Généralités sur les principes et effets d’irradiation

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Généralités sur les principes et effets d’irradiation

Interactions particule-matière

Une particule incidente énergétique envoyée sur une cible (matériau) interagit avec les atomes du réseau cristallin de celle-ci. Cette collision est accompagnée d’un transfert d’énergie ET de la particule incidente à un atome du réseau cristallin. Ce premier atome frappé est appelé PKA (Primary knock-on Atoms). Si l’énergie cédée par la particule incidente est suffisante, l’atome frappé (PKA) peut-être éjecté de son site d’origine créant ainsi une lacune. Il y a alors création d’une paire lacune + interstitiel appelée paire de Frenkel. L’énergie de la particule incidente nécessaire pour éjecter un atome de son site est appelée « énergie seuil de déplacement Ed ».
En d’autres termes, si :

– E! < E » , l’atome de la cible ne sortira pas de son site cristallin. L’énergie transférée par la particule incidente le fera vibrer à sa position initiale et se dissipera sous forme de chaleur.
– ?# < ?$ < 2?# , l’atome sera éjecté de son site en créant une paire de Frenkel stable.
– ?$ ≥ 2?#, le premier atome frappé (PKA) reçoit suffisamment d’énergie pour être éjecter de son site cristallin. Il pourra à son tour éjecter d’autres atomes.
Ce processus ne s’arrête que si l’énergie du dernier atome frappé est inférieure à Ed. Ce qui conduit à des cascades de déplacements engendrant des dégâts dans le matériau. Ce processus de cascades peut être décomposé en deux phases : une première phase appelée phase de collision et une deuxième appelée phase de recombinaison.
– La phase de collision ne dure qu’une picoseconde et permet le transfert d’énergie de la particule incidente à la cible : création du PKA. Le PKA créé déplace les atomes du réseau en cascade de déplacement. Au cours de cette cascade, le maximum de défauts ponctuels tels que les lacunes et interstitiels ainsi que des amas de défauts est créé : c’est le pic balistique.
– Lors de la phase de recombinaison, la grande majorité des atomes déplacés se recombine avec les lacunes du réseau et seulement quelques défauts persistent : elle ne dure qu’une dizaine de picosecondes. A l’issue de cette phase, un résidu de cascades constitué de défauts ponctuels libres et d’amas sera présent. Ce résidu de cascades correspond au dommage induit par l’irradiation.

Dommage sous irradiation

Évaluation du dommage d’irradiation

Les dégâts induits par l’irradiation sont caractérisés par le nombre de déplacements par atome noté dpa. Le nombre de dpa correspond au nombre de déplacements moyen fait par un atome suite aux collisions subies [14]. Ce nombre de déplacements par atome est généralement estimé par la méthode de Kinchin-Pease :
N » : le nombre de déplacements d’un atome ou de paires lacune-interstitiel
E! : énergie transférée par la particule incidente
?# : énergie seuil de déplacement
Lorsque E! > 2E », le formalisme de Kinchin-Pease repose sur le principe que le nombre de déplacements varie linéairement avec l’énergie transférée jusqu’à une valeur critique E% audessus de laquelle les interactions sont purement électroniques. Norgett, Robinson and Torrens (NRT) ont proposé un modèle de correction basé sur le formalisme de Kinchin-Pease [15] qui permet de déterminer le nombre de déplacement par atome ν&’! induit par un PKA d’énergie E! : ?, : énergie au-dessus de laquelle les interactions sont purement électroniques
Le formalisme de Kinchin-Pease est utilisé dans les calculs de simulations SRIM (Stopping and Range of Ions in Matter) [16]. La méthode de calcul « ion distribution and quick calculation damage » basée sur le formalisme de Kinchin-Pease et prenant en compte l’énergie seuil de déplacement permet de calculer le spectre de PKA par ion incident et de remonter au nombre de déplacements par atome induit par ces PKAs. Selon la norme ASTM, l’énergie de transfert nécessaire pour déplacer un atome de Fe de sa position initiale du réseau est de 40 eV..

Cette valeur d’énergie seuil de déplacement est la plus utilisée pour les calculs de simulation SRIM. Elle est basée sur des simulations de Erginsoy et al. [18]. Des résultats de simulation de Lucasson et al. [19] ont montré une valeur d’énergie seuil de déplacement de 24 eV. Olsson et al. [20] ont trouvé par des calculs DFT et de dynamique moléculaire (MD) une faible valeur d’énergie seuil de déplacement proche de 30 eV pour le fer. Cette énergie seuil de déplacement dépend fortement de l’orientation cristallographique du matériau [21]. Dans le cas des alliages à base de fer, il est conseillé d’utiliser la méthode « ion distribution and quick calculation damage » utilisant le formalisme de Kinchin-Pease avec une valeur d’énergie seuil de 40 eV pour calculer les doses d’irradiation avec SRIM..

L’évaluation du taux de dommage repose donc sur la mesure du dommage engendré par la particule incidente à la cible. Selon la nature de la particule incidente et de son énergie, le dommage est différent. Ce qui signifie que la taille, le nombre de cascades et la profondeur d’irradiation dépendent de la nature de la particule incidente et de son énergie. Comme le montre la figure 3, chaque type de particule a ses effets sur la morphologie des défauts, leur densité ainsi que leur répartition dans le matériau. Les interactions de chaque type de particule d’énergie 1 MeV avec des atomes de nickel sont décrites sur la figure 4.
Figure 4 : Morphologie des dommages suivant le type de particule incidente de même énergie 1 MeV dans le Nickel [14,22]. ?  » : énergie moyenne des PKA Ɛ :ordre de grandeur de l’efficacité de cascade qui correspond à la fraction de paires de Frenkel stables créées balistiquement et qui survivent et sont donc disponibles à la dispersion des atomes.
– Les électrons de 1 MeV sont juste capables de produire des paires de Frenkel espacées qui ont une très faible probabilité de recombinaison. Les électrons génèrent environ 50% à 100% de défauts libres.
– Les neutrons sont des particules neutres et de petite taille. Le neutron étant une particule très énergétique, sa faible section efficace lui permet de pénétrer dans le matériau et d’irradier de manière homogène une grande profondeur. Les neutrons génèrent des cascades denses de défauts donnant lieu à de nombreuses recombinaisons avec un taux de défauts libres très faible 2%.
– Les ions lourds chargés électriquement et de grande taille ont une grande section efficace. Ce qui limite la distance de pénétration de la cible. Ils provoquent également des cascades de défauts denses avec un taux de défauts libres d’environ 4%.
– Les protons cédant 200 eV de leur énergie initiale (1 MeV) produisent de petites cascades de défauts éloignées les unes des autres et de nombreuses paires de Frenkel en raison de l’interaction coulombienne. La création de défauts libres se situe entre ceux des électrons et des neutrons soit 25%.

Les auto-interstitiels

Des études de simulations DFT [23–26] et DM [18,27] ont montré que dans le fer α, les autointerstitiels se présentent sous la forme d’haltère (dumbbell en anglais) orientée <110> (figure 5.a). Dans les autres métaux de transition, les auto-interstitiels ont la configuration <111> (figure 5.b).
Figure 5 : Schémas des dumbbells de direction <110> dans le fer-α (a) et <111> (b) dans les autres métaux de transition.
La diffusion des dumbbells <110> dans le fer pur se fait par translation-rotation avec les proches voisins comme le montre la figure 6.
Figure 6 : Représentation schématique du mécanisme de migration du dumbbell <110> dans le fer-α par translation-rotation vers le premier voisin [28].
Des résultats de calculs ab initio [23,24,28–31] montrent que ce mouvement de translation rotation nécessite une énergie de migration ?- = 0,34 e? qui est en accord avec la valeur expérimentale de 0,3 eV. D’après la littérature, dans le fer α la configuration <110> est la plus stable [23–26,32–34]. Mais au-delà de 5 interstitiels, Willaime et al. [24] et Terentyev et al. [29], ont montré que les amas d’interstitiels sont formés de collection de crowdions <111>.
D’après la littérature [25,26,30,35,36], la migration des dumbbells mixtes FeCr dans les alliages FeCr est légèrement plus rapide que celle des dumbbells Fe-Fe. Les dumbbells mixtes FeCr sont plus stables que les dumbbells Fe-Fe. En effet, des résultats de calculs DFT ont montré que l’énergie de migration du dumbbell mixte ?- = 0,23 e? [30] par mécanisme translationrotation est très faible comparée à la valeur trouvée dans le cas du fer pur ?- = 0,34 e?. Le dumbbell mixte présente alors la plus faible énergie de migration. Cette faible énergie de migration par rapport au fer lui permettra de migrer sans se dissocier.

Les lacunes

Des résultats expérimentaux et des calculs de simulations [23,26,36–39] montrent que l’énergie de formation des lacunes dans le fer α est de l’ordre de 2 eV et celle de migration de 0,6 eV.
Les lacunes migrent par sauts successifs de monolacunes de voisinage le plus proche. Elles peuvent conduire à des modifications des propriétés mécaniques dans les alliages FeCr comme la fragilisation [40].

Amas de défauts et boucles de dislocation

Sous irradiation lors de la migration des défauts ponctuels ou lors des cascades, les défauts de même nature s’associent pour former des amas de types interstitiels ou lacunaires. Les amas de défauts ponctuels formés sont des boucles de dislocation ou des cavités. Dans les matériaux cubiques centrés comme le fer pur ou les alliages FeCr, les amas d’interstitiels sont sous forme de boucles de dislocation tandis que les amas de lacunes peuvent être des boucles de dislocation ou des cavités. Dans le fer pur, la majorité des boucles de dislocation sont de type interstitiel [41–50]. Les boucles de type lacunaire ne sont pas stables et se transforment en cavités lorsqu’elles sont petites [51].

Diffusion accélérée et couplages de flux sous irradiation

Diffusion et précipitation accélérée par l’irradiation

Diffusion accélérée par l’irradiation

Dans les alliages, la diffusion atomique au sein d’un matériau cristallin dépend de la présence de défauts ponctuels (DP). L’augmentation de la mobilité atomique à une température T donnée dépend de l’augmentation de la concentration en défauts. Quand il y a une quantité importante de défauts ponctuels au sein du matériau, le coefficient de diffusion atomique sous irradiation est alors modifié et peut-être exprimé par la relation :
?∗ = ?/?/?0
∗ + ?1?1?1
Avec :
α2(a = i pour les interstitiels et v pour les lacunes): coefficients d’efficacité qui dépendent des fréquences de saut.
D2 : coefficients de diffusion des interstitiels et des lacunes sous irradiation
∗ : concentrations des défauts ponctuels sous irradiation
Sous irradiation, la concentration de défauts augmente. Les lacunes et les interstitiels migrent vers les puits où ils s’annihilent. Le nombre de défauts créés et éliminés par les puits (joints de grain, surface, …) s’équilibre. C’est l’état stationnaire. La concentration en lacunes sous irradiation est plus importante qu’à l’équilibre. Ce qui implique que la diffusion par mécanisme lacunaire est beaucoup plus élevée sous irradiation. La présence d’interstitiels non observés sous vieillissement thermique augmente la diffusion atomique. Sous irradiation, des transformations de phases prévues par la thermodynamique mais non observables en des temps raisonnables à une température donnée peuvent se produire à cette température : c’est le cas de la précipitation accélérée.

Diagramme de phase FeCr

Ces dernières décennies, les chercheurs s’intéressent à l’évolution du diagramme en délimitant la lacune de miscibilité α/α’ à basse température. Plusieurs diagrammes de phase ont été établis à partir de la méthode CALPHAD (Computer Coupling of Phase Diagrams and thermochemistry) [52]. Cette méthode permet de constituer un diagramme de phase à partir du calcul de l’énergie de Gibbs d’un alliage donné en se basant sur les données expérimentales disponibles. Dans le système binaire FeCr, il existe quatre phases α, α’, γ et σ présentes sous le solidus qui dépendent de la concentration en Cr et de la température comme les présente le diagramme de phase de la figure 9.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
1 Matériaux de structure pour les réacteurs GEN IV : choix des aciers ferritiquesmartensitiques
2 Généralités sur les principes et effets d’irradiation
2.1 Interactions particule-matière
2.2 Dommage sous irradiation
2.2.1 Évaluation du dommage d’irradiation
2.2.2 Les auto-interstitiels
2.2.3 Les lacunes
2.2.4 Amas de défauts et boucles de dislocation
2.3 Diffusion accélérée et couplages de flux sous irradiation
2.3.1 Diffusion et précipitation accélérée par l’irradiation
2.3.2 Ségrégation induite par l’irradiation (SII) et couplages de flux
3 Les aciers ferritiques martensitiques et leurs alliages modèles FeCrNiSiP
3.1 Mécanismes de diffusion des atomes de soluté Ni, Si, P et Cr et leur influence sur les amas de défauts
3.1.1 Diffusion lacunaire
3.1.2 Diffusion interstitielle
3.1.3 Influence des atomes de soluté sur les amas de défauts
4 Évolution de la microstructure des alliages modèles FeCr-NiSiP sous irradiation : Influence des conditions d’irradiation
4.1 Influence des conditions d’irradiation sur l’évolution de la microstructure
4.1.1 Influence des conditions d’irradiation sur la précipitation
4.1.2 Influence des conditions d’irradiation sur la ségrégation induite par l’irradiation
4.2 Comparaison des effets d’irradiation aux ions et aux neutrons
4.2.1 Impacts des interstitiels injectés sur l’évolution de la microstructure
4.2.2 Évolution de la microstructure loin des effets de surface et du pic d’implantation
Chapitre 2 : Techniques d’analyses et caractérisation
1 La sonde atomique tomographique (SAT)
1.1 Principe de la technique et dispositif expérimental
1.2 Reconstruction
1.3 Résolution spatiale et en masse
1.3.1 Résolution spatiale
1.3.2 Résolution en masse
1.4 Artéfacts et limitations liés à la technique
1.4.1 Le recouvrement isotopique
1.4.2 L’évaporation préférentielle
1.4.3 Grandissement local et aberration chromatique
2 Caractérisation
2.1 Identification des phases par la méthode Iso-position
2.2 Caractérisation des phases identifiées
2.2.1 Mesure de la composition des précipités
2.2.2 Mesure de la taille des précipités
2.2.3 Détermination de la fraction volumique et de la densité des précipités
2.3 Traitements statistiques
2.3.1 Test d’homogénéité statistique : cas du test de Thuvander
2.3.2 Distribution de fréquence aux premiers voisins: 1NN (First Nearest Neighbours)
Chapitre 3 : Étude de l’évolution microstructurale des alliages FeCr sous irradiation aux ions : impact des conditions d’irradiation
1 Matériaux et conditions d’irradiation
1.1 Matériaux étudiés
1.2 Conditions d’irradiation aux ions
1.2.1 Préparation des échantillons
1.2.2 Conditions d’irradiations
2 Évolution de la microstructure en fonction de la dose et de la teneur en NiSiP dans les alliages Fe15Cr-X
2.1 Caractérisation avant irradiation
2.2 Rôle des impuretés sur la formation des amas d’impuretés NiSiPCr (SRCs)
2.3 Influence de la dose sur la formation des amas d’impuretés NiSiPCr
2.4 Influence de la dose sur la formation des zones riches en Cr ou zones de type α’
3 Influence de l’énergie des ions sur l’évolution microstructurale des alliages FeCr
3.1 Influence de l’énergie des ions sur la formation des amas de Ni, Si, P et Cr
3.2 Influence de l’énergie des ions sur la formation des zones riches en Cr
4 Influence du taux de dommage sur l’évolution de la microstructure
4.1 Influence du taux de dommage sur la formation des amas riches en impuretés
4.2 Influence du taux de dommage sur la formation des zones de type α’
5 Influence du balayage du faisceau sur la formation des amas d’impuretés et des zones de type α’
5.1 Influence du mode d’irradiation sur la formation des amas d’impuretés NiSiPCr
5.2 Influence du mode d’irradiation sur les zones de type α’
6 Discussion des résultats
6.1 Impacts des conditions d’irradiation sur la formation des amas d’impuretés
6.1.1 Influence de la dose d’irradiation
6.1.2 Influence de l’énergie des ions sur la formation des amas d’impuretés NiSiPCr
6.1.3 Influence du taux de dommage sur la formation des amas d’impuretés NiSiPCr
6.1.4 Influence du balayage du faisceau des amas d’impuretés NiSiPCr
6.2 Impacts des conditions d’irradiation sur les zones riches en Cr ou de type α’
7 Synthèse
Chapitre 4 : Étude de l’évolution microstructurale des alliages FeCr sous irradiation : comparaison neutrons/ions
1 Matériaux et conditions d’irradiations
2 Évolution de la microstructure des alliages FeCr sous irradiation aux neutrons
2.1 Les amas d’impuretés
2.2 Les zones riches en Cr
3 Évolution de la microstructure des alliages FeCr sous irradiation : ions versus neutrons
3.1 Les amas d’impuretés NiSiPCr
3.2 Les zones riches en Cr
4 Discussion des résultats
4.1 Comparaison des résultats après irradiation aux neutrons et aux ions
4.1.1 Amas d’impuretés NiSiPCr après irradiation aux neutrons
4.1.2 Amas d’impuretés NiSiPCr après irradiation aux neutrons et aux ions
4.2 Présence ou absence de zones riches en Cr après irradiations aux neutrons et ions
4.2.1 Zones riches en Cr après irradiations aux neutrons
4.2.2 Zones riches en Cr après irradiation aux neutrons et aux ions
5 Synthèse
Conclusions et perspectives
Annexes
Résumé
Abstract

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