Généralités sur les semiconducteurs magnétiques : cas du Ge-Mn
L’électronique de spin
L’électronique de spin est une nouvelle branche de l’électronique, qui connait un véritable essor depuis la découverte de la magnétorésistance géante il y a une vingtaine d’années. Alors que l’électronique classique est basée sur l’utilisation de la charge de l’électron, l’électronique de spin propose d’utiliser simultanément la charge et le moment magnétique de « spin » de l’électron. Cette évolution a déjà permis la conception de nouveaux composants et offre de multiples possibilités pour le développement des technologies futures [Ohno 1998 – Wolf 2001] comme le transistor à spin, la LED à spin …
Les fondements de l’électronique de spin
L’électronique de spin repose sur l’utilisation conjointe de la charge et du spin de l’électron. En effet, celui-ci influe sur la diffusion des électrons dans les matériaux ferromagnétiques. Ce phénomène de diffusion dépendante du spin, d’abord suggéré par Mott en 1936 [Mott 1936], a été ensuite observée expérimentalement et décrite théoriquement [Fert 1976]. Un métal de transition ferromagnétique (Fe, Co, Ni) se caractérise par la présence de moments magnétiques spontanés du fait de l’interaction d’échange. Cette interaction induit un décalage des bandes d’énergie 3d associées aux électrons de spin ↑ (up) et aux électrons de spin↓ (down) . Ces bandes d’énergie sont peuplées jusqu’au niveau de Fermi. Le décalage des bandes 3d induit une différence de population d’électrons up et down qui mène à une polarisation en spin du courant. Par convention le spin↑ représente les électrons majoritaires et le spin↓ les minoritaires. En considérant que les deux populations de spin, n’interagissent pas et que les évènements de diffusion n’affectent pas la direction du spin. Mott introduisit le modèle de conduction à deux courants [Mott 1936]. Dans ce modèle on peut considérer que les électrons de spin↑ et de spin↓ appartenant à la bande 4s participent majoritairement au courant de conduction suivant deux canaux de conduction indépendants. Les électrons de caractère 3d ont quant à eux une contribution mineure à la conduction électrique du fait de leur plus grande localisation autour des atomes. La conduction électrique dans les métaux ferromagnétiques va donc dépendre de l’orientation du spin des électrons par rapport à l’aimantation. En effet, la probabilité de diffusion des électrons 4s de spin ↑ vers la bande 3d↑ est plus faible que la probabilité de diffusion des électrons 4s de spin ↓ vers la bande 3d↓ puisque la bande 3d↑ offre moins d’états libres au niveau de Fermi. Les électrons de spin↓ seront donc plus diffusés vers la bande 3d↓, ce qui induit une résistivité plus élevée du canal d’électrons de spin↓ . Ce mécanisme de conduction, qui est appelé diffusion dépendante du spin, est l’un des principes fondamentaux sur lequel s’appuie l’électronique de spin. Il est notamment à l’origine des effets de magnétorésistance géante et de magnétorésistance tunnel.
La magnétorésistance géante
La magnétorésistance géante (MRG), se traduit par une diminution importante de la résistivité électrique d’un matériau lors de l’application d’un champ magnétique extérieur. Cet effet a été découvert en 1988 à l’Université d’Orsay dans des multicouches constituées d’un empilement alterné de Fe et de Cr [Baibich 1988]. Dans ces multicouches, il existe un couplage antiferromagnétique entre les couches magnétiques de Fe séparées par une couche non magnétique de Cr. Lorsqu’un champ magnétique est appliqué, les aimantations s’orientent progressivement suivant la direction du champ appliqué et s’alignent toutes parallèlement à celui-ci. Ce changement d’orientation de l’aimantation dans les couches magnétiques successives s’accompagne d’une diminution très importante de la résistance électrique de la multicouche.
Cet effet peut être expliqué par la diffusion des électrons qui est dépendante de la direction de leur spin, lorsqu’ils diffusent d’une couche à l’autre. L’épaisseur des couches considérées (de l’ordre de quelques nanomètres) doit être inférieure au libre parcours moyen électronique (de l’ordre de quelques dizaines ou centaines de nanomètres). Il est important de noter que l’orientation du spin est conservée lors de son passage dans les différentes coucheset que la conduction électronique s’effectue par deux canaux de spin indépendants. Lorsque les aimantations des couches magnétiques sont dans la configuration antiparallèle, les canaux de spin sont alternativement fortement puis faiblement diffusés dans les couches magnétiques. La résistance totale de cette configuration est donc élevée. En revanche, pour une orientation parallèle des moments magnétiques , les électrons de spin up↑ sont peu diffusés dans toutes les couches magnétiques alors que les électrons de spin down↓ sont fortement ralentis. Le court-circuit par le canal de spin up↑ entraîne une faible résistance totale.
La magnétorésistance tunnel
L’effet de la magnétorésistance tunnel est semblable à celui de la magnétorésistance géante, mais dans ce cas il s’exprime à travers des jonctions tunnel, constituées de deux électrodes ferromagnétiques séparées par une couche isolante. Les électrons de conduction ont alors une probabilité non nulle de traverser la couche isolante par effet tunnel. Cet effet a été mis en évidence pour la première fois à basse température par Jullière [Julliere 1975] en 1975 dans une jonction Fe/Ge/Co (Ge ayant un comportement isolant aux températures considérées). Comme précédemment, il apparaît que la résistance d’une jonction tunnel dépend de l’orientation relative à l’aimantation de ces électrodes. En configuration antiparallèle la résistance totale de la jonction est forte alors qu’en configuration parallèle la résistance totale est faible.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 Généralités sur les semiconducteurs magnétiques : cas du Ge-Mn
I. Introduction : l’électronique de spin
I.1. Les fondements de l’électronique de spin
I.2. Vers des applications de l’électronique de spin
II. Les semiconducteurs magnétiques
II.1. Semiconducteurs magnétiques dilués
II.2. Semiconducteurs magnétiques hétérogènes
III. Etat de l’art sur les semiconducteurs magnétiques Ge-Mn
III.1. Semiconducteurs magnétiques du groupe IV
III.2. Propriétés des alliages Ge-Mn
III.3. Nanostructuration dans les couches minces Ge-Mn
III.4. Influence des conditions d’élaboration sur la nanostructure
III.5. Corrélation entre structure et propriétés magnétiques
IV. Conclusion et objectif de l’étude
CHAPITRE 2 Sonde atomique tomographique et traitement de données
I. Principe physique de la sonde atomique tomographique
I.1. Evaporation par effet de champ
I.2. Spectrométrie de masse à temps de vol
I.3. Reconstruction tridimensionnelle
I.4. Effets de grandissement locaux
I.5. Préparation des échantillons
II. Méthode de traitement de données : Informations morphologiques
II.1. Identification des nanocolonnes
II.2. Distribution de tailles et de rayons des nanocolonnes
II.3. Hauteur des nanocolonnes
II.4. Densité volumique et surfacique de nanocolonnes
III. Méthode de traitement de données : Mesure des compositions globales
III.1. Composition globale de la couche mince
III.2. Composition de la matrice
III.3. Composition moyenne des nanocolonnes
IV. Méthode de traitement de données : Mesure des compositions locales
IV.1. Description des différents profils de concentration : cas général
IV.2. Description des différents profils : cas des nanocolonnes réelles
IV.3. Composition locale corrigée
V. Conclusion
CHAPITRE 3 Caractérisation structurale et chimique de couches minces Ge-Mn
I. Elaboration de couches minces par épitaxie par jets moléculaires
I.1. Principe de la croissance par épitaxie par jets moléculaires
I.2. Conditions expérimentales d’élaboration
II. Etude structurale et chimique de nanocolonnes auto-organisées
II.1. Distributions en taille et morphologies des nanocolonnes
II.2. Compositions chimiques
II.3. Corrélation aux propriétés magnétiques
II.4. Conclusion
III. Influence de traitements thermiques sur l’évolution structurale et chimique des nanocolonnes auto-organisées
III.1. Description de l’échantillon à l’état initial
III.2. Evolution morphologique des nanocolonnes avec le traitement thermique
III.3. Evolution de la composition chimique avec le traitement thermique
III.4. Conclusion
IV. Influence du co-dopage de Sn sur la croissance de couches de Ge-Mn
IV.1. Etat de l’art
IV.2. Structure et composition de la couche mince Ge-Mn co-dopée Sn
IV.3. Etude des compositions chimiques
IV.4. Influence de l’étain sur les propriétés magnétiques
IV.5. Conclusion
V. Conclusion du chapitre
CHAPITRE 4 Simulations Monte-Carlo cinétique de la formation et de la croissance des nanocolonnes
I. Généralités sur la croissance cristalline de films minces
I.1. Modes de croissance et thermodynamique
I.2. Processus élémentaires de croissance épitaxiale
I.3. Théorie atomistique de la germination et croissance d’un film
II. Modèle de simulation de la croissance épitaxiale
II.1. Processus de déposition
II.2. Processus de diffusion des atomes de surface
II.3. Paramètres du système modélisé
III. Généralités sur la méthode Monte Carlo
III.1. Algorithme Monte Carlo Metropolis
III.2. Algorithme à temps de résidence
IV. Influence des conditions d’élaboration sur la taille et la morphologie des nanocolonnes
IV.1. Influence de la température de croissance
IV.2. Influence de la composition du film
V. Etude des premiers stades de la croissance d’un alliage binaire
V.1. Description des différents régimes de croissance d’une sub-monocouche
V.2. Influence de la composition
VI. Morphologie des nanocolonnes
VII. Conclusion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE