Le squelette du corps humain se compose d’un certain nombre d’os. Chaque os possède une structure périphérique compacte appelée os cortical et un réseau interne poreux formé de plaques et de paliers appelé os trabéculaire. Ils présentent des propriétés mécaniques différentes selon l’architecture considérée [1] .En effet le tissu osseux possède trois propriétés essentielles :
❖ un rôle de charpente du corps humain associé à une fonction mécanique ;
❖ un rôle dans le métabolisme phosphocalcique ;
❖ un rôle dans l’hébergement de la moelle osseuse, hématopoïétique.
Dans son évolution, ce squelette passe par une phase d’acquisition de sa masse osseuse maximale à l’âge adulte jeune (25-30ans) avant de perdre au fil des années cette masse osseuse [2].Ce vieillissement physiologique du tissu osseux qui progresse et s’accélère lors de la ménopause est appelé ostéoporose ou «épidémiologie silencieuse ». Cette maladie est une atteinte diffuse du squelette, caractérisée par une densité minérale osseuse(DMO) basse mais aussi à des altérations micro-architecturales du tissu osseux, conduisant à une augmentation de la fragilité osseuse et un risque accru de fractures [3,4].Le terme ostéoporose a été employé pour la première fois au 19ieme siècle en France et en Allemagne pour la description de l’os humain de la personne âgée[5].Du fait du manque de suivi et du vieillissement de la population, l’ostéoporose est une source de préoccupation majeure de santé publique car elle touche plus de 75 millions de personnes dans le monde [6].Ainsi, des études réalisées au Maroc ont révélé que sur 100 patients d’âge moyen 61ans, 45% ont présenté une ostéoporose au niveau du rachis lombaire et 25% au niveau du fémur [7,8].Cette maladie osseuse a été méconnue et les fractures fréquentes observées chez les personnes âgées étaient considérées comme consubstantielles du vieillissement, mais aujourd’hui l’ostéoporose n’est plus une fatalité liée à l’âge. L’ostéoporose a longtemps été dépistée au stade tardif de complications dues à la fracture qui est liée dans la majeure partie des cas à une baisse de la matière minérale de l’os.
Aujourd’hui, les techniques radiologiques classiques (ultra-sons, IRM…) s’avèrent incomplètes pour déceler l’ostéoporose, mais la technique de référence et la plus utilisée est l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA) car elle s’est révélée comme technique d’évaluation précise de la densité minérale osseuse [9]. Elle est empruntée à la physicochimie basée sur l’absorption des rayonnements X par la matière constituée ici par l’os. L’ostéodensitométrie est une méthode radiologique précise et reproductible pour mesurer la masse osseuse permettant de détecter sa baisse avant la survenue de la fracture de l’os [10].L’ostéodensitométrie permet de ce fait d’identifier les patients à risque ayant un capital osseux bas et/ou le perdant rapidement lors de la ménopause.
GENERALITES SUR LES OS ET LES RAYONS X
RAPPELS SUR L’ANATOMIE, L’HISTOLOGIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA PATHOLOGIE DE L’OS
Anatomie de l’os
Le squelette humain est composé de 213 pièces osseuses qui sont soudées ou articulées entre elles et forment la charpente de notre corps [11]. Ce squelette est constitué de trois types d’os qui peuvent être classés selon leur forme :
❖ les os longs : ils représentent l’essentiel du squelette appendiculaire (fémur, tibia…) ;
❖ les os courts : ils ont une forme souvent cubique et portent de nombreuses surfaces articulaires (carpe, tarse, vertèbres…) ;
❖ les os plats : ils sont représentés par les côtes, les omoplates, la boîte crânienne..
Histologie de l’os
Le tissu osseux est un tissu conjonctif hautement spécialisé, constitué sur le plan architectural de deux types d’os : l’os cortical (compact) et l’os trabéculaire (spongieux) (figure 2).Il est aussi composé d’une matrice organique et d’une matrice minérale, ainsi que des cellules osseuses [14,15].
Os cortical
Il représente 80% du squelette et constitue la paroi externe de toute pièce osseuse. La résistance de l’os cortical dépend de plusieurs paramètres dont les facteurs intrinsèques (direction et vitesse d’application des contraintes exercées) ou les facteurs extrinsèques (géométrie de la pièce osseuse et des propriétés de la matrice minéralisée [16].
Os trabéculaire
Il ne représente que 20% du squelette de l’adulte. Il est constitué de travées en formes de plaques ou de colonnes reliées entre elles et entourées par un tissu adipeux et hématopoïétique richement vascularisé. Il représente une surface d’échange considérable avec les liquides interstitiels. Son renouvellement est de 5 à 10 fois, plus rapide que celui de l’os cortical. Il ressort de la comparaison faite entre les deux os que si un déséquilibre apparait, celui-ci est beaucoup plus précoce et plus intense sur l’os trabéculaire, en particulier au niveau des vertèbres et de l’extrémité supérieur du fémur [14]. Il est estimé que 5 à 10% du squelette d’un adulte est renouvelé par an. Ce renouvellement joue un rôle majeur dans l’équilibre phosphocalcique retrouvé dans les matrices [16].
Matrice organique de l’os
C’est la partie extracellulaire de l’os. Elle est composée de fibres collagènes qui représentent 95% de son poids total et de substances fondamentales peu abondantes qui contiennent des protéines et des électrolytes [17].
Matrice minérale de l’os
Elle représente la partie intracellulaire de l’os. La matrice minérale osseuse contient à l’échelle du squelette humain adulte, des cristaux d’hydroxyapatite (Ca10 (PO4)6OH2) déposés sur les fibres collagènes. Elle confère à l’os sa dureté et sa résistance en rapport avec l’expression de la densité minérale osseuse (DMO) forte ou faible mais aussi une combinaison adéquate entre éléments organiques et éléments minéraux [13, 14,18]. Cette matrice osseuse sert de réservoir en calcium pour l’organisme qui stimule la résorption osseuse en cas d’hypocalcémie [19].Elle est aussi constituée de faibles quantités de potassium (1g), de magnésium (2,5g) et divers éléments minéraux en traces (cuivre, zinc etc.) [13, 14,18].Ces éléments minéraux constituent la densité minérale de l’os qui est déterminée par l’ostéodensitométrie.
Cellules osseuses
Elles assurent le remodelage osseux (figure 3). Elles sont constituées des cellules bordantes, des pré-ostéoclastes, des ostéoclastes et des ostéoblastes.
Physiologie de l’os
Les os représentent environ 18% du poids du corps humain .Sa résistance et sa dureté aux contraintes extérieures dépendent de la densité minérale osseuse [20].
Notion de la densité minérale osseuse
La densité minérale osseuse correspond à la quantité de minéraux dans un volume de matière osseuse .Si elle est normale, elle confère à l’os sa dureté et sa capacité à résister aux forces de contraintes extérieures. Par contre, si elle est anormale, elle entraine une fragilité des os. Cette fragilité est souvent la cause des fractures répétées observées chez les personnes âgées [21].De nos jours, la DMO est fréquemment mesurée par la technique d’absorptiométrie biphotonique à rayons X (ostéodensitométrie) et s’exprime en g /cm2 (gramme par unité de surface).
Remodelage osseux
L’os se renouvelle grâce aux cellules osseuses contenues au niveau des « sites d’unités multicellulaires osseuses » (Bone Multicellular Units ou BMU) qui sont délimités d’un côté par le fond de la lacune de résorption et de l’autre côté par la travée osseuse [11,22]. Ce renouvellement se fait en alternance et se déroule en cinq phases (figure 3) :
➤ la phase de quiescence
Dans cette phase, les cellules bordantes dérivent des ostéoblastes. Elles tapissent la totalité des surfaces osseuses et protègent l’os de l’action des ostéoclastes.
➤ la phase d’activation
Ici, les cellules bordantes se rétractent en favorisant l’activation des ostéoclastes.
➤ la phase de résorption
Durant cette phase, les ostéoclastes activés, sécrètent des enzymes qui résorbent l’os et creusent des cavités d’environ 10 μm de profondeur .Cet phase dure en moyenne 30 jours.
➤ la phase d’inversion
Concernant cette phase, les ostéoclastes quittent les lacunes de résorption en laissant la place aux ostéoblastes.
➤ la phase de formation
Dans cette étape, les ostéoblastes synthétisent la substance ostéoïde qui est minéralisée par les cristaux d’hydroxyapatite. Les ostéoblastes se transforment en ostéocytes et la surface osseuse externe est à nouveau recouverte de cellules bordantes [11,22, 23].
Evolution de la densité minérale osseuse au cours de la vie
La densité minérale osseuse augmente rapidement pendant la croissance jusqu’à un pic qui varie selon l’âge et le sexe, ensuite elle décroit (figure 4). Elle se maintient vers 20 ans chez l’homme puis une diminution lente et linéaire, débute après 40 ans dans les deux sexes. Dans les deux sexes après 70 ans, on peut noter une perte de la densité minérale osseuse excessive en partie liée à un hyperparathyroïdie secondaire à la carence en calcium et vitamine D. Chez la femme âgée, la DMO décroit plus rapidement et commence quelques années avant la ménopause pour s’accélérer nettement lorsque débute la carence ostrogénique. Le pic de la densité minérale osseuse est en partie déterminé par la génétique pour 70 à 80 % des cas.
En somme, les femmes ont un pic de densité minérale osseuse plus faible que celui des hommes à la ménopause [24].
La perte de la densité minérale va conduire à un amincissement et à une perforation des travées osseuses et donc à la détérioration de la micro-architecture osseuse. Il en résulte une fragilisation du squelette qui ne va plus pouvoir assurer correctement sa fonction de soutien [25]. Par ailleurs, les hormones sexuelles comprennent les oestrogènes, les androgènes et la progestérone. Les hormones les plus abondantes sont les œstrogènes en particulier le 17 beta-œstradiol [26]. La carence oestrogénique va réduire le degré de minéralisation en écourtant la durée de minéralisation secondaire. Bien que cette forme par définition survienne essentiellement chez la femme, l’homme peut également être atteint du fait d’une carence en testostérone qui a la même action sur la résorption osseuse [27].Les œstrogènes et la testostérone stimulent la sécrétion des éléments minéraux de l’os [28].Ainsi, une transformation architecturale de l’os et sa fragilisation conduisent à une pathologie osseuse appelée ostéoporose.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES OS ET LES RAYONS
CHAPITRE I : RAPPELS SUR L’ANATOMIE, L’HISTOLOGIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA PATHOLOGIE DE L’OS
I-Anatomie de l’os
II-Histologie de l’os
II-1.Os cortical
II-2.Os trabéculaire
II-3.Matrice organique de l’os
II-4.Matrice minérale de l’os
II-5.Cellules osseuses
III-Physiologie de l’os
III-1.Notion de la densité minérale osseuse
III-2.Remodelage osseuse
III-3.Evolution de la densité minérale osseuse au cours de la vie
IV-Pathologie de l’os
IV-1.Ostéoporose
IV-1.1.Classification des ostéoporoses
IV-1.1.1.Ostéoporose primaire
IV-1.1.1.1.Ostéoporose post-ménopausique
IV-1.1.1.2.Ostéoporose sénile
IV-1.1.1.3.Ostéoporose juvénile idiopathique
IV-1.1.2.Ostéoporoses secondaires
IV-1.1.2.1.Endocrinopathies
IV-1.1.2.2.Ostéoporoses iatrogènes
IV-1.1.2.3.Ostéoporose masculine
IV-1.1.2.4.Immobilisation prolongée
IV-1.1.2.5.Ostéoporoses génétiques
IV-1.1.2.6.Ostéoporoses toxiques
IV-1.2.Facteurs de risque de l’ostéoporose
IV-1.2.1.Facteurs de risques constitutionnels
IV-1.2.1.1.Hérédité familiale
IV-1.2.1.2.Sexe et âge
IV-1.2.1.3.Antécédents familiaux de facteurs pathologiques
IV-1.2.2.Facteurs de risques liés au mode de vie
IV-1.2.2.1.Grossesse et allaitement
IV-1.2.2.2.Activité physique insuffisante
IV-1.2.2.3.Faible poids corporel
IV-1.2.2.4.Tabagisme et alcoolisme
IV-1.2.2.5.Faible consommation journalière en calcium et en vitamine D
IV-1.2.2.6.Médicaments
IV-1.3.Principales fractures ostéoporotiques
CHAPITRE II : RAPPELS SUR LES RAYONS X ET LEURS APPLICATIONS DANS L’EVALUATION DE LA DMO
I-Production des rayons X
I-1.Aspects physiques des rayons X
I-2.Production des rayons X par le tube de Coolidge
I-2.1.Description du tube
I-2.2.Fonctionnement du tube
II-Interactions entre les rayons X et la matière
II-1.Effet photoélectrique
II-2.Effet Compton
III-Loi d’atténuation des rayons X
IV-Principe de l’absorptiométrie biphotonique à rayons X
V-Principe de l’image radiologique de l’os et de l’ostéodensitométrie
V-1.Principe de l’image radiologique de l’os
V-2.Principe de l’ostéodensitométrie
VI-Expression des résultats de l’ostéodensitométrie
VI-1.Notion de la DMO
VI-2.Notion de T-score
VI-3.Notion de Z-score
VI-4.Classification des valeurs du T-score et du DMO selon l’OMS
VII-Qualités des mesures par ostéodensitométrie
VII-1.Linéarité
VII-2.Reproductibilité
VII-3.Exactitude
VIII-Avantages et inconvénients de l’ostéodensitométrie
DEUXIEME PARTIE : PRATIQUE DE L’OSTEODENSITOMETRIE A L’HOPITAL GERIATRIE DE OUAKAM (DAKAR)
I-Contexte
II-Cadre de l’étude
II-1.Distribution des locaux
II-2.Personnel
III. Equipements et protocole de réalisation des examens
III-1.Equipements
III-1.1.Ostéodensitométre
III-1.2.Accessoires
III-1.3.Patients
III.2.Protocole de réalisation des examens
IV-Choix des dossiers médicaux
V-Observations
VI-Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES