2 par des bactéries en milieu anaérobie (non strict) (absence d’oxygène ou faible pression partielle de dioxygène). Ce processus s’accompagne en grande partie d’émissions de N2O, mais aussi de NO, c’est la dénitrification. La nitrification est considérée comme la source principale de la production de NO par les sols, tandis que la dénitrification est la source majeure de N2O. Ces deux composés peuvent être émis vers l’atmosphère sous forme gazeuse lorsque les conditions de transfert liées à la porosité, et donc à l’humidité du sol, le permettent. Les processus biogéniques dans le sol représentent une source significative des NOx de l’atmosphère (jusqu’à 40% du budget global selon Logan (1983)). Une trop grande concentration de NO2 dans l’atmosphère peut provoquer des nuisances aux personnes et à l’environnement. Associé à d’autres gaz irritants comme le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde d’azote favorise les maladies respiratoires, surtout chez les enfants. Les oxydes d’azote sont également d’importants précurseurs de la formation de l’ozone troposphérique et responsable en partie de l’acidité des pluies. Les oxydes d’azote sont éliminés de l’atmosphère par dépôts sec et humide.
L’acide nitrique (HNO3)
L’acide nitrique est essentiellement produit par réactions chimiques dans l’atmosphère à partir des molécules de NO2 et des nitrates. En effet, une large fraction de NO émis est oxydée dans l’atmosphère par les réactions photochimiques en HNO3 ou en nitrates organiques. Le principal puits de HNO3 est son lessivage par les précipitations du fait de sa grande solubilité. Le temps de vie de HNO3 est assez court mais relativement plus long que celui des NOx (9 heures au sol). S’il n’est pas déposé au sol, HNO3 peut être un réservoir pour les NOx et régénérer ceux-ci, soit par photolyse, soit par oxydation avec des radicaux OH, en dehors des zones de production des NOx. Cela lui confère un rôle important dans l’atmosphère, car il peut jouer le rôle de réservoir des oxydes d’azote réactifs. Un autre composé peut servir de réservoir de NOx, le peroxy acétyle nitrate (PAN, CH3COO2NO2), produit de l’oxydation de NO2 avec l’acétaldéhyde (CH3CHO).
L’ammoniac (NH3)
L’ammoniac est produit par des processus biologiques et donc présent dans différentes régions, polluées ou non. Comme l’ammoniac n’absorbe pas la lumière (UV), il ne participe pas directement aux réactions photochimiques de l’atmosphère. Toutefois, le NH3 a une grande importance dans la chimie de la troposphère à travers son influence sur la chimie des précipitations. Une importante quantité d’azote fixée se trouve sous la forme d’ammoniac. Dans les activités anthropiques, la principale source d’ammoniac, à l’échelle globale, est l’agriculture, et notamment l’élevage. En effet, l’ammoniac provient de la décomposition de l’urée (CO(NH2)2) et de l’acide urique, présents dans les excréments d’animaux, en ion ammonium NH4+, sous l’action de l’hydrolyse microbiologique de l’urée par l’enzyme uréase présente dans les faeces (Bouwman et al., 1997) : CO(NH2)2 + 3H2O → 2NH4+ + HCO3- + OHCette action peut être aussi présente dans le sol où l’urée résiduelle, et d’autres composés azotés sont décomposés. En phase liquide, l’ammonium est en équilibre avec sa base conjuguée NH3, qui elle-même est en équilibre avec NH3 en phase gazeuse (Bouwman et al., 2002) :
NH4+ (absorbé) ↔ NH4+ (aq) ↔ NH3 (aq) ↔ NH3 (g) ↔ NH3 (atm)
Où (aq) représente la phase aqueuse, (g) gazeuse, et (atm) la perte dans l’atmosphère.
L’ensemble de ces processus conduit à la volatilisation de l’ammoniac, qui dépend essentiellement du pH de la solution et de la température. Nous signalons que l’ammonium est aussi absorbé par les plantes où il est nitrifié (figure 1.1) avant d’être utilisé dans son métabolisme (Chaillou et Lamaze, 1997). Une part importante de l’azote dans les tissus végétaux est perdue sous formes de divers gaz azotés, y compris NH3, lors de la combustion de biomasse (Lobert et al., 1990). A l’échelle globale, l’émission de NH3 due à la combustion de biomasse a été estimée entre 5 et 5,7 TgN.an-1 (Schlesinger et Hartley (1992) ; Bouwman et al. 1997) . L’ammoniac est également émis par les écosystèmes naturels. Les émissions proviennent de la décomposition de la matière organique à la surface du sol, des émissions par les plantes, des excréments d’animaux sauvages, et des océans. L’ammoniac est le seul gaz alcalin naturel dans l’atmosphère. Il joue un rôle important dans la neutralisation (partielle) de l’acidité naturelle et anthropique dans l’atmosphère par des réactions de type (Schlesinger et Hartley, 1992) :
2 NH3+ H2SO4 → (NH4)2SO4
L’ammoniac gazeux réagit également avec l’acide nitrique gazeux (HNO3) formant du nitrate d’ammonium NH4NO3 solide (formation de brumes) (Pio et Harrison, 1987), ou est dissout dans les gouttes d’eau acide des nuages. La dissolution de l’ammoniac, très efficace, neutralise l’acidité de l’eau de pluie en se combinant aux protons pour produire l’ion ammonium (NH4 + ). Ainsi, on a en solution des sels de nitrate, sulfate et chlorure. L’ammoniac est éliminé de l’atmosphère par dépôt humide ou sec. Ces dépôts ont plusieurs impacts au niveau du sol et de la végétation. Ils interviennent dans l’enrichissement du sol en azote ammoniacal, ce qui développe la nitrification ainsi qu’une acidification du sol (Binkley et Richter, 1987). Les dépôts de composés azotés (NOx et NH3) sur le sol contribuent aussi à l’eutrophisation, qui est une forme naturelle de pollution de certains écosystèmes aquatiques qui se produit lorsque le milieu reçoit trop de matières nutritives assimilables par les algues et que celles-ci prolifèrent. Des dépôts de grandes quantités d’azote attaquent aussi la vitalité des forêts, peuvent influencer négativement la qualité des cultures, font diminuer la biodiversité et contribuent à la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines (Brimbleconde et al., 2007).
Le dioxyde de soufre (SO2)
Les composés soufrés, comme le dioxyde de soufre (SO2), jouent un rôle très important dans la chimie atmosphérique, car ils déterminent la quantité de sulfates présents dans l’atmosphère et influence donc le bilan radiatif de façon directe et indirecte (Delmas et al., 2005). Par ailleurs, l’acidité des précipitations est aussi fortement déterminée par la chimie du soufre, notamment dans les régions industrialisées. Les émissions de soufre dans l’atmosphère peuvent être naturelles ou anthropiques, océaniques ou continentales. Les principales sources des composés soufrés sont présentées dans le tableau (1.3). Le dioxyde de soufre est le principal polluant d’origine anthropique du soufre. Il est essentiellement émis lors de la combustion du charbon et d’autres carburants fossiles, tous contenant du soufre (provenant des acides aminés soufrés), dans les secteurs de l’industrie, du chauffage urbain et du trafic (gazole). Les émissions anthropiques de composés soufrés sur l’ensemble du globe représentent approximativement 60 à 70% des émissions totales de soufre (Bates et al., 1992 ; Rhodes, 1999). La combustion de biomasse (feux de forêt, savane, déchets agricoles) est une source « significative » de SO2 dans l’atmosphère (Bates et al., 1992 ; Arndt et al., 1997). A l’échelle globale, le flux de SO2 dû aux feux de biomasse (d’origine naturelle ou anthropique) est estimé à 2-3 TgS.an-1 (Andreae et al., 1990 ; Smith et al., 2001).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Sources des gaz traces atmosphériques dans les principaux écosystèmes africains
1.1. Généralités sur les sources des gaz mesurés
1.1.1. Les oxydes d’azote NOx
1.1.2. L’acide nitrique (HNO3)
1.1.3. L’ammoniac (NH3)
1.1.4. Le dioxyde de soufre (SO2)
1.1.5. L’ozone troposphérique (O3)
1.2. Circulation atmosphérique et végétation en Afrique tropicale
1.2.1. Circulation atmosphérique en Afrique tropicale et le climat
1.2.2. Caractéristiques de la végétation en Afrique
1.3. Emissions des gaz traces dans les écosystèmes africains
1.3.1. Emissions liées aux feux de biomasse
1.3.2. Emissions biogéniques
1.4. Conclusion
Chapitre 2 : Approche expérimentale de mesure des concentrations des gaz et méthode de calcul des flux de dépôt sec
2.1. Caractéristiques et description des sites de mesure du réseau IDAF
2.1.1. Les sites en savane sèche
2.1.2. Les sites en savane humide
2.1.3. Les sites en forêt
2.2. Approche expérimentale : collecte et analyse des échantillons de gaz
2.2.1. Technique de mesure des gaz : capteur passif
2.2.2. Technique d’analyse des capteurs passifs : la chromatographie ionique
2.2.3. Validation des résultats : mesures et analyses
2.3. Méthode de calcul des flux de dépôt sec : méthode inférentielle (inferential method)
2.3.1. Généralité sur le dépôt sec
2.3.2. Notion de couche limite de surface
2.3.3. Paramétrisation de la vitesse de dépôt sec
2.3.4. Présentation du modèle big-leaf de Zhang et al. (2003b)
2.4. Conclusion
Chapitre 3 : Analyse spatio-temporelle des concentrations de gaz à l’échelle des écosystèmes
3.1. Introduction
3.2. Résultats des mesures des gaz sur le transect savanes sèches-savanes humides-forêts
3.2.1. Le dioxyde d’azote (NO2)
3.2.2. L’acide nitrique (HNO3)
3.2.3. L’ozone (O3)
3.2.4. L’ammoniac (NH3)
3.2.5. Le dioxyde de soufre (SO2)
3.3. Conclusion
3.4. Article: Long term measurement of sulfur dioxide, nitrogen dioxide, ammonia, nitric acid and ozone in Africa using passive sampler (Adon et al., 2010)
Chapitre 4 : Estimation des flux de dépôt sec des gaz
4.1. Estimation de la vitesse de dépôt sec par le modèle big leaf de Zhang et al. (2003b)
4.1.1. Validité des paramètres d’entrée pour les sites IDAF
4.1.2. Sensibilité du modèle à certains paramètres d’entrées
4.1.3. Résultats des simulations des vitesses de dépôt sec des gaz
4.2. Résultats des estimations des flux de dépôt sec
4.2.1. Flux de dépôt sec des gaz azotés (NO2, HNO3 et NH3)
4.2.2. Flux de dépôt sec d’ozone (O3)
4.2.3. Flux de dépôt sec du dioxyde de soufre (SO2)
4.3. Incertitudes dans l’estimation des flux de dépôt sec
4.4. Conclusion
Chapitre 5 : Bilan de l’azote atmosphérique à l’échelle des écosystèmes africains
5.1. Introduction
5.2. Bilan des dépôts atmosphériques d’azote à l’échelle des écosystèmes africains
5.2.1. Le dépôt humide d’azote
5.2.2. Le dépôt sec d’azote
5.2.3. Bilan du dépôt atmosphérique total d’azote à l’échelle des écosystèmes africains
5.3. Bilan émission-dépôt des principales espèces azotées à l’échelle des écosystèmes africains
5.3.1. Emission des composés azotés gazeux
5.3.2. Bilan émission-dépôt des composés azotés oxydés
5.3.3. Bilan émission-dépôt des composés azotés réduits
5.3.4. Bilan annuel émission-dépôt des composés azotés
5.4. Comparaison des flux de dépôt d’azote : mesures IDAF, modèles globaux
5.4.1. Mesures IDAF et multi modèle global de Dentener et al. (2006)
5.4.2. Dépôt total d’azote dans les écosystèmes africains et charges critiques d’eutrophisation
5.5. Conclusion
Conclusion générale