Dans les pays en développement, les dysenteries bacillaires sont une cause majeur de mortalité et de morbidité. Elles affectent chaque année 164,7 millions à travers le monde dont 163,2 millions dans les pays en développement et 1,1 million de décès chez les enfants de moins de 5 ans (Kotloff 1999). En Afrique 15 pays connaissent des flambés de shigellose qui touche plus de 30% de la population et 50% des enfants de moins de 5 ans (W.H.O. 1997). En Afrique subsaharienne les entérites à Shigella sont considérables : elles représentent 13% des diarrhées et gastroentérites au Mali, et 46% des maladies infectieuses au Gabon (Aubry 2004). A Dakar, les Shigella représentent 24,8% des agents entéropathogénes et 4,3% des causes de diarrhées (Sow 1992). Selon les données du CNSE, on note un recrutement croissant des souches de Shigella sonnei et flexneriae et une disparition de Shigella dysenteriaea. De plus on note une résistance croissante des souches de Shigella flexneri et sonnei aux antibiotiques les plus fréquemment prescrits (Perrier 2002). La résistance aux antibiotiques de ces bactéries à gram négatif est devenue une préoccupante (Lima 1995; Jones 1997). Au delà des résistances phénotypiques, l’avènement de la biologie moléculaire a permis la mise au point l’aspect génétique de la résistance chez les bactéries. Le transfert de cette résistance entre différentes espèces bactériennes est facilité par des éléments génétiques mobiles comme les transposons et les plasmides. Au début des années 80, il a été identifié de nouveaux éléments génétiques qui peuvent conférer la résistance à un ou plusieurs antibiotiques. Ces éléments génétiques sont appelés intégrons (Stokes 1989) et ont été retrouvé aussi bien chez des bactéries d’origine animale (Terajima 2004) que chez des bactéries environnementales (IASRA 2001). Principalement 3 classes d’intégrons ont été bien caractérisé et sont impliquées dans la multi résistance aux antibiotiques. Sur ces intégrons , plus de 50 cassettes ont été identifiées (Hall 1998). Les intégrons sont incapables d’auto réplication et sont généralement portés par des plasmides et des transposons. Ils peuvent aussi se localiser sur le chromosome. Notre objectif est d’évaluer la contribution des intégrons dans la multi résistance des souches de Shigella sonnei multirésistantes aux antibiotiques isolées au Sénégal.
Généralités sur les Shigella
Les Shigella sont des Entérobactéries responsables de la dysenterie bacillaire et de diarrhée (Avril 1999). Elles ont été isolée pour la première fois par Chantemasse et Widal des selles d’un malade atteint de dysenterie bacillaire (Le Minor 1982). Elles sont caractérisées par leur faible activité métabolique et leur parenté avec Escherichia coli (% GC sont très voisins).
Classification des Shigelles
Les bactéries du genre Shigella sont subdivisées en 4 espèces se distinguant entre elles par des caractères biochimiques et antigéniques, basées sur l’étude des antigènes O polysaccharidiques (Le Minor 1982). La subdivision des Shigella en sous groupes est fondée sur leur réaction sérologique. Quatre espèces de Shigella ont été bien identifiées :
Shigella dysenteriae ou sous groupe A
Shigella flexneri ou sous groupe B
Shigella boydii ou sous groupe C
Shigella sonnei ou sous groupe D
L’espèce de Shigella sonnei ou sous groupe D est subdivisée en biotype suivants les caractères biochimiques que sont : l’ONPG, le xylose et le rhamnose. Ainsi trois biotypes ont été distingué suivant les réactions biochimiques ci après :
ONPG +, xylose -, Rhamnose + pour le premier biotype
ONPG -, Xylose -, Rhamnose + pour le second biotype
Un autre biotype plus rare est : ONPG -, Xylose +, Rhamnose + (Le Minor 1982).
Entre juin 2001 et Mars 2003 97% des Shigella sonnei isolées dans 6 états Américains se sont révélées Rhamnose négative (Sha 2003). Ce qui emmène à quatre le nombre de biotype de ce sérotype. Des souches de Shigella dysenteriae atypiques ont été identifiées (Coimbra 2001). D’autres souches de Shigella n’appartenant à aucune sérovar connu ont été identifié au CNSE (Perrier 2002).
Caractères bactériologiques
En plus de leurs caractères d’entérobactéries (CAT-, OX-, NR+), les shigelles ont l’ensemble des caractères négatifs :TDA, Uréase, LDC, H2S, VP, CS. Elles ne fermentent pas beaucoup de sucres ni ne produisent du gaz sauf pour les sérotype 6 de Shigella flexneri et les sérotypes 13 et 14 de Shigella boydii (Le Minor 1982; Avril 1999) .
Caractères culturaux
Les cultures de Shigella sonnei sur milieu nutritif solide dissocient le plus souvent deux types de colonies : Les unes de petites tailles présentent l’aspect lisse au contour régulier appelées phase 1. Les autres étant de grandes colonies plates et mates de contour irrégulier appelées phase 2. Le passage de la phase 1 à la phase 2 est associée à la perte de plasmide qui code pour le caractère invasif (Le Minor 1982) .
Pouvoir pathogène
Les shigelles sont des bactéries essentiellement humaines à point focal le colon et l’iléon terminal. Elles sont résistantes à l’acidité gastrique. La dose minimale infectante est de 10 à 100 bactéries (Avril 1999). Dans le tube digestif ces bactéries sont éliminées par plusieurs processus tels que la sécrétion biliaire et pancréatique, la motricité gastrique, la flore commensale de l’intestin et l’acidité de l’estomac. Mais au niveau du colon grâce à une toxine plasmidique secrétée par les shigelles elles traversent les cellules M et la bordure en brosse des anthérocytes et y pénètrent. Des enzymes codées par les gènes chromosomiques ipaH, mxi et spa leur permettent d’échapper à la vacuole de phagocytose, de se multiplier activement et de passer d’une cellule à une autre. Après une lyse cellulaire, les bactéries atteignent la lamina propria ou elles déclanchent des réactions inflammatoires à polynucléaires avec production d’interleukine Il-ib qui entraînent la formation de microabccés et l’élimination dans les selles de mucus, de granulocytes, d’érythrocytes et de débris cellulaires (Le Minor 1982). Les polynucléaires détruisent les bactéries et peuvent se retrouver dans la lumière intestinale. C’est ce qui empêche la dissémination des bactéries dans le sang. La détermination du caractère invasif des shigelles peut être étudié par le test de Sereny : il consiste à inoculer à la conjonctive du cobaye une goutte de culture bactérienne. Si la souche est invasive, il apparaît entre 2 et 3 jours une kératoconjonctivite purulente suivie d’une kératite qui guérit spontanément après 2 à 4 semaines (Le Minor 1982; Gassama 1997) D’un point de vu expérimental, il est possible de causer le syndrome dysentérique chez le cobaye en administrant par voie orale une culture de souche virulente au cobaye après que l’animal ait été rendu sensible par un jeune prolonge. Le singe est sensible sans préparation (Le Minor 1982).
Epidémiologie
Les shigelles sont des bactéries strictement humaines transmises à partir des selles des malades et des objets ou aliments contaminés. Les sérotypes de Shigella dysenteriae et Shigella flexneri sont rencontrés plus dans les pays en voix de développement alors que Shigella boydii et Shigella sonnei sont surtout retouvés dans les pays occidentaux. Selon l’OMS environ 250 millions de cas de shigellose sont déclarés annuellement avec 775000 morts (W.H.O. 1997).
Situation actuelle des Shigella au Sénégal
Au Sénégal les Shigella connaissent un fort accroissement en nombre de souches enregistrées ces dernières années (Perrier 2002). Au CNSE, 63% des souches enregistrés en 2002 constituent un plus par rapport à 2001(cf. tableau II). Shigella dysenteriae disparaît, Shigella boydii se maintient, Shigella flexneri et sonnei représentent près de 94% des souches isolées [Perier, 2002] . D’une manière générale l’épidémiologie des Shigella au Sénégal se calque à celui des pays développés (Perrier 2002).
Une des préoccupations des infections à Shigella est sa multi résistance constatée partout ou elles ont été étudiées (Lima 1995; Iversen 2003). Au début des années 40 les résistances ont commencé à apparaître chez les shigelles (W.H.O. 1997). Vers les années 50 la résistance à la tetracycline et au chloramphenicol est apparue. Le premier plasmide possédant un gène de résistance aux antibiotiques a été isolé pour la première fois chez les shigelles en 1950 au Japon (watanabe 1960). Dans les années 70 la résistance à l’ampicilline et dans les années 80 la résistance au trimethoprime sulfomethoxazole ont été détecté (W.H.O. 1997). Aujourd’hui avec presque 90% de shigella sonnei multi résistantes signalées au Vietnam (Iversen 2003) et plus de 50% au Japon (IASRA 2001), la multi résistance s’est généralisée. Cette résistance est le plus souvent associée à des facteurs génétiques (Courvalin 1997) et structuraux propres à la bactérie. Dans 80% des cas l’acquisition et la dissémination de la résistance est liée à des éléments génétiques très élaborés dont font parties les plasmides, les transposons et plus récemment les intégrons.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
I-Généralités sur les Shigella
I-1-Classification des shigelles
I-2-Caractères bactériologiques
I-3- Caractères culturaux
I-4-Pouvoir pathogène
I-5-Epidémiologie
I-6-Situation actuelle des Shigella au Sénégal
I-7-Tendance des résistances observées chez les souches de Shigella sonnei au Sénégal
II/ Résistance bactérienne
II-1-Les types de résistances
II-2-La dissémination de la résistance
II-2-1-Les plasmides
II-2-1-1-Mécanisme de la dissémination des plasmides
II-2-2-Les transposons
II-2-3-Les intégrons
II-2-3-1-Structure des intégrons
II-2-3-2-Structure des cassettes
II-2-3-3-Mouvement des cassettes
II-2-3-4-Expression des cassettes
II-2-3-5-Les intégrons de classe 1
II-2-3-6-Les intégrons de classe 2
II-2-3-7-Les intégrons de classe 3
II-2-3-8-Les intégrons de classe 4
II-2-3-9-Origine des intégrons
TRAVAIL PERSONNEL
III- MATERIELS ET METHODES
III-1- MATERIELS
III-2- METHODES
III-2-1-Technique de l’antibiogramme 29
III-2-2-Extraction de l’ADN par la thermolyse
III-2-3-RAPD
III-2-4-Détection des intégrons
IV- RESULTATS
IV-1-Phénotypes de résistance
IV-2- RAPD
IV-3-Détection des intégrons
V- ANALYSE-INTERPRETATION DES RESULTATS
V-1-Analyse des antibiogrammes
V-2-Typage moléculaire
V-3-Détection des intégrons
V-4-Caractérisation des intégrons
CONCLUSION
RESUME
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE