Présentation des phases MAX
Généralités sur les phases MAX
Historique
La famille des phases dites MAX a été découverte dès 1970 par Jeitschko et Nowotny [1] qui ont synthétisé et déterminé la structure cristallographique de plusieurs phases de type M2AC, nommées phases de Hägg. Ces matériaux nanolamellaires constituent une famille de carbures et nitrures ternaires. L’intérêt porté à ces phases est cependant resté assez limité pendant de nombreuses années. En effet, d’une part peu d’informations fiables étaient disponibles. Par exemple, Ti3SiC2 était annoncé comme n’étant pas stable à très haute température [2]. Le regain d’intérêt pour ces matériaux n’est survenu qu’en 1996 lorsque Barsoum et El-Raghy ont synthétisé et caractérisé Ti3SiC2 [3]. Des études ultérieures ont montré que ces composés ne se décomposent qu’à haute température et possèdent des propriétés exceptionnelles [4, 5]. De nombreuses recherches ont suivi ces premiers travaux, aboutissant à la synthèse de plusieurs composés de formule générale Mn+1AXn, où M est un élément métallique du groupe M, A un élément du groupe A, et X correspond à C ou N [6, 7]. La caractérisation et la compréhension des propriétés chimiques, physiques et mécaniques de ces matériaux répondent à des objectifs de connaissance fondamentale mais aussi d’applications industrielles. Plusieurs articles de revues ont été publiés sur les composés les plus étudiés comme Ti3SiC2 [8], Cr2AlC [9, 10], Ti2AlC et Ti3AlC2 [11], ou encore plus spécialement sur leurs propriétés élastiques et mécaniques [12].
Elaboration
Les phases MAX peuvent être synthétisées sous plusieurs formes : matériaux massifs polycristallins ou monocristallins, ou encore films minces. Les techniques généralement utilisées pour obtenir des poudres de phases MAX sont le chauffage isotherme, la mécanosynthèse et la combustion autopropagée à partir de poudres mono ou multiélémentaires. Les échantillons massifs polycristallins sont ensuite obtenus principalement à partir de la métallurgie des poudres par de nombreuses techniques telles que la technique de frittage à chaud conventionnelle (ou HP pour « Hot Pressing »), la technique de compression isostatique à chaud (HIP pour « Hot Isostactic Pressing » [3]), la technique de frittage flash (ou SPS pour « Spark Plasma Sintering » [18, 19]). Dans les techniques de pressage à chaud, le procédé HIP possède l’avantage de réduire la porosité et d’accroitre la densité de nombreux matériaux avec une meilleure répartition de la pression. Depuis les années 2000, l’utilisation du frittage flash a permis de synthétiser des phases MAX de très haute pureté, jusqu’à 99%, avec une température de 1300°C, bien inférieure à la température généralement appliquée en synthèse HIP (1600°C), et sous une pression comprise entre 30-50 MPa sans avoir besoin d’élément chauffant. Un des avantages de cette technique par rapport aux méthodes de pressage à chaud est sa vitesse relativement élevée de montée (et descente) en température de plus de 100°C/min. Toutes ces techniques de mise en forme permettent d’obtenir des matériaux très denses avec des tailles de grains de l’ordre du micromètre. Néanmoins, les propriétés des matériaux obtenus sont très dépendantes de la pureté, de la densité et de la taille de grains. Le ratio et la taille des particules de poudres élémentaires, la température de frittage et le temps de maintien affectent également leurs compositions et leurs propriétés mécaniques. La mise en œuvre des techniques de synthèse de monocristaux est quant à elle relativement contraignante. Le monocristal n’est obtenu qu’après un lent refroidissement (1°C/min) en phase liquide à l’équilibre (à environ 1500°C) [20]. De plus, cette technique semble être limitée en raison de la faible solubilité de certaines espèces chimiques, notamment C, dans le bain liquide.
Bien qu’il soit est relativement facile d’obtenir des composés massifs de phases MAX, Il est aussi possible de synthétiser les phases MAX en films minces. Ce mode d’élaboration permet, d’une part, d’augmenter les champs d’applications possibles (résistance à la corrosion, oxydation, usure, etc…) et, d’autre part, de réduire la température de synthèse de plusieurs centaines de degrés par rapport au même matériau massif. Les procédés de dépôt des films minces sont détaillés plus bas.
Structure cristallographique
Les phases MAX ont une structure hexagonale avec comme groupe d’espace P63/mmc. Elles sont généralement constituées de couches d’octaèdres M6X avec des éléments A intercalés. Le nombre « n » correspond alors au nombre de couches d’octaèdres M6X présentes entre les plans d’éléments A, soit une couche d’octaèdres pour n = 1 (M2AX), deux couches pour M3AX2 et trois pour M4AX3.
Les octaèdres forment une structure compacte dans laquelle les atomes du métal de transition (M) définissent des sites octaédriques occupés par un atome de carbone ou d’azote (X). L’élément A occupe un site trigonal prismatique, défini par les atomes de M. Ces empilements caractéristiques sont également visibles sur une image MET en contraste électronique de Cr2AlC . Dans cette structure, les liaisons M-X sont fortes (métalliques-covalentes) alors que les liaisons M-A sont relativement faibles (ioniques).
Propriétés des phases MAX
L’intérêt croissant porté aux phases MAX provient de leurs propriétés exceptionnelles, formées par la combinaison des propriétés les plus recherchées pour des matériaux céramiques et métalliques. D’un point de vue global, ces propriétés présentent de nombreuses similarités avec les composés binaires MX correspondants.
Propriétés physiques
De manière générale, les phases MAX sont conductrices électriquement, avec une résistivité électrique comprise entre 0,2 et 2,6 μΩ.m à température ambiante, et de bon conducteurs thermiques (entre 20 et 50 Wm-1K-1 ) [23]. Leur conductivité thermique est généralement supérieure aux composés binaires correspondants. Par ailleurs, les coefficients d’expansion thermique des phases MAX se situent dans la gamme 5-15 μK-1 [24], soit des valeurs proches des coefficients pour les métaux (par exemple, 6 µK-1 pour le zirconium). Cette similarité permet d’envisager des systèmes céramo-métalliques avec des coefficients d’expansion thermique harmonisés.
Les propriétés mécaniques des phases MAX dépendent souvent de la taille de grains. Néanmoins, la plupart des phases MAX sont rigides, avec des valeurs de module d’Young et de cisaillement se situant respectivement dans les gammes de 178 à 365 et de 80 à 153 GPa à température ambiante [25]. Les phases MAX sont des solides polycristallins très anisotropes, dont la déformation se fait principalement par glissement dans le plan de base (mécanisme dit de ripplocation [26]). Malgré leur similarité avec les phases MX, les phases MAX sont tolérantes à l’endommagement, présentent une très bonne usinabilité pour des matériaux céramiques et ne sont pas sensibles aux chocs thermiques [12]. Cette résistance à l’endommagement induit par le choc thermique a été démontrée pour Cr2AlC en conditions statiques et cycliques [27, 28].
Réactivité
Environnements corrosifs
Les phases MAX présentent une grande stabilité chimique, leur réactivité chimique visà-vis du milieu dépendant essentiellement de l’élément A susceptible de réagir pour former des composés intermétalliques ou se dissoudre. Cette possibilité est d’ailleurs utilisée pour attaquer sélectivement les plans métalliques A des phases MAX afin de former une nouvelle famille de matériaux en deux dimensions (les MXènes) de formule Mn+1XnTn avec Tn une combinaison de groupements –O, –OH, –F [29].
En présence de sels fondus, la stabilité des phases MAX dépend également de la solubilité des oxydes formés à la surface du composé solide dans cet électrolyte. L’oxygène permet la formation d’oxyde à la surface des phases MAX, oxyde qui peut ensuite réagir avec le sel, accélérant ainsi la vitesse de corrosion [30]. Par exemple, la résistance à la corrosion de Ti3SiC2 et Ti2AlC immergés dans un alliage eutectique plomb-bismuth contenant de l’oxygène a été évalué à 550, 650 et 700°C, pour des durées pouvant atteindre 10 000 h [31]. Ces travaux ont montré que Ti3SiC2 présente une bonne résistance à la corrosion jusqu’à 700°C par formation d’une couche externe d’oxyde de titane et d’une couche interne mixte de SiO2 / TiO2. La résistance à la corrosion de Ti2AlC, elle, est assurée par la formation d’une couche mixte de TiO2 et Al2O3. Cependant, à partir de 650°C, il se produit une importante dissolution de la couche d’oxyde pour des temps longs du fait de la forte solubilité de l’aluminium dans Pb-Bi .
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Les phases MAX : structures, propriétés et fabrication
A/ Présentation des phases MAX
1. Généralités sur les phases MAX
2. Applications potentielles des phases MAX
B/ Les films minces de phase MAX
1. Dépôt chimique en phase vapeur
2. Dépôt par projection thermique
3. Dépôt physique en phase vapeur
C/ Synthèse de films minces par pulvérisation cathodique magnétron
1. Généralités et définition des plasmas froids
2. Gaine, potentiels plasma et flottant
3. La pulvérisation cathodique
4. Dépôt de couches minces par pulvérisation cathodique magnétron
5. Nucléation et croissance des couches minces
D/ Conclusions
Chapitre II. Instrumentation et démarches expérimentales
A/ Systèmes de dépôt PVD
1. Machine TUBE
2. Machine HYBRIDE
3. Machine TRIPROS
B/ Protocole expérimental : synthèse de Cr2AlC
1. Préparation des substrats et cibles
2. Dépôt de films minces de Cr-Al-C
3. Recuit thermique
C/ Techniques expérimentales de caractérisation
1. Les outils de diagnostic du plasma
2. Les techniques de caractérisation des matériaux
3. Essais d’oxydation
D/ Conclusion
Chapitre III. Elaboration de films Cr-Al-C par HiPIMS à partir d’une cible céramique
A/ Synthèse de films minces Cr-Al-C dans le réacteur TUBE
1. Les conditions expérimentales
2. Etude du plasma de pulvérisation HiPIMS
3. Les caractéristiques des films minces Cr-Al-C déposés
4. Bilan de l’étude du plasma et des films Cr-Al-C déposés
B/ Synthèse de films minces de Cr2AlC dans le réacteur HYBRIDE
1. Etude préliminaire et adaptation du procédé
2. Elaboration et caractérisation de revêtement Cr2AlC
3. Bilan de l’élaboration de revêtements Cr2AlC
C/ Conclusions
Chapitre IV. Comportement des revêtements en oxydation haute température
A/ Etude du comportement sous air à 1100°C et résistance à la trempe
1. Prise de masse et observations macroscopiques
2. Caractérisation des revêtements Cr-Al-C et Cr2AlC après 15 min
3. Oxydation isotherme prolongée des revêtements Cr-Al-C et Cr2AlC
4. Influence de l’épaisseur sur la tenue haute température du revêtement CrAl-C
5. Bilan du comportement des revêtements à 1100°C sous air
B/ Etude de la résistance à l’oxydation des revêtements Cr-Al-C et Cr2AlC en ATG
1. Cinétique d’oxydation des revêtements sur support inerte
2. Oxydation sous air enrichi en vapeur d’eau des substrats zirconium revêtus Cr-Al-C et Cr2AlC
3. Résultats pour Cr-Al-C amorphe sur substrat Zr702
4. Synthèse
C/ Propriétés d’autocicatrisation
1. Défauts d’aspect
2. Présence de fissures traversant le revêtement jusqu’au substrat
D/ Discussion
1. Mécanismes d’oxydation et de dégradation des revêtements
2. Performance des revêtements contre l’oxydation haute température
E/ Conclusions
Chapitre V. Optimisation des performances du revêtement
A/ Intérêt d’une architecture multicouche
B/ Mise au point des architectures bicouches
1. Revêtements Cr-Al-C avec intercalaire Mo
2. Revêtement Cr avec intercalaire Cr-Al-C
3. Bilan sur le développement de revêtements architecturés
C/ Evaluation des performances des systèmes architecturés
1. Comportement sous oxydation isotherme prolongée et résistance à la trempe
2. Tenue des systèmes multicouches en oxydation dynamique sous air enrichi en vapeur d’eau
D/ Discussion
1. Efficacité de la barrière de diffusion en molybdène
2. Influence du revêtement de chrome sur les revêtements Cr-Al-C
E/ Conclusion
Conclusion