Généralités sur les péritonites en dialyse péritonéale
La dialyse péritonéale est une des trois techniques de suppléance de l’insuffisance rénale chronique avec l’hémodialyse et la transplantation rénale. Elle utilise la microvascularisation du péritoine comme une membrane de dialyse après infusion de dialysat via un cathéter placé chirurgicalement jusqu’au cul-de-sac de Douglas. Une infection du liquide de dialyse péritonéale peut survenir, aussi appelée péritonite. En réponse au pathogène, les cellules mésothéliales et macrophages péritonéaux sécrètent des cytokines et chimiokines qui entrainent une affluence de polynucléaires neutrophiles. Cliniquement, le dialysat est trouble et le patient peut présenter un tableau variable d’asymptomatique à un abdomen chirurgical. L’examen cytobactériologique du dialysat confirme la présence de globules blancs (seuil de > 0,1 G/L ou 100/µL) à prédominance (>50%) de polynucléaires neutrophiles puis la culture peut identifier le ou les germes en cause[1] . Le diagnostic de péritonite est posé en présence d’au moins deux critères parmi les trois suivants : la présentation clinique sus-décrite, la présence de polynucléaires neutrophiles dans le dialysat et l’identification d’un pathogène [1] . Si la culture isole au moins deux microorganismes, on parle alors de péritonite polymicrobienne. Sur le plan physiopathologique, l’inflammation va entrainer une vasodilatation capillaire, conduisant à un péritoine hyperperméable avec risque de surcharge hydrosodée. Par la suite, les phénomènes de cicatrisation vont entraîner une fibrose, qui va réduire les capacités de filtration du péritoine et accélérer sa dégénérescence[2].
Microbiologie actuelle
Les staphylocoques à coagulase négative sont les germes les plus fréquemment identifiés lors des péritonites, représentant de 27,2 à 34,5 % des infections [3-5] . Le germe le plus souvent identifié est Staphylococcus epidermidis. Cependant, leur incidence tend à diminuer principalement via l’amélioration des connectiques qui diminue les contaminations manuportées [6,7] et l’éducation des patients par des programmes d’entraînement encadrés par les infirmières [8-10] . Les péritonites à germes entériques représentent donc une proportion croissante des infections du liquide de dialyse péritonéal car au contraire, leur incidence reste stable [11] . Les causes digestives sont multiples : il a été décrit des translocations digestives lors des épisodes de constipation sévère [12] , après des coloscopies [13] ou lors des pathologies abdominales aiguës telles que les diverticulites, ischémies mésentériques, appendicites etc [14] . Les perforations digestives s’accompagnent volontiers de tableaux bruyants dénommés catastrophes abdominales .
Physiopathologie
Origine digestive
Les péritonites polymicrobiennes sont instinctivement rattachées aux catastrophes abdominales et pathologies digestives. En effet, des modèles murins étudiant le sepsis ont été créés en connectant chirurgicalement le cæcum et la cavité péritonéale, entrainant ainsi des péritonites polymicrobiennes [30] . Toutefois, seules 5% à 7% des péritonites polymicrobiennes sont liées à une pathologie abdominale aiguë identifiée [20,25] et moins de 20% des lésions chirurgicalement confirmées se présentent avec une péritonite polymicrobienne [29] . En revanche, lorsque seules les perforations digestives sont étudiées par Wakeen en 1994 [31] , 12 sur 15 (80%) sont compliquées de péritonite polymicrobienne avec une moyenne de 3,7 germes et dans 58% des cas la présence de germe anaérobie. Il a par ailleurs été montré que l’identification d’un germe anaérobie ou fungique est particulièrement évocatrice d’une pathologie viscérale [25,32] .
Origine environnementale
Des infections liées à des facteurs environnementaux ont également été décrites. On peut notamment citer l’étude cas-contrôle de Cheng en 2001 qui s’intéresse à 10 épisodes de péritonites dont 4 polymicrobiennes survenues sur 6 mois dans un même centre à Honk Hong [33] . Le germe majoritairement impliqué était Acinetobacter baumanii (6 péritonites sur 10) mais des entérocoques, Stenotrophomonas maltophilia, Pseudomonas aeruginosa et Candida albicans et C. tropicalis ont également été rapportés. Il a finalement été identifié une contamination de l’air via un échafaudage en bambou utilisé pendant la rénovation du centre. Il existe également des contaminations telluriques ou aquatiques [34] .
Origine manuportée
De 21 à 45% des péritonites polymicrobiennes sont exclusivement à bactéries gram positif [3, 4, 20, 25, 26] suggérant l’importance des contaminations manuportées bien que des streptocoques du groupe B et entérocoques soient inclus dans ces données. Les tunnelites et infections de l’orifice de cathéter peuvent aussi être à l’origine de péritonites polymicrobiennes, notamment à suspecter en présence de Staphylococcus aureus ou Pseudomonas aeruginosa [4] . Szeto a identifié 18% d’infection de l’orifice du cathéter dans sa série de 140 péritonites polymicrobiennes [20] . Ces résultats sont similaires aux séries américaines de Kim et Holley [24,25] , identifiant respectivement 17% et 16% d’infection du cathéter lors des péritonites polymicrobiennes.
Microbiologie
Les trois principales études détaillant la proportion des différentes classes de germes dans les péritonites polymicrobiennes sont sur les données australiennes [3] , canadiennes [4] et du registre de l’ANZDATA [26] . Les proportions ont été comparées en prenant le nombre de fois que le germe a été identifié sur le nombre total de germes identifié lors des péritonites polymicrobiennes. La classe majoritaire dans les péritonites polymicrobiennes sont les entérobactéries avec Escherichia coli en tête, présent dans 22% des péritonites polymicrobiennes du registre de l’ANZDATA. Les staphylocoques sont à l’inverse moins représentés que lors des péritonites monomicrobiennes mais ne sont pas rares pour autant avec 21% des péritonites polymicrobiennes du registre de l’ANZDATA contenant un Staphylococcus epidermidis [26] . Certaines catégories du graphique ci-dessous ne sont pas exactes (autre bacille gram négatif, bacille gram positif, entérobactéries) car chaque étude n’a pas étudié les mêmes sous-groupes. Par exemple, certains germes moins fréquents ont été classés par gram avec cocci et bacilli mélangés, ne permettant pas de les adapter à notre classification. Autre exemple quand la description était bactérie par bactérie, si la proportion des entérobactéries les plus fréquentes, E. coli et K. pneumoniae, était détaillée, certaines entérobactéries plus rares ont été rangées dans « autres gram négatifs ». Les valeurs présentées ont été prises avec les données fournies sans extrapolation, sachant que le problème concerne les germes peu fréquents.
Pronostic
Retrait de cathéter
La probabilité de retrait de cathéter lors d’une péritonite augmente significativement avec le nombre de germes identifiés. Lors de l’étude de Yang sur 579 péritonites [32], l’incidence du retrait de cathéter était de 7% lors des péritonites à culture négative, de 12% dans celles à un seul germe et de 30% dans les polymicrobiennes. Cette différence est identifiée dans plusieurs études avec généralement une proportion de retrait de cathéter multipliée par deux lors les péritonites polymicrobiennes par rapport aux monomicrobiennes (Holley[24] : 40% vs 19% ; Kim [25] : 65% vs 30% ; Barraclough[26] : 43% contre 19%). Techniquement, le retrait du cathéter s’accompagne au moins d’un transfert temporaire en hémodialyse. Dans l’étude de Kim en 2000 [25] , 36% seulement des patients avec une péritonite polymicrobienne ont repris la dialyse péritonéale à distance du retrait du cathéter.
Transfert
La principale étude récente détaillant le pronostic de l’ensemble des péritonites polymicrobiennes est celle de Barraclough en 2009 [26] . La proportion de transfert définitif en hémodialyse est significativement plus importante pour les péritonites polymicrobiennes que les monomicrobiennes avec respectivement 38% et 15% (p < 0,001). Dans les analyses de sous-groupes, les péritonites polymicrobiennes exclusivement à gram positif avaient un nombre de transfert proche des monomicrobiennes (17%), tandis que les polymicrobiennes avec germe fungique avaient une forte proportion de transfert (82%)[26].
Décès
La mortalité est significativement augmentée dans l’étude de Barraclough[26] avec une incidence de 4% chez les polymicrobiennes contre 2% chez les monomicrobiennes (p = 0,03). Cependant, les décès étudiés étaient seulement ceux attribués à la péritonite après avis du néphrologue traitant, soit une valeur subjective. Au-delà de la mortalité liée directement à la péritonite, il a été montré par Boudville en 2012 [35] que la mortalité globale était augmentée principalement dans les 30 jours suivant un épisode de péritonite avec un odds ratio à 6,2, mais qu’un surrisque existait jusqu’à 120 jours.
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Table des matières
Introduction
I. Généralités sur les péritonites en dialyse péritonéale
II. Microbiologie actuelle
III. Les péritonites polymicrobiennes
Epidémiologie
Physiopathologie
1. Origine digestive
2. Origine environnementale
3. Origine manuportée
Microbiologie
Pronostic
1. Retrait de cathéter
2. Transfert
3. Décès
Synthèse de l’étude
I. Objectif principal
II. Matériel et méthodes
III. Principaux résultats
IV. Microbiology, predictors and outcomes of polymicrobial
peritonitis associated with peritoneal dialysis: a cohort study
from the RDPLF
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Conclusion
References
Tables and figures
V. Copie de la soumission
Discussion
Bibliographie
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