Les protéines sont les constituants les plus abondants du sérum. Elles remplissent les fonctions essentielles à la survie de la cellule. La diversité et l’importance de ces protéines laissent supposer que leurs variations peuvent avoir des répercussions sur l’état physiopathologique de tout patient. Ainsi leur étude est effectuée par des techniques de séparation dont la plus utilisée est l’électrophorèse des protéines sériques qui est un examen simple, réalisé en routine, permettant de dépister de nombreuses pathologies et participant même à leur suivi thérapeutique. Le principe de l’électrophorèse des protéines sériques repose sur le déplacement des protéines dans un champ électrique dans des conditions définies de force ionique, de pH et de courant électrique appliqué. Elle permet de séparer ainsi les protéines sériques en cinq fractions différentes : albumine, α1- globulines, α2- globulines, β- globulines et γ- globulines. C’est dans ce contexte qu’on a effectué une étude rétrospective, descriptive, et analytique portant sur les électrophorèses des protéines sériques effectuées au laboratoire de Biochimie médicale à l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar dans la période allant de janvier 2015 à décembre 2016, dans le but : d’analyser les résultats des électrophorèses des protéines sériques effectuées dans le service, de rechercher les différents facteurs associés à la variation de la protidémie totale et de chaque fraction protéique retrouvées dans notre population d’étude, de déterminer leurs anomalies, d’évaluer le rapport Albumine sur globulines chez nos patients et de déterminer la prévalence des différents profils électrophorétiques retrouvés dans notre population d’étude.
GENERALITES SUR LES PROTEINES PLASMATIQUES
Définition
Les protéines sont de grosses molécules non dialysables de masse moléculaire supérieure à 100 000 daltons, constituées d’un enchaînement d’acides aminés dans un ordre spécifique différent d’une protéine à une autre. Ce sont les molécules organiques les plus abondantes des cellules animales, elles représentent plus de 50 % de leur poids [27]. Elles sont directement impliquées dans leur structure et participent à leur fonctionnement. Elles constituent, notamment, l’expression directe du code génétique. La majorité des protéines plasmatiques sont sous forme de glycoprotéines à l’exception de l’albumine, de la β-2 microglobuline, et de la protéine C-réactive [35].
Propriétés des protéines
Au même titre que les aminoacides ou les petits peptides, les protéines sont des molécules possédant des groupements amines et des groupements carboxyles, ce qui leur confère un caractère amphotère. Elles se distinguent également par leur masse moléculaire, comprise entre dix mille pour les chaines les plus courtes et plusieurs millions pour les assemblages les plus complexes. La taille des protéines conditionne en grande partie leurs propriétés physiques qui les différencient des peptides les plus simples [28].
Propriétés électrochimiques
Une des propriétés fondamentales des protéines est leur caractère amphotère. Elles sont à l’état de cation (ion positif) en milieu fortement acide et au contraire en milieu fortement alcalin elles sont à l’état d’anion (ion négatif). Si l’on plonge dans une solution de protéines deux électrodes réunies aux bornes d’une batterie de pile, on peut constater par divers procédés que la protéine se déplace :
– vers la cathode, lorsqu’elle est de charge positif (pH<pHi) et en milieu acide;
– vers l’anode, lorsqu’elle est de charge negatif (pH>pHi) et en milieu alcalin.
Au point isoélectrique (pHi), la protéine ne se déplace plus dans le champ électrique, elle est dite électriquement neutre et possède autant de groupements chargés positivement que négativement. Ce pHi varie d’une protéine à l’autre et est différent du point isoionique qui est le pH pour lequel celle-ci ne libère ni ne fixe d’ions (H). Ces notions sont utilisées dans la technique d’électrophorèse [26].
Solubilité des protéines globulaires
On distingue deux classes de protéines : les albumines et les globulines. A l’inverse des albumines qui sont solubles dans l’eau pure, les globulines nécessitent une certaine concentration saline pour être solubilisées (salting in). Au-delà d’une certaine force ionique (µ˃1 mol/L), toutes les protéines globulaires voient leur solubilité diminuer avec la concentration saline (salting out ou relargage). L’augmentation de la concentration saline, en abaissant l’activité de l’eau, accentue les interactions entre molécules de protéines ; cellesci auront tendance à s’agglutiner et à précipiter à mesure qu’augmentera la concentration en sel. Cette évolution dépendra de la nature du polypeptide. On pourra ainsi précipiter différentes fractions de protéines en jouant sur leurs différences de solubilité dans des solutions concentrées de sels (sulfate d’ammonium, par exemple). Cette séparation fractionnée constitue le point de départ traditionnel de la purification d’une protéine [29].
Nature et composition des protéines sériques
L’organisme humain contient plusieurs centaines, voire des milliers, de protéines différentes. Seules les protéines explorées communément dans le sérum, une quarantaine constituent la protéinémie totale ou protidémie [27]. Ces protéines sont séparées par l’électrophorèse pour donner un tracé comprenant cinq fractions : albumine, α1- globulines, α2- globulines, β- globulines et γ globulines. On les regroupe en deux groupes: les albumines et les globulines.
Groupe des albumines
Préalbumine ou Transthyrétine (TTR)
La transthyrétine, ou préalbumine, est présente dans le plasma et le liquide céphalo-rachidien. D’un poids moléculaire de 55 kDa, elle est tétramérique et possède quatre sous-unités identiques [20]. Elle est surtout synthétisée dans le foie et dans les plexus choroïdes (dans le cerveau) [49]. Elle constitue une des protéines de liaison des hormones thyroïdiennes et de la vitamine A (rétinol). Sa demi-vie de 2 à 4 jours, elle constitue un marqueur précoce de la dénutrition. Elle est diminuée au cours des états de malnutrition, dans les états inflammatoires aigus et dans les pathologies hépatiques. Son augmentation est retrouvée au cours de la maladie de Hodgkin, chez les sujets traités par des corticoïdes et en cas d’insuffisance rénale chronique.
Retinol-binding Protein (RBP) ou Protéine de liaison du rétinol
La Retinol-binding protein (RBP), appelée aussi RBP4 est une protéine de masse moléculaire 21 kDa constituée d’une seule chaîne peptidique de 182 acides aminés. Sa synthèse est hépatique nécessitant la présence de zinc et de tryptophane. La principale fonction de la RBP est de transporter dans le sang le rétinol depuis ses réserves hépatiques vers ses tissus cibles par l’intermédiairedu complexe trimoléculaire rétinol-RBP-TTR. Sa demi-vie trés courte (12 heures) en fait un marqueur très sensible de la dénutrition aiguë. Une diminution de sa concentration sérique est observée sous l’effet des œstrogènes, en particulier lors de la grossesse, de la dénutrition, dans l’hypovitaminose A, lesdéficits en zinc, les hépatopathies etles pathologies inflammatoires. L’insuffisance rénale s’accompagne d’une augmentationdu RBP qui n’est plus filtré par le glomérule et s’accumule dans le sérum. Cette augmentation est parallèle à celle de la créatinine sérique.
Albumine
C’est la fraction la plus importante environ 60% des protéines totales, elle est homogène et pure. Sa masse moléculaire est importante (67 KDa), elle est formée d’une seule chaîne polypeptide repliée sur elle-même pour former plusieurs boucles maintenues par des ponts disulfures. Dans l’espace, cette structure varie en fonction des substances qu’elle fixe, c’est une protéine allostérique dépourvue de glucides [35]. Elle est synthétisée par les cellules hépatiques sous forme d’un précurseur à longue chaîne polypeptidique appeléepré-albumine, son taux de renouvellement est de 7% par jour ; sa demi-vie est de 10 à 18 jours. Son catabolisme se fait dans la plupart des tissus en particulier lorsqu’ils sont le siège d’une action inflammatoire. Elle a deux grands rôles :
– Maintien de la pression osmotique :
L’albumine intervient pour plus de 3/4 dans la pression oncotique du plasma car non seulement elle constitue la protéine la plus abondante (pc est proportionnelle à la concentration) mais aussi la protéine de plus faible poids moléculaire (pc est inversement proportionnelle au PM) ; C’est aussi uneprotéine très dissociée pHi = 4.7 (pc est d’autant plus grande que la protéine est dissociée). L’albumine intervient en retenant l’eau dans les capillaires ; la chutede pression dans les capillaires entraînerait une exsudation d’eau du plasma vers l’interstitium, s’il n’y avait pas d’albumine. Ceci explique l’œdème observé en cas d’hypoalbuminémie. Pourtant, encas d’analbuminémie, on n’observe presque pas d’œdème, ceci prouve que le rôle de l’albumine dans la pression oncotique, paraît moins capital qu’on ne l’avait cru [13].
– Protéine de transport non spécifique :
Le transport se fait sur des sites de fixation à nombre limité d’où l’existence d’une compétition pour ces sites. Cette compétition existant entre les diverses substances pour les sites de l’albumine est à l’origine de nombreuses interactions médicamenteuses, pouvant provoquer des accidents thérapeutiques [43]. On peut citer entre autre comme substances transportées : les acides gras libres, la bilirubine non conjuguée, les hormones (10% de la thyroxine), les métaux (cuivre et calcium), les médicaments.
Groupe des globulines
Ce groupe est constitué de quatre sous-groupes : les α1- globulines, les α2- globulines, les β -globulines et les γ- globulines.
Alpha 1 globulines
Cette fraction représente environ 3% des protéines totales, elle comprend notamment l’alpha foetoprotéine, l’orosomucoîde, les alpha1 anti protéases et l’alpha 1 antitrypsine.
Alpha foetoprotéine
C’est une glycoprotéine de poids moléculaire égal à 72000 Dalton. Elle est synthétisée par les hépatocytes chez le nouveau-né, et par le corps jaune pendant la gestation, de même par certaines tumeurs hépatiques ou digestives ; il constitue donc un marqueur de cancer hépatocellulaire et digestive. L’AFP est à un taux maximum de 3 mg/ml dans le sérum du fœtus de 13 semaines ; ce taux descend à quelques μg à la naissance, et à quelques ng chez l’adulte. Son taux de référence chez l’adulte est 4,5 ± 2,6 mg/l, au-delà de 15 mg/l, ce taux est pathologique. Chez la femme enceinte, le taux sérique normal entre la 15è et la 30è semaine est de plusieurs mg/l ; il s’élève en cas de grossesses multiples mais aussi dans 60% des cas d’atteinte du tube neural du fœtus [43]. La concentration d’αFP s’élève dans diverses circonstances pathologiques :
– Cancer primitif du foie : élévation non constante (2/3 des cas) ;
– Cancer de l’estomac ;
– Tératocarcinome testiculaire : élévation presque constante.
– Hépatites, hépatectomie partielle : rarement ;
– Chez le nouveau-né, qui a un ictère, Le dosage de l’AFP permet de trancher entre une hépatite (AFP élevée car cytolyse) et une atrésie (AFP normale, pas de cytolyse).
La cause la plus importante est le cancer primitif du foie. Son dosage permet de surveiller les gens à risque par exemple les cirrhotiques qui évoluent souvent vers le cancer primitif du foie.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. GENERALITES SUR LES PROTEINES PLASMATIQUES
I.1. Définition
I.2. Fonctions biologiques des protéines
I.3. Propriétés des protéines
I.3.1. Propriétés électrochimiques
I.3.2. Solubilité des protéines globulaires
I.4. Nature et composition des protéines sériques
I.4.1. Groupe des albumines
I.4.1.1. Préalbumine ou Transthyrétine
I.4.1.2. Retinol-binding Protein (RBP) ou Protéine de liaison du rétinol
I.4.1.3. Albumine
I.4.2. Groupe des globulines
I.4.2.1. Alpha 1 globulines
I.4.2.1.1. Alpha foetoprotéine
I.4.2.1.2. Glycoprotéine alpha acide : Orosomucoîde
I.4.2.1.3. Alpha1 antiprotéases
I.4.2.1.4. Anti-protéase ou Alpha 1 antitrypsine
I.4.2.2. Alpha 2 globulines
I.4.2.2.1. Haptoglobine
I.4.2.2.3. Alpha 2 macroglobuline
I.4.2.3. Bêta globulines
I.4.2.3.1. Transferrine ou Sidérophiline
I.4.2.3.2. Hémopexine
I.4.2.3.3. Protéine C réactive
I.4.2.3.4. Bêta 2 microglobuline
I.4.2.4. Gammaglobulines ou immunoglobulines
I.4.2.4.1. Définition
I.4.2.4.2. Structure
II. METHODES D’ETUDE DES PROTEINES PLASMATIQUES
II.1. Dosage des protéines totales
II.1.1. Méthode de Biuret
II.1.2. Méthode de Lowry
II.1.3. Méthode au Bleu Brillant Coomassie
II.1.4. Méthode physique : la réfractométrie
II.2. Electrophorèse et techniques dérivées
II.2.1. Rappels historiques
II.2.2. Principe
II.2.3. Paramètres affectant l’électrophorèse
II.2.4. Conditions opératoires
II.2.4.1. Électrophorèse en conditions non dénaturantes
II.2.4.2. Électrophorèse en conditions dénaturantes
II.2.5. Types d’électrophorèses
II.2.5.1. Électrophorèse en veine liquide
II.2.5.2. Électrophorèse de zones
II.2.5.3. Électrophorèse Capillaire
II.2.6. Techniques dérivées
II.2.6.1. Méthode d’immunodifusion
II.2.6.2. Méthode d’immunoélectrophorèse
II.3. Méthodes chromatographiques
III. ETUDE DU PROTIDOGRAMME
III.1. Protidémie
III.2. Protidogramme du sérum humain normal
III.3. Valeur sémiologique du protéinogramme
III.3.1. Syndrome inflammatoire
III.3.1.1. Syndrome inflammatoire aigu
III.3.1.2. Syndrome inflammatoire chronique
III.3.2. Maladies hépatiques
III.3.3. Syndrome néphrotique
III.3.4. Carence protéique par déperditions digestives
III.3.5. Gammapathies
III.3.5.1. Hypogammaglobulinémie et agammaglobulinémie
III.3.5.2. Hypergammaglobulinémie polyclonale
III.3.5.3. Gammapathies monoclonales
III.3.6. Autres
CONCLUSION