Les polymères d’origine biologique ou biopolymères tels que les polysaccharides présentent une diversité de structures qui offre un large spectre de propriétés fonctionnelles. Outre leurs intérêts dans les exploitations pétrolières, dans l’agroalimentaire ou dans les industries papetières, les activités biologiques de ces molécules ne sont pas négligeables (Garrido et al., 2002). Par ailleurs, le marché qui a été essentiellement dominé par les gommes d’origine végétale ou algale, s’ouvre désormais aux polysaccharides issus de bactéries (exopolysaccharides EPSs) qui eux ne dépendent pas des aléas climatiques, écologiques et politiques qui affectent la qualité, le coût et l’approvisionnement, contrairement à leurs homologues extraits d’algues ou de plantes (Guezennec, 2004).
De plus, les points positifs des EPSs bactériens résident, d’une part sur les possibilités d’agir sur les conditions de fermentation (sources de carbone, température, aération, pH, etc…) en vue d’optimiser la production, d’assurer la traçabilité, mais aussi de modifier le polymère produit, et d’autre part, sur la diversité de leur structure et des microorganismes producteurs qui sont également issus de divers habitats (Vincent et al., 1994). Les microorganismes qui vivent à l’intérieur du tube digestif des termites sont parmi les plus étudiés étant donné qu’ils sont particulièrement nombreux et diversifiés (Ohkuma et al., 2001). En effet, grâce à l’association symbiotique, ils profitent de l’environnement stable à l’intérieur de ces deniers et participent en retour à la dégradation des aliments au bénéfice des termites par la production de substances diverses dont les exopolysaccharides.
En matière d’exploitation, l’importance de ces EPSs dans l’amélioration et le maintien de la fertilité des sols de culture, notamment celle des sols tropicaux, représente actuellement l’un des nouveaux défis à relever pour les scientifiques. En effet, l’amélioration et le maintien de cette fertilité des sols sont parmi les éléments-clés dans le contexte actuel de priorisation de l’autosuffisance alimentaire des pays en voie de développement. Etant donné que la stabilité de la structure du sol est fortement corrélée avec sa teneur en matière organique, les polysaccharides bactériens, fractions importantes de cette dernière, y jouent alors un rôle prépondérant (Kaci & Heulin, 2008), notamment, dans la formation des agrégats qui sont les unités de base du sol (Santaella et al., 2008). En effet, les agrégats déterminent les propriétés mécaniques et physiques du sol (mobilité de l’eau, aération, régulation de la température…) et jouent un rôle important dans la germination et la croissance racinaire des plantes. L’importance de ces EPS est ainsi cruciale du point de vue agronomique et environnemental.
LES EXOPOLYSACCHARIDES D’ORIGINE MICROBIENNE
Généralités sur les polysaccharides
Les glucides sont des composés organiques constitués de carbone, d’hydrogène et d’oxygène selon la formule empirique (CH2O) n. Ils incluent les sucres simples, les polysaccharides et leurs dérivés (Mustapha & Babura, 2009). Ces composés sont les principales substances nutritives de la plupart des organismes et sont absorbées généralement sous forme de sucre simple (glucose). Ils fournissent l’énergie et les carbones nécessaires pour la biosynthèse de protéines, d’acides nucléiques, de lipides et d’autres glucides (Pigman et Horton, 1972). Les glucides se subdivisent en quatre (4) groupes, à savoir : les monosaccharides, les disaccharides, les oligosaccharides et les polysaccharides.
Les polysaccharides sont des macromolécules constituées par un grand nombre de résidus monosaccharidiques liés entre eux par des liaisons glycosidiques. Ils constituent une importante famille de molécules souvent ramifiées et sans forme particulière (molécules amorphes), insolubles dans l’eau, et ils n’ont pas de pouvoir sucrant (Flitsch et Ulijn, 2003).
Les polysaccharides ont comme formule générale [Cx (H2O)y)] n où y est généralement x – 1 et où x est généralement un nombre compris entre 200 et 2500.
En considérant que les motifs récurrents dans le squelette de la molécule polymère sont souvent constitués de monosaccharides à six carbones, la formule générale peut aussi être définie par (C6H10O5) n où 40 ≤ n ≤ 3000.
Les polysaccharides d’origine microbienne
Définitions des exopolysaccharides (EPSs)
Les exopolysaccharides (EPSs) sont des polymères biosynthétisés [substances polymériques extracellulaires (SPE) ou Extracellular polymeric substances (EPS)] (Geesey, 1982). La majorité d’entre eux sont des polymères de surface excrétés par les cellules procaryotes ou eucaryotes (bactéries et champignons) sous forme de capsules enrobant la cellule ou de matières visqueuses excrétées dans le milieu extérieur (Sutherland, 1972 ; Cerning, 1994 ; Mata et al., 2006).
Importances des EPSs dans la vie de la cellule productrice
Etant donné que les bactéries productrices d’EPS occupent une large gamme de niches écologiques, les propriétés des EPSs changent d’un environnement à un autre. En effet, la capacité de production d’EPS a été décrite comme étant une réponse directe et logique aux pressions sélectives de l’environnement (Dudman, 1997). Ces polymères, qui sont essentiellement constitués de carbohydrates, sont principalement impliqués dans la formation d’agrégats ou « biofilm » microbiens (Sutherland, 1990). Les EPS peuvent également jouer de nombreux rôles qui sont dans la majorité des cas aux bénéfices des cellules productrices : certains agents pathogènes produisent des EPS(s) pour exprimer leur virulence, certains groupes de microorganismes les produisent pour interagir avec leur environnement (plante, sol, autres microorganismes, dessiccation, composés toxiques présents dans le milieu) (De Vuyst, 1999 ; Leigh et Coplin, 1992 ; Lopez-Lara et al., 1993).
In vitro, l’importance des EPS pour la cellule n’est pas très remarquable, pourtant en milieux naturels leur production procure aux bactéries un avantage compétitif et protecteur qui leur permet de se maintenir en vie plus longtemps que les autres groupes non producteurs d’EPS (Cerning, 1994).
– La couche d’EPS autour de la cellule influence significativement la diffusion de différentes molécules aussi bien vers l’extérieur que vers l’intérieur de la cellule ce qui rend difficile l’action des agents antimicrobiens (Whitfield, 1998). A titre d’exemple, la production d’EPS a conféré à une souche de Lactococcus lactis une tolérance significative envers le cuivre, la nisine et le lysozyme (Looijesteijn et al. , 2001).
– Les EPS permettent aux bactéries d’agréger des particules en suspension en utilisant leur caractère anionique et leur capacité à chélater les métaux et les ions. Ces propriétés les font ressembler à une résine échangeuse d’ions et favorisent l’apport en nutriments nécessaires à la croissance bactérienne (Costerton et al., 1981).
– Les EPSs sont en grande partie impliqués dans la formation des biofilm bactériens qui permettent aux communautés bactériennes de s’adhérer à des surfaces en milieux naturels ou qui les protègent contre les surfactants et même les antibiotiques (O’Toole et al., 2000).
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Table des matières
INTRODUCTION
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.LES EXOPOLYSACCHARIDES D’ORIGINE MICROBIENNE
I.1. Généralités sur les polysaccharides
I.2. Les polysaccharides d’origine microbienne
I.2.1. Définitions des exopolysaccharides (EPSs)
I.2.2. Importances des EPSs dans la vie de la cellule productrice
I.2.3. Composition chimique des EPSs
a) Composition osidique
b) Les substituants organiques
c) Les substituants inorganiques
I.2.4. Classification des EPSs
a) Les homopolysaccharides
b) Les hétéropolysaccharides
I.3. Utilisation des exopolysaccharides
I.3.1.Dans le domaine médical
I.3.2. Dans l’industrie alimentaire
I.3.3.Les applications en agronomie
a) Notion de rhizosphère
b) Notion d’agrégat, de structuration et de stabilité du sol
c) Les microorganismes rhizosphériques et la production d’EPS
I.4.La production des EPSs
I.4.1. Conditions de culture
I.4.2. Milieu de culture
I.4.3. Conditions optimales de synthèse des EPSs
I.4.4. Extraction des EPSs
I.5.Intérêts des EPSs
II.LES TERMITES
II.1. Généralités
II.2. Organisation et classification
II.3. Les différentes castes
II.4. La termitière
II.5. Répartition mondiale
II.6. Les termites de Madagascar
II.7. Le tube digestif des termites
II.7.1. Morphologie générale du tube digestif des termites
II.7.2. Diversité des microorganismes du tube digestif des termites
II.8. Rôles et utilisations des termites
MATERIELS ET METHODES
I.ISOLEMENT ET CRIBLAGE DES MICROORGANISMES PRODUCTEURS D’EPSS
I.1. Matériels biologique : le termite ouvrier
I.1.1. Classification
I.1.2. Morphologie
I.2. Isolement des microorganismes producteurs d’EPSs
I.2.1. Dissection du tube digestif des termites
I.2.2. Isolement et dénombrement des microorganismes
a) Préparation du milieu de culture
b) Ensemencement
c) Comptage des colonies
d) Purification et criblage des souches
I.2.3. Conservation des souches
I.3. Etude de la croissance des dix (10) souches sélectionnées : mesure du poids sec
I.3.1. Mesure du poids sec
I.3.2. Détermination de la vitesse spécifique de croissance maximale µmax
I.3.3. Détermination du temps de génération G
II. CARACTERISATION DES SOUCHES BACTERIENNES
II.1. Etude des caractères culturaux
II.2. Description des caractères morphologiques et structuraux
II.2.1. Observation à l’état frais
II.2.2. Coloration de Gram
a) La fixation
b) La coloration
II.3. Etude des caractères biochimiques
II.3.1. Culture sur milieu mannitol mobilité
II.3.2. Milieu citrate de SIMMONS
II.3.3. Milieu de Hajna-Kligler
II.3.4. Milieu lysine – fer
III. LES SOUCHES BACTERIENNES, LA PRODUCTION D’EPSS ET LE PHENOMENE D’AGREGATION DU SOL
III.1. Mise en évidence de la production d’EPS par les souches bactériennes
III.1.1. La fermentation
a) Préparation du milieu de fermentation
b) Inoculation microbienne
c) Suivi de la croissance bactérienne
III.1.2. Extraction des polysaccharides
III.1.3. Description des propriétés physiques des EPSs
a) Mesure de l’élasticité des exopolysaccharides
b) Evaluation de la viscosité
c) Calcul du débit-volume qv
III.2. Les souches bactériennes et le phénomène d’agrégation du sol
III.2.1. Préculture des souches
III.2.2. Fermentation
III.2.3. Préparation du sol
III.2.4. Inoculation des souches bactériennes
III.2.5. Test de désagrégation
III.2.6. Mesure du diamètre des agrégats
III.2.7. Test de la capacité des souches productrices d’EPSs à solubiliser le phosphate
RESULTATS
CONCLUSION