Généralités sur les phytovirus

Généralités sur les phytovirus

L’origine des phytovirus

L’utilisation du terme phytovirus pourrait suggérer que les virus de plantes forme un groupe cohésif de virus apparentés. En réalité, les virus de plantes sont très divers dans leurs origines et histoires évolutives. Trois scenarios principaux sur l’origine multiple (polyphylétique) des virus de plante ont été avancés avec (i) l’existence d’un ancêtre commun antérieur à la divergence des eucaryotes (cas des picornavirus par exemple), (ii) l’évolution grâce aux transferts horizontaux de gènes (cas des bunyavirus par exemple) et (iii) l’origine parallèle d’éléments génétiques apparentés (cas des circovirus et des géminivirus par exemple) (Figure 1 ; Dolja & Koonin, 2011). L’analyse des origines possible des différents groupes de phytovirus suggère que ces trois voies d’évolution ont été importantes dans l’histoire et que leurs contributions varient d’un groupe viral à l’autre.

Les particularités des phytovirus

Malgré la diversité des histoires évolutives des virus infectant les plantes, certaines spécificités sont généralement associées à ceux-ci (Astier et al., 2001), telles que (i) la présence majoritaire de virus non enveloppés, (ii) la présence fréquente de plusieurs composants du génome viral, (iii) l’association avec des molécules satellites, (iv) la présence de gènes codant pour une protéine de mouvement ainsi que (v) leur rare transmission par contact direct.

Chez les virus à plusieurs composants génomiques, on parle de « virus segmenté », lorsque les différents composants du génome viral sont tous encapsidés au sein d’un virion unique, et de « virus multipartite », lorsque les composants génomiques sont encapsidés dans des particules distinctes (Varsani et al., 2018). La plupart des virus multipartites connus infectent les plantes (90% des espèces et des genres). Ils ont été décrits dans 13 des 24 familles de phytovirus connues (Lucía-Sanz & Manrubia, 2017), comme par exemple les bégomovirus de la famille des Geminiviridae (Fontes et al., 1994) ou encore l’ensemble des virus appartenant aux Partitiviridae et Bromoviridae (Lucía-Sanz & Manrubia, 2017). Les données actuelles ne supportent aucune explication convaincante sur les raisons qui expliqueraient la prévalence de virus multipartites chez les phytovirus (Sicard et al., 2016). La grande majorité des molécules satellites a elle aussi été identifiée en association avec des phytovirus monopartites (i.e. ne présentant qu’un seul composant génomique). Ces composés co-transmis avec le virus assistant peuvent modifier l’accumulation et la pathogénicité de ce dernier (Gnanasekaran & Chakraborty, 2018). Une autre particularité chez les phytovirus est la présence fréquente de gènes codant pour une ou plusieurs protéines de mouvement. Les protéines de mouvements en se liant à un système de translocation interne, induisent un élargissement de la taille limite d’exclusion du plasmodesme facilitant ainsi le transport de virions et/ou génomes viraux (Benitez-Alfonso et al., 2010 ; Lucas, 2006). La dernière caractéristique des phytovirus est la rare transmission par contact direct, contrairement à de nombreux virus infectant les animaux. Bien que les phytovirus puissent être transmis via des plantes parasites, des greffes ou encore par le biais de sols et eaux contaminés, le mode de transmission le plus efficace est la transmission par vecteurs, par le pollen et les graines (Jones, 2018). Néanmoins, la transmission vectorielle semble être la plus courante, avec une transmission par arthropodes majoritaire (principalement des hémiptères) mais également par nématodes ou champignons (Hogenhout et al., 2008 ; Nault, 1997 ; Tamada & Kondo, 2013) .

Une diversité sous-estimée et biaisée

Les virus ont été classés en sept groupes en fonction de la nature et de la structure de leurs acides nucléiques (ADN simple ou double brin, ARN simple brin positif ou négatif, ou ARN double brin) et de leurs stratégies de réplication (Baltimore, 1971). Dans chacun de ces groupes, les virus sont classés de manière hiérarchique et similaire à la classification utilisée pour les autres organismes vivants, classant les virus par ordre, famille, sous-famille, genre et espèce. La classification des espèces et des souches virales est également basée sur (i) des critères de similarité des séquences nucléotidiques et l’utilisation de seuil de distinction taxonomique, (ii) la gamme d’hôte naturel, (iii) la localisation cellulaire et tissulaire, (iv) la pathogénie et (v) les propriétés physicochimiques et antigéniques. Depuis 2017, une classification phylogénétique basée uniquement sur l’information de la séquence génomique des virus a été approuvée par l’ICTV avec l’usage de rangs taxonomiques supérieurs, notamment pour les virus à ARN fondée sur la phylogénie d’un marqueur universel l’ARN polymérase ARN-dépendante (Kuhn, 2019). Par ailleurs, l’ICTV a récemment accepté les données partielles issues du séquençage haut débit afin d’enrichir la taxonomie virale (Simmonds et al., 2017). Comme pour l’ensemble des virus, les connaissances actuelles de la diversité des phytovirus souffrent d’un biais important liés au fait que la grande majorité des recherches menées jusqu’ici se sont focalisées sur les virus pathogènes de cultures et de plantes ornementales (Figure 2 ; Cooper & Jones, 2006 ; Roossinck, 2011 ; Wren et al., 2006).

De plus, bien que l’infection virale puisse être visuellement non identifiable (Remold, 2002), il a été souvent supposé dans le passé que l’absence de symptômes apparents rendait compte d’une absence de virus au sein de la plante (Prendeville et al., 2012 ; Remold, 2002). Les symptômes d’infection virale sont en effet parfois difficiles à distinguer des stress environnementaux. La vision faussée de la phytovirosphère excluant les plantes sauvages ou non cultivées (adventices, friches etc.) a entraîné non seulement un biais dans la connaissance de la diversité virale globale des écosystèmes végétaux mais également une sous-estimation du rôle potentiel du milieu sauvage en tant que réservoir de biodiversité ainsi que son implication dans la compréhension de l’émergence des phytovirus pathogènes. Très peu de plantes sauvages infectées présentent les symptômes caractéristiques de maladies virales connues et seul un diagnostic du virus luimême peut rendre compte d’une infection (Roossinck et al., 2010, 2015). Par exemple, une étude concernant cinq virus infectant 21 populations sauvages de Cucurbita pepo a révélé que 80% des plantes infectées ne présentaient pas de symptômes visibles (Prendeville et al., 2012). A l’aide de techniques de séquençage de nouvelle génération (ou NGS pour Next generation sequencing), plusieurs études visant à décrire la diversité des virus infectant les plantes sauvages ont démontré que (i) de nombreux virus restent à découvrir et à caractériser (« matière noire »), (ii) les taux d’infection des plantes sauvages sont généralement élevés, (iii) les infections virales en l’absence de symptômes sont communes et majoritaires et (iv) la diversité virale est plus abondante au sein du compartiment sauvage que du compartiment cultivé (Bernardo et al., 2018 ; Muthukumar et al., 2009 ; Roossinck et al., 2010). Ces études ont notamment montré que 70% des plantes sauvages analysées au Costa Rica (Roossinck et al., 2010), 26 % en Oklahoma (Muthukumar et al., 2009) et entre 26 et 36 % en France et en Afrique du Sud (Bernardo et al., 2018) étaient infectées par des virus.

Les processus évolutifs impliqués dans la diversification et l’adaptation des phytovirus 

La capacité des virus à s’adapter à de nouveaux hôtes et environnements (succès de la transmission et de l’infection, détournement de la machinerie cellulaire de l’hôte, contournement de résistance etc.) dépend fortement de leur capacité à générer de la variabilité génétique (Acosta-Leal et al., 2011 ; Sanjuán & Domingo-Calap, 2016). Il existe trois moteurs moléculaires générant de la diversité génétique à savoir la mutation, la recombinaison et le réassortiment ainsi que trois forces évolutives modulant cette variabilité génétique avec la dérive génétique, la sélection et la migration (Escriu, 2017 ; Moya et al., 2004).

Les moteurs moléculaires générant de la variabilité génétique

La mutation

La mutation résulte de la copie imparfaite du matériel génomique du parent vers la génération suivante ou suite à des phénomènes physiques ou chimiques (les rayonnements UV par exemple) modifiant les bases nucléotidiques (Acosta-Leal et al., 2011). Les mutations existent sous trois formes : l’insertion et la délétion correspondant respectivement à l’introduction ou la perte d’un ou plusieurs nucléotides, ainsi que la substitution rendant compte d’un remplacement d’un nucléotide par un autre. La mutation peut être bénéfique (apport d’un avantage sélectif), neutre (sans effet) ou délétère (apport d’un désavantage). Du fait de la grande compacité des génomes viraux et de la forte épistasie (i.e. effet d’une mutation dans un gène sur l’expression d’un autre gène au sein du même génome ; Escriu, 2017), il est considéré que la majorité des mutations sont délétères voire létales (Domingo-Calap et al., 2009 ; Sanjuán et al., 2004). Cependant, certaines mutations délétères chez un hôte peuvent être bénéfiques chez un autre (Siobain Duffy et al., 2006). Ce phénomène est appelé la pléiotropie antagoniste (Whitlock, 1996). Le taux de substitution d’un virus représente le nombre de mutations par position nucléotidique et par unité de temps et illustre la vitesse à laquelle un virus évolue. Le taux de substitution est étroitement lié au taux de mutation qui correspond à la probabilité qu’une modification de l’information génétique soit transmise à la génération suivante (Sanjuán & Domingo-Calap, 2016). Le taux de mutation varie grandement parmi les virus et est largement lié au taux d’erreur de la polymérase mais peut être également modulé selon les mécanismes de réplication, la nature, la taille et la structure du génome, le microenvironnement cellulaire ou encore l’accès à la réparation postréplicative par exemple (Sanjuan et al., 2010 ; Sanjuán & Domingo Calap, 2016).

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Table des matières

INTRODUCTION
1.Contexte général
2. Les phytovirus
2.1. Généralités sur les phytovirus
2.1.1. L’origine des phytovirus
2.1.2. Les particularités des phytovirus
2.2. Une diversité sous-estimée et biaisée
2.3. Les processus évolutifs impliqués dans la diversification et l’adaptation des phytovirus
2.3.1. Les moteurs moléculaires générant de la variabilité génétique
2.3.1.1. La mutation
2.3.1.2. La recombinaison
2.3.1.3. Le réassortiment
2.3.2. Les forces évolutives modulant la variabilité génétique
2.3.2.1. La dérive génétique et la sélection
2.3.2.2. La migration
3. L’écologie virale
3.1. Les interactions à l’échelle des organismes
3.1.1. Les interactions virus-vecteur
3.1.1.1. La transmission verticale
3.1.1.2. La transmission horizontale
3.1.2. Les interactions virus-plante
3.1.2.1. Le continuum symbiotique des phytovirus
3.1.2.2. Les stratégies d’adaptation aux hôtes
3.1.2.3. Les phénomènes de co-infection
3.1.3. Les interactions virus-vecteur-plante
3.1.3.1. L’influence des phytovirus sur les interactions vecteurhôte
3.1.3.2. L’influence des vecteurs sur la gamme d’hôte des phytovirus
3.2. La dynamique des phytovirus à l’échelle du paysage
3.2.1. Le rôle de la biodiversité des plantes
3.2.2. L’impact des activités humaines
3.2.3. Le cas particulier des plantes invasives et exotiques
3.2.4. L’agro-écosystème : une interface dynamique
4. La métagénomique virale
4.1. Les acides nucléiques cibles
4.1.1. Les ARNs ou ADNs totaux
4.1.2. Les acides nucléiques associés aux virions purifiés
4.1.3. Les ARNs double brin
4.1.4. Les petits ARNs issus du mécanisme de silencing
4.2. Les techniques de séquençage haut débit
4.2.1. Les NGS de seconde génération
4.2.1.1. La préparation des banques d’ADNs
4.2.1.2. Les différentes stratégies d’amplification
4.2.1.3. Les techniques de séquençage de seconde génération
4.2.1.4. Les limitations des techniques NGS de seconde génération
4.2.2. Le séquençage de troisième génération (TGS)
4.3. Identification et classification des séquences virales
4.4. De la métagénomique spatiale à la caractérisation moléculaire des phytovirus
5. Les géminivirus et le modèle épidémiologique des mastrévirus des Poaceae
5.1. Généralités sur les géminivirus
5.2. L’origine des géminivirus
5.3. Organisation génomique et fonctionnelle des mastrévirus
5.4. La réplication et la transcription des géminivirus
5.5. Diversité, gamme d’hôtes et transmission des mastrévirus
5.5.1. Les mastrévirus infectant les plantes monocotylédones
5.5.1.1. Les African streak virus (AfSV)
5.5.1.2. Les mastrévirus non africains infectant les monocotylédones
5.5.1.3. Les mastrévirus infectant les plantes dicotylédones
5.5.2. La transmission des mastrévirus
CONCLUSION

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